Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 10 février 2009 à 16h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Discussion générale

Roger Karoutchi, secrétaire d'État :

Mais je peux vous assurer que nous allons connaître un tournant dans notre manière de travailler ensemble.

L’application d’une grande partie des autres dispositions constitutionnelles dépend aussi de l’adaptation de votre règlement et, pour trois d’entre elles, de l’adoption d’une loi organique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, croyez bien que le Gouvernement ne tenait pas absolument, comme je l’ai parfois entendu, à présenter une telle loi organique. Mais les articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution l’y contraignent pour mettre en œuvre les résolutions, les études d’impact et fixer le cadre d’exercice du droit d’amendement.

Le Gouvernement propose une loi organique qui n’est pas contraignante et qui laisse les plus grandes marges de manœuvre à chacune des assemblées s’agissant de son règlement : chaque chambre pourra s’organiser selon son identité propre. Tel est le premier fondement de la réforme.

Avant d’en venir au fond, je voudrais rendre ici un hommage appuyé au travail de la commission des lois et à son président et rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, nous nous connaissons depuis de longues années, mais je dois dire que travailler avec vous, avec les membres de votre commission, quel que soit leur groupe d’appartenance, ainsi qu’avec vos collaborateurs, est un plaisir intellectuel permanent. Et ce n’est pas là une figure de style !

J’en viens aux différents éléments de ce projet de loi organique. J’évoquerai d’abord les propositions de résolution.

Vous savez les réticences que l’Assemblée nationale a éprouvées : elle a craint que les résolutions ne redeviennent ce qu’elles étaient avant 1958, c'est-à-dire un moyen détourné de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Les députés avaient même supprimé le droit de résolution avant que le Sénat le rétablisse. Finalement, l’article 34-1 est le fruit d’un compromis. Le droit de résolution est reconnu, mais le Gouvernement dispose des moyens pour éviter les détournements de procédure. Il peut lui-même déclarer irrecevables les propositions de résolutions qui mettraient en cause sa responsabilité ou qui lui adresseraient des injonctions.

Le projet de loi tire les conséquences de cette rédaction. Les propositions de résolution pourront être déposées sans limite. Nous avions prévu qu’elles soient ensuite renvoyées à une commission. Les députés ne l’ont pas souhaité, pour des raisons d’organisation de leurs travaux. Votre commission des lois estime que les commissions peuvent trouver un intérêt à s’emparer d’une proposition de résolution. La rédaction proposée par le président Jean-Jacques Hyest, qui laisse à chaque assemblée le soin de s’organiser, me paraît tout à fait équilibrée.

Le projet de loi fixe des conditions de délais pour éviter que l’on n’adopte des propositions de résolution sous le coup de l’émotion ou que l’on pratique une forme de harcèlement par le biais de cette procédure.

Enfin, le projet de loi ne permet pas que les propositions de résolution soient amendées. Chacun le comprend, il s’agit de faire en sorte que celles-ci ne puissent pas être détournées de leur objet initial et des intentions de leurs auteurs. C’est un moyen de protéger les parlementaires de l’opposition ou les parlementaires minoritaires quant au contenu de leur texte. En revanche, la proposition de résolution pourra toujours être rectifiée par son auteur.

L’idée est bien de ne pas galvauder cette procédure, qui est un nouveau mode d’expression pour les parlementaires, dans le respect de notre équilibre constitutionnel.

Le chapitre II porte sur la présentation des projets de loi. Le sujet a beaucoup intéressé les députés. Cela explique d’ailleurs que certains articles soient un peu confus – je parle sous le contrôle du président Jean-Jacques Hyest –, car ils correspondent à la synthèse de propositions de plusieurs groupes politiques.

Quel est l’objectif qui sous-tend l’article 39 de la Constitution ? Il s’agit de vous donner, mesdames, messieurs les sénateurs, les moyens de déterminer l’impact attendu d’un projet de loi. Soyons clairs : il s’agit bien d’une nouvelle contrainte pour le Gouvernement et pour les administrations. Imposer des études d’impact, c’est obliger les ministres à mieux étudier l’intérêt de passer par la loi et à s’interroger sur la qualité des textes qu’ils présentent au Parlement.

L’Assemblée nationale a beaucoup insisté sur cette discipline nouvelle et le président de sa commission des lois, Jean-Luc Warsmann, auquel je souhaite rendre hommage, a voulu en faire une véritable garantie pour les parlementaires.

Votre commission des lois a proposé des aménagements dans ce dispositif. Ils sont bienvenus, car ils clarifient les choses, tout en préservant un équilibre auquel l’Assemblée nationale et le Gouvernement sont sensibles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que le Gouvernement entend bien donner corps à cette réforme, que l’on tente en vérité de mener à bien depuis plus de dix ans.

J’en viens au chapitre III et à l’exercice du droit d’amendement, sur lequel on a beaucoup glosé. Malheureusement, de nombreuses inexactitudes ont été énoncées, souvent sous le coup de l’émotion.

Les dispositions de ce chapitre ont effectivement suscité une polémique un peu excessive. J’espère qu’au Sénat le débat de fond sur la question de la « rénovation de la procédure législative », pour reprendre les termes du rapport de Jean-Jacques Hyest, permettra de clarifier un certain nombre d’éléments.

On ne peut pas raisonner pour l’avenir comme si rien n’avait changé le 23 juillet dernier. On ne peut laisser de côté le passage à l’ordre du jour partagé, l’examen du texte de la commission en séance, l’obligation de laisser six semaines avant le passage d’un texte en séance publique ou la limitation du recours à l’article 49–3 : ces mesures fortes auront des conséquences directes sur notre manière d’élaborer collectivement la loi.

L’objectif du Constituant est que la séance publique redevienne le lieu du débat politique, compréhensible et visible par tous. Il faut que la majorité, l’opposition et les groupes minoritaires puissent faire valoir leur point de vue devant tous les Français, de manière démocratique.

Pour cela, il faut en finir avec une idée reçue : ce n’est pas parce que la séance publique est longue que meilleure est la qualité du travail législatif. Par expérience, je ne pense pas que les discussions générales à n’en plus finir soient un gage de qualité. Souvent, les parlementaires eux-mêmes éprouvent une sorte de découragement face à la longueur des débats. De même, l’examen en séance – en l’occurrence, je parle plus pour l’Assemblée nationale que pour le Sénat – d’une profusion d’amendements techniques, voire répétitifs, se fait souvent au détriment de celui des amendements les plus significatifs, les plus porteurs politiquement. C’est dommage !

Je constate aussi que toutes les démocraties organisent la durée de leurs débats. Le rapport de Jean-Jacques Hyest, qui s’inspire des travaux passionnants de Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, montre bien que tous nos voisins ont institué des mécanismes permettant une telle organisation raisonnable et démocratique.

La révision constitutionnelle a donné un poids nouveau au travail en commission. Avec six semaines de travaux au minimum, avec la présentation en séance du texte adopté en commission, ne devraient venir en séance plénière que les véritables débats de fond, les vraies difficultés, essentiellement politiques, qui n’ont pu être réglées en commission.

Cette mise en valeur des travaux des commissions aura plusieurs conséquences.

D’abord, les travaux devront faire l’objet d’une large publicité, afin que les citoyens puissent comprendre les lois qui leur sont applicables.

Ensuite, il faudra que les parlementaires puissent voir leurs amendements examinés en commission même s’ils ne sont pas membres de la commission. Bien entendu, cela n’interdira pas un nouvel examen des propositions en séance. Mais si chacun joue le jeu, les amendements les plus techniques devraient voir leur sort réglé en commission.

Cela suppose, monsieur Hyest, que le Gouvernement puisse utilement faire valoir son point de vue à tous les stades de la procédure.

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