Il faut prendre conscience des effets d’une telle disparition.
Le service public hospitalier, tel qu’il existe encore aujourd’hui, correspond à une organisation mixte où coexistent des établissements publics et privés, la loi du 31 décembre 1970, dite loi Boulin, ayant confié explicitement à certains établissements privés des missions de service public dans des conditions très précises.
Ainsi l’article L. 6112-2 du code de la santé publique précise-t-il que le service public hospitalier est assuré par les établissements publics de santé, les centres de lutte contre le cancer et les établissements privés à but non lucratif qui répondent à certaines conditions légales, selon différentes modalités, association ou participation, pour tout ou partie de leur activité.
On retient également que ces établissements sont tenus par des obligations spécifiques, toutes communes aux autres services publics, qui ont trait au principe de continuité – fonctionnement ininterrompu des services, participation à la permanence des soins –, au principe d’égalité – accès de tous aux soins, sans discrimination – et au principe d’adaptation aux besoins des patients auxquels doit être assuré un service normal.
La réforme que vous nous proposez, madame la ministre, fait éclater, en dépit de vos dénégations, ce cadre restrictif et protecteur pour les malades, afin de permettre – il n’est pas inutile de le répéter – aux établissements privés commerciaux de choisir, parmi les missions de service public, celles qui peuvent présenter un intérêt pour eux. Il va de soi que cet intérêt se pose en termes non pas de santé publique, mais de rentabilité, puisque tel est l’objet de ces structures : loin d’être philanthropes, elles ont une vocation commerciale.
C’est la raison pour laquelle on aurait tort de sous-estimer ce qu’implique la disparition du service public hospitalier. Et ce n’est pas le remplacement de celui-ci par une série de missions de service public qui permettra d’offrir aux patients le service qu’ils sont en droit d’attendre.
Il y a là une mutation profonde de notre système de santé, qui aura, au cours des prochaines années, des conséquences très graves sur la qualité des soins dispensés.
Selon vous, madame la ministre, l’attribution de ces missions de service public permettra d’orienter les patients vers la structure adéquate. Selon moi, le risque est grand de voir un service privé à but lucratif ayant reçu, par exemple, la mission de permanence des soins faire le tri des patients, pour n’accepter finalement que les malades « rentables », en orientant ceux qui ne le sont pas vers des établissements publics. Car ceux-ci subsistent, et ils n’ont pas à résoudre ces problèmes de rentabilité, même si vous cherchez à réduire leur déficit.
En ce qui concerne la mission publique d’enseignement et de recherche, il n’est pas acceptable de la confier à un établissement privé, même si toutes les précautions imaginables sont prises.
Enfin, j’estime que le service public n’est pas toujours compatible avec la recherche de bénéfices. C’est la raison pour laquelle nous aurions eu tout intérêt à conserver le service public hospitalier ; tel qu’il est, il donne satisfaction. Certes, des dysfonctionnements existent, mais ils sont liés non pas à son organisation, mais à un manque de financement : on ne le dira jamais assez ! Cependant, vous ne voulez pas augmenter le financement des hôpitaux. Vous préférez appauvrir ceux-ci, pour transférer ensuite au secteur privé les missions qu’ils ne sont plus en mesure d’exercer, faute de moyens, ce dont vous êtes directement responsables.