Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voici, après un débat pour le moins haché, parvenus au terme de la discussion en seconde lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Oui, la discussion a été pour le moins hachée, puisqu'elle a commencé, dans des conditions discutables, au mois de novembre dernier, à peu de temps d'un débat budgétaire lui-même tronçonné par notre propre débat. Nous l'avons poursuivie au printemps en commençant nos échanges avant le 1er avril pour les terminer seulement aujourd'hui, 3 mai !
La faute en revient sans doute, en partie, à quelques évènements législatifs surprenants : la proposition de loi visant à substituer au CPE un autre dispositif pour l'emploi des jeunes en fut un des éléments.
À dire vrai, nous avons quelque peine, à l'issue de nos débats, à retrouver, au coeur des très nombreux articles du projet de loi, ce qui donne sens au beau titre du texte ! De onze articles à l'origine, nous sommes parvenus à plus de quatre-vingt-quinze articles, et plus de quatre-vingts articles sont à examiner lors de cette seconde lecture ! À l'évidence, le volume des articles confiés à la navette parlementaire sera identique ce soir !
À défaut d'engagement national pour le logement, qu'avons-nous vu ?
Nous avons vu un État, ou plutôt un gouvernement, se comportant de plus en plus comme un marchand de biens désireux de céder le plus rapidement possible ses terrains et ses immeubles, au motif d'y réaliser, certes, des logements, mais surtout de se procurer dans les délais les meilleurs quelques revenus complémentaires destinés au délicat exercice du bouclage budgétaire.
Nous avons vu des élus locaux, maires de communes ayant quelques difficultés à respecter les prescriptions légales en termes de construction de logements sociaux, faisant tout, en affirmant tout et son contraire, pour échapper encore et toujours à leurs obligations !
À ce propos, puisque vous faites, monsieur le ministre, largement écho à la relance de la construction de logements depuis 2002, quelques points doivent ici être précisés de nouveau.
L'article 55 de la loi SRU est peut-être, selon les cas, un carcan ou une vue de l'esprit témoignant d'une méconnaissance des réalités locales. La vérité commande pourtant de dire que, s'il n'existait pas, la construction de logements ne connaîtrait évidemment pas la relance dont chacun se vante ici !
C'est bel et bien parce que l'article 55 de la loi SRU a amené certaines communes, qui en étaient largement démunies, à construire des logements sociaux, qu'ont été définis des programmes pluriannuels de réalisation de logements et que ces programmes trouvent aujourd'hui réalisation et concrétisation.
Les logements SRU, même les PLS, dont nombre d'élus de la majorité, localement, préfèrent la construction à tout autre type de logement social, portent aujourd'hui, pour une part essentielle, la réalisation de logements.
Nul doute que, si la loi SRU n'avait pas contraint certaines villes à réaliser du logement social, ces logements n'auraient jamais vu le jour !
La construction des autres logements dans notre pays est, pour une part très importante, réalisée sous le régime de Robien.
Nous avons si nettement souligné les défauts de ce mode de financement au cours des débats - il aboutit à la réalisation de magnifiques logements vides ne correspondant ni aux besoins des demandeurs ni aux nécessités géographiques - qu'un amendement gouvernemental est venu inventer, si l'on peut dire, le « Borloo populaire », c'est-à-dire un « de Robien reformaté » mais qui continue à représenter une formidable incitation fiscale pour les investisseurs immobiliers avant même d'apporter une réponse aux besoins sociaux. Une bonne partie de la philosophie de ce texte est d'ailleurs résumée dans cet article.
Alors que la crise du logement perdure, frappant des millions de nos concitoyens, et qu'elle recouvre toutes les formes - résidence prolongée des enfants majeurs au foyer des parents, habitat précaire, explosion de l'insécurité locative, insuffisance de la construction sociale au regard des besoins, dégradation accélérée de l'habitat ancien et des copropriétés fragilisées -, les priorités du projet de loi demeurent de se plier aux égoïsmes locaux et de satisfaire avant tout et trop souvent les actions spéculatives et les investisseurs immobiliers.
Au moment où le Premier ministre lui-même parle de la priorité à accorder à la défense du pouvoir d'achat des ménages, ce texte prévoit, notamment, d'augmenter le nombre de ménages frappés par le surloyer et de favoriser la vente de logements d'HLM. Tout a d'ailleurs été opposé à la démarche des élus de l'opposition sénatoriale comme, parfois, de la majorité visant à rendre un peu moins compliqué le règlement de la quittance de loyer.
C'est ainsi que nous nous sommes vu refuser d'étendre, comme il conviendrait pourtant de le faire, le bénéfice de la TVA à taux réduit aux réseaux de chaleur.
De fait, rien dans ce texte, trop souvent fourre-tout, ne rappelle réellement l'intention affichée au début de son examen.
À défaut d'engagement national pour le logement, nous n'aurons en définitive qu'une somme de dispositions, certes cohérentes, mais ne tentant jamais d'apporter de solution réelle aux problèmes du mal-logement dans notre pays. Or rappelons-nous, monsieur le ministre, la situation dramatique que vivent des centaines de milliers de nos concitoyens sans logement ou mal logés.
La seule question qui vaille est la suivante : ce texte apporte-t-il une bonne réponse et un espoir ? Notre opinion est que nous sommes toujours éloignés de cet espoir et que ce texte ne représente pas l'avancée que nous aurions souhaitée ni celle que les demandeurs de logements auraient désirée.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas le projet de loi qui nous est soumis en seconde lecture.