… quitte à apparaître parfois comme anachronique, alors qu’une Ve République simplificatrice ne cesse, depuis plus de cinquante ans, d’opposer au sein de la vie parlementaire la majorité et l’opposition, selon une logique bipolaire, au détriment du pluralisme des idées et des convictions.
Autre tendance lourde et concomitante, propre à la Ve République, la logique dite de « rationalisation », qui n’a cessé de se renforcer et de s’accélérer. Les constituants de 1958 ont profondément inversé l’équilibre constitutionnel qui prévalait depuis 1875, en limitant le domaine de la loi et en encadrant la procédure législative. Et depuis 1958, c’est le déséquilibre qui prédomine, en faveur d’un exécutif tout puissant et au détriment d’un Parlement dépossédé de son ordre du jour.
Depuis la parution du Coup d’Etat permanent, en 1964, ce thème du déclin du Parlement n’a cessé d’être une constante, tout autant que celui de la nécessaire revalorisation du rôle des assemblées.
Combien de candidats à l’élection présidentielle et combien de présidents élus n’ont-ils pas promis de renforcer le rôle du Parlement, en vain ? À la suite de son élection, en 1995, Jacques Chirac indiquait qu’il fallait « remettre le Parlement à sa vraie place, une place centrale » et que celui-ci « devait redevenir le lieu privilégié et naturel du débat politique ».
Aussi, vous comprendrez pourquoi nous demeurons encore aujourd’hui méfiants et cartésiens. L’histoire récente, qu’elle soit politique ou constitutionnelle, nous incite à la plus grande prudence, voire au scepticisme. Elle nous autorise à douter, sans toutefois tomber dans une lecture politicienne.
Par conséquent, avançons lentement vers cette revalorisation des droits du Parlement, que vous dites porter, monsieur le secrétaire d'État.
L’heure serait-elle enfin venue d’une procédure législative plus avantageuse pour les assemblées, les parlementaires et les groupes auxquels ceux-ci appartiennent ? Le Gouvernement aurait-il l’intention d’abandonner certaines de ses prérogatives législatives si jalousement conservées depuis plus de cinquante ans ?
La révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet dernier ouvre certainement la voie à une possible revalorisation du Parlement et à un éventuel rééquilibrage de la relation aujourd’hui trop inégale entre les pouvoirs exécutif et législatif. Toutefois, cette revalorisation ne peut être effective que si les lois organiques et les modifications des règlements des assemblées parlementaires contribuent réellement à lui donner corps.
D’où l’enjeu de ce projet de loi organique relatif au travail législatif et à la nouvelle procédure parlementaire, après les modifications apportées l’été dernier aux articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Cependant, l’enjeu véritable, mes chers collègues, se situe ailleurs : il réside dans la réforme de notre règlement que nous serons amenés à adopter dans les prochaines semaines ; j’y reviendrai.
Pour l’heure, évoquons ce projet de loi organique, qui nous arrive de l’Assemblée nationale après un examen pour le moins mouvementé et agité… Force est de constater qu’il a été profondément modifié par les députés, essentiellement, il faut en convenir, ceux de la majorité, à cause de l’attitude de nos collègues députés socialistes. Ces derniers ont mêlé obstruction, boycott et mise en scène, auxquels n’ont pas pris part les députés radicaux de gauche. De même, nos collègues sénateurs socialistes – je les en félicite sans attendre – feront preuve dans ce débat d’une grande sagesse.