Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er donne le ton du contenu de ce projet de loi et contient en germe les finalités même de ce texte.
En effet, vous entendez substituer la notion d’établissements de santé en charge d’une ou plusieurs missions de service public à la notion claire de « service public hospitalier ». Pour votre gouvernement, l’objectif premier est d’achever votre ouvrage de privatisation du service public de santé, en autorisant que les missions qui sont actuellement les siennes puissent être transférées en tout ou partie à des établissements de santé privés à but commercial.
Il y avait déjà eu, toujours sous le prétexte de moderniser le système, la possibilité offerte aux établissements privés commerciaux de réaliser la prise en charge des urgences, voire la permanence des soins. Il y a eu aussi la possibilité, offerte aux mêmes établissements à but lucratif, de bénéficier de délégations de missions de service public. Il y a aujourd’hui le transfert total de ces missions aux établissements qui poursuivent, rappelons-le, des objectifs plus que lucratifs.
En clair, vous confiez au directeur général de l’agence régionale de santé – dont nous verrons qu’il s’agit, en réalité, d’un superpréfet sanitaire aux ordres du Gouvernement – la charge d’organiser, région par région, territoire par territoire, la privatisation de notre système de santé.
Certes, vous encadrez le dispositif en prévoyant que le directeur de l’agence ne pourra confier les missions de service public aux établissements de santé privé commerciaux que si l’offre de soins, assurée prioritairement par les établissements de santé publics, n’est pas satisfaite.
Il y a tout de même de quoi s’étonner ! En vingt ans, à grands coups de réformes budgétaires, de révisions des schémas régionaux sanitaires, de cartes hospitalières, de fermetures de lits et de services sous couvert de non-rentabilité, vous avez créé, vous et vos prédécesseurs, une situation dans laquelle nos concitoyens ne peuvent plus être accueillis dans les établissements publics de santé ! Vous avez, par exemple, sous prétexte de sécurité – en réalité, de rentabilité ! – fermé de nombreux services de chirurgie au point qu’aujourd’hui 66 % de l’activité chirurgicale de notre pays est réalisée dans le secteur privé lucratif.
C’est cette même logique que vous espérez appliquer – ce qui est d’ailleurs largement déjà fait – aux maternités.
Comprenez donc, madame la ministre, qu’au groupe CRC-SPG nous nous étonnions de vous entendre utiliser cet argument, alors même que vous êtes responsables de la situation. C’est à croire que vous l’avez préméditée, à l’image – et je mesure mes propos – du pompier pyromane qui allume un incendie pour l’éteindre avec ses propres méthodes.
Au groupe CRC-SPG, nous avons une tout autre analyse de la situation. Si l’agence régionale de santé peut se voir confier la mission d’analyser les besoins en soins et en accueil social et médico-social de la population, nous considérons, d’une part, que sa structure doit être plus démocratique et, d’autre part, que la solution du problème des zones de sous-densité ou de non-satisfaction des besoins doit d’abord et avant tout reposer sur les établissements publics de santé ou sur des structures alternatives privées sans intérêts lucratifs, tels les centres de santé et les établissements privés non lucratifs, rebaptisés dans le projet de loi « établissements privés d’intérêt collectif ».
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question du service public de santé n’est pas anodine. Elle traduit deux conceptions radicalement différentes de notre système de santé.
Nous considérons que la santé n’est pas une marchandise comme une autre, qu’elle est un bien inaliénable qu’il appartient à l’État de protéger en garantissant à toutes et à tous un accès de qualité.
Or, la structure privée des établissements auxquels vous entendez confier la santé de nos concitoyens est, par essence, contradictoire avec la notion d’intérêt général.
Vous avez, d’un côté, un principe fondamental qui implique la recherche de l’intérêt de la collectivité, de l’intérêt général, alors que, de l’autre, c'est-à-dire du côté du privé commercial, ce qui compte, ce n’est pas l’état de santé des malades, ce n’est pas l’intérêt collectif, mais, tout au contraire, la satisfaction des intérêts d’une poignée d’actionnaires ou de fonds spéculatifs faisant le bonheur de quelques retraités américains, anglais ou italiens.
Il est inacceptable que vous entreteniez ce système spéculatif, cette marchandisation de la santé grâce à l’argent des salariés de notre pays. Ce sont leurs cotisations, le fruit de leur travail, qui, indirectement, vont permettre aux cliniques privées détenues par des fonds de pensions d’accueillir des patients au titre du service public et d’en tirer des profits qu’ils redistribueront à leurs actionnaires.
Nous ne pouvons accepter que l’argent issu de la socialisation du travail de tous ne profite en réalité qu’à une minorité.