Intervention de Christine Albanel

Réunion du 13 mai 2009 à 9h45
Diffusion et protection de la création sur internet — Adoption définitive d'un projet de loi en nouvelle lecture

Christine Albanel, ministre :

C’est parce que nous portons cette volonté de régulation et ce souci de justice que la mobilisation pour soutenir ce projet de loi n’a cessé de s’amplifier depuis votre premier vote : en France, 10 000 artistes ou techniciens de la musique, 1 300 labels de musique indépendants, les cinéastes et les comédiens les plus renommés ; au plan international, 4 000 labels de musique indépendants, les fédérations de producteurs de films et d’éditeurs vidéos, la Guilde des réalisateurs américains conduite par Steven Soderbergh notamment.

La méthode que nous avons retenue pour mener les accords interprofessionnels de l’Élysée ainsi que leur approche pédagogique intéressent de nombreux pays, où a lieu une réflexion visant à déterminer le meilleur moyen de faire obstacle au piratage : processus gradués d’avertissements et de sanctions, judiciaires et non judiciaires, le plus souvent dans le cadre d’accords contractuels et, parfois, par le truchement de la loi.

J’en veux pour preuve les accords conclus entre les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, et les industries culturelles en Grande-Bretagne, en Irlande et au Japon, la négociation de tels accords actuellement en cours aux Pays-Bas, en Australie et à Hong Kong et, enfin, les lois adoptées en Suède, en Corée du Sud, à Taïwan et bientôt en Norvège.

En termes de dissuasion, les premiers résultats observés sont significatifs.

Ainsi, la simple entrée en vigueur de la loi suédoise, voilà un mois, a occasionné du jour au lendemain, sans qu’aucune sanction ne soit prise, une chute de 37 % du trafic sur internet dans ce pays et une envolée du recours à l’offre légale.

Après six mois d’expérimentation en Grande-Bretagne, le taux de désincitation observé chez les pirates qui ont reçu deux avertissements est de l’ordre de 70 %, alors même qu’aucune sanction n’est encore prévue.

Il y a donc une vaste convergence internationale et nous avons eu raison d’être des pionniers en la matière.

Dans ce contexte, j’ai eu l’occasion de faire part de ma préoccupation au sujet du vote intervenu au Parlement européen sur le « paquet Télécom ». C’est l’amendement Bono qui a été présenté au vote du Parlement, au lieu de l’amendement de compromis prévu initialement. Je le regrette, car l’amendement Bono avait été refusé par tous les États membres représentés au sein du Conseil des ministres en charge de la culture et de l’audiovisuel, précisément parce qu’il n’entretenait aucun rapport avec le sujet. Le « paquet Télécom » n’est toujours pas adopté. Je considère que cette situation est dommageable, car l’un des objectifs de ce texte était de peser sur le débat du Parlement français.

Si je regrette l’adoption de cet amendement, je ne le crains en aucune façon, car, je le rappelle, le présent projet de loi ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale.

Il est évident, en outre, que le droit et la liberté doivent pouvoir se concilier. La liberté d’utilisation d’internet, si estimable soit-elle, doit respecter le droit des auteurs et des créateurs, ainsi que le droit de propriété. La France mène ce combat depuis plusieurs siècles, au moins depuis Beaumarchais !

Nous avons également le droit, comme l’a reconnu le Conseil des ministres en charge de la culture et de l’audiovisuel, le 20 novembre dernier, de mener des expérimentations afin de trouver les meilleurs moyens de lutter contre le piratage. Le Conseil a ainsi approuvé la méthode que nous avons retenue, celle des accords interprofessionnels, et le principe de notre démarche.

Tel est l’esprit du projet de loi que je présente à nouveau devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous ne prétendons ni résoudre l’ensemble des problèmes qui peuvent se poser, ni éradiquer complètement le piratage des œuvres culturelles sur internet. Nous voulons provoquer une véritable prise de conscience et créer les conditions du développement de l’offre légale. De nombreux amendements adoptés par la Haute Assemblée vont d’ailleurs dans le même sens.

Avec ce texte, nous voulons que soient gagnants les internautes, qui pourront bénéficier du développement de l’offre légale, les maisons de production, qui auront tout intérêt à jouer pleinement cette carte, les créateurs et les auteurs, actuellement très inquiets, qui fondent de grands espoirs sur cet univers numérique mieux régulé.

Ce texte est un premier pas. Une fois l’univers numérique plus sécurisé, nous pourrons travailler tous ensemble, et je souhaite associer le Parlement à cette réflexion, à une meilleure reconnaissance des droits des auteurs, ainsi que de la place des indépendants, dans les domaines de la musique et du cinéma.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de toutes les améliorations que vous avez apportées à ce texte et de l’esprit qui a présidé à nos débats.

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