Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 14 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 71

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Les dispositions contenues dans cet article ne nous semblent absolument pas acceptables.

En effet, au motif de lutter efficacement contre l'immigration clandestine, elles pérennisent la volonté du Gouvernement d'étendre un régime dérogatoire au droit commun à toutes les collectivités ultramarines.

Or le régime de ces « destructions » et « neutralisations » des moyens de transport ne présente pas de garanties juridiques suffisantes, puisqu'elles s'effectuent en l'absence de tout jugement, dans des conditions qui ne sont pas clairement définies, alors que des saisies ou des immobilisations sont d'ores et déjà possibles.

À cet égard, le code de procédure pénale prévoit, depuis 1993, la possibilité de procéder à des contrôles dits frontaliers, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention de Schengen, et une ligne tracée en deçà de vingt kilomètres, ainsi que dans tous les ports, gares et aéroports ouverts au trafic international. Par conséquent, les espaces que nous visons dans cet amendement sont de fait inclus et régis par ces dispositions du code de procédure pénale.

J'ajoute que, dans ces zones, les contrôles n'ont pas besoin d'être motivés. Les agents peuvent procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique et les immobiliser pendant une durée de quatre heures au plus.

Cette possibilité a, d'abord, été étendue au territoire de la Guyane, le Gouvernement envisageant de l'élargir aux « zones frontalières ». En outre, le présent projet de loi prévoit également l'application de cette mesure en Guadeloupe « dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4 ».

Par ailleurs, il est prévu d'étendre les contrôles d'identité frontaliers ainsi que l'immobilisation des véhicules, selon des dispositifs analogues, au territoire de Mayotte.

Notons, au passage, qu'à Mayotte il est envisagé de porter à huit heures - au lieu de quatre heures, comme le prévoit le code de procédure pénale - le temps maximal pendant lequel une personne peut être, arbitrairement, retenue afin que son identité puisse être vérifiée, son véhicule étant dès lors immobilisé. Or rien ne justifie une telle dérogation au code de procédure pénale.

De surplus, le projet de loi prévoit une nouvelle disposition permettant au procureur de la République d'ordonner, sur le territoire de la Guyane, la destruction des embarcations fluviales non immatriculées ayant servi à commettre des infractions en matière d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étrangers. Ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal.

Quant à la destruction de ces embarcations, elle est soumise à une autre condition, à savoir qu'« il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». Or nous ne voyons pas très bien comment cette condition pourra être appréciée et l'on peut, dès lors, imaginer que ces embarcations seront quasi systématiquement détruites.

De la même façon, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, le procureur de la République, qui, là encore, agira sans décision du juge, pourra immobiliser les véhicules terrestres « par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule ». On retrouve là la condition même qui est exigée pour la destruction des embarcations. En effet, la « neutralisation » du véhicule doit être entendue comme sa destruction, si l'on s'en tient au commentaire de la disposition figurant dans le projet du 9 février. Ce qui est gênant pour un État de droit comme le nôtre, c'est que tout cela se passe sans intervention du juge, et cela n'est pas acceptable.

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