J’en veux pour preuve l’insertion, par la commission, d’une disposition autorisant le directeur de l’ARS à exiger du directeur de l’hôpital qu’il procède à la suppression d’emplois publics dans le seul but de réduire les déficits des établissements publics de santé.
La suppression de ces postes ne sera jamais confrontée aux besoins réels des patients accueillis et soignés dans les hôpitaux. Elle ne correspond à aucune logique sanitaire, à aucune logique de solidarité. C’est une logique purement comptable.
Pourtant, la situation des personnels des hôpitaux est gravissime. Le manque est tel que, déjà, les praticiens sont obligés de programmer des interventions plusieurs mois à l’avance, obligeant les malades à s’inscrire sur des listes d’attente, pratique tant décriée outre-Manche.
Non seulement les mesures que vous prenez contreviennent aux principes constitutionnels, mais vous violez également ceux-ci en en refusant d’autres.
En effet, la commission des affaires sociales est revenue, à la suite d’une réunion organisée à Matignon en votre présence, madame la ministre, sur l’une des rares dispositions contraignantes à l’égard des médecins libéraux. Ainsi, alors que l’on sait que la première difficulté d’accès aux soins réside dans ce qu’il est convenu d’appeler les « zones blanches » ou les déserts médicaux, vous avez renoncé à prendre les mesures conditionnant l’installation des médecins libéraux aux besoins constatés dans les territoires.
Ce phénomène risque d’ailleurs de s’aggraver avec la fermeture d’hôpitaux rendue obligatoire, à la suite de la décision autoritaire du directeur de l’ARS, et la fermeture d’un nombre important de centres de santé gérés par les mutuelles, en raison de l’application, au nom de l’Europe libérale que vous défendez, de la séparation des deux titres.
Vous avez également renoncé à la seule mesure permettant de garantir aux patients de ne pas être exposés à des dépassements d’honoraires, qui constituent, là encore, un frein considérable à l’accès aux soins. Et pourtant, il ne s’agissait que « de garantir, pour certaines disciplines ou spécialités, et dans une limite fixée par décret, une proportion minimale d’actes facturés sans dépassement ».
La seule idée d’entraver la volonté des médecins libéraux dans la fixation de leurs tarifs, fussent-ils déraisonnables, fussent-ils – et c’est le cas – une limite portée au droit « aux soins », est, pour votre gouvernement, impossible. C’est à croire que votre recul n’est pas sans lien avec l’échéance électorale du mois prochain.
Pourtant, tout le monde le sait : un nombre sans cesse croissant de patients ne parviennent plus à payer les dépassements imposés en dehors du tact et de la mesure, des dépassements d’honoraires qui « grimpent en flèche » pour les spécialistes les plus rares ou dans les endroits, comme les zones rurales et les quartiers populaires, où les médecins, y compris de premier recours, manquent le plus.
Madame la ministre, vous avez fait le choix, contraire à l’histoire de notre pays, au caractère social de notre République, de favoriser les intérêts d’une catégorie professionnelle au détriment de ceux de la collectivité. Notre Constitution vous impose pourtant, à vous comme au gouvernement auquel vous appartenez, de tout mettre en œuvre pour garantir à nos concitoyens la santé, c’est-à-dire l’accès aux professionnels de santé. Or il suffit de les entendre, de les écouter un peu, pour savoir que cet accès est, chaque jour, remis en cause.