L’article 40 de la Constitution n’y suffisait pas : il fallait aller encore plus loin pour transformer le Parlement en classe d’école, où chacun ne peut parler que si le maître l’a décidé. Ce tour de vis me semble incompatible avec les attentes des citoyens, qui nous demandent de porter dans cette enceinte des positions qui méritent un débat, une discussion et un vote en séance publique. Les citoyens doivent savoir comment se fabriquent nos lois et quel est le poids de chacun dans leur élaboration.
Ce projet de loi organique, en restreignant le droit d’amendement en séance publique, organise ce qu’à Bruxelles on nomme la « comitologie » : la loi se fera dans les couloirs plus que dans l’hémicycle et les citoyens n’auront plus accès à ce qui fait l’essence même de notre activité : le droit de regard.
On m’opposera sans doute que ce dispositif ne concerne pas le Sénat. L’obstruction parlementaire n’existe évidemment pas dans cette enceinte. Mais alors, pourquoi ne pas laisser le soin à chaque assemblée de décider, sans loi organique, la manière dont elle entend organiser ses débats ?
Conformément au principe existant rappelé par M. Hyest, pourquoi ne pas laisser chaque chambre, dans le respect de l’autonomie des assemblées, décider ce qui convient le mieux pour elle ?
Examiné de plus près, l’article 13 de ce projet de loi organique dégage une odeur d’antiparlementarisme primaire. Qui vise-t-il ? Certainement pas la majorité des parlementaires de droite, qui ne se sont jamais risqués à cet exercice. Le droit d’amendement ne concerne, en réalité, que l’opposition, à l’exception notable de plusieurs sénateurs de droite qui en usent quelquefois à bon escient. Il est le seul outil dont nous, sénatrices et sénateurs appartenant aux groupes minoritaires ou de l’opposition, pouvons user à volonté pour faire valoir nos positions.
Limiter notre droit d’amendement, c’est limiter notre capacité d’opposition.
Limiter notre droit d’amendement, c’est nous brimer dans notre capacité d’indignation.
Limiter notre droit d’amendement, c’est simplement nier notre liberté de contribuer à l’élaboration de la loi.
Pourtant, comble d’une « valorisation » des droits du Parlement, nous savons que cet épisode de l’article 13 est déjà derrière nous : seul le vote conforme de cet article épargnera une nouvelle discussion en seconde lecture.
Voilà donc la conception que vous nous offrez des droits du Parlement et de l’opposition : discuter d’une disposition déjà ficelée, qui ne souffrira aucune modification. Je trouve cette méthode très inquiétante pour un État démocratique. C’est notre République parlementaire qui est en danger.
Pour toutes ces raisons, essentielles à la vie parlementaire, les sénatrices et sénateurs Verts ne voteront pas ce projet de loi organique.