Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 14 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 67

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Dire que votre réponse me surprend vous étonnerait, monsieur le ministre.

Je voudrais simplement dire à M. le rapporteur que, là encore, les choses sont claires. Nous avons fait ces constatations sur l'explosion des flux migratoires ensemble, pour moi, en Guyane, et, pour mes collègues, à Mayotte. Nous ne nions pas le caractère spécifique de l'importance des migrations de ce type pas plus que nous ne nions les difficultés qui en résultent ; nous l'avons même écrit dans la contribution publiée avec le rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

C'est votre argumentation, mon cher collègue, qui ne peut que vous poser problème. Certes, notre collègue Jean-Claude Gaudin dit souvent qu'une argumentation peut le faire changer d'avis mais qu'elle ne peut pas faire changer son vote. Je le conçois. Je voudrais quand même, sans avoir d'illusion sur votre vote, vous mettre en garde : vous dites qu'on ne change pas un dispositif qui fonctionne. Mais précisément, s'il fonctionnait si bien que cela depuis 1993, en serions-nous encore là ? Ne pensez-vous pas qu'en treize ans le caractère bénéfique de la suppression du caractère suspensif du recours se serait traduit dans les faits ? Que cela permette d'augmenter le nombre des reconduites à la frontière et de publier des bilans chiffrés, nous n'en doutons pas un seul instant. Mais rien au-delà !

Compte tenu des caractéristiques géographiques de la Guyane, les coefficients de progression des reconduites à la frontière peuvent être tout à fait remarquables et permettre au ministre de l'intérieur de nous montrer l'efficacité dont il pense faire preuve.

Mais, monsieur le rapporteur, si l'on traverse le fleuve dans un sens, on peut le traverser de nouveau dans l'autre sens ! Voilà pourquoi la mesure a déjà montré ses limites puisqu'en treize ans, et je me fie à vos propos, on ne peut pas dire qu'elle ait réglé le problème de l'immigration.

Et ce piètre résultat est obtenu au prix d'une mesure administrative qui est juridiquement loin d'être idéale, puisqu'il s'agit de reconduire des personnes avant que leur recours ait été jugé. Sans doute cela a-t-il simplifié le problème des magistrats administratifs, mais il y a dans ce texte - nous aurons l'occasion d'en reparler à l'article 41 - une volonté de se diriger vers une justice d'abattage dans le domaine administratif qui nous prépare de véritables « Outreau administratifs ».

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que les droits de la défense restent ouverts. Encore une chance que vous n'ayez pas pu tout supprimer ! Les procédures du référé-liberté et du référé-suspension ouvrent en effet une possibilité d'agir. Les demandeurs d'asile ont un délai de cinq jours pour déposer leur demande, mais peuvent être reconduits excessivement vite faute de caractère suspensif de la procédure. Cette discordance dans les délais est encore une raison supplémentaire pour que nous votions ces amendements, sans espérer toutefois vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur.

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