Intervention de Sophie Joissains

Réunion du 13 mai 2009 à 9h45
Diffusion et protection de la création sur internet — Adoption définitive d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Le 9 avril dernier, nous avions adopté ce texte après que la commission mixte paritaire en eut pesé les termes et se fut mise d’accord sur un texte mesuré. Nous ne pouvons que regretter qu’un travail si bien accompli ait été remis en cause à l'Assemblée nationale à la suite d’un incident au moment du vote.

Des artistes ont déploré publiquement ce lamentable épisode, mais aussi l’attitude de la gauche. Ce ne sont pas simplement quelques voix qui se sont élevées : les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès qui ont conclu les accords de l’Élysée, ainsi que les 10 000 signataires d’une pétition, se sont indignés que le fruit de leur concertation soit remis en cause.

Je rappelle que les conséquences du « piratage de masse » sont désastreuses pour l’économie des industries culturelles et, par conséquent, pour la création et les artistes qui en vivent. Les industries culturelles ne sont pas constituées que de majors, et les artistes ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche !

Les chiffres publiés la semaine dernière par le syndicat national de l’édition phonographique sont révélateurs : les ventes de CD et DVD ont connu une chute de 18, 5 % au premier trimestre. Depuis le début de la crise du disque, voilà sept ans, ce marché a été divisé par trois. Cette baisse est loin d’être compensée par les ventes numériques légales – internet et téléphonie mobile –, qui ne représentent que 15 % du total des ventes de musique.

Si l’on veut que les offres légales progressent, il faut stopper le piratage. À cette fin, le projet de loi adopte une nouvelle approche, préventive, graduée et, surtout, pédagogique. C’est là l’un des axes majeurs du texte.

Un certain nombre de préjugés et d’idées reçues ont été énoncés à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

D’aucuns ont soutenu que la loi violerait la vie privée et que l’internaute serait mis sous surveillance. Or la HADOPI n’exercera aucune surveillance généralisée ou a priori.

La sanction encourue – la suspension de l’abonnement – serait trop lourde. Au contraire, les dispositions contenues dans ce projet de loi permettront d’éviter la voie pénale, qui représente pour le moment le seul recours des créateurs dont les œuvres sont piratées. La loi DADVSI autorise en effet ces derniers à invoquer devant le juge le délit de contrefaçon, qui peut entraîner des sanctions lourdes : jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Cette voie a été empruntée par certains de nos voisins.

Dorénavant, la qualification de délit de contrefaçon est réservée aux actes en série représentant un véritable commerce. Pour les autres téléchargements, à usage personnel et par conséquent moins graves, c'est-à-dire ceux qui constituent le piratage de masse, la sanction retenue est administrative : c’est la suspension de la connexion, qui, encore une fois, ne pose pas de problèmes dans d’autres pays européens, ni même outre-Atlantique.

Avec ce projet de loi, la lutte sera essentiellement préventive et pédagogique. Deux avertissements précéderont la sanction. Un sondage IPSOS réalisé en 2008 et une étude du même type au Royaume-Uni ont fait apparaître que 90 % des personnes interrogées cesseraient de pirater après deux avertissements.

La HADOPI présente toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance. Elle sera seule à pouvoir se procurer les renseignements sur l’abonné qui sont nécessaires à l’envoi des messages d’avertissement. Cette Haute Autorité marque d’ailleurs l’originalité de l’approche française, plus protectrice de la vie privée ; dans d’autres pays, les internautes sont directement aux prises avec les ayants droit ou les fournisseurs d’accès.

Certains ont qualifié cette loi de liberticide. La suspension temporaire de l’accès à internet ne porte, en elle-même, atteinte à aucune liberté fondamentale.

Loin d’être liberticide, ce texte restaure l’équilibre actuellement rompu entre deux séries de droits fondamentaux : le droit au respect de la vie privée des internautes, d’une part, et le droit de propriété, le droit moral des créateurs sur leur œuvre, d’autre part. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté ne consiste-t-elle pas à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ? La seule liberté à laquelle il est mis fin est celle de se servir dans le répertoire de nos artistes sans leur rendre des comptes.

D’autres ont également soutenu que, les techniques évoluant en permanence, des internautes pourraient passer entre les mailles du filet, en dissimulant leur adresse électronique. Cela sera sans doute possible. Est-ce néanmoins une raison pour ne pas légiférer ? Ne peut-on imaginer que les moyens d’identification progresseront également de leur côté ?

Aux partisans de la licence globale je rappellerai que celle-ci est aujourd'hui difficilement évaluable, tant sur le plan de son montant que sur celui de la répartition entre les ayants droit. De plus, il serait injuste de faire payer une contribution à l’ensemble des internautes quand seulement 30 % d’entre eux téléchargent.

Enfin, je souligne que le débat que nous avons eu au Sénat, dans un climat constructif, a amélioré et enrichi le texte. Il a notamment permis de consolider les attributions de la HADOPI et de veiller à son indépendance. La situation des internautes a en outre été sécurisée par une information renforcée.

Notre assemblée a également souhaité contribuer au développement de l’offre légale, notamment par la création d’un label. Nous continuerons dans ce sens ainsi que dans celui de la pédagogie.

Le texte issu de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale reprend la plupart des dispositions votées par le Sénat. Il est quasiment identique au texte issu de la commission mixte paritaire.

J’ajoute qu’il est chaque jour plus urgent de légiférer en la matière.

Au nom du groupe UMP, je souhaite exprimer notre gratitude au rapporteur

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