Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article 1er qui se veut un rappel et qui précise les missions générales des établissements de santé, vous entendez, en réalité, privatiser le service public hospitalier, c’est-à-dire procéder à la destruction d’un service organisé en y intégrant d’autres acteurs, mais également, et surtout, en confiant à ces nouveaux acteurs les mêmes missions que celles que vous confiez aux établissements publics de santé, alors même que ces nouveaux acteurs, issus du secteur privé, poursuivent des intérêts autres que collectifs.
Cette privatisation repose, en partie, sur le postulat du Gouvernement et de l’ensemble des libéraux selon lequel la nature juridique de ceux qui réalisent les missions de service public importe peu, puisque ce qui compte, c’est le service rendu.
En réalité, sans que cela soit réellement avoué, nous assistons aujourd’hui à l’application de la directive Bolkestein aux établissements de santé. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, lorsque, à l’occasion d’un débat organisé par « le cercle des Européens », vous déclariez « vouloir imprégner la politique de santé française d’une couleur européenne ».
Certes, la directive « services » épargne aujourd’hui la santé, considérant qu’il s’agit d’une question relevant de la seule compétence nationale. Il n’en demeure pas moins que l’on observe en France, comme dans les autres pays européens, des mouvements de révision des politiques sociales et sanitaires, convergeant tous dans le même sens, l’unification, voire l’uniformisation des règles de protection sociale. J’en veux pour preuve l’intégration du thème de la santé dans les différents traités depuis 1987, alors que, théoriquement, tel n’aurait jamais dû être le cas.
Cet article 1er se nourrit donc de toute cette réflexion. Elle est le fruit de ce mouvement de libéralisation de la santé, qui a conduit à la révision du code de la mutualité, qui conduit à modifier les règles relatives aux soins transfrontaliers sans poser la question du financement durable de notre régime de protection sociale, et qui vous conduit aujourd’hui à privatiser les missions de service public.
Il faut dire que, ce faisant, vous répondez à l’exigence contenue dans le traité constitutionnel européen – rejeté par les Hollandais, les Irlandais et les Français – et reprise dans le traité de Lisbonne « d’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Ce dogme, sur lequel repose l’Europe libérale que vous construisez, s’impose naturellement au-delà des textes à tous les domaines, santé comprise.
La question n’est pas tant de savoir si vous privatisez l’hôpital public pour satisfaire aux exigences européennes ou si vous construisez l’Europe pour organiser une société offerte aux seuls marchés.