Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er du titre Ier concernant la modernisation des établissements de santé, que nous allons examiner, introduit au IV dudit article une nouvelle rédaction de l’article L. 6112-1 du code de la santé. Cela n’a rien d’anodin, puisque cette nouvelle rédaction fait émerger un principe nouveau : la mission de service public dans le champ de la santé, prise en charge essentiellement jusqu’à présent par l’hospitalisation publique, pourra désormais être découpée en tranches – treize pour être précis – parmi lesquelles tous les établissements de santé – donc, y compris les cliniques privées à but lucratif – auront la possibilité de choisir une ou plusieurs missions qui les intéressent.
Il va de soi que les hôpitaux publics seront, en ce qui les concerne, limités dans leur possibilité de choix puisqu’ils sont tenus, notamment, d’accueillir tous les patients qui se présentent à leur porte, comme je le rappelais hier lors de la discussion générale.
Quant aux cliniques privées commerciales et à leurs médecins, qui ont choisi ce mode d’exercice plus lucratif que dans les hôpitaux publics, leur intérêt sera de choisir les missions qui, indirectement, conforteront leur mode d’exercice.
C’est ainsi que je fais le pari qu’elles trouveront, par ce moyen, la possibilité d’intervenir encore plus fortement dans le domaine de la chirurgie, notamment de la traumatologie peu grave. À ce niveau, je rappelle qu’actuellement, sur l’ensemble des chirurgiens travaillant en France, une majorité d’entre eux exerce déjà son activité en secteur libéral – essentiellement en clinique privée à but lucratif – avec une perspective d’élargissement de leur champ d’intervention sur des missions de service public moins contraignantes en secteur libéral. Le flux d’installation en clinique privée plutôt qu’en hôpital public va s’accélérer, ce qui entraînera une nouvelle diminution de l’espace occupé par la chirurgie publique de plus en plus acculée à ne prendre en charge que les cas les plus lourds, les plus compliqués, les plus risqués et les plus coûteux.
Ce sont d’abord les hôpitaux publics de proximité qui, en province, en mesureront le plus rapidement les effets : en perte d’activité chirurgicale, en difficulté financière, confrontés à la diminution du nombre de leurs opérateurs chirurgicaux, ils se verront enjoints par les ARS de fermer leurs services de chirurgie au profit des cliniques commerciales sises dans leur aire géographique d’intervention – nous en avons déjà de nombreux exemples partout dans l’Hexagone.