Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 13 mai 2009 à 14h30
Réforme de l'hôpital — Article 1er

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Cet état de fait sera préjudiciable aux usagers. En effet, ce qu’il faut fortement souligner maintenant, et vous le savez, madame la ministre, c’est que 80 % des chirurgiens exerçant en secteur libéral fonctionnent en honoraires libres, c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles de demander des dépassements d’honoraires à leurs patients, ce dont nombre d’entre eux ne se privent pas !

Si, dans le cadre du projet de loi, ces chirurgiens ne devraient pas pouvoir appliquer ce type d’honoraires de secteur II pour les missions de service public qu’ils accompliraient, et c’est la moindre des choses, il n’empêche qu’en augmentant le volume global de leur activité par l’élargissement à une nouvelle clientèle qu’ils sauront facilement fidéliser – on le comprend, ce sont pour la plupart d’excellents chirurgiens –, ils pourront ensuite, à d’autres occasions, opérer en chirurgie dite « froide » et programmée au tarif de secteur Il avec les conséquences que l’on sait.

La boucle est bouclée ! Mes chers collègues, cherchons qui seront les gagnants dans ce processus : sûrement pas les malades les moins aisés, ni l’hôpital public de proximité, ni les mutuelles ! Nous sommes donc bien en route vers la mise en place accélérée d’une médecine, notamment chirurgicale, à deux vitesses dont la majorité de nos concitoyens pâtira.

Madame la ministre, on assiste bien, dans le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, à un basculement de la conception même du service public dont le Gouvernement entend désormais accélérer la promotion, basculement déjà amorcé dans d’autres secteurs du champ social de notre pays – je pense notamment à celui de l’enseignement supérieur, pour rester dans l’actualité.

Rien d’innocent, mes chers collègues, dans ce basculement qui traduit bien un choix politique entre deux conceptions des réformes pour la société française afin de lui permettre d’affronter l’avenir dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est incertain : d’une part, une conception des réformes qui sont inspirées par le souci du bien commun ; d’autre part, une conception des réformes qui entendent laisser libre court aux intérêts des plus riches et des plus puissants.

Le sociologue Robert Castel, observateur attentif des « métamorphoses de la question sociale », nous rappelle fort justement dans son dernier ouvrage portant sur « la montée des incertitudes », à propos de cette double conception opposée des réformes, que « c’est un choix de société entre la volonté de vivre dans une formation sociale dont les membres resteraient unis par des relations de réciprocité et capables de structurer ce que Karl Polanyi appelle aussi, en reprenant une notion d’Aristote, “ la vie bonne ” et une société clivée en fonction des pures exigences de la concurrence économique entre gagnants et perdants, nantis et sacrifiés, inclus et désaffiliés… »

Madame la ministre, mes chers collègues, la première conception de la réforme, celle qui vise à privilégier « le bien commun » s’inscrit dans un réformisme de gauche, le nôtre. La deuxième conception, celle qui vise à privilégier la concurrence et l’intérêt des plus riches, s’enracine dans un réformisme libéral, le vôtre, madame la ministre, et celui du Gouvernement.

Le projet de loi sur l’hôpital, que vous nous présentez aujourd’hui, qui commence, dans son premier article, par émietter la conception du service public de santé jusqu’ici en vigueur, signe d’une manière caricaturale cette dichotomie de nos conceptions de la réforme !

Non, madame la ministre, votre conception et celle du gouvernement de Nicolas Sarkozy de la réforme de l’hôpital – réforme que nous souhaitons aussi – n’est pas la nôtre ! Il y manque de la solidarité, de l’humanisme et du réalisme financier.

Attendez-vous donc, madame la ministre, à ce que nous mettions toute notre force de conviction pour combattre votre réforme qui nous semble néfaste pour l’immense majorité de nos concitoyens !

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