Intervention de Robert Hue

Réunion du 13 mai 2009 à 14h30
Réforme de l'hôpital — Article 1er

Photo de Robert HueRobert Hue :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions pu espérer autre chose d’un projet de loi visant à redéfinir la place et le rôle de l’hôpital public au sein de notre système de santé.

Nos concitoyens le savent et l’affirment régulièrement : le système de soins français et le dévouement des personnels représentent, ou, dois-je dire, représentaient, des garanties exceptionnelles. Ils le font pourtant en exprimant de plus en plus souvent des inquiétudes vis-à-vis de ce qu’il faut appeler une dégradation sérieuse de l’offre de soins et de l’accessibilité à ces mêmes soins.

C’est pourquoi l’article 1er de ce projet de loi aurait pu et dû prendre appui sur les difficultés constatées de notre système hospitalier, afin d’apporter de meilleures réponses et de marquer ainsi l’ambition légitime et attendue d’une réforme positive en termes d’exigence de qualité et d’égalité d’accès de tous aux soins.

Tel n’est pas le cas, madame la ministre.

En effet, vous avez fait le choix de travestir le besoin de changement, que vous reconnaissez, en des réponses souvent technocratiques, financières, organisationnelles et de gouvernance plus qu’inquiétantes.

Vous continuez de refuser d’écouter les colères, les constats, les propositions des professionnels, des praticiens, des associations et des élus, dont certains sont de votre majorité, et optez pour un texte qui, malgré vos affirmations, n’est issu d’aucune concertation véritable.

Pis, une nouvelle fois, le Président de la République a manifesté son mépris à l’égard du Parlement en imposant de modifier un texte déjà débattu par les commissions parlementaires. L’excès de pouvoir est patent.

Alors que l’article 1er du projet de loi aurait dû avoir vocation à dessiner et à réaffirmer le rôle structurant et incontournable des établissements publics hospitaliers, le Gouvernement a pour objectif d’atténuer et d’effacer l’apport de ces structures à notre système de santé.

Vous le faites au nom de la cohérence, dont a effectivement besoin notre système de santé, mais en tentant de diluer la place respective de l’hôpital public et des établissements privés dans ce dispositif. En effet, prétendre confier des missions de service public en instituant la notion fourre-tout d’« établissements de santé », en mélangeant ainsi secteur privé et secteur public sans définir les responsabilités véritables de chacun, est révélateur d’une rupture. Certes, celle-ci n’est pas soudaine, mais vous souhaitez aujourd’hui l’inscrire dans la loi.

En permettant aux établissements privés de remplir, non sans compensation, des missions de service public, sans que leur incombent les mêmes responsabilités en termes d’accueil et de prises en charge, notamment des populations les plus défavorisées, vous portez un coup à l’hôpital public et à ses populations.

La réalité de notre système hospitalier est que les cliniques privées, notamment en Île-de-France, ont pendant longtemps côtoyé en bonne intelligence les hôpitaux publics. Il a d’ailleurs fallu constater que nombre d’entre elles, qui effectuaient un travail de proximité intéressant, avaient fermé au nom de regroupements imposés par les grands groupes de santé privés, dans l’attente de ce projet de loi.

Ces réorganisations traduisent aussi une évolution de la carte hospitalière, qui se réalise au détriment du secteur public. Le niveau de l’activité chirurgicale pratiquée aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public est révélateur de ce phénomène, certains de mes collègues l’ont déjà souligné. Aujourd’hui, si plus de 65 % de la chirurgie est réalisée dans le secteur privé, ce n’est sans doute pas par philanthropie !

Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple concret, celui de mon département. Dans le Val-d’Oise, une clinique équipée de plateaux ultramodernes est construite à quelques centaines de mètres de l’hôpital public de Pontoise, établissement qui, lui, se débat pour résorber un déficit cumulé de 12 millions d’euros. Pour ce faire, il doit procéder à la suppression de 200 emplois et à la réduction de services rendus à la population de l’agglomération de Cergy-Pontoise.

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