La salve d’amendements que nous sommes en train d’examiner a pour objet de lister les missions de service public qui peuvent être assurées par les établissements de santé.
Je partage l’argumentation qui a été fort bien détaillée par MM. Le Menn et Godefroy.
Mon intervention vise à préciser les conditions dans lesquelles les établissements de santé peuvent être appelés à assurer une mission de service public négligée dans notre pays : la santé environnementale.
Notre environnement, compris au sens large, c’est-à-dire en tenant compte non seulement de nos conditions de vie sociales et familiales, mais aussi de la qualité du cadre de vie dans lequel nous évoluons, joue un rôle déterminant sur notre santé.
Le corps humain ne fonctionne pas comme une boîte étanche ; l’état de santé dépend des comportements – alimentation, sédentarité, toxicomanie –, de la situation sociale – situation de famille, conditions de travail, précarité –, de l’environnement – exposition à des nuisances de toutes sortes –, mais aussi de facteurs psychologiques, génétiques ou épidémiologiques.
À l’hôpital, le corps médical est en prise directe avec les patients souffrant de maladies chroniques, et c’est lors de la phase de diagnostic qu’il est parfois possible de repérer ce qui, dans l’environnement du patient, peut être le facteur déclenchant de sa maladie.
La santé environnementale est une science de terrain qui s’appuie sur des constatations empiriques et sur des témoignages précis.
Par exemple, lorsque des lanceurs d’alerte – des salariés dans une entreprise, ou des médecins du travail – constatent un agrégat de cancers, « un cluster » pour employer le jargon médical, ils ne sont pas toujours pris au sérieux. Pourtant, en mettant en place des mesures simples de dépistage et de prévention, on pourrait réduire considérablement les risques.
Je ne retiendrai qu’un seul exemple, celui de l’usine de vitamines pour animaux Adisseo – anciennement Rhône-Poulenc – à Commentry, dans l’Allier, où vingt-cinq cas de cancers du rein ont été constatés dans un même atelier. Ce n’est qu’en 2001, après trente ans d’exposition des ouvriers, que les mesures de prévention ont été prises.
Le traitement des cancers coûte chaque année 15 milliards d’euros à l’assurance maladie. Ce sont des économies considérables que nous pourrions réaliser, et surtout de nombreuses vies humaines qui pourraient être épargnées si la santé environnementale était enfin placée non pas simplement à la périphérie, mais réellement au cœur de notre système de santé. Les établissements de santé, notamment les hôpitaux publics, sont les mieux placés pour y contribuer.