L'article 23 du projet de loi porte sur une question qui n'est pas sans importance, puisqu'il s'agit de l'utilisation des fonds collectés au titre de la participation des entreprises à l'effort de construction, le mal nommé « 1 % logement ».
Quelques éléments doivent être rappelés à ce sujet : l'article dont nous débattons a en effet été introduit par voie d'amendement gouvernemental, postérieurement donc à l'examen même du projet de loi en commission. Aucune concertation n'a donc été menée, à l'origine, pour la mise en oeuvre des dispositions contenues dans cet article.
C'est déjà un motif qui pourrait, presque à lui seul, justifier l'adoption de cet amendement de suppression. Mais il en est d'autres, notamment quant au contenu des questions posées. Comme chacun sait, cet article procède à un véritable hold-up sur les ressources de la participation des entreprises à l'effort de construction.
Sa mise en oeuvre accompagnera l'accroissement des moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, et l'atteinte des objectifs du plan de cohésion sociale, puisque la mobilisation, de caractère prioritaire, et quelque peu obligatoire, des fonds du « 1 % logement » exercera l'effet de levier traditionnel.
En clair, au sein des fameux 30 milliards d'euros de travaux réalisés dans le cadre des opérations ANRU, et dans la mise en oeuvre du programme de cohésion sociale, la part apportée par les collecteurs du « 1 % logement » va s'accroître.
Plusieurs observations s'imposent.
L'objectif de réalisation de logements dans le cadre du programme de cohésion sociale n'a pas été atteint en 2005, puisque nous en sommes approximativement à 80 000 logements sociaux financés et à un niveau de réalisation de 54 000 logements environ.
Je n'insisterai pas trop longtemps sur les caractéristiques de ce parc locatif nouveau, nous en avons assez parlé, mais je soulignerai, une fois encore, qu'une bonne partie de la hausse des financements provient de l'accroissement des logements financés par les prêts locatifs sociaux, les PLS, c'est-à-dire ceux qui demandent la moindre participation de l'État et, de fait, la plus grande participation des locataires en dernière instance.
Pour autant, malgré la relance à porter en partie au crédit de l'application de l'article 55 de la loi SRU, le nombre de logements prévu dans le cadre du plan de cohésion sociale était de 90 000. Nous n'arrivons donc pas à l'objectif fixé et celui-ci n'est, comme de juste, atteint que sur le segment PLS. Si bien que, d'ailleurs, l'État peut tranquillement réduire son engagement budgétaire pour l'aide à la construction de logements, comme nous l'avons vu lors de la discussion du collectif budgétaire de fin d'année, avec la validation du décret d'annulation de crédits du 3 novembre dernier : 55 millions d'euros de crédits ont alors été annulés, soit environ 12 % de la ligne budgétaire prévue.
On claironne à qui veut l'entendre que la relance de la construction est spectaculaire, y compris quand elle est portée par le dispositif de Robien qui, nous le savons tous, fabrique des logements vides, ce qui apparaît de manière particulièrement crue en province.
Mais la réalité, c'est la régulation budgétaire, dans le secret des cabinets ministériels, et la remise en cause des engagements...
L'examen des crédits de la mission « Ville et logement », dans le cadre de la discussion budgétaire, n'a rien changé à cette analyse : gel des crédits de rénovation urbaine en termes d'autorisations d'engagement et rectification à la baisse en termes de crédits de paiement !
Vous pouvez y mettre les formes, monsieur le ministre, et vous les mettez. En réalité, pourtant, c'est avec l'argent des autres, en l'occurrence celui des salariés au travers du « 1 % logement », que vous financez les promesses gouvernementales.
En effet, 700 millions d'euros vont ainsi être finalement distraits des ressources de la participation des entreprises à l'effort de construction, c'est-à-dire bien plus que l'effort budgétaire même que l'État va assumer.
Nous ne voterons donc pas cet article qui, même s'il a l'apparence séduisante d'une mobilisation en faveur du logement social, ne peut dissimuler l'essentiel : l'État se désengage du financement de priorités qu'il affiche par ailleurs.