Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 13 mai 2009 à 9h45
Diffusion et protection de la création sur internet — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je déplore que ce projet de loi, de nature technique, ait conduit à un clivage politique, la gauche étant supposée nécessairement s’y opposer et la droite, non moins nécessairement le soutenir. Selon moi, la démocratie aurait gagné à ce que la situation soit plus « pacifiée », d’autant que les torts sont partagés entre la droite et la gauche.

Si, comme vient de le dire notre collègue M. Plancade, ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale n’était pas très positif pour l’image de la démocratie, il faut savoir que, parmi les députés de la majorité, un certain nombre a délibérément refusé de participer au vote, afin de ne pas cautionner des dispositions sur lesquelles ils n’étaient pas d’accord. D’ailleurs, hier encore, quarante parlementaires de la majorité ont refusé, malgré les amicales pressions dont ils ont fait l’objet, d’apporter leur caution à ce projet de loi.

Dans de telles affaires, on aboutit bien souvent à la situation suivante : si vous appartenez à la majorité, vous appuyez sur tel bouton ; si vous appartenez à l’opposition, vous appuyez sur tel autre. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les parlementaires désertent la séance publique ! En effet, un parlementaire ne devrait pas être un « presse-bouton », qui obéit purement et simplement aux instructions de son parti politique. C’est en tout cas ma conception de la démocratie.

Sur la forme, je regrette la promptitude avec laquelle ce projet de loi est revenu devant nous. Je regrette surtout qu’un certain nombre de protagonistes ne se soient pas montrés beaux joueurs. Après l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, nous aurions pu demander une lecture supplémentaire : il n’y aurait alors eu aucune raison de procéder avec autant de fébrilité ! Ce projet de loi a été déposé voilà plus d’un an : pour quelle raison fallait-il tout à coup boucler l’affaire sous huit jours ? J’ai fort peu apprécié le fait que, à peine voté par l’Assemblée nationale, ce texte soit immédiatement discuté au Sénat.

Sur le fond, je le concède volontiers, le développement d’internet a créé un certain nombre de situations tout à fait anormales. En revanche, je ne suis pas persuadé que le problème du droit d’auteur soit le plus urgent. Il y a en effet une question infiniment plus grave, dont on parle beaucoup mais pour laquelle on ne fait jamais rien : c’est la diffamation sur internet. À l’heure actuelle, une personne diffamée sur le réseau est totalement privée de moyens de réagir. J’aurais donc souhaité un projet de loi global, susceptible de mettre un frein à l’« anarchie » qui règne sur internet.

Pour ma part, je voterai contre ce projet de loi parce que je suis tout à fait hostile à la multiplication d’organismes administratifs, c'est-à-dire non juridictionnels, qui se permettent d’infliger des pénalités financières, comparables à des amendes. Car, en fin de compte, payer son abonnement sans pouvoir en bénéficier, cela revient un peu à la même chose que payer une amende pour stationnement interdit quand on ne se sert pas de sa voiture !

Nous ne sommes tout de même pas encore sous une dictature ! Il est très grave que des organismes non juridictionnels puissent faire n’importe quoi, sans aucun garde-fou. Il y a un minimum de règles à respecter ! D’ailleurs, la majorité qui s’est dégagée au Parlement européen sur ces questions – et je rappelle que l’Union européenne regroupe de grandes démocraties – montre bien qu’il existe là une réelle difficulté.

Malheureusement, en France, cette question est devenue une affaire politique : le fond, on n’en a pas grand-chose à faire ! Certains sont contre, pour des raisons souvent purement partisanes ; d’autres, qui ne veulent pas perdre la face, sont pour et cherchent à forcer la main aux premiers. Tout cela n’est pas très bon, non plus, pour la démocratie. Pour ma part, je voterai donc contre ce projet de loi.

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