Intervention de Samia Ghali

Réunion du 13 mai 2009 à 9h45
Diffusion et protection de la création sur internet — Article 2

Photo de Samia GhaliSamia Ghali :

L’autre jour, je suivais avec mes fils – âgés respectivement de quinze ans et dix-huit ans, ils téléchargent beaucoup – le débat à l’Assemblée nationale. Ils m’ont avoué ne pas comprendre : pourquoi, se demandaient-ils, nous serait-il interdit de télécharger ? Bien sûr, ils conçoivent bien la volonté de défendre les auteurs et les artistes, mais ils refusent d’être regardés comme des voleurs et considèrent que, quand ils téléchargent, c’est aussi pour accéder à la culture.

Un parlementaire favorable à ce texte avançait comme argument, pour expliquer le danger de la situation, que, depuis cinq ans, les ventes de DVD étaient en baisse de 35 % et celles de disques, de 50 %. Mes fils ont immédiatement réagi : pourquoi ne pas défendre aussi les vinyles ? Après tout, les vinyles, qui renvoient évidemment à un autre état de la société, ont jadis disparu pour laisser la place aux CD, considérés à leur avènement comme plus modernes et, sans doute, plus ludiques !

Pour moi c’était une réaction de bon sens, qui montre que nous vivons une véritable révolution technologique qu’il nous faut accepter, même si elle est parfois douloureuse.

L’avenir de la culture passe par une prise en compte de la réalité et par un effort d’imagination.

La culture n’est pas une marchandise, en tout cas certainement pas une marchandise comme les autres.

De plus, toutes les formes de protection collective n’ont jamais affaibli les droits sacrés des auteurs.

Au nom de ce bien commun qu’est la culture, on a construit des espaces de gratuité : des bibliothèques, des musées, des radios libres, sans jamais penser que la gratuité dévalorisait l’œuvre ou l’artiste. En fin de compte, l’exception culturelle, c’est cela !

Je tiens d’ailleurs à souligner que, souvent, les plus fervents adeptes du téléchargement sont aussi ceux qui fréquentent le plus assidument les salles de cinéma. Si l’on télécharge un film, c’est parce qu’on l’a tellement apprécié au cinéma qu’on a envie de le revoir chez soi ! Je m’appuie, pour dire cela, sur ce que je constate autour de moi, mais je suis persuadée que, dans cet hémicycle, personne ne peut affirmer qu’aucun de ses enfants ou petits-enfants ne télécharge.

Aujourd’hui, on doit inventer des règles exceptionnelles, des financements nouveaux pour la création dans la civilisation numérique.

Or, quelle est la réponse du Gouvernement ? La chasse aux pirates, la chasse aux jeunes, la révérence faite aux lobbies, la surveillance sur internet.

Les Américains ont très vite compris quels étaient les enjeux : c’est pourquoi ils vont adopter le principe de la licence globale, et le présent projet de loi ne sera peut-être même pas appliqué parce que nous serons, nous aussi, obligés d’adopter cette licence globale, qui est, selon moi, une bonne solution.

Des principes clairs doivent être posés, et des solutions concrètes apportées.

Le premier principe est de permettre à la révolution numérique de transformer radicalement la diffusion et l’accès à la culture.

À côté des réseaux commerciaux indispensables, il doit y avoir place pour la possibilité d’échanges non marchands dans un espace où la copie devient un acte de partage entre les internautes. La technologie rend cela possible.

Le deuxième principe, que le Gouvernement et la majorité refusent d’entendre, c’est que l’accès gratuit n’est pas un vol puisque cette gratuité ne signifie pas l’absence de rémunération du travail de l’artiste.

Le troisième principe, c’est que les droits d’auteurs sont plus que jamais nécessaires à l’âge numérique. Personne n’imagine la création sans le droit d’auteur. C’est une question de bon sens : il faut adapter nos vieux droits d’auteur à la révolution numérique.

Les revenus d’une « contribution créative » ou d’une « licence globale » pour la musique ont été chiffrés : une redevance mensuelle de deux ou trois euros pour chaque abonnement à internet permettrait de percevoir plus de 500 millions d’euros par an. Dans la mesure où, en matière de téléchargement, on peut avoir une connaissance très proche de la réalité sans chercher à savoir qui télécharge quoi, il est aujourd’hui possible de procéder à une telle répartition.

Votre loi est donc inefficace, complexe, archaïque et liberticide.

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