La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients à la santé et aux territoires.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, permettez-moi de me féliciter de l’implication de votre assemblée sur le volet médico-social de ce projet de loi, dans un débat qui était pourtant déjà très riche en sujets dans le domaine de la santé.
Mes remerciements s’adressent en particulier à votre rapporteur, Alain Milon, qui a porté une attention permanente au secteur médico-social, au côté du président de la commission et de l’ensemble de ses membres. J’en veux pour preuve les améliorations apportées au texte, sur son initiative ; je pense notamment à l’introduction des objectifs de qualité dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, et à la création de la notion d’établissements médicosociaux d’intérêt collectif, pour n’en citer que deux.
Les avancées obtenues à l’Assemblée nationale et lors de la discussion au sein de votre commission ont montré que le médico-social était pleinement pris en compte dans cette réforme.
Nous devrons veiller, je le précise à M. le rapporteur ainsi qu’à M. Vasselle, à ce que l’organigramme des agences régionales de santé, les ARS, traduise clairement l’importance et les spécificités du champ médico-social et à ce que le recrutement des directeurs et de leurs collaborateurs directs reflète l’ensemble des compétences de l’ARS. Cela me semble indispensable, car le mode de gouvernance des ARS, qui accorde une place importante aux collectivités locales et aux partenaires médico-sociaux, doit se retrouver aussi dans leur organisation elle-même.
Monsieur le rapporteur, avec Mme Desmarescaux, vous avez posé la question de la continuité du service dans les établissements médico-sociaux. Si je comprends vos préoccupations, j’aurai l’occasion, au cours du débat, de vous proposer une autre méthode pour traiter ce problème complexe.
Mme Hermange a souligné avec force que l’objectif numéro un de la création des ARS était bien de décloisonner les champs sanitaires et médico-sociaux et de réduire les fractures territoriales.
Dans le même esprit, Mme Dini a souligné, à juste titre, que la création des ARS était l’outil d’une meilleure articulation entre ville, hôpital et médico-social. Au-delà des polémiques sur tel ou tel aspect du texte, c’est effectivement un des enjeux majeurs de la réforme qui vous est proposée aujourd’hui.
Vous vous interrogez, monsieur Cazeau, sur le rôle des présidents de conseil général dans le dispositif des ARS. Vous me donnez ainsi l’occasion de réaffirmer que cette réforme ne remet aucunement en cause les prérogatives des collectivités locales, pas plus que celles de l’État. En revanche – et cela constitue une avancée –, le projet de loi crée une instance de concertation, la commission de coordination médico-sociale, qui permettra, dans le respect des compétences de l’État et des conseils généraux, d’articuler les outils de programmation et de planification, schémas départementaux, schéma régional et programmation financière.
Les ARS ne sont pas la « superpuissance » décrite par certains et, dans le domaine du médico-social, les acteurs du secteur – représentants des usagers, collectivités territoriales – seront présents à tous les échelons de la gouvernance, du conseil de surveillance aux commissions d’appel à projets, en passant par la conférence régionale de santé et de l’autonomie et ses commissions spécialisées. Il s’agit bien de simplifier les politiques publiques, de les rendre plus lisibles ; il ne s’agit en aucun cas de modifier la répartition des compétences actuelles, telle qu’elle ressort des lois de décentralisation.
Dans la même logique, j’entends bien votre question, monsieur Autain, monsieur Daudigny, sur la juxtaposition des compétences et le risque de chevauchement que cela impliquerait, selon vous. Mais je pense que ces risques sont très atténués : encore une fois, le choix du Gouvernement est clairement celui de la concertation et de la coordination entre les acteurs, non celui de la mainmise de l’un ou de l’autre des secteurs.
Le rôle de chef de file du conseil général en matière gérontologique n’est en rien remis en cause ; c’est même tout le contraire puisque, dorénavant, aussi bien le schéma régional médicosocial, qui définit les besoins à cinq ans, que la programmation financière – le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, ou PRIAC – feront l’objet d’une concertation approfondie avec les collectivités territoriales au sein de la commission de coordination.
S’agissant des appels à projets, la suppression des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, n’implique nullement une réduction des prérogatives des associations, comme vous le craignez, monsieur Autain. Loin d’être restreintes, la capacité d’initiative et la place institutionnelle du secteur associatif s’en trouveront au contraire renforcées, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les promoteurs des projets ne savent pas, au moment où ils les déposent, s’ils s’inscrivent ou non dans l’approche collective des besoins.
Par ailleurs, même lorsque les projets obtiennent l’avis favorable du CROSMS, rien ne garantit qu’ils seront retenus et financés par l’autorité publique compétente.
Ensuite, cette confusion actuelle des niveaux stratégiques et opérationnels, loin d’être l’expression de la capacité d’initiative, enferme et limite celle-ci dans une incertitude et une opacité dont on ne peut se satisfaire.
En outre, la procédure d’appel à projets aura ainsi lieu en aval de la détermination des besoins, à laquelle auront participé l’ensemble des acteurs.
Enfin, je note que, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture, les appels à projets sont une procédure courante et n’empêchent aucunement l’émergence de l’innovation.
Je partage la préoccupation de M. Vasselle quant à la nécessité de donner à l’ARS les moyens de son fonctionnement en termes de personnel. C’est pourquoi Roselyne Bachelot et moi-même avons confirmé l’existence d’une délégation dans chaque département.
Vous avez souligné, monsieur Jacques Blanc, de même que M. Vall, toute l’importance des hôpitaux locaux, aussi bien dans leur rôle sanitaire qu’en tant que pivots de la filière gérontologique locale, rôle qu’ils seront de plus en plus conduits à tenir. On voit bien ici tout l’intérêt des ARS, qui auront une vision globale de l’activité de ces structures si importantes pour l’accès aux soins des personnes âgées et handicapées sur tout le territoire.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat en discussion générale a été particulièrement intéressant et constructif. Cela laisse certainement augurer des débats de grande qualité sur le titre IV du projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Marie-Thérèse Hermange le rappelait au début au début de son excellente intervention : « L’être humain a besoin d’obstacles pour parvenir à son but. »
Certains se sont donc curieusement étonnés qu’une grande réforme de notre système de santé suscite des interrogations, voire des inquiétudes. D’autres voient remis en cause des habitudes ou des prés carrés. Des opposants politiques y trouvent l’occasion de mobiliser leurs troupes.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il convient, avec attention et sérénité, de faire la part des polémiques, des faux débats, mais aussi des vraies questions, qu’il faut traiter au fond, et des propositions intéressantes, qui sont autant de pistes de progrès.
Mais il faut aussi entendre ceux, beaucoup plus nombreux et, certes, moins bruyants
Nouvelles protestations sur les mêmes travées
S’agissant de la méthode, il serait paradoxal de reprocher au Gouvernement de vouloir tenir compte de vos travaux, tout spécialement de ceux de votre rapporteur, Alain Milon.
Non, monsieur Cazeau, le Gouvernement ne considère pas les sénateurs comme des élus godillots ! §
Ils sont des acteurs majeurs du débat démocratique et j’attends beaucoup de nos débats.
Pour autant, il est légitime aussi que, sur nombre de points cruciaux, j’apporte les éclairages nécessaires et expose les arguments qui ont fondé ma démarche. À cet égard, j’ai du mal à comprendre qu’on considère que le fait de redéposer un argument gouvernemental soit une marque d’irrespect envers le Parlement. Chacun est dans son rôle et dispose de ses prérogatives.
Dans les différentes interventions, je distinguerai trois types d’interpellation.
D’abord, l’interpellation polémique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je m’y attendais et l’opposition, sur ce point, ne m’a pas déçue : procès d’intention, accusations infondées, allégations hasardeuses, rien n’a manqué ! Et, surtout, à l’exception notable d’Yves Daudigny, dont je salue la mesure, aucune proposition n’a été formulée. Ah, pardon ! J’oubliais ! une proposition, quand même : celle de prolonger le débat. En l’absence de tout contre-projet, je me demande bien à quoi cela pourrait servir !
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Après tout, l’adage selon lequel « quand on est dans l’opposition, on s’oppose » a trouvé là une nouvelle illustration à travers les propos de François Autain ou de Jacky Le Menn, que l’on a connus plus inspirés.
Devant ces procès absurdes, je veux redire devant vous mon attachement à l’hôpital public, à ses personnels, à notre administration sanitaire de l’État ou de l’assurance maladie, à nos professionnels de santé libéraux, aux associations, à tous ceux et celles qui m’ont tant aidée à préparer ce projet de loi.
L’hôpital public ne sera jamais une entreprise.
C’est un service public pour tous les Français. Je veux le conforter en lui donnant des moyens financiers nouveaux:…
… 3, 1 % d’augmentation cette année, alors que la France est en récession et que l’inflation est proche de zéro ; un plan d’investissement de 10 milliards d’euros d’ici à 2012, plan qui profitera aussi à l’emploi local.
… était une politique de rentabilité, monsieur Vall, croyez-vous que nous aurions consenti un tel effort ?
La seule rentabilité que j’attends de l’hôpital public est qu’il contribue à améliorer la santé de nos concitoyens, …
… de tous nos concitoyens, et les bénéfices en seront immenses.
Si j’avais une vision marchande de l’hôpital, monsieur Mirassou, croyez-vous que l’emploi y serait non seulement maintenu, mais augmenté ? Depuis neuf ans, les effectifs y ont progressé de 11, 4% et ils vont encore s’accroître.
Bien sûr, l’hôpital est un corps vivant. Des réductions d’effectifs peuvent avoir lieu dans un établissement, mais vous ne parlez jamais des hôpitaux qui embauchent.
L’emploi n’est pas une variable d’ajustement.
On peut concilier équilibre et nouveaux emplois. Considérons deux CHU qui sont revenus à l’équilibre : l’année dernière, il y a eu 56 créations de postes à Angers et 67 à Poitiers.
Si je voulais privatiser l’hôpital public, monsieur Desessard, croyez-vous que j’aiderais les établissements en difficulté à se redresser comme je viens de le faire pour les Hospices civils de Lyon, à la demande de Gérard Collomb, avec 20 millions d’euros investis l’année dernière et 25 millions cette année ?
Si je voulais aligner l’hôpital public sur le privé, croyez-vous, monsieur Cazeau, que je maintiendrais un écart de 30 % des tarifications en faveur du public, même en y incluant les honoraires versés à part pour les praticiens du privé ? Croyez-vous que je flécherais massivement vers le public les crédits du plan Hôpital 2012, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, que j’attribuerais 90 % des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovation aux CHU, que je reporterais la convergence, que je modifierais la T2A pour favoriser les hôpitaux qui accueillent les patients qui sont dans la plus grande précarité et les cas les plus graves ?
Cette année, ces actions se traduiront par près de 50 millions d’euros supplémentaires pour l’AP-HP, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si vous trouvez un système ultralibéral qui donne plus à ceux qui accueillent les plus pauvres, faites-moi signe, je m’y rallie !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Si j’avais une démarche comptable, madame David, croyez-vous que je défendrais bec et ongles nos hôpitaux de proximité ?
Oui, on peut concilier maillage sanitaire et aménagement du territoire, …
… à condition de faire de la gradation des soins un principe cardinal et les communautés hospitalières de territoires, les CHT, seront pour cela un outil précieux.
La proximité ne saurait être l’excuse pour des soins de mauvaise qualité. Je n’ai pas fermé un seul hôpital et je n’en fermerai pas. J’ai transformé des services et, chaque fois, nous avons investi et embauché.
La vérité est simple : si vous me faites ce procès absurde et insultant, c’est que vous n’avez pas de solution alternative à proposer.
Si, si ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Oui, nous serons peut-être amenés un jour à consacrer une plus part de notre richesse nationale à la santé. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes déjà sur le podium des trois pays qui dépensent le plus pour leur santé et le pays qui dépense le plus par habitant pour son hôpital.
Il ne faut pas oublier que ces dépenses hospitalières sont financées par un système de solidarité qui en fait payer à l’assurance maladie près de 95 %, que les Français les gagent par des cotisations, des impôts, des taxes dont l’augmentation grèverait inévitablement leur pouvoir d’achat.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il ne faut pas oublier que tout arbitrage en faveur des dépenses de santé dans le budget des ménages doit être fondé sur un vrai progrès et non sur le laxisme.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Il ne faut pas oublier non plus que, selon les spécialistes en santé publique, les formidables progrès en durée et en qualité de vie ne sont dus que pour 10 % à des dépenses de santé. Avant de puiser dans le porte-monnaie des Français, assurons-nous des marges de progression et de modernisation de notre hôpital ! Nous le devons aux Français, qui y sont tellement attachés.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Heureusement, à côté des interpellations polémiques, il y eut aussi les félicitations et les encouragements. J’en remercie tous les orateurs de la majorité.
Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Merci à Gérard Dériot, qui a qualifié le projet d’ambitieux et de volontaire, à Marie-Thérèse Hermange, femme de cœur dont je reprendrai la proposition sur le mi-temps thérapeutique, à Dominique Leclerc pour son appui sur la médicalisation de la biologie, à André Lardeux pour sa haute vision sur les agences régionales de santé, à Jean-Claude Etienne pour son adhésion aux modifications spécifiques aux CHU.
Plusieurs intervenants ont apporté de très importantes contributions. Toutes ne sont pas de nature législative. Certaines trouveront place dans la mise en œuvre pratique, comme le concept du case manager, défendu par Alain Vasselle, ou les très riches propositions de Muguette Dini sur la démographie médicale. D’autres ont un caractère financier et seront discutées lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’autres encore relèvent de la vie conventionnelle, comme la nomenclature des actes médicaux ou les honoraires.
Des polémiques, des encouragements, mais aussi beaucoup de propositions : nous avons bien avancé sur la gouvernance. Sur ce point, qui a fait l’objet des procès d’intention les plus insensés, je me suis livré à un travail approfondi avec les présidents de conférence et nous en sommes à régler des nuances.
Je remercie une nouvelle fois le rapporteur, M. Alain Milon, le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, de leur travail impeccable, ainsi que tous ceux d’entre vous qui se sont investis dans ce projet.
Nous avons bien travaillé sur les ARS et nous sommes parvenus avec la commission à un compromis intéressant.
J’ai été très touchée par les interventions des nombreux orateurs qui ont su faire preuve d’ouverture et de patience. Sur tous les sujets, hôpital, médecine de premier recours, administration sanitaire, santé publique, j’aurai l’occasion, au cours de la discussion des articles, de revenir sur les déclarations des uns et des autres. Je prie donc ceux que je n’ai pas cités de m’excuser : ce n’est que partie remise.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Pour citer une nouvelle fois Marie-Thérèse Hermange, c’est la stratégie de la confiance que je déploierai !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°901.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, dans des conditions que nous avons déjà dénoncées – et nous demandons toujours la levée de l’urgence, surtout après le dépôt des amendements issus du rapport Marescaux –, aurait pu être une chance pour les établissements publics de santé et, de manière plus générale, pour nos concitoyens.
Malheureusement, il n’en est rien. Sur bien des aspects, il est largement insuffisant. Sur d’autres, il sera inefficace, voire contre-productif. Bref, ce projet est inacceptable !
Mais surtout, et c’est l’objet de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, il est contraire, sur plusieurs points, aux principes fondamentaux qui gouvernent notre société et qui sont protégés par le bloc de constitutionnalité.
Nous aurons l’occasion de revenir, au cours de nos débats, sur notre opposition au fond, à savoir le démantèlement du service public hospitalier au profit exclusif des établissements de santé commerciaux
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG
, la fermeture de 200 à 300 hôpitaux de proximité par la transformation en établissements de soins de suite ou de réadaptation
Mêmes mouvements
En outre, la nomination possible de non-fonctionnaires à des postes de directeur d’établissement public de santé contrevient au «principe général du droit d’égalité d’accès des citoyens aux emplois publics », découlant lui-même du principe constitutionnel d’égalité.
Nous y reviendrons !
Le principe d’égal accès aux emplois publics s’applique dans la fonction publique hospitalière avec les mêmes implications et les mêmes limites que dans les autres fonctions publiques. C’est précisément pour garantir le respect du principe, ô combien républicain, d’égalité que le concours a été instauré comme mode de recrutement. En effet, dans le secret du concours et dans la collégialité du jury, il n’y a place ni pour l’arbitraire ni pour les discriminations.
Or, dans le projet de loi, en particulier dans son article 7, vous entendez ouvrir les postes de directeur d’établissement public de santé à des non-fonctionnaires.
Cette mesure, particulièrement dans sa rédaction actuelle, ne prévoit aucune disposition encadrant le recours à des «contractuels » pour diriger les hôpitaux. Il n’est fait nulle mention de la nécessité de posséder un diplôme donné. Les compétences requises justifiant ce mode de recrutement ne sont pas déterminées, car ce qui importe, c’est de « casser » le statut de fonctionnaires hospitaliers.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Par ailleurs, dans votre empressement, vous ne précisez pas ce qu’il adviendra de la procédure d’admission à l’école formant des directeurs hospitaliers. La liberté de recrutement étant laissée aux directeurs des agences régionales de santé, nous pourrions assister à une situation où le nombre d’élèves sortant de l’École nationale de santé publique, l’ENSP, serait plus important que le nombre de postes à pourvoir.
Pour éviter cette situation, il faudrait prévoir un nombre de postes réservés aux non-fonctionnaires, ce qui constituerait, là encore, une mesure discriminatoire à l’égard des élèves sortant de l’ENSP, qui pourraient se voir refuser, sans autre motif que la satisfaction d’une décision politique, l’attribution d’un poste qu’ils ont pourtant mérité du seul fait de la réussite à ce concours.
Ainsi, des directeurs seront nommés après obtention du concours et d’autres le seront de par la volonté du directeur de l’ARS. Nous connaîtrons donc un mode de recrutement différent, alors que rien, dans les faits, ne justifie un traitement inégalitaire.
Nous pourrions assister à un mouvement des élèves directeurs, contestant massivement la nomination des directeurs non-fonctionnaires au motif que ces derniers les priveraient des conséquences légitimes de la réussite à leur concours, à savoir la nomination à un poste de directeur, les «reléguant » à des postes de directeurs adjoints.
Toutefois, vous vous en doutez, nous avons malheureusement d’autres griefs contre ce texte. Car votre projet de loi, madame la ministre, se caractérise d’abord et avant tout par votre refus de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
L’article 13 du présent projet de loi autorise le directeur de l’agence régionale de santé à imposer aux hôpitaux des mouvements de fusion, sur la base d’un projet régional de santé dont le seul objectif, n’en doutons pas, est la réduction des dépenses publiques.
C’est d’ailleurs l’esprit de l’ensemble de ce projet de loi, qui vise à subordonner les besoins à l’offre de soins. Certes, la rédaction actuelle intègre, formellement du moins, les besoins en santé de la population.
Mais ces besoins passent par pertes et profits dès lors qu’il s’agit d’appliquer à l’hôpital la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP.
J’en veux pour preuve l’insertion, par la commission, d’une disposition autorisant le directeur de l’ARS à exiger du directeur de l’hôpital qu’il procède à la suppression d’emplois publics dans le seul but de réduire les déficits des établissements publics de santé.
La suppression de ces postes ne sera jamais confrontée aux besoins réels des patients accueillis et soignés dans les hôpitaux. Elle ne correspond à aucune logique sanitaire, à aucune logique de solidarité. C’est une logique purement comptable.
Pourtant, la situation des personnels des hôpitaux est gravissime. Le manque est tel que, déjà, les praticiens sont obligés de programmer des interventions plusieurs mois à l’avance, obligeant les malades à s’inscrire sur des listes d’attente, pratique tant décriée outre-Manche.
Non seulement les mesures que vous prenez contreviennent aux principes constitutionnels, mais vous violez également ceux-ci en en refusant d’autres.
En effet, la commission des affaires sociales est revenue, à la suite d’une réunion organisée à Matignon en votre présence, madame la ministre, sur l’une des rares dispositions contraignantes à l’égard des médecins libéraux. Ainsi, alors que l’on sait que la première difficulté d’accès aux soins réside dans ce qu’il est convenu d’appeler les « zones blanches » ou les déserts médicaux, vous avez renoncé à prendre les mesures conditionnant l’installation des médecins libéraux aux besoins constatés dans les territoires.
Ce phénomène risque d’ailleurs de s’aggraver avec la fermeture d’hôpitaux rendue obligatoire, à la suite de la décision autoritaire du directeur de l’ARS, et la fermeture d’un nombre important de centres de santé gérés par les mutuelles, en raison de l’application, au nom de l’Europe libérale que vous défendez, de la séparation des deux titres.
Vous avez également renoncé à la seule mesure permettant de garantir aux patients de ne pas être exposés à des dépassements d’honoraires, qui constituent, là encore, un frein considérable à l’accès aux soins. Et pourtant, il ne s’agissait que « de garantir, pour certaines disciplines ou spécialités, et dans une limite fixée par décret, une proportion minimale d’actes facturés sans dépassement ».
La seule idée d’entraver la volonté des médecins libéraux dans la fixation de leurs tarifs, fussent-ils déraisonnables, fussent-ils – et c’est le cas – une limite portée au droit « aux soins », est, pour votre gouvernement, impossible. C’est à croire que votre recul n’est pas sans lien avec l’échéance électorale du mois prochain.
Pourtant, tout le monde le sait : un nombre sans cesse croissant de patients ne parviennent plus à payer les dépassements imposés en dehors du tact et de la mesure, des dépassements d’honoraires qui « grimpent en flèche » pour les spécialistes les plus rares ou dans les endroits, comme les zones rurales et les quartiers populaires, où les médecins, y compris de premier recours, manquent le plus.
Madame la ministre, vous avez fait le choix, contraire à l’histoire de notre pays, au caractère social de notre République, de favoriser les intérêts d’une catégorie professionnelle au détriment de ceux de la collectivité. Notre Constitution vous impose pourtant, à vous comme au gouvernement auquel vous appartenez, de tout mettre en œuvre pour garantir à nos concitoyens la santé, c’est-à-dire l’accès aux professionnels de santé. Or il suffit de les entendre, de les écouter un peu, pour savoir que cet accès est, chaque jour, remis en cause.
M. René-Pierre Signé s’exclame.
Vous avez également renoncé à garantir le droit de tous à bénéficier de ce que l’on appelle la mission de service public de la permanence de soins, la seule mission de service public à être entièrement confiée à des personnes physiques privées. Cette mission est mise à mal et vous avez à la faire appliquer, alors même qu’il s’agit d’assurer le droit fondamental de tous à bénéficier, à proximité de chez soi, d’une offre de soins adéquate.
Ce renoncement – le vôtre, madame la ministre – joue contre l’intérêt général. Pourtant, il y a peu, dès lors qu’il a été question d’imposer le service minimum dans les transports ou à l’école, le Gouvernement et vous-même avez trouvé la détermination pour mener à bien vos projets.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Naturellement, vous refusez, comme nous l’avons proposé en commission, et comme nous le ferons au cours de nos débats, que les manquements à la permanence de soins soient sanctionnés comme le sont l’ensemble des cas de non-respect des réquisitions préfectorales.
M. Jean-Louis Carrère s’exclame.
Pis, en lieu et place de sanctions, vous aménagez le refus des médecins libéraux en leur proposant un schéma régional. En somme, vous passez sur les manquements à la loi en leur proposant de la contourner une nouvelle fois, une « compréhension » dont le Gouvernement fait rarement preuve, en particulier dès lors qu’il s’agit de salariés, d’ouvriers ou d’étudiants.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Enfin, et pour conclure sur cette question de l’inadéquation de vos mesures avec les principes qui gouvernent notre société, je ne peux pas ne pas évoquer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, qui vont contraindre les établissements publics de santé à mener une véritable politique de rigueur. Ainsi, ceux-ci font clairement mention d’« objectifs quantifiés ».
Autant dire que vous allez imposer aux hôpitaux la réalisation d’un nombre limité d’actes, notamment des plus coûteux, dans le seul but de réduire les dépenses hospitalières, même si les objectifs imposés sont contraires aux intérêts des populations concernées. Les CPOM pourraient considérablement varier d’un établissement à l’autre, les plaçant dans des situations d’inégalités que rien ne justifie, si ce n’est leur situation comptable à un moment donné.
Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe CRC-SPG et moi-même sommes très inquiets des conséquences qui pourraient résulter de l’adoption de ce projet de loi. Car, à bien y regarder, il s’agit ni plus ni moins que de la transposition dans les faits d’un accord emblématique, signé au niveau mondial en 1995 sous le titre d’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, dont se sont très largement inspirés le projet de traité constitutionnel européen et le traité de Lisbonne, en prévoyant dans ses articles 86 et 87 que l’ensemble des services marchands doit être soumis à une concurrence libre et non faussée.
Dans la mesure où l’Union européenne se refuse – on comprend bien pour quelle raison – à préciser que les services sociaux d’intérêts généraux, notamment la santé, sont exclus du champ d’application de cet article, il y a véritablement de quoi s’inquiéter.
L’AGCS, comme sa traduction européenne, le traité de Lisbonne, vise en réalité à privatiser progressivement tous les services publics qui sont, pour les libéraux dont vous êtes, madame la ministre, autant d’entraves à la concurrence libre et non faussée. Nous y voyons, nous, autant de lieux et de formes dont l’objectif principal est non pas la création de richesses marchandes, mais la satisfaction des besoins légitimes des populations que les gouvernants ont la charge de protéger.
Votre projet, madame la ministre, en instaurant une relation verticale, en soumettant les besoins de santé à l’offre de soins, elle-même encadrée par la politique de rigueur qui est la vôtre, en imposant au secteur médico-social des règles inspirées du secteur sanitaire et qui ont déjà fait la preuve de leur incapacité à répondre aux besoins, est extrêmement dangereux.
L’hôpital est malade : malade de la multiplication de ses réformes, malade du sous-financement que vous lui imposez, malade du manque de personnels. Il y a effectivement des problèmes d’organisation à l’hôpital, mais la seule réponse autoritaire d’un directeur-patron ne peut y suffire. Nous avons le devoir, au-delà des clivages politiques, par-delà nos différences, de chercher à organiser le système sanitaire et médico-social le plus performant. La performance ne se mesure pas exclusivement, comme vous entendez le faire, par des critères comptables ou des indicateurs de qualité.
Je conclus, monsieur le président.
La performance se mesure notamment par le taux de satisfaction des patients, par la capacité du système de santé à être accessible à tous, sans distinction de maladies, de lieu d’habitation et, bien entendu, de revenus.
Mes chers collègues, au moment de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je vous invite à vous souvenir du sens que les constituants ont voulu donner à notre République. Je voudrais que vous gardiez à l’esprit les principes de solidarité qui les ont guidés et que vous les compariez aux dispositions prévues dans ce projet de loi.
Je souhaiterais que vous vous rappeliez que, derrière le terme « patients » ou « usagers », il y a des femmes et des hommes qui peinent chaque jour un peu plus à boucler leurs fins de mois, …
… renoncent à leurs mutuelles complémentaires, retardent leurs soins les moins urgents.
M. Guy Fischer. Pour eux, seule la solidarité est capable de leur garantir un accès minimal aux soins. C’est pour eux que les constituants ont rédigé ce onzième alinéa. C’est pour eux que je vous demande de voter en faveur de cette motion, de voter contre l’hôpital-entreprise.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je m’étonne de la motivation de cette motion.
M. Alain Milon, rapporteur. Le projet de loi manifeste au contraire la volonté de garantir à tous la protection de la santé.
Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ses principaux objectifs sont en effet de réduire les inégalités territoriales, qu’il s’agisse de l’accès aux soins, de l’accueil et de l’accompagnement médico-social, …
… de garantir que les missions de service public seront assurées en tout point du territoire, …
… enfin, de mettre l’accent sur la prévention, l’éducation à la santé et la veille sanitaire : tous éléments souvent trop négligés mais qui sont aussi essentiels à la protection de la santé.
Aussi, j’avoue, monsieur le président, ne pas comprendre le sens de cette motion, sur laquelle la commission des affaires sociales a bien sûr émis un avis favorable
Rires sur les travées du groupe CRC-SPG
M. Alain Milon, rapporteur. Je pense, comme M. Fischer, puisqu’il a dit dans son intervention que nous reverrions tout cela dans le cadre de nos travaux, que notre assemblée suivra l’avis défavorable de la commission.
Mme Brigitte Bout applaudit.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Il y a des grands bonheurs dans la vie ministérielle et parlementaire. L’un d’entre eux est d’avoir entendu un aussi vibrant hommage en faveur de la Constitution de la Ve République, émanant d’un homme issu d’un parti qui l’a toujours combattue.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.
Mais ce plaisir étant bien sûr de courte durée, je souhaiterais revenir sur les différents points abordés.
Tout d’abord, comment le recrutement diversifié des directeurs pourrait-il être contraire au principe d’égalité ? Beaucoup de médecins, et vous avez demandé que leur avis soit pris en compte, ont appelé de leurs vœux un tel recrutement et ont souhaité que la formation soit complétée.
C’est la raison pour laquelle j’ai créé un institut du management à l’intérieur de l’École des hautes études en santé publique. Les nouveaux directeurs qui ne sont pas issus de cette école devront y suivre une formation complémentaire, afin de recevoir une formation spécifique à l’hôpital.
Pourquoi voulez-vous priver l’hôpital de ces possibilités de recrutement et d’éventuelles compétences ? J’ai beaucoup de mal à comprendre en quoi cela serait contraire au principe d’égalité.
Quant aux coopérations, elles sont précisément destinées à maintenir la qualité des soins. Il arrive, dans un établissement hospitalier, que le service maternité, ou un autre service, connaisse un taux d’accidents graves quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Parfois, le « taux de fuite » est supérieur à 90 %. Autrement dit, 90 % des malades qui devraient se rendre dans cet établissement renonce à le faire. La crise de confiance est alors bien réelle entre la « patientèle » et les établissements ; je pourrais vous en citer plusieurs exemples.
Il faut donc garantir la qualité des soins par une gradation des soins, …
Cette expression cache la misère dans laquelle se trouve notre hôpital !
… par une coopération entre les établissements de santé, qui obéit à ce principe constitutionnel.
Vous souhaitez établir des mesures coercitives pour les médecins libéraux. Je me permets de vous dire que cela ne réglera rien et qu’ils fuiront un peu plus les zones sous-denses.
En ce qui concerne les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, elles existent déjà sous cette forme, et je ne vois pas en quoi elles contreviennent aux principes constitutionnels que vous avez rappelés, et notamment au principe d’égalité.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas souscrire à cette motion de procédure défendue par M. Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la santé n’est pas une marchandise et les partenariats avec le privé que vous souhaitez développer ne feront qu’affaiblir l’hôpital public et développer le juteux marché de la santé.
Je voudrais illustrer mon propos par un exemple précis. En Seine-et-Marne, à Melun, ville préfecture, un accord-cadre a été signé en 2007 entre une clinique privée et le centre hospitalier Marc Jacquet. Ce projet, qui organise la répartition des activités entre la clinique Les Fontaines et l’hôpital public de Melun, comporte des clauses très restrictives pour le service public. De fait, avec ce projet, les patients n’auront plus le choix entre le public et le privé pour se faire soigner.
Le nouvel établissement va être construit d’ici à 2014 avec 50 % de crédits publics. Or, dans ce nouveau projet, l’hôpital conservera les contraintes sans bénéficier d’aucun avantage. Il conservera, par exemple les urgences de nuit que le privé refuse de prendre en charge pour d’évidentes raisons de coût en personnel. En revanche, la cardiologie et les spécialités chirurgicales seront entièrement confiées au secteur privé.
Bien entendu, la chirurgie d’urgence pourra être effectuée par le public mais toute intervention programmée sera faite dans le privé. Ainsi un patient reçu en urgence en chirurgie publique la nuit et dont l’intervention sera repoussée au lendemain devra-t-il être opéré dans le secteur privé. En économie, on appelle cela une distorsion de concurrence : les charges en personnel de nuit pour les uns ; les bénéfices de l’intervention le lendemain pour les autres !
De plus, le bloc opératoire sera entièrement privé et loué au secteur public pour les urgences. Et c’est ainsi que vous annoncez sans nuance vouloir mieux gérer l’hôpital public et assurer les missions de service public partout sur le territoire !
C’est la santé et l’offre de soins qui sont en cause à Melun et dans sa région, et cette remise en question n’attendra pas 2014. Elle est déjà à l’œuvre, de fait, depuis le mois de février dernier avec la fermeture, la nuit, du bloc opératoire du centre hospitalier de Melun. Passé dix-sept heures, à Melun, il vaut mieux ne pas avoir d’accident grave !
Si vous êtes transportable, en théorie, vous serez transféré à Montereau, à près de trente kilomètres de distance, avec le risque de voir votre cas s’aggraver pendant le transfert. Encore faut-il qu’il y ait de la place car aucun moyen supplémentaire n’a été prévu à l’hôpital de Montereau.
Melun n’est pas une exception. La même politique de réduction des coûts dans le secteur public est appliquée dans tous les hôpitaux de Seine-et-Marne, pour ne citer que ce département ; j’y reviendrai au cours du débat.
Pour toutes ces raisons, je voterai la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par mon ami Guy Fischer.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.
La démonstration faite par M. Fischer est claire et complète. Nous y souscrivons et nous voterons bien sûr en faveur de la motion qu’il a présentée et qui tend à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je mets aux voix la motion n° 901, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par MM. Teulade, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°281.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. René Teulade, auteur de la motion.
M. René Teulade. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec conviction et dans un esprit de raison et de responsabilité que, au nom du groupe socialiste et de nombreux autres collègues, je vous demande solennellement, étant donné la gravité de la situation de notre système de protection sociale
Oh ! sur les travées de l’UMP
… d’opposer la question préalable au projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » et donc d’ajourner son examen.
Je connais, madame la ministre, la difficulté de votre tâche et les nombreuses embûches que nous devons surmonter pour faire changer les comportements. Face à la gravité de la situation, je vous demande une réflexion sereine.
Nous avons connu une situation semblable. Nous avions alors fait voter une loi intitulée « Maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». À l’époque, le déficit global était de 15 milliards de francs ; aujourd’hui, il dépasse les 100 milliards d’euros. La situation mérite donc d’être examinée avec sérénité.
Les travaux de notre assemblée sont très suivis par la communauté médicale, mais aussi par les Français. Je remercie particulièrement tous les camarades de l’opposition qui ont enrichi le débat de leurs arguments, de leur présence et de leur travail. Comme ils n’ont pas beaucoup été remerciés, …
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Les travaux de notre assemblée sont très suivis, disais-je. Nous en avons des échos quotidiennement.
Contenant 33 articles lors de sa présentation en conseil des ministres le 22 octobre 2008, votre projet de loi en comporte 103 au terme de son examen à l’Assemblée nationale.
Je me dois de le dire, sans polémique vaine, parce que je le pense profondément et que je m’appuie sur une longue expérience dans le domaine social, votre réforme ne présente aucune cohérence globale. L’empilement sans précédent d’amendements déposés par les élus de votre majorité déstabilise un projet qui aura plus souffert, au fil du temps, des contradictions de cette majorité que des assauts de l’opposition.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.
Ce texte, madame la ministre, porte aussi – ayons le courage de le dire, sans esprit de polémique – les stigmates de la méthode du Président de la République et de ses excès d’intervention sur les chantiers menés par le Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Plusieurs motifs de rejet de ce texte justifient le vote de la motion tendant à opposer la question préalable, pour que raison l’emporte.
Le gouvernement auquel vous appartenez a décrété en octobre dernier la procédure d’urgence. Or notre assemblée entame l’examen de ce texte aujourd’hui, soit huit mois après cette annonce ! Où est la cohérence de cette décision ? Qu’est-ce qui justifie une telle urgence à propos d’un tel enjeu ?
Si vous nous aviez saisis en urgence d’un projet de loi sur la sécurité sanitaire au profit de nos compatriotes, dans le contexte du risque de pandémie de grippe A, nous aurions compris cet impératif. Une réforme de l’hôpital couplée avec la création des agences régionales de santé, pour ne citer que l’essentiel de ce texte, ne justifie, en revanche, aucunement la procédure d’urgence
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
, d’autant que les changements véritablement incessants sur le fond des choix interdisent au Parlement une discussion sereine. Pour satisfaire les préconisations du rapport Marescaux remis avant-hier au Président de la République, vous déposez des amendements en séance publique mais, avec la procédure accélérée, seule la commission mixte paritaire pourra discuter sur le fond. Nos collègues de l’Assemblée nationale seront privés de débat sur les nouvelles propositions du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Vous voulez gagner du temps sur le débat parlementaire. L’examen du texte au Sénat se fait dans la précipitation.
L’application de la réforme constitutionnelle est en cause, même si nous sommes favorables – et nous l’avons dit – au renforcement des droits du Parlement au travers de la revalorisation du travail en commission.
Un nouveau motif de rejet puise sa source dans l’absence de réelle concertation sur cette réforme. Je n’ignore pas que vous-même, vos collaborateurs, ceux du Premier ministre et du Président de la République, n’avez pas lésiné sur votre temps pour recevoir les multiples organisations sociales et professionnelles, comme nous-mêmes d’ailleurs. Mais, paradoxalement, l’accumulation des rencontres ne garantit pas un dialogue sérieux : sur les choix fondamentaux, sur les objectifs et méthodes de cette réforme, il n’y en eut guère, et tous les acteurs nous ont dit leur déception devant le faux-semblant de cette concertation. L’accumulation des changements d’orientations, les annonces reportées, la pluie d’amendements, transforment ce texte, je le dis avec beaucoup de solennité, en un fourre-tout peu compréhensible, dépourvu de lisibilité politique et pratique.
Notre déception est grande, je le répète. Je le dis d’autant plus aisément, madame la ministre, que, lorsque vous avez organisé les états généraux de l’offre de soins, beaucoup nourrirent l’espoir, légitime, que la réforme s’engagerait sous les auspices d’un authentique dialogue social et d’une approche structurelle des défis de santé du pays.
Vos premières intentions, madame, laissaient espérer une réforme courageuse, une réforme d’ampleur, une réforme de qualité sur le plan social. Vous aviez vous-même déclaré que ce serait la plus importante depuis 1945. Que reste-t-il aujourd’hui ? Où est passé le souffle des états généraux de l’organisation des soins ? Où sont passées les recommandations du rapport établi par M. Flajolet, notre collègue de l’Assemblée nationale, sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ?
M. René Teulade. Que reste-t-il de vos annonces sur le retour à l’opposabilité des tarifs médicaux dans les soins ambulatoires, dans le secteur libéral des hôpitaux, dans les cliniques ? Sur ce point précis, je vous le dis clairement, les reculs qui s’annoncent sont inacceptables.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Des expertises – de sources non ministérielles, comme par hasard – démontrent que l’égal accès aux soins de qualité est impossible en de nombreux endroits du territoire.
M. René Teulade. Il est insupportable que désormais, dans les cliniques privées, les actes chirurgicaux donnent quasi systématiquement lieu à dépassement tarifaire.
Mêmes mouvements.
M. René Teulade. Et cessons de dire que ces problèmes ne concernent que les Franciliens, les Lyonnais et les habitants de la Côte d’Azur ! Ces pratiques se répandent partout…
Mêmes mouvements.
… et l’on sait bien que ce sont nos compatriotes les plus fragiles qui doivent les supporter.
M. René Teulade. Pourquoi, madame la ministre, avez-vous promis des actes forts sur ce sujet sensible si c’est pour, finalement, revenir en arrière ? Il en est allé de même du refus de soins, pour lequel, après avoir soutenu le principe du testing, vous avez reculé.
Mme Gisèle Printz applaudit.
Qui peut croire un instant qu’il est possible de réformer sérieusement l’hôpital en laissant la médecine ambulatoire « à vau-l’eau » ? Vous nous proposez une définition intéressante de la médecine générale de premier recours, mais dépourvue de projections concrètes sur le terrain. Quelle incohérence !
Vous aviez peut-être souhaité une grande réforme de la santé pour les Français ; vous finissez par devoir défendre un texte de protection des corporatismes médicaux et professionnels établis.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Sans compter que vous négligez aussi les attentes et les potentiels des jeunes générations de médecins, de professionnels qui aspirent bien plus qu’on ne le croit à exercer leur métier dans une véritable éthique de l’intérêt général.
Entre les besoins des Français et les intérêts de certains médecins – une profession que nous défendons également –, il faut aussi savoir choisir !
Madame la ministre, cela a déjà été souligné, et je crois que le mot était à la fois simple et fort juste : votre projet de loi marque l’avènement de l’hôpital-entreprise, organisé, répétons-le, autour d’un patron qui sera avant tout un bon gestionnaire financier.
Les professionnels de santé, disons-le, là encore, sans chercher les grands mots, seront écartés des décisions qui concernent l’hôpital et cantonnés dans un simple pouvoir consultatif, …
… y compris pour ce qui concerne le projet médical ou la politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
M. René Teulade. Vous voulez imposer le modèle économique et de gouvernance de l’entreprise à l’hôpital. Mais vous oubliez qu’un service public, cela a été dit, mais je le répète, n’est pas une entreprise qui doit réaliser des bénéfices, même si, bien sûr, l’équilibre budgétaire doit rester au cœur des préoccupations !
Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Votre projet de loi fait également une place très importante aux cliniques privées.
Vous acceptez que les missions de service public ne soient plus l’exclusivité du secteur non lucratif. Le privé non lucratif a d’ailleurs bien failli voir son statut remis en question, avant que l’Assemblée nationale n’adopte des amendements visant à prendre en compte sa spécificité en créant des établissements de santé privés d’intérêt collectif.
En ce qui concerne la gouvernance, vous transformez le conseil d’administration en conseil de surveillance. Outre le nom, c’est la mission qui est changée : alors que le conseil d’administration « arrêtait la politique générale de l’établissement », le conseil de surveillance exercera le contrôle de l’établissement.
Je n’évoquerai pas le directoire, simple affaiblissement de l’ancien conseil exécutif.
Finalement, pour résumer votre vision de la gouvernance de l’hôpital, vous vous inspirez de la pratique du pouvoir adoptée par le Président de la République
Exclamations sur les travées de l ’ UMP
M. René Teulade. … et vous installez un chef-directeur puissant qui décide de tout, un directoire qui conseille le chef, et un parlement, appelé ici « conseil de surveillance », qui enregistre les volontés du directeur.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – M. Alain Gournac s’esclaffe.
Ce n’est pas le texte de la commission ! Vous commentez un texte qui n’existe plus !
Votre réforme ne renoue pas avec la tradition humaniste de l’hôpital : elle privilégie l’accroissement des pouvoirs de l’administration et du technocratique.
Pour rééquilibrer leurs comptes, les gestionnaires se voient contraints de sabrer les prestations médicales que le mode de tarification actuel rend peu rentables. Pour guérir économiquement, un hôpital déficitaire devra couper ou réduire une partie de son activité – et supprimer des emplois – et ne choisir que les actes médicaux rentables : c’est la logique même de la T2A, qui n’est autre qu’une forme de paiement à l’acte. Quel paradoxe !
Nous voulons contenir le paiement à l’acte en médecine de ville, et vous voulez le systématiser à l’hôpital !
La T2A n’est pas une tarification à l’acte, c’est une tarification à l’activité !
Vos prédécesseurs, madame la ministre, sont allés trop loin dans la réforme du financement à l’activité. Tellement loin, d’ailleurs, que désormais vous êtes obligée de freiner, si je puis me permettre, « des quatre fers » ; ainsi, vous avez dû annoncer le report à 2018 de la date de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques privées.
Marques d’approbation sur les travées de l ’ UMP.
Autant dire que cette convergence ne verra jamais le jour. Et c’est tant mieux, parce que ce projet est dépourvu de sens.
La concurrence ne vaut que s’il y a égalité de principe entre compétiteurs. Est-ce souhaitable en matière d’hospitalisation ?
Sans compter, et j’en termine, que nous en sommes à la onzième version de la T2A, avec désormais 2 200 tarifs différents.
Cela illustre bien le malaise de la haute administration !
Nous ne sommes pas opposés à une réforme du financement, mais elle ne doit pas se faire de cette manière. Pour réussir une réforme des hôpitaux, il faut remettre en état l’économie des établissements. Notre économie serait-elle en danger parce que le Gouvernement aurait dégagé 1 milliard d’euros ?
Bruyante approbation sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Pour que je puisse terminer, il faudrait que l’on me laisse m’exprimer !
M. René Teulade. Je disposais d’un quart d’heure ; ai-je vraiment dépassé mon temps de parole ?
Brouhaha
Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur terminer son propos, nous gagnerons du temps…
Je voudrais pour terminer, donc, m’arrêter sur la régulation territoriale de la démographie médicale. Élu d’un département rural, je suis confronté aux inégalités d’accès aux soins. Je déplore ici que les membres de la majorité aient supprimé, lors de la discussion en commission, le caractère obligatoire du « contrat santé solidarité ». Ce dispositif était destiné à obliger les médecins exerçant en zones surdotées à prêter main-forte à leurs confrères des zones sous-dotées.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste vous demande d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable, condition préalable à une large réécriture concertée du projet de loi, au nom du rassemblement nécessaire de toutes les sensibilités de notre assemblée.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Alain Milon, rapporteur. En écoutant M. Teulade, je n’ai pas eu le sentiment qu’il s’exprimait sur le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Alain Milon, rapporteur. Son propos semblait porter plutôt sur la « petite loi » transmise par l’Assemblée nationale.
Mêmes mouvements.
Il a pourtant participé, la semaine dernière, aux trente-trois heures de réunion de la commission… Je ne suis pas sûr qu’il ait tout compris !
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Rires sur les travées de l ’ UMP.
Mettre en doute les facultés mentales de M. Teulade, c’est à la limite de la diffamation !
M. Alain Milon, rapporteur. On peut donc toujours affirmer, sur quelque sujet que ce soit, qu’un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes
Ah non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
De plus, monsieur Teulade, souligner que le texte a été enrichi par les amendements de vos camarades et affirmer dans le même temps qu’il ne résout rien, c’est faire bien peu de cas du travail de ces camarades !
M. Gérard Dériot applaudit.
Enfin, nous nous y sommes habitués : il faut avoir un certain quotient intellectuel pour comprendre ces choses-là !
Pratiquement, tout le monde reconnaît que le projet de loi qui nous est soumis comporte des avancées importantes, qu’il s’agisse d’organisation des parcours de soins, de mise en cohérence des divers aspects de la politique de santé ou de rationalisation de l’action au niveau régionale.
C’est, comme l’a rappelé Mme la ministre, une loi d’organisation : un effort d’organisation est en effet bien nécessaire si l’on veut, précisément, éviter de mettre en péril notre système de santé !
M. Alain Milon, rapporteur. Je vous confirme donc, monsieur le président, l’avis défavorable de la commission.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Très bien, monsieur le rapporteur ! Vous avez raison, nous perdons du temps !
Bien évidemment, je ne peux pas souscrire à cette allégation.
Depuis un an et demi qu’a été lancé le débat sur le texte, …
Chut ! sur les travées de l ’ UMP.
… nous faisons plusieurs constats.
Tout d’abord, la question de la médecine de premier recours a fait l’objet des états généraux de l’organisation des soins, durant lesquels l’ensemble des partenaires a été consulté. Au cours d’un débat, j’ai demandé aux acteurs de terrain s’ils pouvaient retrouver dans le texte du projet de loi une seule mesure qui ne résulte pas d’expérimentations, menées quelquefois, c’est d’ailleurs assez drôle, par des membres d’une organisation qui se montrait fort critique.
M. Alain Gournac s’esclaffe de nouveau.
Pour ce qui concerne le chapitre sur l’hôpital, la mission Larcher a auditionné §plusieurs centaines de personnes, soit à titre individuel, soit en tant que représentants de syndicats ou d’organisations professionnelles.
Le rapport a d’ailleurs donné lieu à des commentaires très élogieux…
… et parfaitement justifiés et le projet de loi…
…a repris quasi intégralement les conclusions de celui qui n’était pas encore le président du Sénat.
Nous avons évidemment depuis plusieurs mois réuni d’autres commissions : la commission présidée par le professeur Marescaux a fourni un certain nombre de précisions et donné des pistes.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous ai moi-même fait part d’un certain nombre d’idées et d’avis émis par cette commission, depuis le 8 février dernier.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.
Vous avez évoqué les innombrables mais très précieux rapports parlementaires sur ce sujet. Je citerai celui de M. Juilhard ici présent, mais de nombreux parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat se sont saisis de ces problématiques.
Un très important travail de concertation a eu lieu, appuyé d’ailleurs dans la perspective de ce projet de loi par de très nombreux colloques, des études, des travaux d’étudiants, sur la nécessaire réorganisation de notre système de santé…
… allant pratiquement tous dans le même sens et qui se retrouvent dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
À un moment, bien sûr, les travaux de concertation doivent s’arrêter parce qu’on en a tiré la substantifique moelle et qu’il est temps de passer à l’étape parlementaire. Mais cette dernière est en elle-même de nouveau une concertation : concertation à l’Assemblée nationale, aujourd’hui concertation au Sénat. Je ne suis pas un ministre qui considère que son texte est figé et que l’on n’a pas le droit de le changer.
Bien entendu, le débat parlementaire constitue à son tour une concertation qui enrichit le texte et il faudra ensuite le faire vivre sur le terrain.
Il y a urgence, mesdames, messieurs les sénateurs : notre système de santé montre des fractures, des difficultés, auxquelles il convient de remédier.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi, je vous demande de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par M. Teulade.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je reprendrai les mots qui ont été prononcés par mes amis René Teulade et Guy Fischer : il y a en effet une « déshumanisation » de l’hôpital.
C’est pour cela qu’il faut voter cette loi !
Ce sont des choses qui ne font pas plaisir à entendre mais c’est ainsi. Pourquoi y a-t-il une déshumanisation ? Elle est liée à l’application de la T2A et à la volonté de rentabilité…
Mais si ! L’hôpital deviendra l’« hôpital-entreprise », mot que vous ne voulez pas entendre.
Pour ce faire, on éloigne bien sûr de la direction les élus et les médecins, qui peuvent avoir des liens plus affectifs, plus amicaux avec les malades, parce qu’ils les connaissent mieux et qu’une sorte de tendresse a pu s’établir…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est du joli !
Sourires.
Madame, j’ai été longtemps médecin dans un hôpital, je sais un peu ce que c’est !
À l’évidence, un directeur n’a pas la même attitude, les mêmes liens, …
… il peut donc être beaucoup plus sévère et rechercher l’équilibre des comptes et la rentabilité.
Madame la ministre, hier le Président de la République a osé s’interroger : serait-on mieux soigné dans un hôpital non rentable ? La formule pourrait sembler habile, mais elle est affligeante, injuste et fausse.
Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier applaudissent.
Pourquoi certains hôpitaux équilibrent-ils leurs comptes et d’autres pas ? Si des hôpitaux équilibrent leurs comptes, c’est parce qu’ils n’acceptent pas les urgences – pas d’urgences de nuit, …
M. René-Pierre Signé. … moins de personnel, on réduit les frais – et, surtout, parce que l’on n’accepte pas les malades qui occupent trop longtemps les lits.
Mme Gisèle Printz applaudit
On supprime les soins palliatifs en refusant les malades en fin de vie. On ne gardera pas la cancérologie dans l’hôpital public. Si l’on veut équilibrer les comptes, les lits ne doivent pas être occupés trop longtemps.
Dès lors, on comprend que les prérogatives des élus et des médecins soient réduites, que les conseils d’administration disparaissent pour faire place à des conseils de surveillance qui auront peu de pouvoir. Le directeur arrêtera les comptes financiers et l’organisation interne de l’établissement. Mieux encore, il décidera de la qualité et de la sécurité des soins. Bientôt, c’est lui qui saura comment le médecin doit soigner ses malades et qui décidera des conditions d’accueil et de la prise en charge des urgences. Pourquoi ne prendrait-t-il pas en charge tous les malades ?
Il est un peu saugrenu de dire qu’il s’agira d’une direction collégiale et que le directeur sera assisté du doyen de la faculté de médecine et du représentant du secteur de recherche. On aura du mal à trouver des doyens de faculté de médecine dans les hôpitaux de proximité !
M. Alain Fauconnier s’esclaffe.
J’ai été pendant vingt ans membre du conseil d’administration d’un hôpital !
Nonobstant vos origines nivernaises, ce qui m’amène à beaucoup d’indulgence, je vous dis que le maire, les élus, les médecins, sont les réceptacles de tous les griefs, de toutes les désillusions, de toutes les déceptions dont se plaignent les malades, quelquefois des pratiques trop dures, un langage un peu trop familier, un tutoiement, toutes choses qui ne sont pas permises.
Ces élus locaux, ces médecins n’auront plus de pouvoir puisque le directeur gérera en totalité l’hôpital, y compris les conditions d’accueil, la qualité et la sécurité des soins.
Madame la ministre, votre projet de loi pèche beaucoup par manque de dialogue. Vous parlez de concertation, mais le dialogue entre les malades et les personnels soignants sera réduit.
Je conclurai en disant que les élus de gauche ne sont pas les seuls à être opposés à votre projet de loi. Le docteur Michel Chassang, le président de la Confédération des syndicats médicaux français, que vous connaissez bien et qui est plutôt de votre côté, est tout à fait opposé à ce projet de loi et souhaite qu’il soit retiré, ce que nous souhaitons également.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue René Teulade, parce qu’elle exprime parfaitement, nous semble-t-il, un certain nombre de critiques auxquelles nous souscrivons pleinement.
Mme la ministre a parlé de concertation.
Une concertation tous azimuts a eu lieu en effet, mais on n’en retrouve pas trace dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne l’accès de tous à des soins de qualité.
S’agissant de l’hôpital, la concertation n’a pas été aussi importante que pour l’organisation des soins.
Vous avez organisé des états généraux pour l’organisation des soins, mais vous n’avez pas organisé d’états généraux pour les hôpitaux. Pourtant, j’avais cru comprendre que, précisément, les médecins des hôpitaux le demandaient.
En ce qui concerne la situation des hôpitaux publics, aujourd’hui, à vous entendre, il n’y a pas de problèmes.
Au contraire, j’ai dit qu’il y avait beaucoup de problèmes : c’est pour cela qu’on légifère !
L’augmentation que vous accordez chaque année aux hôpitaux, environ 3 %, ne couvre même pas la hausse des dépenses incompressibles qui s’élève à 4 %. Cela veut dire que chaque année les hôpitaux ont un manque à gagner d’au moins 0, 5 %.
Il y a là un malentendu, pour ne pas dire plus…
Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas eu de concertation. Les trente-trois heures de réunion en commission constituent, à vos yeux, une concertation. Je considère quant à moi que c’est un travail qui n’a pas toujours été très efficace et qui n’a pas débouché sur des solutions pouvant recueillir notre assentiment.
S’agissant de l’organisation des soins, on ne retrouve pas la trace des nombreux rapports, que ce soit celui de M. Marc Bernier ou celui de M. André Flajolet. Les seules mesures légèrement contraignantes contenues dans votre projet de loi concernant le contrat de solidarité ont été retirées par la commission. Vous le regrettez sans doute, mais pas au point de déposer un amendement pour revenir au texte initial.
Il n’y aurait pas eu de concertation entre vous : M. le rapporteur aurait, bien sûr, décidé cela de son propre chef et, ce faisant, il aurait fait preuve de l’indépendance qui le caractérise ! On ne peut toutefois s’empêcher de penser qu’il y a eu tout de même une certaine connivence entre le Gouvernement et le rapporteur sur ce sujet.
Il n’y a donc plus aucune mesure susceptible de remédier à ces deux problèmes qui sont – j’y insiste – le cancer rongeant actuellement notre assurance maladie : les dépassements d’honoraires et les déserts médicaux.
Je pense qu’il serait nécessaire de réexaminer ce texte en commission afin de lui apporter les éléments manquant, d’autant plus qu’il y aura peut-être une deuxième lecture car, si j’ai bien compris, M. le président de l’Assemblée nationale n’est pas satisfait des conditions dans lesquelles sont déposés des amendements, notamment concernant les CHU.
Les députés n’auront jamais pu délibérer sur les amendements que vous avez déposés sur les CHU concernant le rapport Marescaux.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.
Un rapport sur la santé mentale a été déposé en décembre dernier et on n’a toujours pas de projet de loi sur ce sujet.
Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a été présenté en conseil des ministres en octobre et le rapport Marescaux a été décidé par le Président de la République, alors que ce texte avait été adopté par le conseil des ministres.
On nous demande d’intégrer le rapport Marescaux dans ce projet de loi alors que nous n’en connaissons pas le contenu. En outre, les députés n’auront jamais eu à débattre des amendements qui résultent de ce rapport.
Dans ces conditions, j’estime qu’il ne s’agit pas de concertation : c’est au contraire à des contraintes que vous soumettez notre assemblée. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix la motion n° 281, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :
Nombre de votants341Nombre de suffrages exprimés328Majorité absolue des suffrages exprimés165Pour l’adoption138Contre 190Le Sénat n'a pas adopté.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Je suis saisi, par MM. Godefroy, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mmes Ghali et Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°282.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que l’on ne se méprenne pas : si le groupe socialiste a décidé de déposer une motion tendant au renvoi à la commission, ce n’est ni pour gagner du temps ni pour remettre en cause le travail important réalisé par le président, le rapporteur, les administrateurs et l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce fut long et parfois difficile, mais chacun a rempli son rôle. C'est la raison pour laquelle nous regrettons les propos que M. le rapporteur a tenus tout à l'heure à l’égard de notre collègue René Teulade.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Cela dit, nous avons tout de même de sérieuses raisons de demander le renvoi de ce texte à la commission, qui sont essentiellement dues aux dysfonctionnements liés à l’application de la nouvelle procédure législative.
En effet, c’est une très mauvaise idée d’avoir voulu expérimenter la nouvelle procédure parlementaire avec ce projet de loi !
M. Jean-Pierre Godefroy. D’abord, rien ne nous y obligeait, puisque ce texte a été déposé au Parlement bien avant l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi organique. Par ailleurs, le règlement de la Haute Assemblée n’a pas encore été modifié pour intégrer les nouvelles règles de fonctionnement internes au Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ainsi, tout au long du travail en commission, nous avons navigué à vue entre anciennes règles, nouvelles règles, voire futures règles. Nous nous demandons même jusqu’à quel point tout cela est régulier. D’ailleurs, le président du Sénat semble, lui aussi, partager cette inquiétude, puisqu’il s’est dit pressé de voir adoptée la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat qu’il a déposée le 30 avril dernier, afin d’assurer la « sécurité juridique » des textes en cours d’examen.
Cette nouvelle procédure, censée illustrer le renforcement des droits du Parlement, prévoit de faire la part belle au travail réalisé en commission. On nous a promis beaucoup de choses à ce sujet, notamment une meilleure préparation en amont de la séance plénière par les groupes et les commissions. Mais le passage de la théorie à la pratique révèle souvent bien des surprises !
La théorie, c’est une discussion en quatre temps, censée « utiliser au mieux la garantie constitutionnelle » du délai de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi et son examen par la première chambre et de quatre semaines avant l’examen par la deuxième chambre.
Il est ainsi prévu une première réunion de la commission au cours de laquelle est organisé un débat préalable d’orientation ; une deuxième réunion de commission pour examiner le rapport et établir le texte de la commission quinze jours au moins avant le début de la discussion en séance plénière ; une troisième réunion de commission pour examiner les amendements déposés en vue de la séance ; et enfin, la séance plénière, avec la garantie que tous les amendements seront présentés.
Mais qu’en est-ilde la pratique ?
Il est vrai que nous avons commencé à travailler sur ce texte très en amont de son examen par le Sénat. Nous savons d’ailleurs gré à M. le rapporteur d’avoir organisé, dès le mois de décembre dernier, de nombreuses auditions, ouvertes à tous, et auxquelles nous avons participé. Mais toute cette belle mécanique a déraillé lorsque nous sommes passés à la phase terminale.
Dès la réunion de la commission des affaires sociales du 7 avril dernier, au cours de laquelle étaient organisés l’audition des ministres et le débat général sur le texte, M. le président de la commission avait pressenti la difficulté d’examiner sérieusement un texte aussi conséquent, qui comptait une centaine d’articles à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, et aussi varié, avec des sujets très différents d’un titre à l’autre, certains pouvant même faire l’objet d’un projet de loi à eux seuls.
C’est pourquoi il avait pris soin de diviser le débat en trois temps afin de faciliter l’examen du texte. Néanmoins, personne ne le contestera, ce fut une séance marathon au cours de laquelle le débat a été très formel. Il ne fut pas vraiment possible d’entrer dans le détail du texte et, malheureusement, d’en débattre avec le Gouvernement – ce qui est notre souhait – ; de nombreuses questions posées par les commissaires sont même restées sans réponse.
Mais le problème le plus sérieux est intervenu lors de l’examen des amendements internes à la commission. Je le redis, car je veux que ce soit clair : nous ne nions absolument pas les efforts qui ont été réalisés par M. le président et M. le rapporteur pour faciliter le travail de la commission, et nous tenons d’ailleurs à rendre hommage à la disponibilité, à l’écoute et au sang-froid dont M. le président a su faire preuve tout au long de nos réunions, et encore récemment.
Les parlementaires ayant décidé de jouer le jeu, 1 420 amendements avaient été déposés. Au passage, cela démontre que les parlementaires continuent de travailler même lorsque le Parlement ne siège pas.
Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier opinent et applaudissent.
Aussi, nous sommes nombreux à ne pas avoir apprécié les propos de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui, pour justifier l’organisation d’une session extraordinaire au mois de juillet, a déclaré : « Je crois que personne ne comprendrait que, dans une période de crise économique dans laquelle les Français sont inquiets, le Parlement se mette en vacances trois mois. »
Mmes Claire-Lise Campion et Gisèle Printz applaudissent.
… ni même avant lorsque j’étais maire !
Ce nombre d’amendements paraît considérable, mais tout le monde s’accorde à reconnaître que c’est tout à fait normal pour un texte de cette importance. Toutefois, je ne prolongerai pas mon propos sur ce point.
Initialement, une journée, soit trois réunions de commission, avait été prévue pour venir au terme de l’examen de ces amendements. Mais, à l’issue de cette journée, nous n’en avions examiné que 300.
Pour écluser le reste, il a fallu ajouter trois journées et sept réunions de commission supplémentaires ! Difficile pour les parlementaires de réajuster leur agenda à la dernière minute, afin de pouvoir venir défendre leurs amendements !
À l’évidence, la conférence des présidents n’a pas su anticiper ce qui était pourtant prévisible. Ce texte, dont on parle depuis des mois, est loin d’être consensuel. De nombreux acteurs sont mobilisés ; en témoigne l’abondant courrier que nous recevons depuis longtemps. La conférence des présidents aurait dû adapter le calendrier d’examen du texte, prévoir un temps plus long pour l’examen en commission et, certainement, décaler son examen en séance publique.
Je souhaiterais maintenant soulever un autre problème, celui du rôle du Gouvernement lors des débats d’amendements en commission.
Nous ne nous opposons pas bien sûr à la présence du Gouvernement durant ces réunions, puisque le Conseil constitutionnel en a décidé ainsi, mais nous nous interrogeons sur sa finalité effective, alors même que, dans le cas présent, les divergences d’appréciation entre la commission et le Gouvernement étaient réelles sur de nombreux points.
À plusieurs reprises, nous vous avons vue suggérer « avec tact et mesure », madame la ministre, des orientations de vote à certains sénateurs de la majorité. Je ne vous en fais pas le reproche, cette procédure est tout à fait compréhensible, mais elle ne nous paraît pas acceptable. En effet, il s’agit d’une atteinte grave à la liberté de délibération des commissions et au fonctionnement libre et démocratique du Parlement ; la séparation des pouvoirs avec l’exécutif n’est plus assurée.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
De même, dès lors que le Gouvernement est présent en commission avec ses collaborateurs et que le rapporteur est assisté des administrateurs de la commission, ce qui est naturel, les groupes devraient pouvoir également disposer de la présence d’un ou plusieurs collaborateurs pour être à armes égales.
Or cela n’a pas été possible avec ce texte, car nous sommes en cours d’expérimentation. Il aurait fallu là encore attendre le nouveau règlement de la Haute Assemblée.
J’évoquerai un dernier problème, le délai pour le dépôt des amendements destinés à être examinés en séance plénière.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le délai a été extrêmement court ! On est loin, très loin, du délai de quinze jours prévu par la nouvelle procédure. Le texte a été partiellement rendu public à partir du 2 mai et le texte complet adopté par la commission n’a finalement été mis en ligne que le mercredi 6 mai dans la soirée. Or la clôture du délai pour le dépôt des amendements était fixée au jeudi 7 mai à dix-sept heures, avec, toutefois, un délai supplémentaire jusqu’au lundi 11 mai à douze heures pour le titre IV. Voilà qui laissait très peu de temps pour faire remonter nos amendements et les adapter au nouveau texte adopté par la commission.
À cet instant, je veux d’ailleurs très sincèrement remercier les fonctionnaires de la commission, nos collaborateurs de groupe et nos assistants qui se sont démenés pour tenir les délais.
Vous le savez, il s’agit d’un travail très technique, qui prend énormément de temps, sans compter les sollicitations qui nous arrivent jusqu’à la dernière minute.
Si nous avons décidé de redéposer un certain nombre des amendements déjà présentés en commission, ce n’est pas pour faire de l’obstruction ou ralentir les débats ! Nous tenons à faire connaître publiquement les divergences de vues importantes que nous avons sur certains points du texte, et nous ne désespérons pas – l’espoir fait vivre ! – de convaincre une majorité de nos collègues en séance plénière.
Madame la ministre, elles sont là, nos propositions, dans les amendements dont nous allons débattre !
Quant à nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des affaires sociales, ils avaient vraiment très peu de temps pour s’approprier le nouveau texte et réagir en conséquence.
Je rappelle que, constitutionnellement, le droit d’amendement est personnel ; il peut donc s’exercer quels que soient la commission et le groupe auxquels on appartient.
De nombreux sénateurs des autres commissions se sentent concernés par ce texte, car ce sont aussi des élus locaux qui sont ou ont été membres d’un conseil d’administration d’un hôpital. Ils connaissent donc les préoccupations de leurs concitoyens pour ce qui concerne l’accès aux soins
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste
Bref, vous le voyez, mes chers collègues, les dysfonctionnements ont été nombreux, ce qui a été dommageable. Toutefois, je le répète – mais ce sera la dernière fois ! – afin de lever toute ambiguïté, M. le président de la commission, M. le rapporteur et les fonctionnaires de la commission des affaires sociales n’ont pas ménagé leurs efforts.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous pouvez recommencer !
Sourires
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le président About ne s’en lasse pas !
Nouveaux sourires.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, nous a donné rendez-vous dans un an pour évaluer les innovations introduites par cette nouvelle procédure législative. Nous pouvons d’ores et déjà lui faire parvenir de nombreuses remarques, car point n’est besoin d’une année pour détecter les anomalies et les graves défauts démocratiques de cette nouvelle pratique !
M. Alain Fauconnier applaudit.
J’avancerai, mes chers collègues, un autre argument de nature à vous convaincre de voter la motion tendant au renvoi à la commission.
N’oubliez pas que le Gouvernement a déclaré l’urgence sur ce texte ! Or, considérant les divergences entre les professionnels concernés, le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat, il ne me semble pas normal, madame la ministre, de renvoyer à une commission mixte paritaire, composée de sept sénateurs et de sept députés, le soin de trancher toutes ces questions qui vont nous occuper de nombreuses heures ! Si vous optez pour cette solution, ne vous étonnez pas que les hémicycles soient désertés ! De plus, si la commission mixte paritaire ne parvient pas à un accord, ce qui peut arriver, vous n’aurez pas gagné de temps, puisque vous devrez prévoir une autre lecture ! Mais les propos de M. Copé doivent vous rassurer, puisqu’il a rappelé que l'Assemblée nationale aura le dernier mot.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire, mes chers collègues : défendre le mieux possible le texte de la commission, avant qu’il ne soit par trop modifié avant son examen en commission mixte paritaire !
Cela se justifie d’autant plus que, depuis le début de la semaine, les déclarations successives et parfois même contradictoires du Président de la République changent la donne ! On se demande d’ailleurs si toutes ces interférences extérieures ne visent tout simplement pas à court-circuiter le Parlement.
Comment pouvons-nous, comment pouvez-vous, mes chers collègues de la majorité, accepter que le Gouvernement se serve d’un rapport dont nous n’avons pas connaissance pour déposer des amendements importants concernant les CHU ?
Pendant des mois, on nous a dit que les CHU n’étaient pas concernés par la réforme en cours et, à la dernière minute, on voudrait les y introduire sans que les députés aient pu en débattre ?
Déjà des voix s’élèvent dans les rangs de la majorité à l’Assemblée nationale – et pas des moindres ! – pour protester contre ce passage en force.
On pourrait espérer qu’il en soit de même ici au Sénat. Cela me semble particulièrement problématique. Le Conseil constitutionnel aura certainement à donner son avis sur ce sujet.
Nous n’avons commencé à étudier les amendements du Gouvernement que pendant l’heure de midi, et nous n’avons pas fini. Ils visent à revenir largement sur le texte de la commission. Est-ce la suite des injonctions du Président de la République aux sénateurs ? En effet, il déclarait hier : « je crois que nous avons trouvé un bon équilibre ; nous n’irons pas plus loin ».
Effectivement, vous tentez de revenir à la version initiale du projet de loi présenté à l’Assemblée nationale...
Madame la ministre, nous vous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, rien ne justifie cette urgence. Au contraire, la contestation grandissante impose un retour à la procédure normale, laquelle permettrait d’avoir un débat apaisé et transparent, et de faire un travail sérieux et approfondi.
Madame la ministre, nous vous le demandons à nouveau solennellement, tout comme le président de notre groupe, Jean-Pierre Bel, l’a fait hier : levez l’urgence, faites vivre la navette, garante du respect des droits du Parlement. En l’état actuel des choses, elle s’impose comme une absolue nécessité démocratique. Vous n’avez d’ailleurs donné aucune explication convaincante pour justifier l’urgence. Même s’il est prévu que le texte entre en vigueur au 1er janvier 2010, cela donne du temps pour une seconde lecture !
Madame la ministre, cette obstination à ne pas vouloir lever l’urgence, ce que pourtant vous pouvez faire à tout moment, me rappelle l’obstination d’autres au moment du CPE !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle opine.
Chers collègues, je vous exhorte à voter ce renvoi à la commission qui donnera le temps au Parlement de débattre dans des conditions respectueuses d’un fonctionnement démocratique normal.
Madame la ministre, je réitère ma demande, car je regrette que vous n’acceptiez pas de lever l’urgence, ce qui permettrait pourtant à nos commissions, comme à celles de l’Assemblée nationale, de se saisir à nouveau de ce texte dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je voudrais tout d’abord rendre hommage à l’ensemble des sénateurs de la commission qui, pour une quarantaine d’entre eux, ont travaillé pendant plus de trente-quatre heures, parfois des nuits entières, sur ce projet de loi extrêmement important.
Je voudrais aussi saluer le travail remarquable des collaborateurs de la commission, qui sont évidemment là pour aider le rapporteur, le président, mais qui sont également à la disposition des sénateurs de la commission et qui n’ont pas hésité à aller régulièrement à votre rencontre pour vous aider vous-mêmes dans vos travaux.
Cela dit, si je veux bien admettre que la nouvelle procédure change singulièrement nos habitudes, je ne peux pas dire que le tsunami d’amendements déposés ait facilité notre apprentissage !
J’ai le sentiment, malgré tout, que nous avons tous beaucoup travaillé et que nous sommes allés au fond des sujets, en particulier grâce à une présidence particulièrement efficace, je tiens à le redire.
Sans compter les auditions ni l’examen des amendements extérieurs, avec le président et le rapporteur, vous avez consacré près de trente-neuf heures de réunions en commission. Je me dois aussi de saluer la présence de Mme la ministre, qui a assisté pratiquement à toutes nos discussions.
Je ne crois pas que l’on puisse affirmer, comme cela est écrit dans la motion de renvoi à la commission, que le texte issu de nos travaux est susceptible « de porter atteinte à l’image de sérieux de la Haute Assemblée. ». Bien au contraire, il est à l’image du sérieux de la Haute Assemblée !
M. Alain Milon, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Le Gouvernement va évidemment être d’accord avec le rapporteur. En vérité, ce débat concerne davantage le fonctionnement interne de votre assemblée sur lequel, en tant que ministre de la santé, je porte un regard extérieur.
J’ai seulement constaté que cette nouvelle procédure nécessitait effectivement quelques réglages matériels. Le président Larcher a d’ailleurs indiqué que les choses allaient évoluer, en particulier la configuration des salles. Dont acte !
Personnellement, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, je ne me suis nullement offusquée de l’aspect « camping » des conditions dans lesquelles j’ai été accueillie, le président About ayant organisé tout cela avec beaucoup d’humanité et de gentillesse. Je considère que nos débats se sont déroulés de bonne façon.
Qu’est-ce qui compte en la matière ? C’est la qualité de l’échange, de la confrontation, du débat intellectuel. Le rembourrage des fauteuils n’a finalement que peu d’importance !
Je considère que, véritablement, nos débats se sont excellemment passés, débats qui, comme le rappelait le rapporteur, ont duré trente-neuf heures, sans compter toutes les réunions annexes qui ont eu lieu.
Que l’orateur ait pu penser que je pouvais, par ma seule présence et quelques interpellations, suborner des sénateurs et des sénatrices de la majorité, j’en suis très flattée !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’opposition, loin de vous apprécier à votre juste valeur, vous traite, je crois, avec un certain dédain, voire une certaine arrogance.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Croyez que je ne partage pas cette attitude !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Je mets aux voix la motion n° 282, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du président du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 150 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, à la demande de Mme la ministre, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
MODERNISATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
L’article 1er A a été supprimé par la commission.
CHAPITRE IER
Missions des établissements de santé
Je rappelle que tous les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er ont été réservés jusqu’après l’article 13 quater.
I. - L'article L. 6111-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-1. - Les établissements de santé publics, privés et privés d'intérêt collectif assurent, dans les conditions prévues par le présent code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes.
« Ils délivrent les soins avec hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile.
« Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé et de l'autonomie en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les concernent.
« Ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé publique et des dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire.
« Ils mènent, en leur sein, une réflexion sur l'éthique liée à l'accueil et la prise en charge médicale. »
II. - L'article L. 6111-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-2. - Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et traiter les évènements indésirables liés à leurs activités.
« Dans ce cadre, ils organisent la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie, définissent une politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles et mettent en place un système permettant d'assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux. »
III. - L'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Missions de service public des établissements de santé ».
IV. - Les articles L. 6112-1, L. 6112-2 et L. 6112-3 du même code sont ainsi rédigés :
« Art. L. 6112-1. - Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes :
« 1° La permanence des soins ;
« 1° bis La prise en charge des soins palliatifs ;
« 2° L'enseignement universitaire et post-universitaire ;
« 2° bis La recherche ;
« 3° La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ;
« 4° La formation initiale et continue des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence ;
« 5° Supprimé par la commission
« 6° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ;
« 7° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés ;
« 8° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et la discrimination ;
« 9° Les actions de santé publique ;
« 10° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement ;
« 11° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret ;
« 12° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
« 13° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.
« Art. L. 6112-2. - Outre les établissements de santé, peuvent être chargés d'assurer ou de contribuer à assurer, en fonction des besoins de la population appréciés par le schéma régional d'organisation des soins, les missions de service public définies à l'article L. 6112-1 :
« - les centres de santé et les maisons de santé ;
« - l'Institution nationale des invalides dans le cadre de ses missions définies au 2° de l'article L. 529 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
« - le service de santé des armées, dans des conditions fixées par décret en Conseil des ministres ;
« - les groupements de coopération sanitaire ;
« - les autres personnes titulaires d'autorisation d'équipement matériel lourd ;
« - les praticiens exerçant dans les établissements ou structures mentionnés au présent article.
« Lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, sans préjudice des compétences réservées par la loi à d'autres autorités administratives, désigne la ou les personnes qui en sont chargées.
« Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 6114-1 ou un contrat spécifique précise les obligations auxquelles est assujettie toute personne assurant ou contribuant à assurer une ou plusieurs des missions de service public définies au présent article et, le cas échéant, les modalités de calcul de la compensation financière de ces obligations.
« La signature ou la révision du contrat afin d'y intégrer les missions de service public peut être à l'initiative de l'un ou l'autre des signataires.
« Les missions de service public, qui à la date de publication de la présente loi, sont déjà assurées par un établissement de santé sur un territoire donné, font l'objet d'une reconnaissance prioritaire dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
« Art. L. 6112-3. - L'établissement de santé, ou toute personne chargée d'une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1, garantit à tout patient accueilli dans le cadre de ces missions :
« 1° L'égal accès à des soins de qualité ;
« 2° La permanence de l'accueil et de la prise en charge, ou l'orientation vers un autre établissement ou une autre institution, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé et de l'autonomie ;
« 3° La prise en charge aux tarifs fixés par l'autorité administrative ou aux tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
« Les garanties mentionnées aux 1° et 3° sont applicables à l'ensemble des prestations délivrées au patient dès lors qu'il est admis au titre de l'urgence ou qu'il est accueilli et pris en charge dans le cadre de l'une des missions mentionnées au premier alinéa, y compris en cas de réhospitalisation dans l'établissement ou pour les soins, en hospitalisation ou non, consécutifs à cette prise en charge.
« Les obligations qui incombent, en application du présent article, à un établissement de santé ou à l'une des structures mentionnées à l'article L. 6112-2 s'imposent également aux praticiens qui y exercent. »
V. - Après l'article L. 6112-3 du même code, il est inséré un article L. 6112-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6112-3-1. - Tout patient d'un établissement public de santé bénéficie des garanties définies aux 1° et 2° de l'article L. 6112-3.
« Les établissements publics de santé appliquent aux assurés sociaux les tarifs prévus aux articles L. 162-20 et L. 162-26 du code de la sécurité sociale.
« Dans le cadre des missions de service public assurées par l'établissement, les tarifs des honoraires des professionnels de santé visés au premier alinéa de l'article L. 6146-2 et des praticiens hospitaliers exerçant dans le cadre de l'activité libérale prévue à l'article L. 6154-1 sont ceux prévus au 1° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. »
V bis. - 1° L'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale est complété par un V ainsi rédigé :
« V. - Le Gouvernement présente avant le 15 octobre de chaque année au Parlement un rapport sur la tarification à l'activité des établissements de santé et ses conséquences sur l'activité et l'équilibre financier des établissements publics et privés. Le rapport précise notamment les dispositions prises :
« - pour prendre en compte les spécificités des actes réalisés dans les établissements publics de santé et mesurer l'impact sur leurs coûts de leurs missions de service public ;
« - pour mesurer et prévenir les conséquences de la tarification à l'activité sur la multiplication artificielle des actes, la qualité des soins, les activités de santé publique et la prise en charge des pathologies chroniques. »
2° Jusqu'en 2012, le rapport prévu au V de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale est transmis au Parlement en même temps que le bilan d'avancement du processus de convergence mentionné au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.
VI. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 6122-7 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :
« Elle peut également être subordonnée à des conditions relatives à la participation à une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 ou à l'engagement de mettre en œuvre*- des mesures de coopération favorisant l'utilisation commune de moyens et la permanence des soins.
« L'autorisation peut être suspendue ou retirée selon les procédures prévues à l'article L. 6122-13 si les conditions mises à son octroi ne sont pas respectées. »
VI bis. - Après le premier alinéa de l'article L. 6122-10 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également être subordonné aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 6122-7. »
VII. - L'article L. 6161-4 du même code est remplacé par deux articles L. 6161-4 et L. 6161-4-1 ainsi rédigés :
« Art. L. 6161-4. - Le contrat pour l'exercice d'une profession médicale conclu entre toute personne chargée d'assurer une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 et un praticien précise, en tant que de besoin, les conditions de la participation de ce dernier à ces missions et les obligations qui s'imposent à lui en application du dernier alinéa de l'article L. 6112-3.
« Si ce contrat est antérieur à celui confiant une ou plusieurs missions de service public au cocontractant du praticien, il est, en tant que de besoin, révisé pour intégrer les stipulations mentionnées au premier alinéa dans un délai de six mois à compter de la date de la signature du contrat conclu en application du dernier alinéa de l'article L. 6112-2.
« L'agence régionale de santé et de l'autonomie est informée des termes de cette révision.
« Si le praticien refuse de procéder à sa révision, il peut prétendre à des indemnités en cas de résiliation du contrat par l'établissement dès lors que la durée d'activité consacrée aux missions de service public proposée par le contrat révisé excède 30 % de son temps travaillé.
« Art. L. 6161-4-1. - Supprimé par la commission
VII bis. - L'article L. 6161-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 6161-5. - Sont qualifiés d'établissements de santé privés d'intérêt collectif :
« 1° Les centres de lutte contre le cancer ;
« 2° Les établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif qui en font la déclaration auprès de l'agence régionale de santé et de l'autonomie.
« Les obligations à l'égard des patients prévues aux 1° et 2° de l'article L. 6112-3 sont applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif pour l'ensemble de leurs missions.
« Les établissements de santé privés d'intérêt collectif appliquent aux assurés sociaux les tarifs prévus aux articles L. 162-20 et L. 162-26 du code de la sécurité sociale.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. »
VIII. - Le premier alinéa de l'article L. 6162-1 du même code est ainsi rédigé :
« Les centres de lutte contre le cancer sont des établissements de santé qui exercent leurs missions dans le domaine de la cancérologie. »
IX. - L'article L. 162-20 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-20. - Les assurés sociaux sont hospitalisés dans les établissements publics de santé aux tarifs fixés par l'autorité administrative compétente. »
X. - L'article L. 6311-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6311-2. - Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés, conformément aux dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie, à comporter une ou plusieurs unités participant au service d'aide médicale urgente, dont les missions et l'organisation sont fixées par voie réglementaire.
« Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente. Ce centre peut être commun à plusieurs services concourant à l'aide médicale urgente.
« Le fonctionnement de ces unités et centre peut être assuré, dans des conditions fixées par décret, avec le concours de médecins d'exercice libéral.
« Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et d'incendie et de secours.
« Les services d'aide médicale urgente et les services concourant à l'aide médicale urgente sont tenus d'assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix. »
XI. - L'article L. 6112-5 du même code est abrogé.
XII. - L'article L. 6323-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 6321-1. - Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Ils assurent des activités de soins sans hébergement et mènent des actions de santé publique ainsi que des actions de prévention, d'éducation pour la santé, d'éducation thérapeutique des patients et des actions sociales et pratiquent la délégation du paiement du tiers mentionné à l'article L. 322-1 du code de la sécurité sociale. Ils peuvent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse dans le cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2 et dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 à L. 2212-10 du présent code.
« Ils constituent des lieux de stages pour la formation des différentes professions de santé.
« Ils peuvent soumettre à l'agence régionale de santé et de l'autonomie et appliquer les protocoles définis à l'article L. 4011-2 dans les conditions prévues à l'article L. 4011-3.
« Ils sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé publics ou des établissements de santé d'intérêt collectif.
« Les centres de santé élaborent un projet de santé incluant des dispositions tendant à favoriser l'accessibilité sociale, la coordination des soins et le développement d'actions de santé publique.
« Le projet médical du centre de santé géré par un établissement de santé est distinct du projet d'établissement.
« Les médecins qui exercent en centre de santé sont salariés.
« Les centres de santé sont soumis pour leur activité à des conditions techniques de fonctionnement prévues par décret, après consultation des représentants des gestionnaires de centres de santé. Ce texte détermine également les modalités de la période transitoire. »
XIII. - L'article L. 6323-2 du même code est abrogé.
XIV. - L'article L. 6111-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de santé peuvent créer et gérer les centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 du présent code. »
XV. - Les articles L. 6161-3-1, L. 6161-6, L. 6161-7, L. 6161-8, L. 6161-9 et L. 6161-10 du même code sont abrogés.
XVI. - Les établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de publication de la présente loi peuvent continuer d'exercer, dans les mêmes conditions, les missions pour lesquelles ils y ont été admis ou celles prévues par leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004. Ils prennent la qualification d'établissement de santé privé d'intérêt collectif sauf opposition expresse de leur part notifiée par leur représentant légal au directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception.
Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les articles L. 6112-3-1, L. 6112-6, L. 6112-7, L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et les articles L. 6145-1 et L. 6155-1 du code de la santé publique leur sont applicables. Jusqu'à cette même date, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.
Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du présent XVI, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 6161-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, leur sont applicables.
XVII. - Les établissements de santé privés qui ont opté pour le financement par dotation globale, en application de l'article 25 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, continuent d'exercer, dans les mêmes conditions, les missions prévues à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.
Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les articles L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et l'article L. 6145-1 du code de la santé publique leur sont applicables. Jusqu'à cette même date, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.
Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du présent XVII, les deuxième à sixième alinéas du XVIII bis leur sont applicables.
XVIII. - Les centres de lutte contre le cancer mentionnés à l'article L. 6162-1 du code de la santé publique continuent d'exercer, dans les mêmes conditions, outre les missions qui leur sont assignées par la loi, les missions prévues à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.
Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance prévue au 2° de l'article 33 de la présente loi, les articles L. 6112-3, L. 6112-6, L. 6112-7, L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et les articles L. 6145-1 et L. 6155-1 du code de la santé publique leur sont applicables.
Jusqu'à la date mentionnée au troisième alinéa du présent XVIII, le dernier alinéa de l'article L. 6161-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, leur reste applicable. Les deuxième à sixième alinéas du XVIII bis leur sont applicables.
XVIII bis. - Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du XVI, les dispositions suivantes sont applicables aux établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de publication de la présente loi.
Lorsque le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie estime que la situation financière de l'établissement l'exige et, à tout le moins, lorsque le suivi et l'analyse de l'exécution de l'état des prévisions de recettes et de dépenses prévus à l'article L. 6145-1 du code de la santé publique ou le compte financier font apparaître un déséquilibre financier répondant à des critères définis par décret, ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion de l'établissement, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie adresse à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu'il fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l'objectif recherché.
Les modalités de retour à l'équilibre financier donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 6114-1 du même code.
S'il n'est pas satisfait à l'injonction, ou en cas de refus de l'établissement de signer l'avenant susmentionné, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie peut désigner un administrateur provisoire de l'établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois renouvelable une fois. Si l'organisme gestionnaire gère également des établissements ou services qui relèvent de la compétence tarifaire du représentant de l'État ou du président du conseil général, l'administrateur provisoire est désigné conjointement par le représentant de l'État dans le département et le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie. L'administrateur doit satisfaire aux conditions définies aux deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 811-2 du code de commerce.
L'administrateur provisoire accomplit, pour le compte de l'établissement, les actes d'administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés et préparer et mettre en œuvre un plan de redressement. La rémunération de l'administrateur est assurée par les établissements gérés par l'organisme et répartie entre les établissements ou services au prorata des charges d'exploitation de chacun d'eux. L'administrateur justifie, pour ses missions, d'une assurance couvrant les conséquences financières de la responsabilité conformément aux dispositions de l'article L. 814-5 du code de commerce, prise en charge dans les mêmes conditions que la rémunération.
En cas d'échec de l'administration provisoire, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie peut saisir le commissaire aux comptes pour la mise en œuvre de l'article L. 612-3 du même code.
XIX. - Les contrats de concession pour l'exécution du service public hospitalier conclus en application de l'article L. 6161-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas renouvelés. Ils prennent fin au plus tard à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.
M. le président. Mes chers collègues, afin de me simplifier la tâche, je vous prie de bien vouloir respecter votre temps de parole de cinq minutes.
M. Guy Fischer s’exclame.
J’ai en effet cru comprendre que notre discussion serait un peu longue !
Sourires.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes d’accord sur un point : ce projet de loi est un rendez-vous très attendu.
Nous affrontons une crise globale de notre système de santé. Chacun peut témoigner de la défiance qui s’installe, face à un système qui répond de moins en moins bien aux besoins des malades.
Nous pouvons tous témoigner du recul progressif du droit à la santé, un recul qui angoisse aujourd’hui les Français.
Il se traduit, tout d’abord, par une plus grande inégalité sociale.
L’étude du Secours populaire d’octobre 2008 le confirme : la dégradation de la santé se conjugue avec celle du pouvoir d’achat. La pauvreté atteint désormais de nouvelles catégories sociales de salariés et de retraités. Toujours selon cette étude, 39 % des Français ont déjà retardé un soin ou y ont renoncé en raison de son coût. Le renoncement aux soins devient monnaie courante.
Ce recul se traduit également par une inégalité territoriale.
À la périphérie de nos grandes villes, le désert médical fait autant de ravages que dans le milieu rural. Nous vivons cette situation dans les quartiers défavorisés, où les cabinets médicaux ont disparu. Et pour obtenir un rendez-vous dans les derniers cabinets en activité, il faut désormais attendre des mois !
Cette réalité si dégradée, ce climat si tendu, c’est le résultat de vos plans et de votre logique.
Depuis le passage de M. Douste-Blazy au ministère de la santé jusqu’au vôtre, madame la ministre, en passant par celui de M. Bertrand, que de promesses faites, que de réformes engagées : franchises médicales augmentées, dépassements d’honoraires autorisés, déremboursements élargis, et j’en passe !
Et pour quel résultat ?
Vous n’avez eu de cesse de creuser les déficits. Quant au sacro-saint principe de responsabilisation, censé éviter les abus, il n’a abouti qu’à rendre l’inégalité devant la santé plus forte encore.
Nous espérions la refondation d’un système public de santé de proximité, car c’est une urgence et une priorité. Mais devant l’ampleur des échecs financiers de vos prédécesseurs, vous préférez vous obstiner en approfondissant le trou libéral.
Au lieu de vous attaquer sérieusement aux questions structurantes – la permanence des soins, la liberté d’installation, la rémunération à l’acte, les dépassements d’honoraires, les discriminations de toutes sortes –, vous préférez masquer les problèmes et accabler l’hôpital pour réduire le rôle du service public. Tel est d’ailleurs l’objet du titre Ier et de l’article 1er du présent projet de loi.
Les discours du Président de la République sur l’hôpital ne trompent personne. Comme vous voulez cacher les problèmes de la médecine de ville ou de la médecine libérale, qui sont les problèmes majeurs rencontrés aujourd’hui par nos concitoyens, vous choisissez de mettre en avant la crise de l’hôpital public.
Le discours qui prend l’hôpital public pour cible est exaspérant. En effet, à l’évidence, loin de concentrer tous les défauts de notre système, l’hôpital public subit au contraire toutes les contradictions qui naissent de la double insuffisance de la politique de santé publique et de l’offre de soins libérale.
Madame la ministre, la crise de l’hôpital public, c’est la faillite de votre politique, celle d’une médecine libérale sans règle, celle d’un ONDAM hospitalier volontairement sous-estimé, année après année, celle d’une réforme de la tarification à l’activité inadéquate.
Lorsque vous nous dites que va se mettre en place dans quelques mois la « V11 », c’est-à-dire la onzième version de la tarification à l’activité applicable aux établissements hospitaliers, lorsque vous affirmez que vont enfin être pris en compte des phénomènes comme la précarité ou la gravité de certaines pathologies, vous avouez, mais vous insistez !
Vous prévalant de vos propres turpitudes, vous accentuez l’emprise comptable, et vous évacuez la démocratie sanitaire.
Nous reviendrons, notamment, sur les dispositions du titre Ier, car nous sommes profondément choqués de constater combien votre texte marginalise la pensée médicale sans que vous puissiez invoquer aucune raison organisationnelle.
La réalité, c’est que vous voulez disposer de directeurs d’hôpitaux dont le seul objectif sera de rester dans les clous des contraintes budgétaires que vous imposez à l’hôpital public.
Une fois réalisée la gestion interne libérale, il ne vous reste plus qu’à libéraliser le secteur lui-même !
Vous continuez de vous appuyer sur vos propres turpitudes, l’impasse budgétaire des établissements, 1 milliard d’euros de déficit que l’acrobatie comptable a de plus en plus de mal à masquer, tant le manque de moyens et d’investissements est patent dans certaines parties du territoire !
Vous invoquerez les carences du service public et ferez appel – c’est l’objet de l’article 1er – aux établissements de santé privés pour remplir des missions de service public, nouvelle étape de la privatisation.
Au-delà de notre réserve de principe, nous insistons – et nous y reviendrons dans la discussion des amendements – pour que les établissements privés ne puissent pas choisir, ne puissent pas sélectionner à la carte les missions de service public qu’ils auront à appliquer, car le service public coûte cher lorsqu’il est appliqué dans son intégralité, et ce qui est imposé au secteur public doit l’être également au secteur privé !
Nous insistons donc pour que soit reconnu, à l’occasion de cette loi, un bloc de missions de service public qui ne puisse pas se partager, se discuter ou se négocier. La question du socle de missions de service public est fondamentale.
Mme Gisèle Printz ainsi que MM. Jean-Pierre Godefroy et René Teulade applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article 1er qui se veut un rappel et qui précise les missions générales des établissements de santé, vous entendez, en réalité, privatiser le service public hospitalier, c’est-à-dire procéder à la destruction d’un service organisé en y intégrant d’autres acteurs, mais également, et surtout, en confiant à ces nouveaux acteurs les mêmes missions que celles que vous confiez aux établissements publics de santé, alors même que ces nouveaux acteurs, issus du secteur privé, poursuivent des intérêts autres que collectifs.
Cette privatisation repose, en partie, sur le postulat du Gouvernement et de l’ensemble des libéraux selon lequel la nature juridique de ceux qui réalisent les missions de service public importe peu, puisque ce qui compte, c’est le service rendu.
En réalité, sans que cela soit réellement avoué, nous assistons aujourd’hui à l’application de la directive Bolkestein aux établissements de santé. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, lorsque, à l’occasion d’un débat organisé par « le cercle des Européens », vous déclariez « vouloir imprégner la politique de santé française d’une couleur européenne ».
Certes, la directive « services » épargne aujourd’hui la santé, considérant qu’il s’agit d’une question relevant de la seule compétence nationale. Il n’en demeure pas moins que l’on observe en France, comme dans les autres pays européens, des mouvements de révision des politiques sociales et sanitaires, convergeant tous dans le même sens, l’unification, voire l’uniformisation des règles de protection sociale. J’en veux pour preuve l’intégration du thème de la santé dans les différents traités depuis 1987, alors que, théoriquement, tel n’aurait jamais dû être le cas.
Cet article 1er se nourrit donc de toute cette réflexion. Elle est le fruit de ce mouvement de libéralisation de la santé, qui a conduit à la révision du code de la mutualité, qui conduit à modifier les règles relatives aux soins transfrontaliers sans poser la question du financement durable de notre régime de protection sociale, et qui vous conduit aujourd’hui à privatiser les missions de service public.
Il faut dire que, ce faisant, vous répondez à l’exigence contenue dans le traité constitutionnel européen – rejeté par les Hollandais, les Irlandais et les Français – et reprise dans le traité de Lisbonne « d’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Ce dogme, sur lequel repose l’Europe libérale que vous construisez, s’impose naturellement au-delà des textes à tous les domaines, santé comprise.
La question n’est pas tant de savoir si vous privatisez l’hôpital public pour satisfaire aux exigences européennes ou si vous construisez l’Europe pour organiser une société offerte aux seuls marchés.
M. Jean-Pierre Raffarin s’exclame.
Une chose est toutefois certaine, l’Europe actuelle se construit contre les intérêts des usagers du système de santé et favorise la concentration et la domination économique de quelques structures privées.
Ce débat, madame la ministre, présente toutefois un avantage. À un mois des élections européennes, il permet de mettre en valeur les oppositions qui existent entre votre conception de l’Europe libérale et de la concurrence, que vous défendez, et celle qu’au groupe CRC-SPG, avec le « Front de Gauche », nous entendons défendre : une Europe reconnaissante d’un certain nombre de droits fondamentaux, inaliénables, que l’on ne pourrait sacrifier sur l’autel de la concurrence et de la rentabilité ; une Europe de la solidarité et de la satisfaction des besoins humains, environnementaux et en santé.
Pour notre part, profondément attachés à notre système public de santé, nous souhaitons non pas mettre à mal notre hôpital, mais bien permettre à tous les peuples d’Europe de bénéficier d’un système tel que le nôtre. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons être en accord avec cet article 1er.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er du titre Ier concernant la modernisation des établissements de santé, que nous allons examiner, introduit au IV dudit article une nouvelle rédaction de l’article L. 6112-1 du code de la santé. Cela n’a rien d’anodin, puisque cette nouvelle rédaction fait émerger un principe nouveau : la mission de service public dans le champ de la santé, prise en charge essentiellement jusqu’à présent par l’hospitalisation publique, pourra désormais être découpée en tranches – treize pour être précis – parmi lesquelles tous les établissements de santé – donc, y compris les cliniques privées à but lucratif – auront la possibilité de choisir une ou plusieurs missions qui les intéressent.
Il va de soi que les hôpitaux publics seront, en ce qui les concerne, limités dans leur possibilité de choix puisqu’ils sont tenus, notamment, d’accueillir tous les patients qui se présentent à leur porte, comme je le rappelais hier lors de la discussion générale.
Quant aux cliniques privées commerciales et à leurs médecins, qui ont choisi ce mode d’exercice plus lucratif que dans les hôpitaux publics, leur intérêt sera de choisir les missions qui, indirectement, conforteront leur mode d’exercice.
C’est ainsi que je fais le pari qu’elles trouveront, par ce moyen, la possibilité d’intervenir encore plus fortement dans le domaine de la chirurgie, notamment de la traumatologie peu grave. À ce niveau, je rappelle qu’actuellement, sur l’ensemble des chirurgiens travaillant en France, une majorité d’entre eux exerce déjà son activité en secteur libéral – essentiellement en clinique privée à but lucratif – avec une perspective d’élargissement de leur champ d’intervention sur des missions de service public moins contraignantes en secteur libéral. Le flux d’installation en clinique privée plutôt qu’en hôpital public va s’accélérer, ce qui entraînera une nouvelle diminution de l’espace occupé par la chirurgie publique de plus en plus acculée à ne prendre en charge que les cas les plus lourds, les plus compliqués, les plus risqués et les plus coûteux.
Ce sont d’abord les hôpitaux publics de proximité qui, en province, en mesureront le plus rapidement les effets : en perte d’activité chirurgicale, en difficulté financière, confrontés à la diminution du nombre de leurs opérateurs chirurgicaux, ils se verront enjoints par les ARS de fermer leurs services de chirurgie au profit des cliniques commerciales sises dans leur aire géographique d’intervention – nous en avons déjà de nombreux exemples partout dans l’Hexagone.
Cet état de fait sera préjudiciable aux usagers. En effet, ce qu’il faut fortement souligner maintenant, et vous le savez, madame la ministre, c’est que 80 % des chirurgiens exerçant en secteur libéral fonctionnent en honoraires libres, c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles de demander des dépassements d’honoraires à leurs patients, ce dont nombre d’entre eux ne se privent pas !
Si, dans le cadre du projet de loi, ces chirurgiens ne devraient pas pouvoir appliquer ce type d’honoraires de secteur II pour les missions de service public qu’ils accompliraient, et c’est la moindre des choses, il n’empêche qu’en augmentant le volume global de leur activité par l’élargissement à une nouvelle clientèle qu’ils sauront facilement fidéliser – on le comprend, ce sont pour la plupart d’excellents chirurgiens –, ils pourront ensuite, à d’autres occasions, opérer en chirurgie dite « froide » et programmée au tarif de secteur Il avec les conséquences que l’on sait.
La boucle est bouclée ! Mes chers collègues, cherchons qui seront les gagnants dans ce processus : sûrement pas les malades les moins aisés, ni l’hôpital public de proximité, ni les mutuelles ! Nous sommes donc bien en route vers la mise en place accélérée d’une médecine, notamment chirurgicale, à deux vitesses dont la majorité de nos concitoyens pâtira.
Madame la ministre, on assiste bien, dans le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, à un basculement de la conception même du service public dont le Gouvernement entend désormais accélérer la promotion, basculement déjà amorcé dans d’autres secteurs du champ social de notre pays – je pense notamment à celui de l’enseignement supérieur, pour rester dans l’actualité.
Rien d’innocent, mes chers collègues, dans ce basculement qui traduit bien un choix politique entre deux conceptions des réformes pour la société française afin de lui permettre d’affronter l’avenir dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est incertain : d’une part, une conception des réformes qui sont inspirées par le souci du bien commun ; d’autre part, une conception des réformes qui entendent laisser libre court aux intérêts des plus riches et des plus puissants.
Le sociologue Robert Castel, observateur attentif des « métamorphoses de la question sociale », nous rappelle fort justement dans son dernier ouvrage portant sur « la montée des incertitudes », à propos de cette double conception opposée des réformes, que « c’est un choix de société entre la volonté de vivre dans une formation sociale dont les membres resteraient unis par des relations de réciprocité et capables de structurer ce que Karl Polanyi appelle aussi, en reprenant une notion d’Aristote, “ la vie bonne ” et une société clivée en fonction des pures exigences de la concurrence économique entre gagnants et perdants, nantis et sacrifiés, inclus et désaffiliés… »
Madame la ministre, mes chers collègues, la première conception de la réforme, celle qui vise à privilégier « le bien commun » s’inscrit dans un réformisme de gauche, le nôtre. La deuxième conception, celle qui vise à privilégier la concurrence et l’intérêt des plus riches, s’enracine dans un réformisme libéral, le vôtre, madame la ministre, et celui du Gouvernement.
Le projet de loi sur l’hôpital, que vous nous présentez aujourd’hui, qui commence, dans son premier article, par émietter la conception du service public de santé jusqu’ici en vigueur, signe d’une manière caricaturale cette dichotomie de nos conceptions de la réforme !
Non, madame la ministre, votre conception et celle du gouvernement de Nicolas Sarkozy de la réforme de l’hôpital – réforme que nous souhaitons aussi – n’est pas la nôtre ! Il y manque de la solidarité, de l’humanisme et du réalisme financier.
Attendez-vous donc, madame la ministre, à ce que nous mettions toute notre force de conviction pour combattre votre réforme qui nous semble néfaste pour l’immense majorité de nos concitoyens !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er donne le ton du contenu de ce projet de loi et contient en germe les finalités même de ce texte.
En effet, vous entendez substituer la notion d’établissements de santé en charge d’une ou plusieurs missions de service public à la notion claire de « service public hospitalier ». Pour votre gouvernement, l’objectif premier est d’achever votre ouvrage de privatisation du service public de santé, en autorisant que les missions qui sont actuellement les siennes puissent être transférées en tout ou partie à des établissements de santé privés à but commercial.
Il y avait déjà eu, toujours sous le prétexte de moderniser le système, la possibilité offerte aux établissements privés commerciaux de réaliser la prise en charge des urgences, voire la permanence des soins. Il y a eu aussi la possibilité, offerte aux mêmes établissements à but lucratif, de bénéficier de délégations de missions de service public. Il y a aujourd’hui le transfert total de ces missions aux établissements qui poursuivent, rappelons-le, des objectifs plus que lucratifs.
En clair, vous confiez au directeur général de l’agence régionale de santé – dont nous verrons qu’il s’agit, en réalité, d’un superpréfet sanitaire aux ordres du Gouvernement – la charge d’organiser, région par région, territoire par territoire, la privatisation de notre système de santé.
Certes, vous encadrez le dispositif en prévoyant que le directeur de l’agence ne pourra confier les missions de service public aux établissements de santé privé commerciaux que si l’offre de soins, assurée prioritairement par les établissements de santé publics, n’est pas satisfaite.
Il y a tout de même de quoi s’étonner ! En vingt ans, à grands coups de réformes budgétaires, de révisions des schémas régionaux sanitaires, de cartes hospitalières, de fermetures de lits et de services sous couvert de non-rentabilité, vous avez créé, vous et vos prédécesseurs, une situation dans laquelle nos concitoyens ne peuvent plus être accueillis dans les établissements publics de santé ! Vous avez, par exemple, sous prétexte de sécurité – en réalité, de rentabilité ! – fermé de nombreux services de chirurgie au point qu’aujourd’hui 66 % de l’activité chirurgicale de notre pays est réalisée dans le secteur privé lucratif.
C’est cette même logique que vous espérez appliquer – ce qui est d’ailleurs largement déjà fait – aux maternités.
Comprenez donc, madame la ministre, qu’au groupe CRC-SPG nous nous étonnions de vous entendre utiliser cet argument, alors même que vous êtes responsables de la situation. C’est à croire que vous l’avez préméditée, à l’image – et je mesure mes propos – du pompier pyromane qui allume un incendie pour l’éteindre avec ses propres méthodes.
Au groupe CRC-SPG, nous avons une tout autre analyse de la situation. Si l’agence régionale de santé peut se voir confier la mission d’analyser les besoins en soins et en accueil social et médico-social de la population, nous considérons, d’une part, que sa structure doit être plus démocratique et, d’autre part, que la solution du problème des zones de sous-densité ou de non-satisfaction des besoins doit d’abord et avant tout reposer sur les établissements publics de santé ou sur des structures alternatives privées sans intérêts lucratifs, tels les centres de santé et les établissements privés non lucratifs, rebaptisés dans le projet de loi « établissements privés d’intérêt collectif ».
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question du service public de santé n’est pas anodine. Elle traduit deux conceptions radicalement différentes de notre système de santé.
Nous considérons que la santé n’est pas une marchandise comme une autre, qu’elle est un bien inaliénable qu’il appartient à l’État de protéger en garantissant à toutes et à tous un accès de qualité.
Or, la structure privée des établissements auxquels vous entendez confier la santé de nos concitoyens est, par essence, contradictoire avec la notion d’intérêt général.
Vous avez, d’un côté, un principe fondamental qui implique la recherche de l’intérêt de la collectivité, de l’intérêt général, alors que, de l’autre, c'est-à-dire du côté du privé commercial, ce qui compte, ce n’est pas l’état de santé des malades, ce n’est pas l’intérêt collectif, mais, tout au contraire, la satisfaction des intérêts d’une poignée d’actionnaires ou de fonds spéculatifs faisant le bonheur de quelques retraités américains, anglais ou italiens.
Il est inacceptable que vous entreteniez ce système spéculatif, cette marchandisation de la santé grâce à l’argent des salariés de notre pays. Ce sont leurs cotisations, le fruit de leur travail, qui, indirectement, vont permettre aux cliniques privées détenues par des fonds de pensions d’accueillir des patients au titre du service public et d’en tirer des profits qu’ils redistribueront à leurs actionnaires.
Nous ne pouvons accepter que l’argent issu de la socialisation du travail de tous ne profite en réalité qu’à une minorité.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Dominique Voynet et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes amis du groupe CRC-SPG l’ont dit avant moi, mais je tiens à le redire à mon tour : cet article 1er organise la privatisation du service public hospitalier.
Lorsqu’on transfère des missions de service public à des opérateurs privés, qui poursuivent un intérêt commercial, cela s’appelle, ne vous en déplaise, de la privatisation.
Mais il est vrai que ce faisant vous êtes cohérente, madame la ministre, car, cette privatisation, vous l’avez entamée en instaurant tout à la fois la tarification à l’activité – dont nous connaîtrons bientôt la onzième version – et la convergence public-privé, par ailleurs repoussée à 2018.
Vous ne vous êtes pas limitée à appliquer aux établissements publics les mêmes règles de financement que celles qu’observent les établissements privés.
Eh bien non ! Elles sont beaucoup plus favorables.
Vous avez également organisé, vous comme d’ailleurs votre prédécesseur, l’appauvrissement des établissements publics de santé, alors que, dans le même temps, vous aidiez financièrement les établissements de santé privés commerciaux.
Voici deux exemples, dont le premier concerne la ville d’Aubagne.
Sous couvert de mettre sur un pied d’égalité les secteurs public et privé, en 2003, un appareil IRM a été attribué à la clinique La Casamance, avec la promesse que l’hôpital ne serait pas oublié, mais, six ans plus tard, le centre hospitalier Edmond Garcin attend toujours… L’intervention de l’État a installé une situation de monopole au profit de cette clinique à but lucratif, qui draine ainsi des centaines de patients.
Le second exemple concerne une ville que je connais bien.
Le tiers de la population de Marseille vit en dessous du seuil de pauvreté, et les besoins sanitaires sont, bien sûr, énormes.
De fait, l’assistance publique des hôpitaux de Marseille connaît une situation financière particulièrement grave. Malgré tout, vous avez refusé d’apporter, à l’occasion du plan Hôpital 2012, les subventions nécessaires à l’accomplissement d’un certain nombre de projets, comme le pôle parents-enfants porté par l’hôpital de la Timone, …
La situation est telle que, si elle veut mener à bien certains projets, l’AP-HM devra céder une partie de son patrimoine immobilier.
Il est donc clair que pour pallier leur manque chronique de moyens, dû à la T2A et à la non-revalorisation des actes, les établissements publics de santé ne pourront désormais plus compter que sur eux-mêmes ou sur les legs et les donations.
Si les hôpitaux publics ont été oubliés dans le plan Hôpital 2012, les établissements de santé privés commerciaux, eux, ont été bien lotis.
À Aix-en-Provence, par exemple, la maternité L’Étoile, très connue des professions de robe et des familles les plus aisées de la ville, a reçu une subvention de 4, 3 millions d’euros, ce qui correspond à la moitié de son budget d’investissement.
L’hôpital public, qui avait demandé une subvention de 40 millions d’euros, ne percevra tout simplement rien ! Certes, la maternité dont je parle est un établissement privé à but non lucratif, mais il ne participe pas au service public hospitalier.
Il faudrait savoir ce que vous voulez !
Pour ce qui est des 50 millions d’euros que vous avez attribués à l’hôpital Euroméditerranée, vous ne pouvez pas davantage vous abriter sous le caractère non lucratif de cet établissement, car, au-delà de cette seule structure, c’est bien tout le projet Euroméditerranée que vous avez entendu développer.
Vous ne voulez pas, contrairement à ce que vous annoncez, renforcer l’offre de soins dans les quartiers nord de Marseille : vous voulez en fait continuer à rendre attractif un quartier de la ville qui a été vidé de ses habitants les plus modestes, pour faire place nette au bénéfice de familles au pouvoir d’achat bien plus développé, contribuant à donner une autre image de la ville.
Ce projet d’ampleur a tout simplement permis, à l’actuel maire de Marseille, de disposer d’un centre ville débarrassé de ses pauvres et, aux promoteurs immobiliers, de faire de très fructueuses affaires.
Si vous aviez réellement l’intention de garantir une meilleure prise en charge sanitaire des habitants des quartiers nord de Marseille, il aurait fallu allouer à cette fin dans le plan Hôpital 2012 les 200 millions d’euros qui manquent actuellement !
Le service public est mort, vive le service public ! Voilà ce que m’inspire, madame la ministre, les serments que vous répétez, et que vous venez de réitérer à cette tribune, face aux critiques dont votre texte fait l’objet.
Cette réflexion me vient lorsque je vous entends dire que l’hôpital est un service public de santé que vous respecterez scrupuleusement et qu’en même temps je constate dès l’article 1er du projet de loi que les termes « service public hospitalier » vont disparaître du code de la santé publique.
Le service public hospitalier serait remplacé par treize missions, lesquelles pourront donc désormais être assumées – ou ne pas l’être – indépendamment les unes des autres. On a parlé à juste titre de « vente à la découpe », d’attribution de « gré à gré »...
Cette parcellisation du service public, ce démantèlement opéré sous couvert de mieux identifier les missions, de clarifier et d’améliorer leur mise en œuvre aboutit bien évidemment à en réduire la portée.
Je ne prendrai pour exemple que l’obligation faite par le sixième alinéa de l’actuel article L. 6112-2 du code de la santé publique aux établissements de santé d’assurer, si besoin, « l’admission » d’un patient dans un autre établissement. Cette obligation, reprise dans un nouvel alinéa du même article, se limitera désormais à assurer « l’orientation » du patient. On aura compris la différence de la charge qu’emporte ce discret changement de termes…
Le passage d’un service public unique et singulier à des missions plurielles ne se fait donc pas à l’identique, et ce sont les usagers qui pâtiront du changement.
Il est tout à fait essentiel d’au moins maintenir un « bloc » de missions de service public que devront obligatoirement assumer les établissements de santé autorisés à les exercer, bloc qui doit inclure la permanence des soins, la lutte contre l’exclusion sociale et les actions d’éducation et de prévention. C’est en ce sens que nous vous proposerons tout à l’heure, mes chers collègues, de modifier le texte qui nous est soumis.
Au surplus, le projet de loi ne prévoit aucun critère pour décider de l’attribution des missions et ne comporte aucune priorité d’attribution entre établissements désormais tous confondus.
La décision serait donc laissée à un seul, le directeur général de l’ARSA, et prise dans l’opacité la plus totale. Les spécificités locales à l’intérieur des territoires, par exemple de difficultés d’accès particulières, seront-elles prises en considération ?
Il n’est pas concevable que, bien que s’agissant de service public, il ne soit pas tenu compte du fait que certains établissements servent plus que d’autres l’intérêt général ! Cela non plus n’est pas acceptable et ouvre d’ailleurs la porte à de nombreux contentieux.
Enfin, se pose la question, majeure pour nos concitoyens, du maintien en toute zone de tarifs opposables. Nous avons suivi les péripéties auxquelles à donner lieu « l’amendement Préel » à l’Assemblée nationale et ce qu’il est advenu en commission ici. Le résultat immédiat sera évidemment le suivant : nulle part, l’accès à des services de santé à tarifs opposables ne sera désormais garanti !
Nous tenterons de vous convaincre, mes chers collègues, de modifier le projet de loi sur divers points, mais, s’agissant du maintien de la garantie de tarifs opposables, même ceux qui ne sont pas encore persuadés de la nécessité des modifications que nous proposons devraient voter unanimement.
Gardons bien en tête que la finalité est la garantie de l’égal accès à des soins de qualité, donc à un hôpital performant, pour toute personne, quels que soient sa situation sociale, ses revenus, son âge ou son lieu d’habitation.
Cette garantie repose, bien sûr, sur un service public qui constitue un des fondements de notre République.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.
L’article 1er du projet de loi inventorie très strictement les missions de service public.
Il donne la possibilité aux établissements de santé publics mais aussi aux établissements privés à but commercial de les assurer en totalité ou en partie.
Nous étions en droit d’espérer, et c’est ce que les Français attendaient du Gouvernement, un projet de loi qui améliore l’offre de soins dans notre pays ainsi que la mise en place de mesures adéquates afin que les hôpitaux publics voient leur position renforcée et que les fermetures de services entiers, notamment de maternités de proximité, soient stoppées.
Il n’en est rien. Pis, comme le disait hier soir notre collègue Bernard Cazeau, le scénario que nous entrevoyons est prévisible : acte I, on organise les carences du service public ; acte II, on conclut à son absence de fiabilité ; acte III, on réoriente les décisions et les financements vers le privé. Le tour est joué !
Parmi tant d’autres exemples criants sur le territoire national, je retiendrai celui de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, dans mon département de l’Essonne, où le conseil d’administration avait décidé de fermer les services de chirurgie et de maternité sans aucune justification – financière, sanitaire, sécuritaire ou démographique – valable.
Cette décision, qui vient d’être annulée par le tribunal administratif de Versailles comme vous en avez-vous sans doute, mes chers collègues, été informés, voilà quelques jours à peine, par tous les médias nationaux, avait été prise sous la pression de l’ARH, l’agence régionale de l’hospitalisation, et donc, indirectement, des services du ministère.
Fondée sur des éléments approximatifs, voire erronés, cette décision fait la part belle aux nombreuses cliniques privées du périmètre, ravies de pouvoir exploiter ces activités, en laissant les autres à la charge des hôpitaux publics. À croire que les arguments financiers qui avaient été avancés pour la fermeture des deux services n’effraient pas trop les grands groupes privés, qui ont déjà fait des offres de reprise de l’activité de l’établissement public…
Par ailleurs, cette décision met évidemment en difficulté le service des urgences, qui sert un bassin de plus de 200 000 habitants et qui est contraint de fonctionner en étant amputé de son plateau technique de chirurgie.
Si l’on retient vos critères, madame la ministre, les jours de ce service sont dorénavant comptés puisque vous lui ôtez la possibilité de continuer d’assurer sa mission avec la même qualité des soins.
En raisonnant ainsi, vous condamnez à mort le service public hospitalier ; vous renoncez à ces conceptions d’égalité de qualité et d’intérêt général auxquels nous sommes attachés. Nous ne l’acceptons pas.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions pu espérer autre chose d’un projet de loi visant à redéfinir la place et le rôle de l’hôpital public au sein de notre système de santé.
Nos concitoyens le savent et l’affirment régulièrement : le système de soins français et le dévouement des personnels représentent, ou, dois-je dire, représentaient, des garanties exceptionnelles. Ils le font pourtant en exprimant de plus en plus souvent des inquiétudes vis-à-vis de ce qu’il faut appeler une dégradation sérieuse de l’offre de soins et de l’accessibilité à ces mêmes soins.
C’est pourquoi l’article 1er de ce projet de loi aurait pu et dû prendre appui sur les difficultés constatées de notre système hospitalier, afin d’apporter de meilleures réponses et de marquer ainsi l’ambition légitime et attendue d’une réforme positive en termes d’exigence de qualité et d’égalité d’accès de tous aux soins.
Tel n’est pas le cas, madame la ministre.
En effet, vous avez fait le choix de travestir le besoin de changement, que vous reconnaissez, en des réponses souvent technocratiques, financières, organisationnelles et de gouvernance plus qu’inquiétantes.
Vous continuez de refuser d’écouter les colères, les constats, les propositions des professionnels, des praticiens, des associations et des élus, dont certains sont de votre majorité, et optez pour un texte qui, malgré vos affirmations, n’est issu d’aucune concertation véritable.
Pis, une nouvelle fois, le Président de la République a manifesté son mépris à l’égard du Parlement en imposant de modifier un texte déjà débattu par les commissions parlementaires. L’excès de pouvoir est patent.
Alors que l’article 1er du projet de loi aurait dû avoir vocation à dessiner et à réaffirmer le rôle structurant et incontournable des établissements publics hospitaliers, le Gouvernement a pour objectif d’atténuer et d’effacer l’apport de ces structures à notre système de santé.
Vous le faites au nom de la cohérence, dont a effectivement besoin notre système de santé, mais en tentant de diluer la place respective de l’hôpital public et des établissements privés dans ce dispositif. En effet, prétendre confier des missions de service public en instituant la notion fourre-tout d’« établissements de santé », en mélangeant ainsi secteur privé et secteur public sans définir les responsabilités véritables de chacun, est révélateur d’une rupture. Certes, celle-ci n’est pas soudaine, mais vous souhaitez aujourd’hui l’inscrire dans la loi.
En permettant aux établissements privés de remplir, non sans compensation, des missions de service public, sans que leur incombent les mêmes responsabilités en termes d’accueil et de prises en charge, notamment des populations les plus défavorisées, vous portez un coup à l’hôpital public et à ses populations.
La réalité de notre système hospitalier est que les cliniques privées, notamment en Île-de-France, ont pendant longtemps côtoyé en bonne intelligence les hôpitaux publics. Il a d’ailleurs fallu constater que nombre d’entre elles, qui effectuaient un travail de proximité intéressant, avaient fermé au nom de regroupements imposés par les grands groupes de santé privés, dans l’attente de ce projet de loi.
Ces réorganisations traduisent aussi une évolution de la carte hospitalière, qui se réalise au détriment du secteur public. Le niveau de l’activité chirurgicale pratiquée aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public est révélateur de ce phénomène, certains de mes collègues l’ont déjà souligné. Aujourd’hui, si plus de 65 % de la chirurgie est réalisée dans le secteur privé, ce n’est sans doute pas par philanthropie !
Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple concret, celui de mon département. Dans le Val-d’Oise, une clinique équipée de plateaux ultramodernes est construite à quelques centaines de mètres de l’hôpital public de Pontoise, établissement qui, lui, se débat pour résorber un déficit cumulé de 12 millions d’euros. Pour ce faire, il doit procéder à la suppression de 200 emplois et à la réduction de services rendus à la population de l’agglomération de Cergy-Pontoise.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.
Cette situation n’est malheureusement pas isolée. Le déficit de l’hôpital d’Argenteuil atteint 35 millions d’euros : là encore, la suppression de plus de 200 emplois est annoncée.
Il est même question de fermer l’hôpital de Montmorency en 2012. C’est inacceptable ! Cet établissement a pourtant déjà rempli les engagements demandés par l’Agence régionale de l’hospitalisation au moment de la fusion avec l’hôpital d’Eaubonne. Tout l’investissement apporté autour d’un pôle mère-enfant pour faire avaliser cette fusion administrative serait ainsi perdu et gâché !
Telle est l’évolution d’un service public soumis à des règles financières et à une tarification à l’activité inopérante et mortifère, si nous persistons dans la voie d’une marchandisation accélérée de la santé publique, avec des critères de gestion dramatiquement tournés vers la seule rentabilité.
C’est pourquoi nous considérons que l’inflexion même donnée dès cet article 1er est contraire aux profondes réformes dont notre pays a urgemment besoin en matière de santé publique.
Puissions-nous, madame la ministre, empêcher la fuite en avant d’une rentabilité égoïste, au profit de la solidarité sociale et humaine qu’appelle une politique de santé publique fidèle à notre histoire et à l’histoire de notre système de soins !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous nous engageons vers la privatisation de services entiers de l’hôpital public. Sous couvert de favoriser des partenariats avec le secteur privé, cet article permettra de privatiser les urgences de jour, véritable aspirateur à patients pour les établissements privés. Au-delà, ce sont d’autres unités très rentables qui sont visées.
J’illustrerai mon propos en évoquant le cas du service de radiologie de l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne.
Aux prises avec un déficit de 5 millions d’euros, obligée de mettre en œuvre un plan de retour à l’équilibre, la direction de cet hôpital économise tous azimuts : suppression de 27 postes administratifs et de cadres en 2007, externalisation de fonctions...
La crise de la démographie médicale alourdit un peu plus le climat. Ainsi, le service de radiologie a perdu la moitié de ses effectifs de médecins en quelques années – de 12 postes à 6 postes – et compte actuellement deux postes budgétés, mais vacants. Victime de l’attractivité du privé où les rémunérations sont nettement supérieures à celles qui sont pratiquées dans le secteur public, l’hôpital peine à recruter des radiologues.
À cela s’ajoutent désormais les conséquences de la tarification à l’activité, que nombre de mes collègues ont déjà évoquées. Cette réforme pousse les hôpitaux à privilégier les soins « rémunérateurs » au détriment de leurs missions de service public et conduit les médecins à mener « une course à l’activité ».
Or, dans ce contexte d’asphyxie financière, la direction de l’établissement a dévoilé son intention de privatiser en grande partie l’activité de radiologie. En effet, pour répondre aux besoins du bassin de Lagny–Marne-la-Vallée, en pleine expansion démographique, l’hôpital doit s’agrandir. D’ici à 2011, un nouvel établissement doit être construit dans la commune voisine de Jossigny. Vous vous y êtes d’ailleurs rendue le 17 octobre dernier, madame la ministre, pour y poser la première pierre. Sans doute vous en souvenez-vous, si j’en juge par le titre du quotidien le Parisien : « Jossigny : Roselyne Bachelot huée par des agents hospitaliers »...
Comme vous le savez, la plupart des activités seront transférées dans ce nouvel établissement. Bien qu’il soit en grandes difficultés financières, l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée est sommé de participer au financement du projet. Pour réduire encore les coûts, la direction envisage donc de permettre aux « investisseurs libéraux » d’acheter des matériels coûteux de diagnostic, notamment les appareils d’imagerie à résonnance magnétique et les scanners, et, bien entendu, de tirer bénéfice de leur fonctionnement.
Des discussions ont démarré avec l’un des plus puissants cabinets privés de la région, qui a décidé de construire, à 400 mètres du futur hôpital, un immense cabinet d’une capacité de seize salles d’examen. Ce chantier est perçu par les personnels hospitaliers comme une provocation. En effet, comment concilier les missions de service public avec des objectifs de rentabilité, qui conduiront à privilégier les examens rapides pour des patients sélectionnés sur leur solvabilité ?
Nous pouvons nous attendre à une utilisation inégalitaire des équipements, qui réservera aux médecins libéraux les examens les plus intéressants et rémunérateurs, laissant aux personnels hospitaliers publics les examens peu rentables et les épuisantes gardes de nuit et de week-end. Cette perspective est de nature à accélérer encore la fuite des radiologues vers le privé, d’autant que la plupart des radiologues libéraux exercent en secteur II à honoraires libres.
Quand on sait qu’une IRM pratiquée par un médecin de secteur II à dépassements d’honoraires, non remboursés par la sécurité sociale, est tarifée entre 114 euros et 150 euros en Seine-et-Marne, contre 69 euros dans le secteur public, on peut être inquiet pour la prise en charge universelle des patients !
Cette question concerne également les assurés sociaux, la majorité des médecins libéraux pratiquant des dépassements d’honoraires, qui sont financés, dans le meilleur des cas, par les mutuelles ou les assurances privées. Ce projet de loi entraînera donc une nouvelle hausse de cotisations ou des contrats assurant des remboursements différenciés selon la richesse des familles. Il creusera donc encore l’inégalité devant les soins.
En réalité, madame la ministre, à l’opposé d’une véritable politique de « modernisation des établissements de santé », dont vous tentez avec difficultés de vous draper, c’est bien la remise en cause du financement public et solidaire de la santé que vous organisez, au seul bénéfice d’une vision commerciale et spéculative de celle-ci.
Monsieur le rapporteur, aux questions pertinentes que René Teulade a posées en présentant la motion tendant à opposer la question préalable, vous avez apporté une réponse frappée au coin du bon sens : « un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes » auxquels le système de santé est aujourd'hui confronté.
Certes. Encore faut-il se demander à quoi sert une loi qui, loin de régler les problèmes qui existent bel et bien – difficultés d’accès aux soins et de permanence des soins dans les quartiers et dans les zones rurales, pratique presque systématique dans certains départements et certaines villes de dépassements d’honoraires sans tact ni mesure, refus opposé aux ayants droit de la CMU par certains praticiens qui ont oublié avoir un jour prononcé le serment d’Hippocrate, saturation des urgences le soir, le week-end ou pendant les vacances d’été, difficultés à trouver des lits de suite, dégradation des conditions de travail du personnel, confronté à des usagers chez lesquels les problèmes de santé et les problèmes sociaux sont parfois très étroitement intriqués –, menace les équilibres existants.
Pourquoi imposer une réforme de plus, après tant d’autres, alors qu’au fil du temps un équilibre a été trouvé au sein des conseils d’administration, les élus locaux, notamment les maires, les usagers, les médecins choisis, issus de la commission médicale d’établissement, les personnels, soignants ou non, dialoguant avec l’administration, avec les représentants de l’Agence régionale de l’hospitalisation, qui sera demain l’Agence régionale de santé et de l’autonomie ?
Pensez-vous sérieusement qu’au sein des conseils d’administration coexisteraient des gestionnaires rigoureux et des idéalistes inconséquents ? Pensez-vous que les membres des conseils d’administration n’ont pas compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas confondre rationalisation et rationnement, équilibre budgétaire et logique de profit ?
C’est par la confrontation des points de vue au sein des conseils d’administration qu’ont pu être rapidement mis en évidence les effets pervers de la tarification à l’activité, qui avait pourtant été présentée comme une panacée. Vous en êtes d’ailleurs convenue, madame la ministre, et le financement des missions d’intérêt général, comme le report de la convergence des tarifs entre l’hôpital public et les cliniques privées, en témoigne.
Aucun système n’est bon ou mauvais en soi ; il faut du temps pour mesurer les effets pervers. Cela a été le cas pour la dotation globale, qui constituait des effets de rente pour les établissements les moins innovants et les moins créatifs, ...
... sans rémunérer les efforts d’établissements qui entendaient apporter des réponses adaptées aux connaissances et à la complexité des besoins sanitaires des populations.
Aujourd'hui, on refuse de voir les effets pervers de la tarification à l’activité.
D’abord, les établissements privés et l’hôpital public ne pratiquent pas la même médecine. Ce ne sont pas les mêmes actes, ce ne sont pas les mêmes patients, ce n’est pas la même organisation. Ce n’est pas la même chose d’accueillir, sur la base d’une chirurgie réglée, un patient en bonne santé pour une opération de la myopie et un patient en urgence pour un décollement de rétine au cours d’un week-end estival, quand les effectifs sont réduits.
Il est vrai qu’il est bien plus facile d’atteindre l’équilibre budgétaire, voire de dégager des bénéfices, quand on gère un établissement spécialisé équipé pour réaliser quarante ou cinquante actes, toujours les mêmes, avec une équipe aux compétences ciblées, une clientèle triée sur le volet, que lorsqu’on accueille tous les patients, sans exception, en offrant une diversité de compétences, de matériels biomédicaux, de produits pharmaceutiques, une permanence des soins, souvent très spécialisés, et non la prise en charge d’une seule pathologie ou le traitement d’un seul organe.
Ensuite, l’effet inflationniste de la T2A doit être souligné. Même si l’on n’ose pas le dire dans cet hémicycle, la tentation sera grande de multiplier les examens et les actes invasifs, mieux pris en compte que les soins de nursing ou les conseils hygiéno-diététiques.
Je suis peut-être en décalage avec certains de mes collègues sur ce point, mais force est de constater que, depuis bien longtemps, des missions de service public sont assurées par des établissements de santé privés, sur la base de référentiels précis relatifs à la qualification des personnels et à la qualité des soins. Les coopérations entre établissements publics et privés sont devenues la règle dans bien des domaines. Toutes ne sont pas mues par la seule logique du profit ; certaines sont fondées sur une logique citoyenne, voire militante, et résultent du travail d’associations qui ont fait évoluer les pratiques du monde hospitalier ; je pense à l’accompagnement de la naissance ou à la prise en charge des patients atteints de maladies de longue durée, comme le diabète ou le VIH.
Je ne suis pas hostile à l’idée d’un contrat précisant les obligations des uns et des autres et la façon dont ils devront prendre part aux missions de service public à l’échelle d’un territoire de santé. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les questions posées n’ont reçu aucune réponse. Qui fait quoi ? Dans quelles conditions ? Comment éviter les abus ? Le texte n’est pas « bavard » en la matière ! Et le fait que l’on n’ose même pas demander à un établissement privé d’avoir un volume suffisant d’activités au tarif conventionnel du secteur 1 sans dépassement n’est pas de bon augure pour ce qui concerne le rapport de force et le niveau d’exigence que l’on pourrait avoir à l’égard de tous les établissements privés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon un certain nombre des orateurs qui viennent d’intervenir, l’hôpital accueillerait très mal les patients qui s’y présentent.
Je veux en cet instant répéter ce que nous avons dit hier : l’hôpital n’a pas à s’excuser d’être ce qu’il est, à savoir l’un des plus hauts lieux de la médecine. Il accueille celles et ceux que l’on ne veut pas ailleurs ! Il suffirait que la séance de ce soir ait lieu aux urgences de l’hôpital Lariboisière pour le constater.
M. Hue doit savoir que, sans une politique de dialogue et de restructuration, la maternité des Bluets, située à Paris, n’aurait jamais été sauvée.
Cependant, la désertification des territoires engendre effectivement des difficultés d’accès aux soins. L’objet du présent projet de loi est justement de coordonner tous les secteurs et tous les acteurs, afin d’optimiser au mieux les services rendus et de toujours mieux assurer les missions des établissements de santé. Madame la ministre, nous vous faisons confiance.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous faisons également confiance aux débats qui vont se dérouler pour améliorer le projet de loi.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous rappeler le sens de l’article 1er, afin de répondre avec précision à vos nombreuses interventions. J’évoquerai ensuite le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, puisque celui-ci a été abordé.
L’article 1er, extrêmement important, concerne les missions des établissements de santé et tend à les définir. Il était primordial qu’un seul article du code de la santé publique réunisse l’ensemble des dispositions relatives à ces missions. Ces dernières sont étendues pour prendre en compte la complexité du parcours de soins assurant une bonne prise en charge des patients.
Il faut également reconnaître la diversité des modalités de cette prise en charge. Ainsi, l’hospitalisation à domicile sera désormais considérée non plus comme une alternative à l’hospitalisation, mais comme une hospitalisation au sens strict, à laquelle s’imposent toutes les obligations des établissements de santé.
Certains modes de prise en charge, comme la chirurgie ambulatoire, traitant de cas extrêmement lourds dans un temps très court, la durée du séjour ne sera plus un critère d’appréciation significatif.
Enfin, la prise en charge des patients ne s’arrête pas à l’hôpital : les établissements de santé devront s’impliquer encore mieux et encore plus dans la coordination des soins, sous la responsabilité des agences régionales de santé.
Par ailleurs, et c’est un point également fondamental, les missions de service public peuvent être partagées par tous les établissements. La définition de ces missions est clarifiée. Ce sont les besoins de la population qui devront déterminer leur attribution, et non le statut de l’établissement.
Je vous citerai la courte liste des obligations de service public : la permanence des soins, l’accueil des urgences, la formation, la recherche, l’accueil des personnes en situation de précarité, la prise en charge des soins palliatifs. Par définition, les établissements publics et les établissements de santé privés d’intérêt collectif – les anciens établissements PSPH – exercent et continueront d’exercer ces missions.
Mais si vous l’acceptez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces missions de service public seront désormais attribuées sur la base de l’organisation territoriale définie par l’ARS, dans le cadre du schéma régional de l’organisation des soins. Par exemple, en cas d’absence d’offre publique ou s’il est pertinent de mobiliser, dans l’intérêt des patients, une compétence d’excellence, pour une activité donnée, qui n’existe sur le territoire que dans un établissement privé, cette activité pourra être confiée à cet établissement par l’agence régionale de santé.
Cette mesure a pour objet d’offrir à la population, sur l’ensemble du territoire, un accès à des soins hospitaliers, ainsi que la permanence des soins dans les activités qui le nécessitent, quels que soient le statut des établissements et l’historique de leur répartition.
Certains d’entre vous ont vu dans cette disposition le démantèlement du service public. Pour ma part, je n’y vois que le renforcement des droits des citoyens à bénéficier d’un véritable service public de santé.
Bien évidemment, les missions de service public sont assorties de contreparties. Elles sont identifiées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre l’ARS et l’établissement et font l’objet d’un encadrement renforcé. Elles sont assorties d’obligations particulières, notamment pour les établissements privés : une obligation d’accueil et d’orientation de tous les patients, l’application de tarifs conventionnés sans dépassement pour l’ensemble de la prise en charge des patients accueillis en urgence ou au titre de l’une de ces missions de service public. Ces dernières peuvent aussi donner lieu à une rémunération spécifique, qui en est la juste contrepartie.
Les missions d’enseignement et de recherche qui pourraient être confiées à un établissement privé le seraient sous le contrôle des centres hospitaliers et universitaires, dans le cadre d’une convention spécifique.
La définition des missions des établissements de santé esquisse le nouveau paysage, à savoir une offre de soins complète, mobilisant toutes les compétences au service de la population dans un territoire.
Il est créé, dans le projet de loi, une qualification d’« établissement de santé privé d’intérêt collectif », ou ESPIC ; comme j’ai pu le constater lors d’un congrès, l’ensemble du secteur s’est approprié cette nouvelle dénomination.
Les établissements privés qui assurent déjà des missions de service public et remplissent les obligations qui leur sont attachées ont toute leur place et pourront continuer à exercer ces missions ; je pense particulièrement aux centres de lutte contre le cancer. Ces établissements seront tenus de respecter les obligations d’accueil et d’orientation de tous les patients, ainsi que d’appliquer des tarifs conventionnés.
Toujours dans l’optique de garantir l’accès aux soins le plus juste, l’article 1er vise à redéfinir la place des centres de santé – il en existe 1 457 en France –, qui contribuent à l’offre de soins de proximité, très souvent en milieu urbain, dans le cadre d’un exercice en majorité pluridisciplinaire et salarié.
Le cadre juridique des centres de santé était obsolète. Le projet de loi tend à réaffirmer la place de ceux-ci dans l’offre de soins de proximité et à moderniser leur mode de fonctionnement. Bien entendu, toutes ces mesures ont été élaborées en coordination avec les acteurs de ces centres de santé.
Les travaux de la commission ont été très fructueux et ont donné à l’article 1er une clarté rédactionnelle. D’une manière générale, les précisions apportées recueillent l’assentiment du Gouvernement.
Les missions de service public mentionnées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens d’un établissement privé s’imposent également aux professionnels libéraux qui y exercent leurs compétences. À l’évidence, ces missions ne pourraient être assurées sans l’assentiment et le concours des praticiens. C’est pourquoi j’ai proposé un amendement, qui a recueilli l’avis favorable de la commission.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les précisions que je voulais vous apporter sur ce très important article 1er, afin de répondre, de façon complète, à un certain nombre d’interrogations.
Je souhaite maintenant revenir plus précisément sur le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge. La délibération du conseil d’administration de cet établissement sur le projet médical a été annulée par le tribunal administratif pour une question non pas de fond, la date de fermeture des services ayant été acceptée, mais de forme, le maire s’étant fait remplacer lors de la délibération.
Je souhaite revenir sur le fond de la décision. L’hôpital de Juvisy-sur-Orge dessert une population fragile. Il joue donc un rôle social important. J’ai voulu renforcer le service des urgences, l’offre de soins en médecine et en soins de suite. Une restructuration était nécessaire : elle comprend la fermeture des activités de chirurgie et de maternité et l’augmentation de la capacité d’intervention dans les secteurs précités.
Cela résulte d’un choix non pas de l’administration sanitaire, mais de la communauté médicale de l’établissement concerné, j’y insiste. Vous avez-vous-même indiqué que la communauté médicale devait participer au projet médical de l’établissement. C’est chose faite !
Pourquoi la communauté médicale a-t-elle pris cette décision ? Tout simplement parce que l’hôpital de Juvisy-sur-Orge n’a accueilli, en 2007, que 3, 3 % des séjours de plus de quarante-huit heures des patients résidant sur son territoire de santé. De plus, 80 % des parturientes de cette commune et des villes situées à proximité, notamment de Grigny, recourent aux services des autres établissements publics proches : l’hôpital de Longjumeau, le centre hospitalier sud francilien, l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges.
Très sagement, la communauté médicale a préféré se concentrer sur des activités pour lesquelles elle offre un service de qualité aux patients, les moyens étant, de surcroît, renforcés. Elle a donc jugé préférable de réorganiser l’offre de soins. Les habitants de Juvisy-sur-Orge avaient depuis longtemps fait leur choix et avaient, si je puis dire, voté avec leurs pieds !
L'amendement n° 371, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
Au travers de cet amendement de suppression, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG entendent s’opposer à ce qui s’apparente à une privatisation, à terme, de notre service public hospitalier.
Madame la ministre, avant le passage du texte en commission et la réécriture complète de l’article 13, vous nous proposiez de privatiser les hôpitaux eux-mêmes, en autorisant des groupements dont feraient partie des établissements publics, privés non lucratifs et commerciaux, à recevoir la qualification d’établissements publics de santé.
Toutefois, ce recul ne nous fait pas oublier le maintien d’autres dispositions tout aussi dangereuses, comme l’encouragement du recours aux cliniciens hospitaliers, l’instauration d’éléments de rémunération variable et de critères quantitatifs, la suppression du conseil d’administration, remplacé par un conseil de surveillance directement inspiré du privé, enfin, bien sûr, cet article 1er, qui confère aux établissements commerciaux les missions actuellement exercées par les services publics hospitaliers.
Cette mesure s’inspire, bien sûr, des réformes menées par les gouvernements libéraux des autres pays, à commencer par les États-Unis et, plus près de chez nous, l’Allemagne, où nous nous sommes d'ailleurs rendus.
Ce dernier pays connaît, depuis les années 1990, un mouvement de privatisation, qui s’est considérablement amplifié depuis les années 2000. Cette tendance a accompagné une réforme d’ampleur relative au financement des hôpitaux, appelée outre-Rhin diagnosis related grouping, qui est en réalité très proche de la tarification à l’activité.
Or ce mode de financement a eu pour conséquence une aggravation des déficits des établissements publics de santé allemands, conduisant les autorités fédérales à privatiser les hôpitaux. Mes chers collègues, les mêmes causes produisant les mêmes effets, convenez qu’il y a de quoi s’inquiéter !
Au surplus, les grands gagnants de cette ouverture du système hospitalier public allemand ont été d’abord et surtout les cliniques privées lucratives qui, en 2006, représentaient 27 % des établissements de santé, contre 14, 8 % en 1991. Les hôpitaux publics, quant à eux, ne comptent plus, aujourd’hui, que pour 34 % des établissements de santé.
Cette privatisation, outre qu’elle réalise un transfert des biens collectifs, fruits de l’impôt et des cotisations sociales, en direction des intérêts privés, autrement dit un déplacement de la richesse commune vers les richesses individuelles, s’est traduite en Allemagne, comme ce sera inéluctablement le cas dans notre pays, par une dégradation de la qualité du système hospitalier. En effet, ce que visent les actionnaires des groupes privés de santé, c’est d’abord et avant tout la rentabilité !
À titre d’exemple, toujours en Allemagne, dans les établissements privés commerciaux, la masse salariale a diminué de 9 % en moins de dix ans, alors que la quantité de travail, en raison du transfert de missions de service public, de l’envolée actuelle de la pauvreté en Allemagne et de l’apparition de clients supplémentaires a, quant à elle, explosé. Conséquence de cette évolution, l’index de satisfaction des patients s’est clairement détérioré !
Mes chers collègues, je vous invite, si vous souhaitez en savoir plus, à lire le très instructif article du docteur Nicolas Daly-Schveitzer, médecin cancérologue-radiothérapeute à l’institut Gustave Roussy de Villejuif et professeur des universités.
Au final, la privatisation des missions de service public que vous êtes en train de réaliser, madame la ministre, jouera contre l’intérêt des malades et de la santé publique. Cette logique politique de libéralisation vise d’abord, et surtout, à déstructurer le modèle social de notre pays, à « marchandiser » tous les pans d’une économie qui reposait avant tout sur la solidarité, quitte à satisfaire, contre les intérêts de la majorité, les intérêts financiers de ceux qui jouent la santé en bourse.
C’est pourquoi l’article 1er, véritable socle de ce projet de loi, mérite d’être supprimé : de toute évidence, son adoption conduirait inéluctablement – certes pas du jour au lendemain, car de telles réformes s’appliquent sur une décennie, voire plusieurs – à une privatisation de la santé.
Les grands groupes à capitaux étrangers sont en embuscade. Maintenir cet article reviendrait donc à ouvrir la porte à la Compagnie générale de santé.
M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais rendre hommage au groupe CRC-SPG – cela ne m’arrivera pas souvent au cours de ces débats – pour sa logique et sa constance. En effet, comme nous le verrons, il a déposé sur chaque article du projet de loi un amendement de suppression. Avec la même logique et la même constance, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. D’autant que, s’agissant de l’article 1er, il ne privatise en rien l’hôpital public.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
J’émets le même avis que M. le rapporteur. J’ai déjà longuement argumenté sur ce point dans mes propos liminaires.
Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.
Sourires
Madame la ministre, c’est un constat : depuis plus de trente ans, et particulièrement ces dix dernières années, les hôpitaux publics français s’inspirent du mode de gouvernance et de gestion des établissements privés lucratifs, et nous l’admettons.
Pour ceux qui dirigent les hôpitaux, il ne s’agit pas réellement d’un choix, car ils obéissent aux directives données par un pouvoir politique toujours plus préoccupé par la rentabilité et, d’une manière générale, par la diminution des dépenses publiques, donc des coûts hospitaliers.
Ce mouvement n’est pas propre à la France : il est européen. Il est logique, dès lors que l’on mesure ces réformes à l’aune des politiques libérales qui sont partout menées. D'ailleurs, M. About, président de la commission des affaires sociales, ainsi que M. Vasselle, qui suit les questions hospitalières, nous ont fait accomplir un véritable tour d’Europe pour nous permettre de connaître la situation de ces établissements.
Partout, émerge un principe nouveau : la corporate gouvernance, c'est-à-dire l’art de gouverner les établissements publics de santé comme des entreprises !
Pour mémoire, certains hôpitaux allemands, anciennement publics, sont aujourd’hui constitués sous forme sociétale. On constate également, partout en Europe, que certains services sont externalisés et que le secteur privé commercial se trouve associé au public dans différentes formules de coopération, quand on ne lui confie pas, tout simplement, la gestion à part entière d’un hôpital.
Pour appliquer votre politique de rigueur dans les hôpitaux, vous procédez à une décentralisation des régimes de santé et des services publics, comme en Allemagne, au Portugal ou en Angleterre, où a été menée une réforme du NHS, le National Health Service.
Toutefois, ce transfert, s’il vous permet de vous dégager de vos responsabilités, vous permet aussi, et c’est là tout votre talent, de renforcer le rôle du Gouvernement dans la gestion des hôpitaux et dans la diminution des dépenses : d'une part, vous comprimez les dépenses hospitalières et, d'autre part, vous jouez sur la gestion des risques qui, avec ce projet de loi, passe de l’UNCAM aux directeurs des agences régionales de santé, autant dire à votre administration, madame la ministre. Nous assistons à une étatisation régionalisée de la santé !
Comme avec les universités, pour parvenir à vos fins, vous jouez la carte de l’autonomie, qui est censée conférer plus de force aux établissements.
Toutefois, pour vous comme pour vos amis européens, les Merkel, Berlusconi et consorts, tous tenants du nouveau management public, la décentralisation politique doit s’accompagner de réformes en matière d’organisation, qui sont consacrées ici par la T2A, la convergence tarifaire et le démantèlement du service public hospitalier.
Ces réformes interviennent en trois étapes.
La première vise à développer l’autonomie : c’est l’application de la T2A, notamment.
La deuxième phase des projets européens de privatisation, c’est la transformation de la notion d’administration : l’hôpital devient une entreprise paraétatique, où toutes les règles de gouvernance et de rentabilité s’appliquent. Nous sommes au cœur de cette étape ! Il s'agit d’une véritable opération de soumission des établissements publics de santé à la règle des marchés. Ce processus, la Banque mondiale, qui s’intéresse particulièrement au sujet, et plus encore dans les pays en voie de développement, l’appelle la « corporatisation » !
Enfin, la troisième étape, que vous tentez de dissimuler aujourd’hui, madame la ministre – mais nos concitoyens ne sont pas dupes, et ils le montreront demain –, c’est le transfert complet de la gestion de l’hôpital au secteur privé commercial, c'est-à-dire la privatisation.
Voila le processus qui est à l’œuvre aujourd’hui ! Voilà comment, pas à pas, astucieusement, vous privatisez l’hôpital public. Voilà comment, contre l’intérêt du public, vous confiez au secteur privé commercial une partie de la santé de nos concitoyens.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous souhaitons que vous votiez cet amendement. Monsieur le président, je demande, au nom du groupe CRC-SPG, que le Sénat se prononce par scrutin public.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Fischer a détaillé le scénario en trois étapes que j’évoquais hier lors de la discussion générale : acte 1, on organise les carences de l’hôpital public, dont on tient bien sûr les rênes grâce à l’étatisation ; acte 2, on conclut à l’absence de fiabilité de l’hôpital ; acte 3, on réoriente les décisions de soins et les financements vers le secteur privé. Et le tour est joué !
Monsieur Fischer, vous nous avez fait une démonstration éclairante à partir de l’exemple allemand. Nous vous suivrons et voterons l’amendement n° 371 !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix l'amendement n° 371.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 151 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 185, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6111-1 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
Le domicile peut être un établissement avec hébergement régi par le code de l'action sociale et des familles.
La parole est à M. René Beaumont.
Par cet amendement, nous souhaitons non pas bouleverser complètement l’organisation du service public de la santé, mais simplement tenter modestement de l’améliorer, notamment dans les zones périurbaines et les zones rurales : il s’agit d’assimiler à un domicile les chambres des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ce qui permettrait aux personnes âgées hébergées de bénéficier, le cas échéant, des prestations de l’hôpital public le plus proche.
Depuis 2007, les établissements de santé ont la possibilité d’intervenir dans les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, par le biais de leur service d’hospitalisation à domicile et de leurs équipes spécialisées en gériatrie ou en soins palliatifs.
Notre objectif est d’étendre l’intervention de ces services à l’ensemble des structures médicosociales accueillant des personnes âgées. Il se trouve que le droit positif n’apporte pas de réponse à la question du domicile des patients. Il est donc nécessaire de préciser ce que l’on entend par « domicile », c’est-à-dire le lieu d’intervention.
Le présent amendement contribue à asseoir les activités d’hospitalisation à domicile, conformément à l’esprit ayant présidé à la rédaction de ce projet de loi, et à étendre l’accès aux soins hospitaliers à tous nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire.
Cet amendement est intéressant. En effet, les structures d’hospitalisation à domicile doivent pouvoir intervenir dans tous les lieux où résident leurs patients. Il faut éviter toute ambigüité en la matière.
La commission est donc favorable à cet amendement.
Je remercie M. Beaumont de cet excellent amendement. Mme Létard et moi-même y sommes favorables ; le domaine concerné est en effet au confluent du champ sanitaire et du domaine médicosocial.
La proposition d’étendre l’intervention des établissements de santé à domicile à l’ensemble des structures de soins médicosociales dans lesquelles sont hébergés durablement certains patients – personnes âgées, personnes handicapées – est tout à fait pertinente : le droit positif n’apportant pas, pour l’instant, de réponse à la question du domicile du patient, il était utile de préciser par voie législative que celui-ci peut être une structure médicosociale avec hébergement. Nombre de personnes attendaient cette précision.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
M. Jacques Blanc. J’aimerais être assuré que le fait d’apporter cette précision ne change en rien la notion de domicile de secours.
Mme la ministre fait un signe d’assentiment.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 309, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :
santé
insérer les mots :
, dans le cadre d'une démarche partenariale impliquant l'ensemble des corps professionnels concernés par la démarche de soins,
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Cet amendement vise à parfaire la qualité et la sécurité des soins. En effet, le paragraphe II de l’article 1er a trait à l’élaboration et à la mise en œuvre par les établissements de santé, d’une part, d’une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, d’autre part, d’une gestion des risques destinée à prévenir et à traiter les événements indésirables liés à leur activité.
On doit noter qu’une démarche globale de gestion des risques destinée à assurer la sécurité des personnes et des pratiques représente un enjeu de taille, compte tenu du nombre important d’événements indésirables graves liés aux soins qui surviennent chaque année en cours d’hospitalisation. Selon une enquête relativement récente, ces derniers seraient estimés à près de 190 000 par an, ce qui n’est pas rien.
C’est pourquoi nous proposons que cette politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins soit élaborée selon une démarche partenariale impliquant l’ensemble des corps professionnels concernés.
La concertation, qui est au cœur d’une démarche partenariale entre tous les professionnels intervenant dans l’établissement de santé – médecins, infirmiers, aides-soignants, psychologues, ou autres –, démarche tournée vers la prévention et la réduction des risques, semble en effet essentielle pour rendre plus efficace le combat constant qui doit être conduit en faveur de la qualité et de la sécurité des soins.
Il est évident que les médecins ne sont pas les seuls à agir en faveur de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. L’article 1er traite des missions qui incombent aux établissements pris dans leur ensemble.
La commission, estimant que cet amendement n’était pas utile, a émis un avis défavorable.
La démarche proposée ne relève pas de la loi. Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 310, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :
soins
insérer les mots :
, de l'accueil, de l'information et du droit d'accès des patients à leur dossier médical,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Il est fondamental d’assurer la qualité et la sécurité des soins, de lutter contre les maladies nosocomiales.
Si la qualité des soins, au sens de sécurité des soins, semble être acquise, en revanche, la politique de qualité doit, selon nous, prendre en compte non seulement les conditions d’accueil des patients et leur information, mais aussi leur droit d’accéder aux informations médicales qui les concernent : c’est là un objectif un peu différent de ceux qui sont affichés dans le texte tel qu’il est actuellement rédigé, mais tout à fait complémentaire.
Les rédacteurs de cet article ont complètement évacué cette dimension pour se concentrer uniquement sur la lutte contre les événements indésirables. C’est une chose regrettable, que nous proposons de corriger par cet amendement : il vise à élargir le champ de la politique de qualité à l’accueil des patients, à leur information, à leur droit d’accès à leur dossier médical.
Certes, il pourrait m’être objecté que tout cela est déjà prévu dans la loi. Cependant, les associations d’usagers ont bien mis en évidence les difficultés auxquelles se heurtent les personnes qui demandent la consultation de leur dossier après coup.
Chacun connaît la situation des services d’urgence : encombrement, patients attendant des heures sur des brancards alignés dans un couloir faute de places disponibles dans les services, diagnostics tardifs, suivis, parfois, de conséquences irréversibles faute d’une prise en charge en temps et en heure, autant de dysfonctionnements pour lesquels les usagers attendent des réponses concrètes.
La qualité de l’accueil doit être une préoccupation constante du corps médical et des personnels soignants.
De même, les patients sont souvent confrontés à des difficultés pour obtenir des renseignements de la part du corps médical sur l’état d’avancement de leurs examens et sur les traitements prescrits. Cela est dû non pas à la mauvaise volonté du personnel ou du corps médical, mais au manque de temps pour répondre de façon intelligible, adaptée et non anxiogène, surtout en situation d’urgence. La charge de travail dans les services est telle qu’il est difficile d’apporter ces réponses tout en respectant la souffrance et l’angoisse des familles.
Le principe du droit d’accès au dossier médical et à des informations adaptées me paraît devoir être revu. Ce sont désormais des obligations auxquelles les établissements de santé ne doivent plus pouvoir se soustraire.
Les accidents médicaux qui ont plusieurs fois conduit à des décès dans les hôpitaux de la région parisienne ces derniers mois étaient dus non pas à des infections nosocomiales, mais à des problèmes liés à la surcharge de travail et au manque d’attention portée aux patients qu’elle entraîne inévitablement.
En réservant du temps à l’écoute et à la prise en compte des besoins des patients, en dégageant les moyens nécessaires, on contribuera sans doute à réduire ce type de dysfonctionnement.
Vous me répondrez peut-être que cela fait déjà partie des missions de la commission des relations avec les usagers et de la prise en charge du patient.
Sans doute ! Cependant, une commission réfléchit et formule des propositions. Cela ne remplace pas le travail du législateur, qui doit intégrer dans la loi le résultat de ce travail et cette volonté d’améliorer la qualité et la sécurité des soins, notamment par un meilleur accueil et de meilleures informations.
L’article 71–2 traite exclusivement de la politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. C’est un autre sujet que ceux de l’accueil et du droit à l’information des malades, qui font d’ailleurs l’objet d’autres dispositions du code de la santé publique.
La commission, préférant laisser à l’article 1er sa cohérence, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les intentions louables de Mme Voynet sont d’ores et déjà traduites dans les faits. Des dispositions complémentaires viendront appuyer cette démarche, dispositions que nous examinerons ultérieurement.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je soutiendrai cet amendement. J’estime en effet que, même si une telle mesure n’a pas sa place dans cette partie du texte, elle doit figurer dans le code de la santé publique compte tenu des difficultés, voire de l’impossibilité pour les malades d’obtenir leur dossier médical ; ils sont souvent obligés de passer par la CADA, la commission d’accès aux documents administratifs. Insérer une telle disposition dans le code de la santé publique rendrait peut-être cet accès plus facile.
Selon Mme la ministre, cet accès serait déjà possible dans les faits. Je constate que tel n’est malheureusement pas le cas.
La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, fait obligation aux structures hospitalières de mettre l’accent sur l’information, cette dernière étant reconnue comme étant un élément très important dans la démarche de soins.
Cette obligation n’est pas toujours bien respectée !
Je reviens, pour y insister, sur le droit d’accès des patients à leur dossier médical : je voudrais être sûr que tout patient qui le désire peut accéder à son dossier médical. Une disposition comme celle qui nous est proposée permettrait sans aucun doute de résoudre ce problème.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 586 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Charasse et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :
médicament
insérer les mots :
, en particulier des génériques,
La parole est à M. Gilbert Barbier.
Je souhaite que les établissements de santé, dans le cadre de la politique du médicament qu’ils sont amenés à définir, fassent en particulier la promotion des médicaments génériques. Il s’agit en effet d’une précision importante à mes yeux.
Dans les hôpitaux, les chefs de service prescrivent une molécule, mais le pharmacien de l’établissement, lié au marché conclu avec le fournisseur, ne délivre souvent qu’une seule spécialité de cette molécule. Si cette situation n’a pas de graves conséquences lorsque le médicament est similaire à celui qui est prescrit, elle peut cependant avoir un double effet.
D'une part, dans le cas de présentations quelque peu différentes, cela peut influencer la poursuite du traitement.
D'autre part, madame la ministre, vous avez vous-même mené une politique de promotion des médicaments génériques en médecine de ville. Or, lorsque le patient quitte l’hôpital, c’est très souvent la spécialité qui lui a été administrée dans l’établissement qui se retrouve prescrite sur l’ordonnance.
Par conséquent, il convient de laisser aux chefs de service une liberté de prescription au sein des établissements et de poursuivre la politique en faveur des médicaments génériques, qui commence à porter ses fruits en médecine de ville.
Je constate d’ailleurs que, sur ce point, ma collègue Dominique Voynet et moi-même partageons la même préoccupation, bien que nous ayons souvent eu des divergences de vue par le passé !
Le sous-amendement n° 1215, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l’amendement n° 586 rectifié, après le mot :
génériques
insérer les mots :
dûment contrôlés
Ce sous-amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 311, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :
stériles
insérer les mots :
, notamment en faveur de l’usage des médicaments génériques,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Sourires
Nous avons effectivement, dans une autre vie, travaillé ensemble, lui en tant que chirurgien, moi en tant qu’anesthésiste, au sein d’une même équipe. Nous évitions souvent – pas toujours, mais souvent – les discussions politiques, pour pouvoir rester concentrés sur notre travail.
Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.
Nous étions attentifs à la qualité des soins et au bien-être des patients !
J’en viens à l’amendement n° 311.
Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, le sait, les médicaments génériques sont disponibles sous de nombreuses formes et offrent un grand choix de traitements adaptés à tous les patients. Ils sont en moyenne 30 % moins cher que les médicaments de marque, pour une efficacité et une qualité identiques.
À l’heure où la sécurité sociale presse les médecins libéraux et les pharmaciens de délivrer, dans la mesure du possible, des médicaments génériques à leurs patients, rien ne semble être fait du côté de l’hôpital pour les promouvoir. Cela aurait pourtant le grand mérite de favoriser une baisse du coût moyen d’acquisition des médicaments, qui représente un poste important du budget des établissements hospitaliers.
Les médicaments princeps sont parfois moins chers que les médicaments génériques !
Monsieur About, dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses et dans l’optique de mettre fin à l’idée, encore trop répandue, que les médicaments génériques pourraient être d’une efficacité inférieure, il me semble important d’encourager leur usage à l’hôpital. Mais sans doute allez-vous me répondre que l’alinéa dont il est question traite d’un autre sujet, à savoir la sécurité des soins.
En outre, nous devrions être plus vigilants en ce qui concerne les dispositifs médicaux stériles à usage unique, également mentionnés dans le texte en question, car leur prix est souvent extravagant.
J’ai personnellement étudié le coût de certains de ces matériels utilisés en grande quantité dans nos hôpitaux. Le prix d’une sonde urinaire, avec un sac de recueil, peut ainsi atteindre plusieurs centaines d’euros, alors que ceux-ci sont utilisés pour des dizaines, voire des centaines de malades dans un même établissement et qu’ils sont changés tous les jours : voilà qui est profondément choquant !
Il faut donc examiner cette question de très près, car le fait d’établir une relation un peu plus serrée avec les fournisseurs permettrait d’apporter des améliorations.
Je tiens tout d’abord à rappeler que les génériques sont aussi des médicaments.
La précision demandée par les auteurs des amendements n° 586 rectifié bis et 311 n’est donc pas indispensable.
Par ailleurs, s’il est souhaitable que, lors des prescriptions réalisées en ville, les médecins hospitaliers aient davantage le réflexe « génériques », il faut rappeler que, dans le cadre de l’hôpital, l’utilisation de tels médicaments ne diminue pas forcément les dépenses.
Cela étant, la commission ayant été, dans sa majorité, sensible aux préoccupations des auteurs de ces deux amendements, elle a émis un avis favorable.
Madame Voynet, monsieur Barbier, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, non pas, bien entendu, sur le fond, car nul n’est plus attaché que moi à la diffusion des médicaments génériques et à leur qualité.
Ces derniers, comme les médicaments princeps, sont soumis à une autorisation de mise sur le marché, ou AMM, qui garantit la qualité et la sécurité de l’utilisation des produits. Les médicaments génériques sont ainsi évalués avec la même rigueur, dans les mêmes conditions et selon les mêmes critères que les autres médicaments.
Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre de l’Union européenne sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou l’Agence européenne des médicaments. Une telle démarche nous donne toutes les assurances en termes de qualité.
Si vous souhaitez développer les médicaments génériques dans les établissements de santé, c’est bien sûr pour des raisons économiques, afin d’obtenir les produits au meilleur coût.
Bien évidemment, j’entends moi aussi développer l’utilisation des médicaments génériques à l’hôpital ; ils font partie intégrante de la politique du médicament que les établissements de santé mettent en place.
Toutefois – le président Nicolas About pourra sans doute confirmer mes propos –, la politique d’achat des médicaments repose sur des appels d’offres, et il peut arriver que le médicament princeps soit moins cher que le médicament générique.
Il s’agit donc d’une question non pas de qualité, mais de coût. L’intérêt de l’hôpital est d’acheter au mieux-disant, qui peut être, dans certains cas, le fabricant du médicament princeps et, dans d’autres, le fournisseur du médicament générique.
Croyez-moi, les pharmaciens hospitaliers font extrêmement attention au respect des procédures et veillent, bien entendu, à acheter les produits au meilleur coût. Il s’avère qu’à l’hôpital certains médicaments peuvent être achetés à très bas prix, parce que les laboratoires consentent de très fortes ristournes pour obtenir le marché.
Aussi la promotion des médicaments génériques à l’hôpital doit-elle surtout s’accompagner du développement de la prescription en dénomination commune internationale, ou DCI, ...
…particulièrement pour les ordonnances de sortie et pour celles qui sont délivrées à l’occasion de consultations externes. Ce faisant, les officines pourront délivrer des médicaments génériques.
Les textes d’application du projet de loi préciseront les dispositions à mettre en œuvre dans le domaine de la politique du médicament, en matière, notamment, de prescription, de bon usage et de lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.
Par conséquent, madame Voynet, monsieur Barbier, vos préoccupations sont largement satisfaites.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 586 rectifié bis.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici confrontés au syndrome dit « du lait maternisé ». Vous connaissez tous le comportement de ces laboratoires qui distribuent larga manu des échantillons de lait aux mamans en sachant très bien qu’une grande majorité d’entre elles, à leur sortie de la maternité, continueront à acheter la même marque de lait que celle à laquelle elles se sont habituées pendant leur hospitalisation. Voilà comme cela fonctionne !
Le médicament princeps acheté sur appel d’offres peut, certes, s’avérer très peu coûteux, mais le même médicament, vendu en ville, sera assurément plus cher que le médicament générique.
Il importe d’étudier de nouveau cette question. La stratégie développée par les laboratoires au sein des hôpitaux est efficace : dans l’esprit des patients, puisque c’est le médicament princeps qui leur a été délivré à l’hôpital, c’est sans doute parce qu’il est meilleur que le médicament générique que l’on cherche à leur « refiler » après leur sortie.
Par conséquent, si l’on veut donner à penser que le médicament générique est effectivement d’une qualité identique, on doit faire en sorte qu’il soit aussi prescrit de façon banale à l’hôpital.
Personne ne dit le contraire, mais l'hôpital est lié au résultat de l’appel d’offres. Les fournisseurs de médicaments génériques n’ont qu’à baisser leurs prix !
Madame la ministre, ce n’est pas uniquement pour des raisons économiques que l’on doit encourager la prescription des médicaments génériques à l’hôpital.
Vous vous en souvenez sans doute, c’est lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 que nous avons rendu obligatoire la prescription en DCI des médicaments pour les médecins généralistes. Cette décision sera d’ailleurs sans doute difficile à mettre en œuvre. Pour autant, dès lors qu’une telle obligation incombe aux médecins, il faudrait les former à cette prescription, et le meilleur moyen pour ce faire est de développer, à l’hôpital, la prescription en DCI, par le biais des médicaments génériques.
La mesure proposée n’a donc pas seulement un avantage économique : elle a aussi une vertu pédagogique.
Pour cette raison, je soutiendrai les amendements n° 586 rectifié bis et 311. Je ne comprends d’ailleurs pas que vous vous opposiez à cette disposition, madame la ministre, puisque vous avez reconnu vous-même dans votre intervention qu’elle présentait nombre d’avantages.
Monsieur Autain, tout le monde l’aura compris, l’hôpital passe un appel d’offres, et c’est le mieux-disant qui l’emporte, qu’il s’agisse, je le répète, de médicaments génériques ou de médicaments princeps. Le développement de la prescription en DCI relève d’une démarche à laquelle je souscris, mais il s’agit d’une tout autre question !
Absolument !
Finalement, vous laissez sous-entendre que les établissements hospitaliers pourraient passer des marchés avec des fournisseurs de produits plus chers uniquement pour habituer les praticiens à prescrire en DCI. Cela n’a pas de sens !
L’appel d’offres se fait en DCI. Y répondent un certain nombre de laboratoires. Le mieux-disant est retenu. Par ailleurs, il faudra effectivement veiller à ce que les médecins prescrivent en DCI.
Enfin, je le rappelle, dans 80 % des cas, les pharmacies substituent des médicaments génériques aux médicaments princeps : c’est donc un vrai succès !
Je mets aux voix l’amendement n° 586 rectifié bis.
En conséquence, l’amendement n° 311 n’a plus d’objet.
J’espère que la disposition que nous venons d’adopter disparaîtra au cours de la navette, car point n’est besoin d’entretenir une certaine animosité à l’égard des fabricants de médicaments princeps !
L’amendement n° 676, présenté par Mme Hermange, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé constate le non-respect des dispositions prévues à l’alinéa précédent, il peut prendre les mesures appropriées, notamment une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
M. le rapporteur l’a souligné, l'article 1er traite de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. C’est la raison pour laquelle il m’a paru opportun d’y préciser que les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, lesquels doivent être communs à tous les établissements.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi fait référence à ces obligations, mais dans deux articles différents, l’un étant consacré aux établissements publics, l’autre aux établissements privés. L’objet du présent amendement est de faire figurer celles-ci à cet endroit du texte, afin qu’elles deviennent communes à l’ensemble des établissements.
Le sous-amendement n° 1222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après les mots :
les mesures appropriées
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 676 :
Un décret détermine les conditions d'application des dispositions mentionnées à l'alinéa précédent. »
La parole est à Mme la ministre.
Madame Hermange, le Gouvernement émettra un avis favorable sur votre amendement, sous réserve de l’adoption par le Sénat du présent sous-amendement. En effet, en cas de non-publication d’indicateurs, est ouverte la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale.
Cette modulation ne peut évidemment s’appliquer qu’aux établissements susceptibles de bénéficier de ces dotations de financement des missions d’intérêt général, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements de santé. Il faut donc prévoir un décret qui détermine les conditions d’application des dispositions mentionnées à l’alinéa précédent. C’est une simple mesure d’application.
S’agissant de l’amendement n° 676, la commission a préféré que de telles mesures figurent à l’article 2, dans les dispositions spécifiques s’imposant, d’une part, aux établissements publics et, d’autre part, aux établissements privés.
En outre, celles-ci s’intégreraient assez mal dans l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, car elles portent sur une obligation de publication, assortie d’ailleurs d’une sanction, et non sur une obligation relative à une politique de santé et de sécurité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quant au sous-amendement n° 1222, qui n’a pas pu être examiné par la commission, il ne modifie pas la structure de l’article. Cependant, l’amendement de Mme Hermange trouvant mieux sa place à l’article 2 qu’à l’article 1er, j’émets un avis défavorable.
Je souhaite expliquer, car je ne l’ai sans doute pas fait suffisamment, les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’amendement de Mme Hermange.
Il s’agit de renforcer l’obligation faite aux établissements publics de santé de publier des indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Il s’agit également de préciser les mesures prises par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de non-respect de ces obligations. Cet amendement met donc en cohérence les obligations prévues par le texte pour les établissements privés et les établissements publics.
Ces indicateurs de qualité présentent un double avantage : d’une part, ils répondent à une attente de nos concitoyens et renforcent la confiance de ceux-ci dans le système hospitalier, qu’il soit public ou privé ;…
… d’autre part, ils permettent de mobiliser les professionnels de santé, lesquels disposent des moyens de suivre la façon dont les soins sont pratiqués.
En cas de non-publication de ces indicateurs, Mme Hermange prévoit la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées dans le cadre des missions d’intérêt général. Une telle démarche est extrêmement positive.
Monsieur le rapporteur, sur le fond, vous n’êtes pas opposé à cet amendement...
Nous le réexaminerons donc à l’article 2…
Très bien ! Je n’avais pas compris votre position !
Bien que je comprenne les arguments de la commission, j’estime qu’il est plus logique d’intégrer ces dispositions dans l’article 1er.
Je vous donne en effet lecture du premier alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article L.6111-2 : « Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et à traiter les événements indésirables liés à leurs activités. »
Or c’est bien pour éviter ces « événements indésirables » aux établissements de santé que nous avons besoin d’indicateurs de qualité !
Si la commission accepte que la mesure proposée dans mon sous-amendement figure à l’article 2…
Dans ce cas, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.
Je le retire, monsieur le président, mais, je le répète, cela me paraît moins logique.
Je souhaite rappeler ici ce qu’implique la réécriture de l’intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique telle que le texte la propose.
Au premier chef, on constate que l’intitulé du chapitre en question « Service public hospitalier » est renommé « Missions de service public des établissements de santé ». La notion de service public hospitalier disparaît donc purement et simplement du code de la santé publique, ce qui est grave.
Il faut prendre conscience des effets d’une telle disparition.
Le service public hospitalier, tel qu’il existe encore aujourd’hui, correspond à une organisation mixte où coexistent des établissements publics et privés, la loi du 31 décembre 1970, dite loi Boulin, ayant confié explicitement à certains établissements privés des missions de service public dans des conditions très précises.
Ainsi l’article L. 6112-2 du code de la santé publique précise-t-il que le service public hospitalier est assuré par les établissements publics de santé, les centres de lutte contre le cancer et les établissements privés à but non lucratif qui répondent à certaines conditions légales, selon différentes modalités, association ou participation, pour tout ou partie de leur activité.
On retient également que ces établissements sont tenus par des obligations spécifiques, toutes communes aux autres services publics, qui ont trait au principe de continuité – fonctionnement ininterrompu des services, participation à la permanence des soins –, au principe d’égalité – accès de tous aux soins, sans discrimination – et au principe d’adaptation aux besoins des patients auxquels doit être assuré un service normal.
La réforme que vous nous proposez, madame la ministre, fait éclater, en dépit de vos dénégations, ce cadre restrictif et protecteur pour les malades, afin de permettre – il n’est pas inutile de le répéter – aux établissements privés commerciaux de choisir, parmi les missions de service public, celles qui peuvent présenter un intérêt pour eux. Il va de soi que cet intérêt se pose en termes non pas de santé publique, mais de rentabilité, puisque tel est l’objet de ces structures : loin d’être philanthropes, elles ont une vocation commerciale.
C’est la raison pour laquelle on aurait tort de sous-estimer ce qu’implique la disparition du service public hospitalier. Et ce n’est pas le remplacement de celui-ci par une série de missions de service public qui permettra d’offrir aux patients le service qu’ils sont en droit d’attendre.
Il y a là une mutation profonde de notre système de santé, qui aura, au cours des prochaines années, des conséquences très graves sur la qualité des soins dispensés.
Selon vous, madame la ministre, l’attribution de ces missions de service public permettra d’orienter les patients vers la structure adéquate. Selon moi, le risque est grand de voir un service privé à but lucratif ayant reçu, par exemple, la mission de permanence des soins faire le tri des patients, pour n’accepter finalement que les malades « rentables », en orientant ceux qui ne le sont pas vers des établissements publics. Car ceux-ci subsistent, et ils n’ont pas à résoudre ces problèmes de rentabilité, même si vous cherchez à réduire leur déficit.
En ce qui concerne la mission publique d’enseignement et de recherche, il n’est pas acceptable de la confier à un établissement privé, même si toutes les précautions imaginables sont prises.
Enfin, j’estime que le service public n’est pas toujours compatible avec la recherche de bénéfices. C’est la raison pour laquelle nous aurions eu tout intérêt à conserver le service public hospitalier ; tel qu’il est, il donne satisfaction. Certes, des dysfonctionnements existent, mais ils sont liés non pas à son organisation, mais à un manque de financement : on ne le dira jamais assez ! Cependant, vous ne voulez pas augmenter le financement des hôpitaux. Vous préférez appauvrir ceux-ci, pour transférer ensuite au secteur privé les missions qu’ils ne sont plus en mesure d’exercer, faute de moyens, ce dont vous êtes directement responsables.
L’intitulé « Missions de service public des établissements de santé » fait partie du texte, et nous ne pouvons pas, bien évidemment, le supprimer.
Jusqu’à présent, les établissements n’avaient que des statuts. Avec l’adoption de ces mesures, ils assureront des missions déterminées : la permanence des soins, la prise en charge des soins palliatifs, etc. C’est très important !
Je me suis déjà expliquée sur l’article 1er dans mon propos liminaire, mais je souhaite revenir sur certains points.
Aujourd’hui, seuls les établissements publics de santé ont l’obligation de remplir toutes les missions de service public. Ce modèle a toutefois ses limites : il n’est pas possible de dispenser un hôpital de l’une de ses missions, même si elle est remplie par un établissement voisin ; inversement, il est exclu d’imposer à un établissement privé une mission de service public, alors même que cette mission ferait défaut sur le territoire concerné. On marche sur la tête !
C’est la raison pour laquelle je souhaite que tous les établissements de santé puissent assurer les missions de service public nécessaires, en fonction des besoins de la population, sur chaque territoire de santé.
Monsieur Autain, vous ne cessez de déplorer que les établissements de santé privés n’assurent pas ces missions de service public qui pèsent tellement sur l’hôpital public ! Or on leur demande aujourd’hui de participer à ces missions de service public.
Depuis plus d’un siècle, le modèle français de service public a su faire la preuve de son efficacité et de sa souplesse en se focalisant non pas sur le statut juridique de l’établissement, mais sur sa capacité à répondre aux besoins de la population. Or tel est l’enjeu de la réforme que je vous propose : concentrons-nous non pas sur le statut, mais sur les besoins des malades.
L’autorisation d’activité de soins donne à l’établissement le droit de prodiguer des soins et de percevoir en contrepartie des financements de la part de l’assurance maladie.
Mais si une autorisation confère un droit, elle implique aussi des devoirs. Les conditions dans lesquelles ces missions sont exercées sont donc précisées : tout établissement qui assurera une mission de service public le fera dans le cadre des tarifs de la sécurité sociale, sans dépassement d’honoraires.
Sont également prévues l’obligation d’accueil de tous les patients et l’orientation de ceux qui ne pourraient pas être pris en charge.
Enfin, cet article vise à préciser que ces obligations s’imposent aux médecins libéraux qui exercent dans les cliniques. Je les ai longuement consultés ; ils sont d’accord, c’est une question de déontologie.
Cette demande de suppression répond à une inquiétude : celle de voir l’hôpital dépossédé de son âme et de ses missions de service public, qui sont souvent le moteur de son activité.
Je veux vous rassurer : tous les hôpitaux continueront à exercer des missions de service public
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
C’est en fonction des besoins que le directeur général de l’Agence régionale de santé pourra, dans le cadre du contrat de l’établissement, accorder une ou plusieurs missions de service public.
On ne peut pas concevoir, d’une part, un régime d’obligations permanentes pour les hôpitaux et les praticiens hospitaliers et, d’autre part, un régime de droits sans obligations pour les cliniques et les médecins libéraux. Vous devriez être les premiers à accepter cette réforme si importante, qui s’inscrit dans la logique de ce que vous avez défendu !
Si ces missions de service public sont réellement coûteuses pour l’hôpital public, le risque serait plutôt que les établissements privés ne veuillent pas les assumer.
Les fédérations professionnelles ont bien compris que cet outil juridique constituait une chance pour notre système de santé, les patients et les professionnels. Je vous invite vivement à ne pas le supprimer.
M. François Autain. Je me suis peut-être mal fait comprendre. Je n’ai jamais dit que les missions de service public pesaient sur l’hôpital public ; j’ai simplement déploré que vous ne donniez pas à celui-ci les moyens de les exercer. C’est justement pour cette raison que, petit à petit, ces missions seront transférées aux cliniques privées à but lucratif.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
C’est vous qui organisez le démantèlement du service public et son appauvrissement ! Nous n’en sommes pas responsables, pas plus qu’une mauvaise gestion ou un événement mystérieux qui empêcherait les hôpitaux publics de remplir les missions dont ils avaient la charge jusqu’à présent.
Il suffirait simplement d’augmenter la dotation des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, et de mieux organiser la médecine générale, ce que vous refusez de faire. En effet, depuis 2002, la mission de service public de la permanence des soins des praticiens libéraux est soumise au principe du volontariat. Avouez qu’il est très difficile d’organiser une permanence des soins quand on la rend facultative pour ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre… Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les urgences soient submergées par des malades qui, si la permanence des soins de ville était bien organisée, n’auraient pas besoin de s’adresser à l’hôpital.
Je maintiens donc que c’est votre politique qui, en raison d’une carence de financement, est directement responsable des problèmes que rencontrent actuellement les hôpitaux pour exercer leurs missions de service public. Il faut reconnaître que celles-ci sont très coûteuses, mais vous ne donnez pas aux hôpitaux les moyens de les assumer.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 289, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique :
« Art. L. 6112 -1. - Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer complètement ou à participer à des missions de service public.
« I. - Les établissements de santé qui s'engagent à assurer complètement ou à participer à des missions de service public doivent obligatoirement exercer les missions suivantes :
« 1° La permanence des soins ;
« 2° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion ;
« 3° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ;
« 4° Les actions de santé publique ;
« 5° la prise en charge des soins palliatifs.
« II. - Ils peuvent en outre exercer une ou plusieurs des missions de service public suivantes :
« 1° La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ;
« 2° La recherche ;
« 3° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés ;
« 4° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement ;
« 5° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire, dans des conditions définies par décret ;
« 6° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
« 7° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Avec l’article 1er, on raisonne en termes non plus de statut, mais de missions : tous les établissements de santé, quel que soit leur statut, pourront prétendre à l’exercice de missions de service public.
Vous nous dites, madame la ministre, que les établissements ne pourront pas choisir ces missions à la carte. On peut néanmoins craindre que les cliniques privées commerciales ne soient tentées de faire leur marché dans cette grande halle du service public, en sélectionnant les missions les plus conformes à leurs intérêts bien compris.
Pour éviter les risques inhérents à une telle pratique, nous vous proposons, au travers de cet amendement, de créer un bloc de missions de service public que devront obligatoirement assumer les établissements de santé qui seront autorisés par le directeur de l’ARSA à exercer de telles missions. Il s’agit ainsi de s’assurer que les établissements de santé privés ne choisissent pas les missions les plus intéressantes pour leur stratégie de développement, laissant aux établissements hospitaliers publics les autres missions, notamment les moins lucratives.
Le service public nécessite une participation de tous à des missions essentielles : la permanence des soins ; la lutte contre l’exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi qu’avec les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion ; les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ; les actions de santé publique ; enfin, la prise en charge des soins palliatifs, nouvelle mission de service public intégrée par la commission.
Il s’agit donc de définir le périmètre des missions de service public qui devront être exercées par l’ensemble des établissements désignés à cette fin.
L'amendement n° 290, présenté par MM. Le Menn, Michel et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique :
« Les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d'intérêt collectif sont appelés prioritairement à mener ou à participer à une ou plusieurs des missions de service public suivantes :
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
La grande nouveauté de cet article 1er, tout le monde l’a bien compris, c’est qu’il n’opère plus de distinction entre, d’une part, les établissements publics de santé et, d’autre part, certains établissements privés.
Ainsi, tout établissement de santé est désormais susceptible d’être concerné par les missions de service public, lesquelles ne sont plus l’apanage du secteur non lucratif composé des établissements publics, des établissements privés à but non lucratif admis à participer au service public hospitalier, ou PSPH, et des établissements privés concessionnaires de service public hospitalier, ou SPH.
Le comble, dans l’histoire, est que le secteur privé non lucratif, plutôt considéré comme modèle par la commission Larcher, a bien failli voir son statut remis en question, avant que des amendements adoptés par l’Assemblée nationale ne prennent en compte sa spécificité, en créant la catégorie nouvelle des établissements de santé privés d’intérêt collectif, les ESPIC.
Notre amendement vise à préciser que les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif sont appelés prioritairement à mener ou à participer à une ou plusieurs des missions de service public.
En effet, alors que le projet de loi prévoit que le directeur de l’Agence régionale de santé peut autoriser un établissement privé commercial à assurer des missions de service public, il convient de s’assurer des conditions dans lesquelles ces missions pourront être attribuées, en se fondant sur le constat d’une carence de service public hospitalier, dans le cas où l’hôpital public ou l’établissement de santé privé d’intérêt collectif ne peuvent l’assurer pour des raisons locales, en particulier au regard de la démographie médicale.
L'amendement n° 639 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Charasse, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, après les mots :
établissements de santé
insérer les mots :
, prioritairement les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif,
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Vous avez rappelé, madame la ministre, votre attachement aux missions de service public, mais il y a aussi les statuts.
Dans le domaine de l’éducation nationale, si les établissements privés doivent être associés à une mission de service public, ils le sont par contrat.
Il convient donc de marquer la priorité donnée au service public hospitalier ainsi qu’aux établissements de santé privés d’intérêt collectif. Tel est le sens de cet amendement, qui rejoint la préoccupation que vient d’exprimer M. Godefroy.
L'amendement n° 574, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Au début du 3° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
La formation continue
par les mots :
Le développement professionnel continu
II. - Dans le 4° du même texte, remplacer le mot :
continue
par les mots :
le développement professionnel continu
La parole est à M. François Autain.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui tend à reprendre une modification introduite par l'Assemblée nationale sur recommandation, me semble-t-il, de la Haute autorité de santé.
Il me semble d’ailleurs – une fois n’est pas coutume ! – que la commission n’y est pas défavorable.
L’avenir nous le dira !
L'amendement n° 292, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 6° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les actions de prospective et de prévention en matière de santé environnementale ;
La parole est à Mme Dominique Voynet.
La salve d’amendements que nous sommes en train d’examiner a pour objet de lister les missions de service public qui peuvent être assurées par les établissements de santé.
Je partage l’argumentation qui a été fort bien détaillée par MM. Le Menn et Godefroy.
Mon intervention vise à préciser les conditions dans lesquelles les établissements de santé peuvent être appelés à assurer une mission de service public négligée dans notre pays : la santé environnementale.
Notre environnement, compris au sens large, c’est-à-dire en tenant compte non seulement de nos conditions de vie sociales et familiales, mais aussi de la qualité du cadre de vie dans lequel nous évoluons, joue un rôle déterminant sur notre santé.
Le corps humain ne fonctionne pas comme une boîte étanche ; l’état de santé dépend des comportements – alimentation, sédentarité, toxicomanie –, de la situation sociale – situation de famille, conditions de travail, précarité –, de l’environnement – exposition à des nuisances de toutes sortes –, mais aussi de facteurs psychologiques, génétiques ou épidémiologiques.
À l’hôpital, le corps médical est en prise directe avec les patients souffrant de maladies chroniques, et c’est lors de la phase de diagnostic qu’il est parfois possible de repérer ce qui, dans l’environnement du patient, peut être le facteur déclenchant de sa maladie.
La santé environnementale est une science de terrain qui s’appuie sur des constatations empiriques et sur des témoignages précis.
Par exemple, lorsque des lanceurs d’alerte – des salariés dans une entreprise, ou des médecins du travail – constatent un agrégat de cancers, « un cluster » pour employer le jargon médical, ils ne sont pas toujours pris au sérieux. Pourtant, en mettant en place des mesures simples de dépistage et de prévention, on pourrait réduire considérablement les risques.
Je ne retiendrai qu’un seul exemple, celui de l’usine de vitamines pour animaux Adisseo – anciennement Rhône-Poulenc – à Commentry, dans l’Allier, où vingt-cinq cas de cancers du rein ont été constatés dans un même atelier. Ce n’est qu’en 2001, après trente ans d’exposition des ouvriers, que les mesures de prévention ont été prises.
Le traitement des cancers coûte chaque année 15 milliards d’euros à l’assurance maladie. Ce sont des économies considérables que nous pourrions réaliser, et surtout de nombreuses vies humaines qui pourraient être épargnées si la santé environnementale était enfin placée non pas simplement à la périphérie, mais réellement au cœur de notre système de santé. Les établissements de santé, notamment les hôpitaux publics, sont les mieux placés pour y contribuer.
L'amendement n° 668 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Gilles, est ainsi libellé :
Compléter le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par les mots :
, notamment la collecte des tissus, cellules et produits du corps humain au sens de l'article L. 1245-2
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Je sais, madame la ministre que, lors des travaux en commission, vous avez formulé une observation sur la présence de l’adverbe « notamment ». Toutefois, il nous a semblé important de mettre l’accent sur le problème de la collecte des tissus, des cellules et des produits du corps humain.
Alors que la France a réalisé des premières mondiales en la matière, elle se situe aujourd’hui au treizième rang mondial, derrière la République Tchèque, en termes de collecte de tissus.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons insuffler un nouvel élan à cette politique de santé publique en l’élevant au rang de mission de service public des établissements de santé. À défaut, nous risquons d’être confrontés à des pratiques mercantiles, comme c’est déjà le cas pour la collecte d’un certain nombre de tissus.
L'amendement n° 291, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par les mots :
, celles-ci portant sur l'éducation thérapeutique du patient et de ses proches, son orientation dans le système de soins et le secteur médico-social mais aussi sur l'éducation et la prévention pour la santé en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements médico-sociaux ; elles assurent une prise en charge globale du patient seul, ou en coopération
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Parmi les treize missions de service public qui pourront être assurées par les établissements de santé figurent les actions de santé publique.
Cet amendement vise à préciser le contenu de ces actions de santé publique, missions stratégiques du parcours de soins.
Puisque les établissements de santé – publics, privés à but lucratif et privés d’intérêt collectif –, dans le cadre des actions de santé publique, devront s’acquitter au bénéfice de nos concitoyens de l’éducation thérapeutique du patient et de ses proches, de son orientation dans le système de santé et dans le secteur médicosocial, ainsi que de la coordination de ces actions d’éducation et de prévention pour la santé, il semble important de définir au mieux ce que recouvrent ces actions de santé publique et de les inscrire dans le code de la santé publique.
Les amendements n° 159 et 374 sont identiques.
L'amendement n° 159 est présenté par M. Gouteyron.
L'amendement n° 374 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La participation à des filières de soins et d'accompagnement ou à des dispositifs de coordination des prises en charge qui articulent les interventions de la médecine ambulatoire, les établissements et services de santé et médicosociaux, en direction des personnes rencontrant des difficultés dans l'accès à des soins adaptés et aux différentes formes d'accompagnement médicosocial, notamment les personnes âgées ou les personnes handicapées ;
La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour présenter l’amendement n° 159.
Par un heureux hasard, M. Autain et moi-même avons présenté deux amendements identiques.
Madame la ministre, il est à craindre que la liste des missions de service public, telle qu’elle est énumérée dans cet article, exclue de facto certains établissements publics et privés participant actuellement au service public hospitalier pour leurs activités de soins majoritaires. Pourraient être concernés nombre d'établissements publics et privés majoritairement engagés dans des activités de soins de suite et de réadaptation, mais aussi les établissements déployant pour l'essentiel une activité de psychiatrie.
Cette situation présente des inconvénients, me semble-t-il, à la fois pour les établissements publics et pour les établissements privés à but non lucratif qui adopteront le nouveau statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif.
Il est un domaine essentiel dans lequel la notion de service public pourrait être affirmée fort opportunément : celui de la constitution de filières de soins à la fois sanitaires et médicosociales, dont les personnes âgées – filières gériatriques – et les personnes handicapées – filières des blessés médullaires, traumatisés crâniens, etc. – ont le plus grand besoin.
Cette participation à des filières de soins inter-établissements, en articulation avec les interventions à domicile, peut être considérée comme une véritable contribution des établissements publics et privés à la construction d'une offre de services décloisonnée, qui correspond aux politiques publiques prônées par les administrations centrales et déployées aujourd’hui par les ARH et, demain, par les ARS.
Structurer cette évolution comme une mission de service public pour les opérateurs publics et les opérateurs privés d’intérêt collectif serait à la fois un encouragement et un levier complémentaire dans la réorganisation de l'offre sanitaire et médicosociale.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 374.
L’article L. 6112–1 du code de la santé publique, dans la rédaction qui en est proposée à l’article 1er du projet de loi, vise en fait à donner une définition légale des missions de service public auxquelles pourraient être appelés à participer les établissements de santé.
Cette disposition est la conséquence logique de la suppression du service public hospitalier, à laquelle nous sommes formellement opposés, notamment parce que nous redoutons qu’elle ne soit source de restrictions dans la satisfaction des besoins de santé. D’ailleurs, les exemples européens en témoignent.
Notre amendement vise donc à réparer un oubli fâcheux. En effet, à vouloir instaurer des listes de missions de service public, il y a de fortes chances d’en oublier. Tel est le cas ici. C’est pourquoi nous proposons de préciser que la participation à des filières de soins et d’accompagnement ou à des dispositifs de coordination des prises en charge en direction des personnes âgées ou handicapées constitue bien une mission de service public.
La question de la prise en charge de la dépendance est pourtant au cœur d’un important débat de société et devrait faire l’objet, à en croire le Gouvernement, d’un futur projet de loi. Toutefois, il n’est pas besoin d’attendre celui-ci pour considérer que les missions visées dans cet amendement relèvent bien de missions de service public, d’autant que cet oubli pourrait avoir d’importantes conséquences non seulement pour les établissements publics de santé, mais aussi, et surtout, pour les établissements de santé privés d’intérêt collectif, qui assurent ces missions.
Ces établissements non commerciaux, qui œuvrent principalement dans les soins de suites et de réadaptation, ainsi que ceux qui délivrent des soins psychiatriques sans habilitation à dispenser des soins sans contraintes, pourraient alors assurer des missions qui ne font pas explicitement partie des missions de service public. Cela est contradictoire avec les exigences de spécialisation demandée aux établissements qui revêtiront demain la forme d’ESPIC.
On peut d’ailleurs craindre que cet oubli puisse avoir pour effet une perte de financement pour ces établissements, car on voit mal comment les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens conclus entre eux et les agences pourraient financer des missions qui ne relèvent pas des missions de service public.
Cet amendement est donc garant d’une continuité dans l’exercice de ces missions par les établissements de santé privés sans but lucratif, raison pour laquelle nous ne doutons pas de son adoption.
L'amendement n° 581 rectifié quater, présenté par M. Etienne, Mme Desmarescaux, M. Thiollière, Mmes Descamps, Rozier, Troendle, Le Texier, Hermange, Férat et Laborde, M. Lefèvre, Mmes Klès, Jarraud-Vergnolle et Blondin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L'accueil des jeunes de moins de vingt-cinq ans en situation de mal-être d'origine organique ou fonctionnelle.
La parole est à Mme Janine Rozier.
Cet amendement a été cosigné par de nombreux collègues membres de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, que le Sénat a récemment mise en place.
Nous nous sommes aperçus que les jeunes de moins de vingt-cinq ans, parfois en déshérence, cherchent souvent un recours pour une prise en charge adaptée et mériteraient, à ce titre, de bénéficier d’une réponse à la fois spécifique et plus globale à leurs problèmes.
La création de « points d'accueil jeunes » dans les établissements de santé, dont quelques rares exemples ont une valeur expérimentale, permettrait d'offrir une réponse plus circonstanciée à cette problématique grandissante chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Les amendements n° 293 et 587 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 293 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 587 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Sur chaque territoire de santé, les missions de service public mentionnées aux 1°, 6°, 8° et 9° sont dispensées à un niveau de proximité.
La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 293.
Cet amendement vise à préciser le périmètre d’un service public de proximité.
En effet, il est proposé dans le projet de loi de rendre les missions de service public divisibles, en fonction des besoins des territoires. C’est une bonne chose, mais il nous semble que la constitution d’une offre de service public hospitalier sur un territoire donné ne peut être laissée à la seule appréciation de l’agence régionale de santé et de l’autonomie et qu’un cadre général de ce que devrait être le service public devrait être inscrit plus clairement dans la loi et garanti par elle, pour le bénéfice de chaque citoyen.
Aussi proposons-nous que, au-delà de la possibilité pour l’ARSA de désigner les personnes qui seraient chargées d’assurer une mission de service public non remplie sur un territoire de santé, la loi pose le principe que, sur chaque territoire de santé, les missions de service public doivent être assurées, et qu’elle définisse celles qui sont nécessaires à un niveau plus resserré que celui du territoire de santé et qui doivent, par conséquent, être exercées par les établissements de santé dans ce territoire en somme intermédiaire.
Ces missions, au nombre de quatre, sont consubstantielles à l’exercice d’un service public hospitalier de proximité : ce sont la permanence des soins, les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination, la lutte contre l’exclusion sociale et les actions de santé publique.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 587 rectifié.
Parmi les nombreuses missions de service public visées à cet article, un certain nombre mériteraient d’être assurées de manière rapprochée afin d’être réellement efficaces. Il s’agit de la permanence des soins, des actions d'éducation et de prévention pour la santé, de la lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions de santé et institutions compétentes dans ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la discrimination, cette dernière mention ayant été ajoutée grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé lors de l’examen du texte en commission.
La notion de proximité est importante : si ces missions sont exercées d’une manière trop lointaine, elles n’auront aucune efficacité.
L'amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé par un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d'intérêt collectif, le directeur général de l'agence régionale de santé, sans préjudice des compétences réservées par la loi à d'autres autorités administratives, désigne les personnes physiques ou morales qui en sont chargées, après analyse :
« a) Des besoins et des flux de la population ;
« b) De l'organisation de l'offre de soins existante ;
« c) Des ressources humaines médicales et soignantes disponibles ;
« d) Des caractéristiques géographiques du territoire.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Cet amendement vise à préciser les critères et les conditions dans lesquelles les missions de service public de santé, lorsqu’elles ne sont pas assurées par un établissement public de santé ou un établissement de santé d’intérêt collectif, sont confiées, au choix, à des personnes physiques – les médecins libéraux – ou à des personnes morales – vous aurez compris qu’il s’agit des établissements privés commerciaux.
Nous proposons donc que ces missions ne puissent être confiées qu’après un examen, par l’agence régionale de santé, de la situation de l’offre existante, des caractéristiques géographiques du territoire ainsi que des besoins et des flux de la population.
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, il nous a été opposé que cette disposition relevait non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Nous refusons, naturellement, cette analyse, qui permet par ailleurs d’éviter de débattre sur le fond de cet amendement.
En effet, pour notre groupe, le transfert de missions de service public ne peut se concevoir que dans le respect de règles claires, identiques pour tous les territoires. Il s’agit, en réalité, de donner un cadre aux actions des futures agences régionales de santé et de l’autonomie, dans le seul but de préserver et l’intérêt général et l’égalité territoriale. Or il nous semble que ces deux impératifs, ceux d’équité et d’égalité, ont toute leur place dans ce projet de loi.
Madame la ministre, le Gouvernement, qui, dès lors qu’il s’agit des établissements publics de santé, ne cesse d’en appeler à la maîtrise des dépenses, serait ici bien inspiré, avant de confier des missions au privé, et donc des financements, de vérifier le bien-fondé de ces missions.
S’agissant de l’amendement n° 289, la commission s’est opposée au principe d’un bloc de missions de service public, que certains établissements publics pourraient ne pas être en mesure d’assurer en totalité du fait de leur taille. Par ailleurs, il serait dommage d’interdire à des établissements privés de participer à des actions d’enseignement supérieur, par exemple l’accueil des étudiants dans certaines spécialités de chirurgie ou en médecine générale, ou à des actions de formation initiale des professions paramédicales. La commission émet donc un avis défavorable.
Les amendements n° 290 et 639 rectifié ne sont conformes ni aux positions adoptées par la commission ni à l’esprit du texte. De plus, dans les faits, en cas de carence dans l’exercice d’une mission de service public, l’important sera de confier celle-ci à l’établissement le plus apte à l’assurer, quel que soit son statut. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 574, qui vise à mettre en place une coordination utile.
Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La commission considère que les thèmes visés à l’amendement n° 292 sont inclus dans les actions de prévention prévues au 6° du texte proposé par le IV de cet article pour l’article L. 6112–1 du code de la santé publique, comme dans les actions de santé publique prévues au 9°. On peut décliner et détailler à l’infini le contenu des notions de prévention ou de santé publique, mais cela n’ajoute rien à la portée du texte et pourrait même le rendre illisible. En outre, en entrant dans le détail sur certains sujets, on peut paraître en exclure d’autres. C’est l’un des inconvénients des lois dites « bavardes ». La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 668 rectifié porte sur un problème majeur, mais très ponctuel. Bien que nous soyons convaincus de l’importance de développer la collecte des tissus, cellules et produits du corps humain, en particulier des cellules souches du cordon, il ne nous paraît pas très raisonnable d’en faire une mission de service publique inscrite dans le présent projet de loi. La commission a donc, à regret, émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 291 tend à développer l’expression « santé publique » dans un sens qui ne nous semble pas souhaitable. Il comporte une énumération des diverses actions qui pourraient être visées. Outre le fait que cette énumération est plus d’ordre réglementaire que de nature législative, elle peut, comme toutes les énumérations, être critiquée ou jugée incomplète. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Les amendements identiques n° 159 et 374 nous paraissent satisfaits, car la participation à la coordination des soins en relation avec la médecine de ville et le secteur médicosocial fait partie des missions imposées à tous les établissements par l’article L. 6111-1 du code de la santé publique. C’est une obligation générale, hors toute participation à une ou plusieurs missions de service public. La commission souhaite donc le retrait de ces amendements qui font double emploi avec un texte que le Sénat a déjà adopté. À défaut, elle y sera défavorable.
Si l’amendement n° 581 rectifié quater peut relever de plusieurs missions de service public, notamment de la lutte contre l’exclusion, il ne peut pas en constituer une nouvelle. Par ailleurs, pour les jeunes en situation de mal-être, un premier recours pourrait être la consultation prévue à l’article 18 du projet de loi. La commission ne considère pas qu’il faille définir une mission aussi particulière et aussi complexe, sauf à en prévoir beaucoup d’autres pour diverses tranches d’âge ou de population qui peuvent aussi connaître des problèmes de santé physiques ou psychiques relevant de causes très diverses et justifiant de nouvelles formes de prise en charge. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
Les amendements identiques n° 293 et 587 rectifié visent à préciser le périmètre d’un service public hospitalier de proximité, sans indiquer ce qu’il faut entendre par proximité. Ces amendements n’ajoutent rien au projet de loi qui, à l’article 26, prévoit la définition du territoire de santé, notamment pour les activités de santé publique, de soins et d’équipements des établissements de santé pour le médicosocial et pour l’accès aux soins de premier recours. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l’amendement n° 375 rectifié nous a paru de nature réglementaire. En outre, il n’apporte rien, car il semble évident que pour apprécier une éventuelle carence d’un établissement de santé le directeur général de l’ARSA se fondera sur les besoins de la population, l’offre existante, les ressources disponibles. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souscris sans réserve aux remarquables explications de M. le rapporteur, y compris à son avis favorable sur l’amendement n° 574 de M. Autain.
Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 290.
Vous ne nous avez pas convaincus, monsieur le rapporteur !
Cet amendement tend à renforcer le dispositif prévu dans le projet de loi. Nous estimons que le service public doit être saisi en priorité de certaines missions de service public. Dans l’hypothèse où il ne peut pas remplir lesdites missions, une convention pourra être passée avec un établissement privé.
Cette disposition va donc dans le sens que vous souhaitez. À moins que, derrière ce texte, comme l’ont suggéré MM. Cazeau et Autain, ne se cache la volonté de déshabiller progressivement le service public pour habiller somptueusement le service privé. (
Si tel n’est pas le cas, je ne vois pas comment vous pouvez vous opposer au fait que l’on consulte en priorité des établissements publics sur des missions de service public. Dans ces conditions, je demande un scrutin public sur cet amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix l'amendement n° 290.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Non, je le retire, et je remercie M. le rapporteur de ses observations.
L'amendement n'est pas adopté.
Non, je le retire monsieur le président.
Mais je serai clair : je retire cet amendement non pas parce qu’il me paraît infondé, mais parce que je considère qu’il n’a plus de sens, ce qui n’est pas la même chose. En effet, M. le rapporteur nous a assurés que l’objectif que nous cherchions à atteindre était inclus dans la législation en vigueur. Faute d’avoir une connaissance suffisante des textes, je me fie à sa parole.
M. François Autain. À l’inverse de M. Gouteyron, je ne me fie pas à la parole de M. le rapporteur.
Sourires
Pas du tout ! M. le rapporteur peut se tromper, comme tout homme. D’ailleurs, cela lui est déjà arrivé. Je vérifierai donc le bien-fondé de son propos. En attendant, par sécurité, je maintiens l’amendement.
Je me range à l’avis de M. Gouteyron. Dans la mesure où j’ai reçu des assurances de M. le rapporteur, je ne voterai pas l’amendement de M. Autain.
Les amendements n° 159 et 374 comportaient des éléments positifs, en particulier la notion de filière de soins.
En cas d’accident vasculaire cérébral, par exemple, il est bien évident que le diagnostic doit être le plus précoce possible : il doit être posé immédiatement dans les services d’urgence, car il faut vite faire la différence entre une hémorragie cérébrale et une thrombose.
Vient ensuite la phase de rééducation : celle-ci doit également être pratiquée très rapidement. Puis, ce sont les services de suite qui interviennent. Tout cela exige une coopération totale entre le service public et les établissements privés.
Cet amendement répond aux difficultés rencontrées et va dans le sens de ce que doit être une filière de soins. Mais je me range à l’avis de notre rapporteur, et je voterai contre l’amendement de M. Autain, car il fait double emploi. §
Je souhaite juste apporter un complément d’information.
À la page 3 du projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission, le troisième alinéa du I de l’article 1er dispose : « Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l’agence régionale de santé et de l’autonomie en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les concernent. »
L'amendement n'est pas adopté.
Cet amendement avait pour objet de mettre en lumière les problèmes identifiés par la mission d’information sur les politiques en faveur des jeunes. Étant satisfaite des explications de M. le rapporteur, je le retire.
Il s’agit donc de l’amendement n° 581 rectifié quinquies, présenté par Mme Raymonde Le Texier.
Vous avez la parole pour le présenter, ma chère collègue.
L’adoption de cet amendement serait un plus pour ce texte qui, malgré quelques améliorations obtenues de haute lutte grâce à l’important travail de la commission, ainsi qu’à la pression dans la rue des personnels de santé, reste rétrograde et dangereux.
En dépit de tentatives d’explications, de démentis en forme d’opérations de communication, ce texte marque bien l’avènement de l’hôpital-entreprise sur l’hôpital de soins, de l’hôpital des comptables sur l’hôpital des médecins, de l’hôpital des fausses économies sur l’hôpital des patients. Avec ce texte, votre gouvernement, madame la ministre, entend remplacer la compresse par le boulier.
Cela étant, avec mes collègues socialistes de la mission d’information sur les politiques en faveur des jeunes, nous avons souhaité cosigner cet amendement proposé par le professeur Jean-Claude Etienne, car c’est précisément en tant que membre de ladite mission qu’il l’avait déposé. Il est retiré ; je le reprends !
En effet, dans le cadre des multiples auditions que la mission d’information a conduites, les problèmes de santé des jeunes ont été discutés à de nombreuses reprises. Les échanges que nous avons eus ont fait apparaître des carences en matière de soins liées d’abord à des problèmes financiers, mais également dues à l’absence de structures adaptées.
Plus précisément, il y a pléthore de structures destinées aux jeunes, mais celles-ci restent le plus souvent au niveau de l’initiative locale. Or c’est bien d’une généralisation, d’une systématisation de ces accueils que nous avons besoin. Pour cela, l’hôpital semble naturellement le bon vecteur, en particulier lorsque l’on sait que la plupart des jeunes refusent d’aller parler de leurs problèmes de santé à leur médecin traitant, parce que c’est le médecin de famille.
Dès lors, il nous a semblé que l’accueil spécifique des jeunes à l’hôpital devait figurer au nombre des missions de service public d’un système de santé digne de ce nom.
En outre, la formulation volontairement générale « l’accueil des jeunes de moins de vingt-cinq ans en situation de mal-être d’origine organique ou fonctionnelle » a bien pour objet de couvrir le champ le plus large possible, pour permettre l’accès le plus vaste, sans aucun jugement quant à la cause ou à la forme de la pathologie, pour reprendre les propos tenus.
Or cet accueil spécifique à destination des jeunes est d’autant plus essentiel en ces temps d’explosion du chômage chez les moins de vingt-cinq ans. Je vous rappelle que, en l’espace d’un an, le chômage des jeunes a augmenté de 34 % en moyenne, et jusqu’à 46 % pour les jeunes hommes.
Néanmoins, la mise en place de « points accueil jeunes » à l’hôpital, pour être plus qu’une bonne idée, aura besoin de moyens. Si ce gouvernement entend sortir du vœu pieux, de l’affichage, ou même de la plainte infantile de type « ce n’est pas moi, c’est la crise », des crédits additionnels devront être prévus pour assurer cette mission, car on ne peut sérieusement envisager de prendre les fonds sur les budgets déjà excessivement réduits des hôpitaux. Aussi, par réalisme, nous souhaitons que Mme la ministre s’engage à inscrire des crédits supplémentaires dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, je vous invite tous à voter cet amendement.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.