Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 14 juin 2006 à 15h00
Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Certes, il y a eu quelques prises de parole du chef de l'État ou de membres du Gouvernement sur « l'Europe des projets » ou « l'Europe du G6 », qui ont, hélas ! un goût de faux-semblants.

Il y a eu aussi le sommet franco-allemand, qui a permis des échanges. Mais la France, qui faisait preuve d'une grande fécondité en matière de propositions, se montre aujourd'hui trop stérile.

Il n'existe aucun véritable débat public : le Gouvernement des Pays-Bas a, lui, entre autres choses, lancé une grande enquête sur l'avenir de l'Union européenne par Internet, enquête dont il communiquera les résultats lors du Conseil.

Les yeux rivés sur l'élection présidentielle de 2007, candidats déclarés ou potentiels et journalistes semblent oublier que la France reste une des clés pour sortir de la crise.

Je note, d'ailleurs, que tous ceux qui ont justifié leur rejet du traité par un hypothétique plan B sont aujourd'hui les plus silencieux.

Face à cette sorte d'omerta française, les quinze pays qui ont déjà ratifié le traité constitutionnel veulent que leur choix soit pris en compte.

Pionnière du oui, l'Espagne entend bien que soit respectée sa décision démocratique.

Des chefs de gouvernement tels que Guy Verhofstadt ou Romano Prodi ont récemment plaidé pour une intégration de type « noyau dur » dans le cas où la crise ne pourrait se résoudre à vingt-cinq.

L'Allemagne, quant à elle, a annoncé une proposition substantielle durant sa présidence au 1er semestre 2007, sans renoncer toutefois à faire accepter le texte en l'état.

Entre ces deux camps, il y a ceux qui ne se sont pas prononcés.

Après l'Estonie, la Finlande a exprimé son intention de ratifier le traité, mais les perspectives dans les autres pays sont beaucoup moins claires. Certains semblent attendre que le destin du traité comme les intentions de la France et des Pays-Bas soient clarifiés à l'échelon européen.

Disons-le, nous sommes dans une impasse. Et, puisque personne n'est aujourd'hui capable de présenter une solution pragmatique, tout porte à croire que le Conseil européen décidera simplement de prolonger la période de réflexion.

Il est sans doute plus sage d'admettre que le traité n'entrera pas en vigueur dans les deux ou trois prochaines années.

La seule réaction aujourd'hui pour faire face à l'impasse est l'immobilisme et l'absence de propositions, en particulier après le vote français. Quel triste signal envoyons-nous à nos concitoyens !

Qu'est devenu l'enthousiasme européen qui animait la France ? Comment convaincre les Français de la nécessité d'une évolution institutionnelle lorsque l'Union européenne renvoie sine die ses décisions sur le traité ou sur l'entrée de nouveaux membres, et lorsqu'elle reste inaudible sur la crise nucléaire iranienne, malgré l'envoi de son haut représentant à Téhéran ?

L'incapacité de montrer la voie, de souligner l'intérêt national et européen risque de maintenir nos concitoyens dans une indifférence hostile.

Le vote de l'année dernière sanctionnait une manière de faire l'Europe, mais pas l'Europe ! En témoigne le sondage Eurobaromètre de mai, qui montre de fortes attentes des citoyens en matière de politique étrangère et de sécurité commune.

Il me semble que ce serait une énorme erreur de ne pas agir. De plus, pourquoi attendre ? Le Conseil européen doit appeler fermement les pays qui ont « gelé » le processus de ratification à le reprendre et, dans le même temps, faire des propositions concrètes afin d'avancer dans le cadre des traités existants. Cette stratégie à double action apparaît la meilleure tant d'un point de vue pratique que d'un point de vue politique.

En l'absence de toute solution immédiate, un mouvement favorable aux ratifications chez ceux qui ne se sont pas encore déclarés donne au moins une chance de faire jouer le dispositif prévu par la déclaration 30 annexée au traité. En effet, on peut être plutôt optimiste quant à la possibilité d'atteindre le seuil de quatre États sur cinq ayant ratifié, auquel cas le Conseil devra se saisir de la question.

Quoi qu'il en soit, les options ne seront pas nombreuses.

Renoncer à une Constitution n'est pas envisageable, en tout cas pour les européens convaincus. Chacun sait que le fonctionnement de l'Union est paralysé par les traités en vigueur, qui sont totalement inadaptés à une Europe à vingt-cinq.

Présenter un nouveau projet n'est guère plus réaliste. Non que celui qui est proposé soit parfait, mais il est le résultat d'un compromis global. Il est donc peu probable qu'une proposition quelconque recueille soudain l'unanimité. Par ailleurs, rien ne justifie de demander aux quinze peuples qui l'ont déjà ratifié de renoncer.

Enfin, faire voter les Français et les Néerlandais une seconde fois sur le même texte est difficilement imaginable.

Dès lors, que faut-il faire ? Certains proposent de faire adopter une version plus courte du traité qui exclut la partie III. Cela paraît une solution. Cette partie, qui concerne d'avantage des choix politiques évoluant au gré des différentes majorités, est en effet celle qui a cristallisé la plupart des réticences en France et aux Pays-Bas.

L'adoption des parties I, II et IV donnerait à l'Union un cadre institutionnel stable, qui permettrait un fonctionnement à vingt-cinq et un nouvel élan. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition, qui pourrait d'ailleurs être évoquée utilement dès demain ou après-demain ? Sinon, quelles adaptations considère-t-il nécessaires pour rendre le traité acceptable par tous ?

J'évoquais tout à l'heure une stratégie à double action. Je crois en effet qu'au-delà du sort à réserver au projet de Constitution il est urgent de réconcilier les citoyens avec l'Europe en leur démontrant qu'elle est concernée par leurs problèmes quotidiens.

Nos concitoyens attendent une meilleure prise en compte de leurs préoccupations. Le Conseil européen doit donc élargir sa réflexion et proposer des actions concrètes.

La France débat du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, du ministre de l'intérieur. La Grande-Bretagne, le Danemark et l'Allemagne, quant à eux, durcissent à coups de quotas et de tests leurs exigences s'agissant de l'entrée d'étrangers sur leur territoire. En revanche, d'autres sont moins restrictifs. L'Union est-elle incapable de définir une approche commune ? À quoi cela sert-il que certains posent des verrous alors que d'autres laissent la porte entrouverte ?

Par ailleurs, où en est-on de la stratégie de Lisbonne pour l'emploi, qui a évoquée à plusieurs reprises ?

Sur le plan économique, l'Europe fait du surplace. Jean-Claude Juncker, européen pragmatique, propose une gouvernance économique européenne, malgré les égoïsmes nationaux. Voulez-vous rechercher un équilibre essentiel entre le pôle économique et le pôle monétaire ? Ce sera dans les deux ans à venir l'un des tests de la crédibilité de l'Europe et de sa viabilité.

Enfin, comment renforcer le rôle de l'Union dans le monde sans un ministre des affaires étrangères et un service diplomatique européens ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous faire le point sur l'état du dossier ?

Sur tous ces thèmes, des actions concrètes sont possibles dans le cadre des traités existants. J'aimerais croire que le Conseil européen ne se bornera pas uniquement à se donner bonne conscience en prolongeant la période de réflexion sur l'avenir de l'Europe.

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