Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes d’accord sur un point : ce projet de loi est un rendez-vous très attendu.
Nous affrontons une crise globale de notre système de santé. Chacun peut témoigner de la défiance qui s’installe, face à un système qui répond de moins en moins bien aux besoins des malades.
Nous pouvons tous témoigner du recul progressif du droit à la santé, un recul qui angoisse aujourd’hui les Français.
Il se traduit, tout d’abord, par une plus grande inégalité sociale.
L’étude du Secours populaire d’octobre 2008 le confirme : la dégradation de la santé se conjugue avec celle du pouvoir d’achat. La pauvreté atteint désormais de nouvelles catégories sociales de salariés et de retraités. Toujours selon cette étude, 39 % des Français ont déjà retardé un soin ou y ont renoncé en raison de son coût. Le renoncement aux soins devient monnaie courante.
Ce recul se traduit également par une inégalité territoriale.
À la périphérie de nos grandes villes, le désert médical fait autant de ravages que dans le milieu rural. Nous vivons cette situation dans les quartiers défavorisés, où les cabinets médicaux ont disparu. Et pour obtenir un rendez-vous dans les derniers cabinets en activité, il faut désormais attendre des mois !
Cette réalité si dégradée, ce climat si tendu, c’est le résultat de vos plans et de votre logique.
Depuis le passage de M. Douste-Blazy au ministère de la santé jusqu’au vôtre, madame la ministre, en passant par celui de M. Bertrand, que de promesses faites, que de réformes engagées : franchises médicales augmentées, dépassements d’honoraires autorisés, déremboursements élargis, et j’en passe !
Et pour quel résultat ?
Vous n’avez eu de cesse de creuser les déficits. Quant au sacro-saint principe de responsabilisation, censé éviter les abus, il n’a abouti qu’à rendre l’inégalité devant la santé plus forte encore.
Nous espérions la refondation d’un système public de santé de proximité, car c’est une urgence et une priorité. Mais devant l’ampleur des échecs financiers de vos prédécesseurs, vous préférez vous obstiner en approfondissant le trou libéral.
Au lieu de vous attaquer sérieusement aux questions structurantes – la permanence des soins, la liberté d’installation, la rémunération à l’acte, les dépassements d’honoraires, les discriminations de toutes sortes –, vous préférez masquer les problèmes et accabler l’hôpital pour réduire le rôle du service public. Tel est d’ailleurs l’objet du titre Ier et de l’article 1er du présent projet de loi.
Les discours du Président de la République sur l’hôpital ne trompent personne. Comme vous voulez cacher les problèmes de la médecine de ville ou de la médecine libérale, qui sont les problèmes majeurs rencontrés aujourd’hui par nos concitoyens, vous choisissez de mettre en avant la crise de l’hôpital public.
Le discours qui prend l’hôpital public pour cible est exaspérant. En effet, à l’évidence, loin de concentrer tous les défauts de notre système, l’hôpital public subit au contraire toutes les contradictions qui naissent de la double insuffisance de la politique de santé publique et de l’offre de soins libérale.
Madame la ministre, la crise de l’hôpital public, c’est la faillite de votre politique, celle d’une médecine libérale sans règle, celle d’un ONDAM hospitalier volontairement sous-estimé, année après année, celle d’une réforme de la tarification à l’activité inadéquate.
Lorsque vous nous dites que va se mettre en place dans quelques mois la « V11 », c’est-à-dire la onzième version de la tarification à l’activité applicable aux établissements hospitaliers, lorsque vous affirmez que vont enfin être pris en compte des phénomènes comme la précarité ou la gravité de certaines pathologies, vous avouez, mais vous insistez !
Vous prévalant de vos propres turpitudes, vous accentuez l’emprise comptable, et vous évacuez la démocratie sanitaire.
Nous reviendrons, notamment, sur les dispositions du titre Ier, car nous sommes profondément choqués de constater combien votre texte marginalise la pensée médicale sans que vous puissiez invoquer aucune raison organisationnelle.
La réalité, c’est que vous voulez disposer de directeurs d’hôpitaux dont le seul objectif sera de rester dans les clous des contraintes budgétaires que vous imposez à l’hôpital public.
Une fois réalisée la gestion interne libérale, il ne vous reste plus qu’à libéraliser le secteur lui-même !
Vous continuez de vous appuyer sur vos propres turpitudes, l’impasse budgétaire des établissements, 1 milliard d’euros de déficit que l’acrobatie comptable a de plus en plus de mal à masquer, tant le manque de moyens et d’investissements est patent dans certaines parties du territoire !
Vous invoquerez les carences du service public et ferez appel – c’est l’objet de l’article 1er – aux établissements de santé privés pour remplir des missions de service public, nouvelle étape de la privatisation.
Au-delà de notre réserve de principe, nous insistons – et nous y reviendrons dans la discussion des amendements – pour que les établissements privés ne puissent pas choisir, ne puissent pas sélectionner à la carte les missions de service public qu’ils auront à appliquer, car le service public coûte cher lorsqu’il est appliqué dans son intégralité, et ce qui est imposé au secteur public doit l’être également au secteur privé !
Nous insistons donc pour que soit reconnu, à l’occasion de cette loi, un bloc de missions de service public qui ne puisse pas se partager, se discuter ou se négocier. La question du socle de missions de service public est fondamentale.