Séance en hémicycle du 10 février 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • d’amendement
  • l’opposition

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hugues Portelli.

Applaudissements au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la révision de la Constitution votée le 21 juillet 2008 par le Parlement réuni en Congrès a marqué un tournant dans l’histoire de nos institutions.

Après un demi-siècle de subordination, le Parlement a reconquis une influence déterminante, et ce grâce à trois dispositions essentielles : la maîtrise retrouvée de l’ordre du jour, la réhabilitation des commissions, puisque le texte adopté par ces dernières sera celui qui sera débattu en séance publique, la restauration du rôle des règlements des assemblées pour l’organisation des travaux parlementaires.

Grâce à l’initiative de son président, la Haute Assemblée a pu conduire une réflexion sur la refonte de son règlement avant d’être saisie de l’examen de ce projet de loi organique. Elle est sur la voie d’un consensus sur ce sujet, ce qui ne peut que nous réjouir.

En effet, c’est au règlement de chaque assemblée qu’il incombe, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, de mettre en œuvre les nouvelles dispositions de la Constitution.

Dans ce cadre, quel est le rôle de la loi organique ?

La loi organique constitue le lien obligatoire entre Constitution et règlement, mais elle ne peut se substituer ni à l’une ni à l’autre. Pour autant, elle ne peut être un texte de circonstance, destiné à régler des préoccupations à court terme. Comme la Constitution, comme les règlements des assemblées, elle doit pouvoir s’appliquer dans tous les cas de figure, quelle que soit la majorité dans l’une ou l’autre des assemblées.

Le texte voté par l'Assemblée nationale se caractérise par deux dimensions.

D’une part, il comprend certaines dispositions qui relèvent normalement du règlement et non de la loi organique.

D’autre part, il est très marqué par la logique majoritaire de l'Assemblée nationale, dont la majorité et le Gouvernement forment un ensemble politique indissociable.

Est-il applicable tel quel au Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Les dispositions de la loi organique relatives aux résolutions n’appellent pas de réserves de la part de notre groupe, notamment dans la version améliorée qu’en propose le rapporteur. Si ce dispositif permet d’éviter le vote de projets de loi dépourvus de toute portée normative, il ne faut pas non plus que les résolutions deviennent le cheval de Troie dans lequel se glisseraient des remises en cause parallèles – et inconstitutionnelles – du Gouvernement. Le texte, tel qu’il est proposé, répond à ces objectifs et évite ces dérives.

Les dispositions relatives aux conditions de dépôt des projets de loi, notamment à la présentation des études d’impact, correspondent à un objectif louable, celui d’une évaluation a priori des textes. Mais ces études d’impact doivent se concentrer sur l’essentiel, à savoir permettre de situer le texte proposé par rapport aux lois qui sont déjà en vigueur, et non devenir des dossiers technocratiques que personne ne lirait et dont nul ne serait en mesure de contrôler la véracité. La version allégée qu’en propose M. le rapporteur nous semble plus conforme à l’esprit de l’article 39 de la Constitution que celle, pléthorique, qui a été retenue par l'Assemblée nationale.

Quant aux dispositions relatives au droit d’amendement, qui ont mobilisé les énergies de nos collègues députés, elles nous inspirent les considérations suivantes.

En ne changeant pas les dispositions de l’article 31 de la Constitution, qui prévoient que les membres du Gouvernement sont entendus lorsqu’ils le demandent, notamment en commission, les constituants de 2008 n’ont pas entendu modifier les règles coutumières, consolidées par les règlements des assemblées, aux termes desquelles les membres du Gouvernement ne peuvent être présents lors du vote en commission, y compris dans le cadre nouveau où c’est le texte de la commission qui est examiné en séance publique.

Ce silence du constituant, qui n’ôte pas au Gouvernement la maîtrise de l’arsenal puissant du parlementarisme rationalisé afin qu’il puisse défendre son point de vue, doit être respecté. Nous soutenons donc la position du président de la commission des lois, qui renvoie aux règlements des assemblées le soin de fixer les modalités de ce droit.

J’en viens au droit d’amendement proprement dit. À l’instar du rapporteur, nous considérons que le maintien intégral du droit d’amendement, qui n’a pris en France, depuis 1958, une forme proliférante qu’en réaction à la suppression du droit d’initiative législative – heureusement partiellement rétabli depuis 2008 –, n’implique pas l’usage abusif du temps de parole lié à la présentation desdits amendements et aux explications de vote. L’Assemblée nationale a cru devoir voter un dispositif – celui des articles 13 et suivants – dont la lecture attentive montre que les articles 13 bis et 13 ter disent le contraire de l’article 13 et le vident en grande partie de sa substance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Dès lors que cet article ne s’appliquera pas au Sénat, nous ne formulons pour notre part aucune objection à ce qu’il demeure comme vestige d’une bataille inutile entre députés.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la révision constitutionnelle de 2008 et le futur règlement du Sénat marqueront, si nous le voulons, le réveil de l’institution parlementaire. À nous d’en faire le meilleur usage, sans nous attarder outre mesure sur une loi organique qui n’est que le point de passage obligé de la renaissance parlementaire et que nous appliquerons, après l’avoir votée, dans l’esprit qui est et qui demeurera le nôtre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Président de la République avait donné comme objectif à la révision de la Constitution votée le 21 juillet dernier le rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.

Mais, quelques mois plus tard, nous assistons à une entreprise de réduction des pouvoirs du Parlement. Je me bornerai à mettre mes pas dans ceux de M. Bernard Frimat, pour enfoncer si nécessaire quelques clous après son magistral exposé.

Pour aller à l’essentiel, je dirai que nous sommes arrivés à cette situation au détour d’une modification de l’article 44 de la Constitution, complété par le Congrès.

Dans sa rédaction initiale, cet article indiquait en son premier alinéa : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. » Les choses sont claires. D’ailleurs, jadis, on rédigeait les textes constitutionnels dans un style infiniment plus sobre qu’aujourd'hui.

Or la majorité du Congrès a ajouté la précision suivante : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. » Dès l’été dernier, le piège était donc en place, puisqu’il était expressément prévu que l’exercice du droit d’amendement serait à l’avenir encadré par une loi organique, d’où découlerait le nouveau règlement de chaque assemblée – le tout, est-il nécessaire de le rappeler, à la discrétion de la majorité actuelle, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Le présent débat ne soulève pas une simple question de technique parlementaire, qui serait totalement éloignée des intérêts du pays à l’heure où les Français voient le chômage, la précarité, la pauvreté s’accroître tragiquement. La politique forme un tout : lorsque les droits du Parlement sont mis en cause, ce sont aussi les libertés et les droits sociaux qui sont atteints.

Le Gouvernement s’attaque de deux façons aux droits du Parlement.

D’une part, il déclare l’urgence pour presque tous les projets de loi. Le recours à cette procédure est quasiment devenu la règle depuis le début de la législature, ce qui nuit à la qualité du travail législatif, lequel requiert du temps et de la réflexion.

D’autre part, le Gouvernement déclenche, au détriment du contrôle de l’exécutif, réduit à presque rien, une avalanche de projets de loi. Parmi ces textes, il fait un tri : il distingue, d’un côté, ceux qui relèvent d’un effet d’annonce et qui, une fois votés, n’entreront pas en application, faute de la parution des décrets, et, de l’autre, ceux qui sont d’inspiration répressive ou rétrograde et dont les décrets d’application seront, eux, publiés.

De ce point de vue, la discussion actuelle s’inscrit dans un contexte où les libertés sont de plus en plus souvent mises à mal, par le durcissement constant du code pénal et du code de procédure pénale, par le recours de plus en plus fréquent à toutes les formes d’enfermement – la prison et l’extrême surpopulation carcérale, l’augmentation effrayante des gardes à vue dans les commissariats, la chasse aux sans-papiers, les hospitalisations sans consentement dans les services psychiatriques, le fichage des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Les libertés sont encore mises à mal par les pressions de toutes sortes sur la presse, par la mise au pas des responsables des administrations, par la réduction des moyens dont disposent les services publics, de l’école à l’hôpital.

Alors que la situation économique et sociale empire, le Président de la République, au demeurant maître de l’UMP, ce qui constitue une situation insolite dans notre pays, tourne le dos à la réalité, s’enferme dans un monologue incantatoire, tranche de tout par-dessus les corps intermédiaires et, voulant confiner le Parlement dans un rôle d’enregistrement, annonce un jour la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision – il la met d’ailleurs immédiatement en œuvre par décret – et la nomination par lui, avec quelques habillages, du président de France Télévisions ; un autre jour, il proclame la suppression des juges d’instruction ; un autre jour encore, celle de la taxe professionnelle ou le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN, ce qui rompt avec une posture militaire de plusieurs décennies et aura des conséquences considérables sur l’avenir de notre diplomatie et sur notre indépendance.

Je demande donc au Gouvernement ce que devient en droit et en fait le prétendu rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement. Ne voulant pas me livrer à des comparaisons anachroniques et superficielles, je rappellerai seulement que Bonaparte disposait, au sein d’un maquis d’institutions parlementaires, d’un Corps législatif qui votait les lois sans avoir le droit d’en discuter.

Nous retrouvons, toutes proportions gardées bien sûr, une certaine similitude dans la démarche actuelle de l’exécutif. L’article 13 de la loi organique invite en effet les assemblées à se doter d’un règlement qui permettrait à la conférence des présidents de limiter la durée des débats et le temps de parole des parlementaires. Ainsi, lorsque des délais auront été impartis, selon la formule du « temps global », pour l’examen d’un texte en séance, des amendements d’origine parlementaire pourront être mis aux voix sans discussion préalable, comme jadis sous le Corps législatif.

Devant la colère légitime de l’opposition à l’Assemblée nationale, la majorité a dissimulé sous quelques parures l’article incriminé sans rien changer au fond, comme on le verra lors de la discussion des articles.

Le président-rapporteur de la commission des lois du Sénat défendra quelques amendements à certains articles, qu’il maintiendra ou non au cours des débats, selon le bon vouloir du Gouvernement. Nous verrons !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

De toute façon, il s’est bien gardé de toucher à l’article essentiel du projet, l’article 13, qui demeure donc paré des fioritures et des déguisements dont l’Assemblée l’a pourvu.

D’ailleurs, vous avez inventé une formule extraordinaire : il ne fallait surtout pas empêcher l’Assemblée nationale de se doter d’un règlement qui lui permettrait précisément de priver l’opposition de la parole ! La boucle est bouclée !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Le Gouvernement – ô la bonne âme ! – nous explique qu’il veut améliorer le fonctionnement et l’image du Parlement. Devant un tel aplomb, on serait presque tenté de lui demander de quoi il se mêle, au nom de la séparation des pouvoirs !

J’en viens à la problématique de l’obstruction.

Ce type de manifestation n’a jamais empêché aucun gouvernement, sous la Ve République ou avant, de se doter de l’arsenal législatif qu’il souhaitait, sauf à y renoncer lui-même par la suite quand le prolongement des débats avait traduit une inquiétude réelle dans le pays et lui avait ainsi donné le temps de comprendre qu’il risquait de se fourvoyer, ou de « se planter », comme dirait le Président Obama.

On sait comment la loi sur le CPE, le contrat première embauche, a terminé sa carrière.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Et la loi Devaquet !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Tous les groupes de l’Assemblée, tous, à des époques diverses, ont eu recours à de telles manœuvres de retardement, comme dans toutes les grandes démocraties. Cela est intervenu à certains moments – rares, en réalité – lorsque les sujets abordés avaient un écho important, au moins dans une large fraction de la population. Je pense ici aux débats consacrés au projet de loi « sécurité et liberté » en 1980, aux nationalisations et à la décentralisation en 1981 et en 1982, plus tard à la remise en cause de la loi Falloux, ensuite au PACS, récemment à l’avenir des retraites, aux OGM, à l’audiovisuel, enfin au présent projet de loi organique, qui aurait été voté dans l’indifférence sans les réactions de l’opposition à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

En conclusion, vous observerez, mes chers collègues, que jamais la gauche, lorsqu’elle a été majoritaire à l’Assemblée nationale, n’a porté atteinte au droit d’amendement, d’autant plus important, on l’a dit cet après-midi, qu’il offre aux parlementaires de tous les groupes – s’ils veulent bien en user – la possibilité de peser sur la confection des lois, issues presque en totalité des projets déposés par le Gouvernement.

De 1981 à 1986, l’opposition s’est manifestée avec vigueur, voire acharnement, à l’Assemblée nationale. Nous avons eu de rudes batailles parlementaires ! La faiblesse, pour nous, eût consisté à vouloir brider cette opposition en tentant de modifier le règlement. Même si nous avions entrevu la possibilité d’obtenir l’indispensable consensus de tous les groupes, nous y aurions regardé à deux fois, je vous l’assure.

Le Sénat serait bien inspiré aujourd’hui de prendre en compte – mais le voudra-t-il ? – les droits et les prérogatives du Parlement dans son ensemble. La question n’est pas de savoir si au palais du Luxembourg, dans une atmosphère feutrée, à l’abri des grands emportements, l’on pourra continuer à s’exprimer à satiété, comme par le passé. La défense des droits du Parlement, des droits des députés et des sénateurs, doit être l’affaire de tous, car il s’agit aussi de la préservation des libertés dans le pays tout entier.

Sans recourir à des formules emphatiques, sans invoquer la postérité, sans me faire trop d’illusions non plus sur l’issue de nos travaux, j’invite cependant notre assemblée, qui aime à revendiquer sa sagesse et sa mesure, à ne pas consentir à l’abaissement du Parlement. Ne soyez pas, mes chers collègues, ceux qui se seront inclinés, même si nous savons qu’un jour d’autres majorités rendront justice au Parlement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’agissant d’un sujet aussi important pour la République que les prérogatives du Parlement, et par conséquent l’exercice de la démocratie, je suis consterné par les arguments que j’ai entendus ici même.

On nous a dit que l’article 13 du projet de loi organique ne servirait à rien.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je n’ai pas dit ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En ce cas, il faut voter contre !

On nous a dit : « Ce n’est pas grave, parce qu’au Sénat, on s’arrangera ! » Mes chers collègues, je suis en colère quand je constate que l’on privilégie les petits arrangements alors qu’il s’agit de voter une loi de la République !

La question n’est pas de savoir comment on s’arrangera ici ou ailleurs ; elle est de savoir si ce texte est fondé ou non. Or cet article 13 est un danger pour la démocratie !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je donne lecture de son premier paragraphe : « Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion. »

Cela veut dire ce que cela veut dire ! La loi permet que le règlement prévoie une limitation du droit d’amendement et, de surcroît, du droit à la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, pas du droit d’amendement, monsieur Gélard, mais du droit à la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est scandaleux que l’on puisse affirmer benoîtement qu’il est sans grande importance d’empêcher des parlementaires de défendre des amendements ou d’expliquer leur vote !

Ce paragraphe signifie qu’il pourrait y avoir un moment où, une fois le temps de parole imparti écoulé, on voterait tout ce qui resterait à voter, non seulement les amendements mais aussi les articles, dans un silence sépulcral. En effet, si je comprends bien votre texte, monsieur le secrétaire d’État, une fois la limite franchie, il n’y a plus de débat : on vote en silence dix, vingt, trente amendements, dix, vingt, trente articles. Cela deviendra possible dès lors que l’on aura voté ce texte. Mes chers collègues, je vous en conjure, ne le votez pas ! Devant l’histoire de la République, il constitue une atteinte aux droits du Parlement !

Dans cette affaire, le plus important est finalement l’idée que l’on se fait du Parlement. Certains ont estimé que les débats ne sont pas intéressants, d’autres s’ennuient profondément. Ce n’est pas mon cas !

Le Parlement ne doit pas être victime de ces petits arrangements, de ces temps couperets. Le débat doit pouvoir s’instaurer et aller jusqu’à son terme.

Qu’est-ce qui caractérise le Parlement tel que l’ont voulu les fondateurs de notre République ? Le Parlement a pour mission d’élaborer des lois, donc des textes normatifs. Mais il a été décidé qu’il fallait que ces textes normatifs fussent élaborés dans le débat, dans la contradiction, dans la confrontation des positions, des convictions, des arguments que chacun porte en lui, dans son cœur et dans son esprit !

Dire que le débat ne doit pas trop durer, qu’il doit être mis dans une boîte, contrôlé, maîtrisé, reflète une certaine idée du Parlement, celle d’un Parlement encadré, quelque peu aseptisé… Mais l’important dans une assemblée législative, vous le savez, monsieur Karoutchi, vous qui êtes un parlementaire, c’est précisément le débat !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Certes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si les dispositions de cet article avaient été inscrites dans le règlement de l’Assemblée nationale, aucun des grands débats qui ont marqué les trente dernières années – je ne remonterai pas plus loin – n’aurait pu avoir lieu : les débats sur les nationalisations, sur les privatisations, sur l’audiovisuel, sur l’université, sur l’école, sur la laïcité ou sur la loi Falloux ne se seraient pas tenus. Il existe une quantité d’exemples !

M. Frimat l’a dit, jamais l’obstruction n’a empêché une loi d’être votée, dès lors qu’un exécutif et une majorité le souhaitaient. Dès lors, pourquoi agissez-vous ainsi ? Je le vois bien, vous êtes mal à l’aise !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais si, je le vois et je l’entends !

Si ce dispositif est destiné à ne servir à rien, pourquoi l’inscrire dans la loi de la République ?

S’il s’agit de « s’arranger », le texte ne devant pas s’appliquer au Sénat, je réponds que les petits arrangements ne sont pas à la mesure du problème posé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous faisons une loi pour la République et pour le Parlement tout entier, nous ne faisons pas une loi pour le Sénat ! Pour nous sénateurs, la mise en place d’un couperet à l’Assemblée nationale est inacceptable ! Nous sommes un certain nombre à avoir siégé dans les deux assemblées.

Vous voulez encadrer et contrôler le fonctionnement du Parlement. C’est une idée.

Pour notre part, nous en avons une autre : ce qui est intéressant, au Parlement, c’est la passion. Le Parlement doit pouvoir se faire l’écho des conflits, des luttes sociales, des contradictions de la société, des aspirations et des convictions des uns et des autres, des souffrances qui existent dans ce pays, des débats éthiques… Il faut pouvoir consacrer le temps nécessaire à débattre de tout cela !

Dans cette conception du Parlement, la passion démocratique et républicaine est au cœur du débat, et on aime le débat !

Et puis il y a donc l’idée selon laquelle il faut contrôler, aseptiser et limiter. À cet égard, il serait très intéressant d’étudier le vocabulaire employé par un certain nombre d’orateurs. On en conclurait aisément que, pour eux, le débat est quelque chose qui déborde, qui prolifère, qui présente un caractère presque malsain, un peu maladif. Ils veulent faire rentrer le flot de l’éloquence, de la parole et de l’argumentation dans des cases, des boîtes, des canaux. Pourtant, ne l’oubliez pas, Victor Hugo siégeait ici il y a quelque temps !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.C’était une autre époque !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Sans doute, mais les ricanements qui accompagnaient ses discours sur des sujets tels que la peine de mort, l’esclavage, le droit de vote des femmes ou l’Europe sont restés dans l’histoire parce que l’on en a gardé la trace, grâce au débat !

La Constitution, même rénovée, donne au Gouvernement des moyens importants pour mettre en œuvre ses choix politiques. On nous parle de « parlementarisme rationalisé » ; c’est une formule parfaitement creuse. L’essence de notre démocratie tient pour partie au fait que les lois sont le fruit du débat contradictoire, passionné, ardent qui porte en lui le cœur battant de la démocratie et de la société françaises.

Vous voulez brider, encadrer, normaliser, mais c’est une faute contre la démocratie, c’est une faute contre la République, et nous nous y opposerons avec la dernière énergie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter de ce qui constitue le cœur même de la réforme constitutionnelle votée cet été, réforme que le Gouvernement vend, à qui veut l’entendre, comme étant un pas fondamental dans la valorisation des droits du Parlement.

Au premier titre des évolutions, conçues comme positives, se trouve, pour les parlementaires, le droit de déposer des résolutions. Cette idée, inscrite à l’article 34-1 de la Constitution, paraissait séduisante lorsque nous l’avions votée cet été.

Le principe semblait simple : les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. Ainsi, on aurait pu penser que la loi organique ne concernerait que les conditions de vote et non le nombre, le champ ou la recevabilité de ces propositions de résolution.

L’article 34-1 vise, pour seule limite, le fait que ces résolutions ne peuvent avoir pour effet de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

Or cet outil, que l’on nous a présenté comme un progrès, nous est aujourd’hui soumis assorti de contraintes qui ne correspondent plus à celles qui avaient été avancées lors de la réforme constitutionnelle !

Pis encore, de manière méthodique, le projet de loi organique s’applique à transformer ces résolutions en une formule insipide, dont, en réalité, on a du mal à évaluer la pertinence. Alors qu’il s’agissait d’une belle intention, nous voici saisis d’une chimère sous le contrôle étroit du Gouvernement.

Je prendrai l’exemple des conditions, draconiennes, qui sont imposées pour le contrôle de la recevabilité de ces propositions. Mes chers collègues, l’autonomie des assemblées parlementaires devrait justifier, dans le strict respect de la Constitution, une certaine latitude concernant le champ de ces résolutions. Elles devraient être cet outil dont nous avons tant besoin pour exprimer, sans normativité, des positions opposées à celles du Gouvernement, un outil à la disposition non pas uniquement de la majorité parlementaire, mais bien de tous les parlementaires, de tous les groupes politiques. Pourtant, le projet de loi organique soumet ces résolutions à un contrôle, pour le moins opaque, en vertu duquel le Gouvernement pourra, d’un revers de main, écarter une proposition de résolution qu’il aura jugée irrecevable. Pour un oui ou pour un non, une proposition de résolution ne sera même pas inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée !

En vertu de la Constitution, le seul motif d’irrecevabilité est pourtant assez clair : pas de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Mais qu’en sera-t-il des propositions de résolution qui s’opposent à la politique du Gouvernement ? Seront-elles déclarées irrecevables ?

Le fait de s’opposer est-il considéré comme une mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement ? Critiquer une politique inique, qui criminalise les pauvres, les étrangers, les précaires, est-ce mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement ? Si tel est le cas, c’est tout le système du parlementarisme qu’il faut revoir, puisque la raison d’être d’une opposition, c’est, justement, de critiquer.

À quoi serviront donc ces résolutions ? Et de quelle nature seront les résolutions déclarées recevables ? Doit-on penser que seules les propositions de résolution de la majorité, qui disent tout le bien que pense cette dernière de la politique du Gouvernement, seront retenues ?

Au final, la procédure de contrôle que prévoira la future loi organique sera un frein à toute proposition constructive, à toute résolution exprimant une opinion qui ne soit pas conforme à la doctrine du Gouvernement. Ainsi, le Gouvernement fera ce qu’il veut, ne sera jamais contrôlé. Quelle conception de la démocratie parlementaire !

Aucun dispositif ne permettra en effet de contrôler le bien-fondé d’une décision d’irrecevabilité. Et les propositions de résolution s’entasseront, sans que leur utilité soit un jour prouvée.

Voilà donc ce qui nous attend en vertu de la procédure que vous nous proposez aujourd’hui : un filet aux mailles tellement serrées que seuls le suivisme et l’indigence pourront filtrer… Pour le reste, l’irrecevabilité sera de mise.

Sur ce point, d’ailleurs, il faut noter l’empressement de notre rapporteur, M. Hyest, à compléter le dispositif de manière que, si une proposition de résolution venait à filtrer, elle ne soit pas votée à la majorité absolue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le mode de votation de ces résolutions est aussi important que les conditions de leur recevabilité, mes chers collègues. Or, que nous prépare-t-on ? Des résolutions votées à la majorité qualifiée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

C’est l’objet même d’un amendement qui tend à supprimer littéralement le mode de scrutin. Nous reviendrons sur ce point, monsieur le rapporteur !

La raison est simple : si l’Assemblée nationale est parvenue à un accord sur ce mode de scrutin, c’est parce que le Gouvernement y dispose d’une majorité confortable; ce qui n’est pas le cas dans cet hémicycle. Et je crains que le mode de scrutin ne nous revienne un jour, dans le règlement, sous la forme d’une majorité qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Permettez-moi de rappeler que l’article 34-1 fait directement référence aux conditions de vote des résolutions : supprimer le mode de scrutin revient à amputer la loi organique de l’une de ses raisons d’être ! Et je doute que cette suppression échappe à la vigilance du Conseil constitutionnel !

C’est ainsi que la loi organique rendra ce droit de résolution impossible à exercer efficacement De surcroît, nous avons toutes les raisons de penser que les propositions de résolution ne serviront à rien, si ce n’est, pour la majorité, à témoigner son soutien à la politique du Gouvernement. Encore une fois, les grands perdants seront les groupes minoritaires et de l’opposition.

Je souhaite illustrer le marché de dupes que vous nous proposez en prenant l’exemple d’une proposition de résolution qui serait déposée dans le cadre d’une niche parlementaire. Alors même que cette niche constitue, pour les groupes minoritaires ou de l’opposition, la seule garantie de voir leurs initiatives faire l’objet de débats dans cette enceinte, le Gouvernement pourra, sans même avoir à motiver sa décision, refuser à un groupe d’inscrire une proposition de résolution dans le cadre de cette niche. Autrement dit, ce que l’on nous a vendu comme une valorisation des droits du Parlement et des groupes d’opposition devient une arme pour museler les parlementaires et nier ces mêmes droits.

Voici donc l’esprit de cette réforme : permettre au Gouvernement, pour compenser la perte du contrôle d’une partie de l’ordre du jour, de s’immiscer dans ce qui est pourtant l’affaire exclusive des parlementaires.

À cet égard, nous refusons absolument que le Gouvernement puisse assister aux délibérations des commissions et user ainsi de son influence pour peser sur le vote des amendements.

Je note, à cet égard, le courage de M. Mariani, qui s’est opposé à cette mesure, conscient du danger que constitue une telle possibilité.

Cette remarque me permet d’aborder la question du droit d’amendement des parlementaires, qui constitue, de loin, le point le plus controversé de ce projet de loi organique. Je vous le dis sans détour : l’article 13 de ce texte est scandaleux. Il est l’expression d’une défiance insupportable à l’égard du Parlement, réputé incapable de s’auto-discipliner.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’article 40 de la Constitution n’y suffisait pas : il fallait aller encore plus loin pour transformer le Parlement en classe d’école, où chacun ne peut parler que si le maître l’a décidé. Ce tour de vis me semble incompatible avec les attentes des citoyens, qui nous demandent de porter dans cette enceinte des positions qui méritent un débat, une discussion et un vote en séance publique. Les citoyens doivent savoir comment se fabriquent nos lois et quel est le poids de chacun dans leur élaboration.

Ce projet de loi organique, en restreignant le droit d’amendement en séance publique, organise ce qu’à Bruxelles on nomme la « comitologie » : la loi se fera dans les couloirs plus que dans l’hémicycle et les citoyens n’auront plus accès à ce qui fait l’essence même de notre activité : le droit de regard.

On m’opposera sans doute que ce dispositif ne concerne pas le Sénat. L’obstruction parlementaire n’existe évidemment pas dans cette enceinte. Mais alors, pourquoi ne pas laisser le soin à chaque assemblée de décider, sans loi organique, la manière dont elle entend organiser ses débats ?

Conformément au principe existant rappelé par M. Hyest, pourquoi ne pas laisser chaque chambre, dans le respect de l’autonomie des assemblées, décider ce qui convient le mieux pour elle ?

Examiné de plus près, l’article 13 de ce projet de loi organique dégage une odeur d’antiparlementarisme primaire. Qui vise-t-il ? Certainement pas la majorité des parlementaires de droite, qui ne se sont jamais risqués à cet exercice. Le droit d’amendement ne concerne, en réalité, que l’opposition, à l’exception notable de plusieurs sénateurs de droite qui en usent quelquefois à bon escient. Il est le seul outil dont nous, sénatrices et sénateurs appartenant aux groupes minoritaires ou de l’opposition, pouvons user à volonté pour faire valoir nos positions.

Limiter notre droit d’amendement, c’est limiter notre capacité d’opposition.

Limiter notre droit d’amendement, c’est nous brimer dans notre capacité d’indignation.

Limiter notre droit d’amendement, c’est simplement nier notre liberté de contribuer à l’élaboration de la loi.

Pourtant, comble d’une « valorisation » des droits du Parlement, nous savons que cet épisode de l’article 13 est déjà derrière nous : seul le vote conforme de cet article épargnera une nouvelle discussion en seconde lecture.

Voilà donc la conception que vous nous offrez des droits du Parlement et de l’opposition : discuter d’une disposition déjà ficelée, qui ne souffrira aucune modification. Je trouve cette méthode très inquiétante pour un État démocratique. C’est notre République parlementaire qui est en danger.

Pour toutes ces raisons, essentielles à la vie parlementaire, les sénatrices et sénateurs Verts ne voteront pas ce projet de loi organique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, même s’il faut prendre des précautions dans la présentation, même s’il faut faire preuve de pédagogie dans l’explication, personne ne contestera que notre pays, l’Europe et le monde sont confrontés à une crise financière et économique d’une ampleur inégalée qui remet en cause les fondements du capitalisme.

Des milliers d’emplois sont supprimés à travers le monde ; des pans entiers du secteur industriel sont en péril ; une sourde menace pèse sur des centaines de milliers de familles ; l’inquiétude face à la montée inexorable du chômage et devant l’avenir est là, bien présente.

Ce constat est, j’en suis sûr, largement partagé par nos concitoyens, à tel point que, de plus en plus, fleurit du côté de la majorité – il est vrai, bien souvent, pour des raisons purement tactiques – l’idée qu’il faudrait une sorte d’unité nationale à durée limitée pour faire face à la crise.

Nombre de nos concitoyens attendent sans doute que, pour une fois, majorité et opposition unissent leurs efforts pour les aider et aider le pays à chercher des solutions concrètes pour sortir de la crise ou, au moins, pour y faire face. Et on peut les comprendre.

J’ai souhaité moi-même un vrai pacte de confiance et d’action entre l’État et les collectivités locales pour soutenir l’investissement et pour agir concrètement en faveur de nos concitoyens. Or, dans le même temps, le Président de la République annonçait à la télévision, sans concertation, la disparition, dès 2010, de la taxe professionnelle.

Faut-il rappeler que cette taxe est l’une des principales sources de financement des collectivités locales, qui réalisent à elles seules près de 75 % de l’investissement public ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Annonce paradoxale donc que celle qui vise à déstabiliser les acteurs centraux de ces investissements, mesure pourtant phare du plan de relance...

Si vous partagez mon analyse, mes chers collègues, vous en partagerez les conclusions : seul un pays qui sait se rassembler pourra surmonter une telle dépression.

Il ne s’agit pas de minimiser l’erreur que constitue, selon nous, l’absence de mesures spécifiques pour soutenir le pouvoir d’achat et la consommation dans le plan gouvernemental. Il s’agit de montrer à notre pays quelles devraient être les voies d’une démocratie apaisée.

Aussi, une seule et vraie question mérite d’être posée à l’occasion de l’examen de ce projet de loi organique et, notamment, mais pas uniquement, de son article 13 : pourquoi diviser, pourquoi provoquer l’opposition à un tel moment de la vie économique et sociale de notre pays ? Car vous saviez très bien que, face à cette disposition qui vise à limiter tout à la fois le temps de parole de l’opposition au Parlement et le droit d’amendement de chaque parlementaire, nous ne pourrions rester sans réagir, car elle entre en contradiction avec un des principes fondamentaux de la démocratie : l’existence de contre-pouvoirs.

Ces contre-pouvoirs sont aujourd’hui mis en cause : l’audiovisuel public, la presse – je ne parlerai pas de la fonction publique, que je ne considère pas comme un contre-pouvoir, bien qu’elle connaisse des révocations sans précédent –, les collectivités locales et, pour finir, le Parlement, où le temps de parole des opposants pourrait ainsi être limité, compté.

Il est loin le temps où le Président de la République écrivait : « Je renforcerai les pouvoirs [du Parlement], notamment de l’opposition, parce que je ne veux pas gouverner seul et que je pense qu’une démocratie se protège des risques de dérive lorsqu’elle est capable d’organiser et d’accepter ses propres contre-pouvoirs ».

Permettez-moi de prendre deux exemples.

Premier exemple, les collectivités locales. À la question de savoir si la France compte trop de collectivités locales, la réponse du Président de la République est assez simple : il y a, en France, trop de collectivités locales… de gauche

M. Jean-Pierre Michel applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Mais prenez garde, car notre histoire électorale récente nous apprend que les Françaises et les Français apprécient les contre-pouvoirs. Or la droite ne sera pas toujours au pouvoir au niveau national, de cela, je suis sûr.

Deuxième exemple, le Parlement. Il ne suffit pas au Président de la République d’exercer tous les pouvoirs, qu’il s’agisse du droit de dissolution, du droit de s’exprimer quand bon lui semble devant le Parlement, sans même que celui-ci ait le droit de répondre, ni au Gouvernement de disposer de la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui est maintenue. Ce que le président Hyest a dit tout à l’heure – je l’ai écouté avec un grand intérêt – est vrai : le droit d’amendement est encadré dans d’autres démocraties européennes, mais elles n’accordent pas les mêmes pouvoirs personnels au chef de l’exécutif, notamment le droit de dissolution.

Aujourd’hui, le Gouvernement veut limiter les droits de l’opposition, le droit de s’exprimer et le droit d’amender. Ce quinquennat a deux ans, et déjà Napoléon perce sous Bonaparte !

Il n’aura échappé à personne que les modifications de la Constitution débattues aujourd’hui – nous parlons ici pour tous les parlementaires, et pas uniquement pour le Sénat – ont fait grand bruit à l’Assemblée nationale, même si visiblement le Gouvernement a souhaité faire la sourde oreille. Après un Président de la République quasi aveugle, qui ne voit pas les grèves, voilà un Gouvernement qui n’entend pas les revendications !

Ce texte est largement et ouvertement critiqué par nos collègues députés, car il est incomplet et ne répond pas à l’ambition affichée de rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement. Comble de l’ironie, il revient même sur un droit fondamental du parlementaire et affiche des dispositions qui reviennent, ou pourraient revenir, sur l’autonomie de notre assemblée !

L’équilibre des pouvoirs est un élément fondamental de notre démocratie. Pourtant, ce projet de loi organique contient des dispositions qui menacent cet équilibre fragile ! Je vous renvoie ici à ce que notre rapporteur écrit lui-même à ce sujet.

S’agissant du respect de l’équilibre des pouvoirs, le Gouvernement marche visiblement sur un fil, car la frontière est ténue qui nous sépare encore d’un régime que je qualifierais de « césariste ». Cela relève de notre responsabilité à tous, nous parlementaires siégeant au sein d’une assemblée qui a su par le passé s’opposer à des projets contraires à l’intérêt général.

Si le « Président de la parole » veut imposer le silence au Parlement, il faut le dire clairement.

Pourtant, et nous le démontrerons, il est possible, dans le cadre de ce projet de loi organique, de conforter les droits du Parlement, la sincérité des débats et l’expression de tous en évitant que les débats ne se prolongent excessivement, par exemple, à l’article 11, en interdisant au Gouvernement de déposer sur ses propres projets de loi des amendements tendant à insérer des articles additionnels. Voilà une manière de rationaliser le temps du débat parlementaire ! On pourrait aussi bien ne pas laisser le Gouvernement assister aux votes qui ont lieu en commission.

Il y va d’un intérêt supérieur, celui de la capacité de débattre et de la liberté de voter, pour nous tous, qui représentons ici la nation !

Je ne voudrais pas m’étendre trop longtemps sur les différents articles, mais je ne peux que contester le contenu de l’article 12, qui nous semble avoir pour objectif finalement d’interdire l’exercice du droit d’amendement en séance publique, sous prétexte qu’il faudrait gagner du temps !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Rappelons d’ailleurs que le Conseil constitutionnel avait censuré une mesure semblable en 1990…

La responsabilité de l’embouteillage parlementaire, vous le savez très bien, incombe d’abord à l’exécutif, du fait même du nombre et de l’ampleur des projets de loi soumis au Parlement.

Mais c’est bien l’article 13 de ce projet de loi organique qui est au cœur des débats. Je reprendrai donc l’excellente argumentation de notre collègue Bernard Frimat.

La majorité nous dit que le temps global ne sera pas appliqué au Sénat. Très bien ! Mais la meilleure garantie à cet égard reste encore de ne pas voter l’article 13. Si vous le votez, chers collègues, c’est uniquement pour permettre son application à l’Assemblée nationale aujourd’hui et, demain ou après-demain, au Sénat...

Possédé par un désir quasi frénétique de tout changer, le Président de la République s’attaque maintenant à nos institutions. Nous devons nous rendre à l’évidence et nous résoudre à la triste vérité qui s’offre à nos yeux : le Président de la République peut être au centre de tout, avoir le pouvoir de se montrer partout, être contre tout, car il est « césariste » dans l’âme, ou plus exactement en diable ! Mais le pouvoir parlementaire, lui, ne se négocie pas et la vraie réforme du Parlement doit se faire sur un autre terrain. Nous ne pouvons accepter, mes chers collègues, le dessein inavoué et dissimulé de démanteler le droit à l’expression de ceux qui osent commettre le crime de lèse-majesté de garder tout simplement une certaine liberté de penser !

À propos des fondements constitutionnels des droits de l’opposition, je n’aurai pas la cruauté de rappeler trop longuement les promesses du candidat Sarkozy, qui se déclarait favorable à un véritable statut des groupes minoritaires au Parlement, au renforcement du financement des partis politiques ou à l’élargissement des pouvoirs des commissions d’enquête parlementaires. Que reste-t-il de toutes ces promesses de campagne ? Rien !

On l’aura bien compris : le dérèglement de notre système constitutionnel est en vue. Il faut s’y opposer, au nom de la démocratie et de la liberté.

Il va falloir se battre, parce que la République ne se réduit pas à des institutions ni à des procédures, elle consiste aussi en un ensemble de valeurs partagées. C’est notre devoir de citoyens, d’élus et de parlementaires de défendre cette conception !

Même le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, l’a rappelé, s’offusquant à demi-mot, et nous, sénateurs, pouvons comprendre qu’il insiste sur l’importance de l’Assemblée nationale au regard de l’expression des idées, notamment de l’opposition, et qu’il souligne que, pour la pérennité de la République, « chacun doit pouvoir estimer être entendu », c'est-à-dire suffisamment entendu. Il ajoute : « C’est là où doit s’exprimer chaque individu qui a quelque chose à dire. Il est donc important de laisser s’exprimer notamment l’opposition, quelle que soit cette opposition, de droite ou de gauche. »

Le Sénat a déjà démontré sa capacité de résistance à des mesures qui vont à l’encontre des droits fondamentaux, de notre démocratie et de notre République.

On ne saurait laisser balayer d’un revers de la main les droits des parlementaires, comme on balaie un préfet qui ne marche pas au pas. On ne saurait mettre au pas le Parlement pour mieux continuer au pas de course d’appliquer réformes sur réformes, sans la moindre concertation.

Mes chers collègues, l’article 13 a tout simplement pour objet et pour objectif de scléroser la parole de l’opposition dans le débat parlementaire. La démocratie est un bien précieux : puisque la possibilité de penser différemment la fait vivre, continuons ensemble à faire vivre ce principe !

Pour conclure sur l’enjeu qui est ici celui des acquis démocratiques, vous me permettrez une citation dont vous retrouverez sûrement l’origine : « Les conquêtes sont aisées à faire, parce qu’on les fait avec toutes ses forces ; elles sont difficiles à conserver, parce qu’on ne les défend qu’avec une partie de ses forces. »

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de cette discussion générale, je ne peux que me réjouir du ton employé par chacun d’entre vous, même si tous vos propos ne vont pas dans le sens que j’aurais souhaité.

Chaque intervenant a fait part de ses convictions avec fermeté, sans concession, mais sans agressivité. Les exhortations du président Hyest à débattre du fond ont donc été entendues.

Je ne vais pas revenir sur tous les points abordés, puisque nous aurons l’occasion de le faire pendant plusieurs jours, mais je voudrais d’emblée apporter les précisions que m’inspirent certaines interventions.

S’agissant des propositions de résolution, je ne partage évidemment pas le scepticisme de Mme Boumediene-Thiery. Le droit de résolution constituera bien un nouveau droit pour les parlementaires, et il s’exercera dans les conditions prévues par l’article 34-1 de la Constitution. Je tiens d’ailleurs à vous rassurer, madame la sénatrice, sur la question de la majorité qualifiée : faute, pour la loi organique, de prévoir une telle majorité, les règlements des assemblées ne pourront la prévoir eux-mêmes. C’est-à-dire que ce n’est pas à l’occasion du débat qui se tiendra plus tard sur la modification du règlement que l’on pourra introduire une disposition imposant une majorité qualifiée : la loi organique ne l’ayant pas prévu, le règlement ne pourra pas aller plus loin.

M. Mercier a donné une définition de la résolution très juste, comme souvent : il s’agira d’un vœu qui ne sera pas contraignant, ce qui ne signifie pas qu’il sera pour autant sans portée. M. Portelli a d’ailleurs parfaitement rappelé qu’il faudrait faire un usage responsable de ce nouveau droit. Nous observerons certainement des évolutions dans la pratique d’un droit qui n’a pas été utilisé depuis cinquante ans et nous verrons bien la place qu’il prendra à l’avenir dans la vie parlementaire.

En ce qui concerne les études d’impact, vous avez, pour la plupart, reconnu leur intérêt. Le président Hyest comme le doyen Gélard ont rappelé, à juste titre, la longue quête pour tenter de donner corps à ces études et la conclusion logique de ces longues années d’échec : la nouvelle rédaction de l’article 39 issue de la révision constitutionnelle. Je me réjouis que même Mme Borvo Cohen-Seat, pourtant assez critique – c’est le moins que l’on puisse dire – à l’égard de l’ensemble de ce projet de loi organique, ait pu émettre quelques appréciations positives sur les études d’impact.

Monsieur le président Mercier, monsieur le doyen Gélard, vous avez raison : les études d’impact doivent rester des instruments simples ; elles ne doivent pas devenir plus importantes que les lois elles-mêmes. Elles devront être synthétiques, sincères et complètes et respecter la répartition des pouvoirs définie aux articles 34 et 37 de la Constitution, mais aussi à l’article 38, lorsqu’il s’agira pour le Gouvernement de prendre des ordonnances.

M. Frimat a cité Montesquieu. Permettez-moi de le faire à mon tour : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Je ne vous le fais pas dire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Les études d’impact devraient nous aider à respecter ce précepte. Mais, au passage, je ne peux laisser affirmer comme vous l’avez fait que les lois présentées par ce gouvernement aient été précipitées. Le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, pour ne citer que des exemples récents, vous démentent assez largement, parce que ces textes ont fait l’objet d’un travail préparatoire de plusieurs mois avant de trouver leur conclusion parlementaire.

En ce qui concerne le droit d’amendement et le temps programmé, qui sont au cœur de ces débats, Mme la présidente Borvo Cohen-Seat a fait un intéressant rappel historique pour tenter d’établir que nous voulions bafouer le droit d’amendement qui constitue pourtant le socle de la tradition parlementaire française. Je ne reviens pas sur les interventions de MM. Frimat, Mermaz, Sueur et Rebsamen : permettez-moi de vous dire que je m’inscris en faux contre cette interprétation de l’article 13.

Comme l’a souligné Michel Mercier, cet article, qui ne crée par le temps programmé, se contente d’indiquer que, si ce temps programmé était mis en œuvre, les amendements non présentés seraient en tout état de cause mis aux voix.

Sans verser dans le paradoxe, on peut parfaitement voir dans cet article 13 une forme de garantie du droit d’amendement, contrairement aux systèmes de clôture ou de guillotine, sur le modèle de ceux qui existent dans un certain nombre de pays voisins, qui empêcheraient le vote même de ces amendements.

Monsieur Sueur, permettez-moi de vous dire que l’obstruction n’a rien à voir avec le droit d’amendement ; c’en est même, d’une certaine façon, un dévoiement. Ce n’est pas un droit, c’est un abus de droit.

Monsieur Rebsamen, vous dites que les projets de loi divisent et que, parfois, l’obstruction est un élément porteur, au-delà du projet. Je regrette, mais l’obstruction peut être aussi un élément de division dans la mesure où elle masque et parfois noie le débat démocratique de fond.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Sur la présence du Gouvernement en commission, nous aurons un très large débat, monsieur Hyest. Vous savez que le Gouvernement ne partage pas votre point de vue, qui a été aussi exprimé par plusieurs de vos collègues. Je crois important de tirer les conséquences du nouveau mode de fonctionnement des assemblées, qui donnera tant d’importance aux travaux des commissions.

Le Gouvernement n’entend pas imposer sa position

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

J’attire votre attention sur le fait que, en tout état de cause, l’Assemblée nationale maintiendra probablement cette faculté pour le Gouvernement de venir en commission à tous les stades de la procédure. La rédaction que vous retiendrez à l’article 11 ne doit pas l’empêcher, au nom du principe d’autonomie que vous avez eu raison de mettre en avant, comme l’a d'ailleurs fait M. Hugues Portelli.

Sur la présence ou l’absence du Gouvernement en commission, j’ai bien entendu les différents arguments avancés. Je me dois de rappeler cependant que, aux termes de la révision constitutionnelle, c’est le texte amendé en commission qui sera examiné dans l’hémicycle. Franchement, comment conserver, dès lors, la même appréhension qu’auparavant de la présence ou de l’absence du Gouvernement dans les débats alors que, jusqu’à maintenant, c’est le texte du Gouvernement qui est examiné en séance publique ? Le débat et le vote sur les amendements ont lieu dans l’hémicycle. Que je sache, le Gouvernement est constamment présent.

Vous nous dites qu’il ne faut pas que le Gouvernement soit présent dans certains cas en commission, alors que vous savez parfaitement que le texte qui sera discuté dans l’hémicycle ne sera plus de même nature. Jusqu’ici, vous aviez le texte du Gouvernement, dorénavant vous aurez le texte de la commission.

Je veux bien, monsieur Hyest, que l’on débatte de cette question, mais encore faut-il qu’elle soit bien posée. En l’occurrence, le problème n’est pas de savoir si le Gouvernement doit ou peut influencer constamment les éléments de la majorité ou l’ensemble des commissaires. À la limite, le débat est de même nature dans l’hémicycle. Donc, il faut bien qu’à un moment le Gouvernement puisse s’exprimer sur les amendements ; ensuite, chacun des commissaires, chacun des parlementaires votera en conscience.

Messieurs Frimat et Mermaz, je vous ai entendus affirmer que ce projet de loi organique ne donnait en rien de nouveaux droits au Parlement.

Le droit de résolution, les études d’impact, ce n’est pas rien ! Sincèrement, la manière de travailler qu’impose la révision constitutionnelle, je pense ici notamment à l’ordre du jour partagé, ne me paraît pas aboutir au renforcement du pouvoir du Gouvernement. D’ailleurs, lors de la dernière conférence des présidents, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir beaucoup plus de pouvoirs que par le passé. J’ai même eu curieusement le sentiment que mes pouvoirs étaient progressivement répartis entre les présidents de commission, les présidents de groupe et la présidence du Sénat, au détriment du Gouvernement…

De la même manière, le fait que ce soit désormais le texte de la commission qui soit examiné en séance publique ne traduit pas un renforcement du pouvoir du Gouvernement. Ou alors je ne comprends plus très bien ce que cela signifie.

M. Yvon Collin a défendu avec beaucoup d’éloquence le droit individuel des parlementaires, qui a été soutenu à l’Assemblée nationale par M. Thierry Mariani, ainsi que l’a rappelé Mme Alima Boumediene-Thiery.

Avec l’article 13 bis, qui a été introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du groupe Nouveau Centre, pour faire prévaloir, au travers d’amendements parlementaires, les droits des groupes d’opposition ou des groupes minoritaires, puis, avec l’article 13 ter, destiné à préserver le droit individuel d’amendement des parlementaires, vous avez réellement la preuve que le Gouvernement, dans cette affaire, loin de chercher à contraindre ou à imposer, veut au contraire dialoguer avec l’ensemble des groupes.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Si nous réussissons cette réforme, nous pourrons trouver un équilibre qui permette à chacun de s’exprimer clairement, tout en offrant au Parlement des débats plus lisibles et peut-être plus compréhensibles pour nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Pour ce qui est des droits des groupes, je souhaite que cela se traduise très concrètement dans les règlements des assemblées.

Monsieur Mercier, citant une nouvelle fois Marcel Prélot, auteur qui vous est cher - je tiens d'ailleurs à votre disposition une édition de son cours de droit parlementaire de 1957-1958 que vous vouliez absolument retrouver

Sourires

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Telle est bien l’ambition de la révision constitutionnelle, de ce projet de loi organique et, demain, de la réforme du règlement de votre assemblée. Il s’agit de redonner vie à la politique, en créant une nouvelle dynamique parlementaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°45 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (183, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après les débats utiles de la discussion générale, je vais tenter, au nom de mon groupe, de vous faire partager ma conviction que certaines dispositions de ce projet de loi, notamment son article 13, sont contraires à la Constitution.

Ce projet de loi, en fait, procède d’une entreprise systématique d’abaissement du Parlement, il faut le répéter : des résolutions, mais qui ne passeront pas devant les commissions ; la possibilité pour le Gouvernement d’être présent à tout moment pendant le travail des commissions, y compris en commission mixte paritaire ; enfin, la limitation du droit d’expression des parlementaires dans la défense de leurs amendements.

Pour comprendre cette évolution, il faut revenir à la révision constitutionnelle de juillet 2008. Le Président de la République avait annoncé une réforme qui permettrait de renforcer les droits du Parlement ; or on en est très loin.

Dès le début en effet, la réforme a été bornée par la défense qui a été faite à la commission Balladur de discuter des modes de scrutin, notamment à l’Assemblée nationale, et donc par la volonté de maintenir le fait majoritaire. Elle a été également bornée par l’interdiction de discuter du cumul des mandats, ainsi que de l’irresponsabilité du chef de l’État, de son droit de dissolution, alors qu’il lui est au contraire permis de s’adresser au Parlement sans que les parlementaires puissent lui répondre. Il est vrai qu’il n’a pas encore usé de cette faculté et que, dans les circonstances difficiles d’aujourd’hui, il a préféré s’exprimer devant la télévision

Par ailleurs, cette réforme maintient le vote bloqué, et l’article 49-3, procédures qui permettent à l’exécutif de contenir le Parlement dans l’exercice de ses prérogatives.

Certaines avancées étaient cependant prévues, comme la constitutionnalisation des groupes politiques, le partage de l’ordre du jour entre le Gouvernement et les assemblées ; curieusement, monsieur le secrétaire d'État, nous n’en avons pour l’instant rien vu, le Gouvernement n’ayant pas souhaité commencer par les projets de loi organique afférents, qui auraient revalorisé le rôle du Parlement. Il a préféré nous soumettre deux projets de loi organique : l’une, de convenance, qui permet aux ministres de récupérer leurs sièges de parlementaires, disposition peut-être spécifiquement prévue pour l’actuel secrétaire général de l’UMP, et l’autre, qui nous occupe aujourd’hui. Tout le reste est reporté aux calendes grecques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il faut noter d’ailleurs que le règlement de nos assemblées a déjà été modifié pour limiter la durée des motions de procédure, notamment le temps de parole qui m’est imparti aujourd'hui à cette tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Et que dire de la pratique qui prévaut depuis le début de cette législature ? Les déclarations d’urgence sont désormais systématiques, ce qui prive les assemblées d’une deuxième lecture, et ce sur tous les textes importants. On peut également dire que le fait majoritaire à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a pour conséquence pour presque tous les textes de multiplier les votes conformes et de transformer les commissions mixtes paritaires en simples chambres d’enregistrement.

C’est la conception des institutions du Président de la République, qu’il a d’ailleurs exprimée très nettement le 12 juillet 2007, à Épinal : « Si l’État en France doit obéir à la séparation des pouvoirs, ils ne sauraient être divisés en pouvoirs rivaux, qui se combattent, qui s’affrontent, qui s’affaiblissent l’un l’autre. » On voit ici que le chef de l’État, qui se dit respectueux en théorie de la séparation des pouvoirs, en annule totalement les effets au détour d’une petite phrase, puisque, s’il soutient l’idée d’une collaboration des différents pouvoirs, c’est pour mieux aboutir, dans sa pratique, à une confusion des pouvoirs et à une confiscation totale par l’exécutif. C’est exactement ce à quoi nous assistons !

Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, mais je ne dispose pas d’assez de temps aujourd’hui.

Cette pratique du chef de l’État donne le sentiment que le Parlement ne doit exercer ses droits qu’à la condition de demeurer sous la tutelle de l’exécutif. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, on pourrait dire la même chose de vous, du Gouvernement et du Premier ministre, vous qui agissez sous la tutelle du secrétaire général de l’Élysée.

M. le secrétaire d'État d’État fait un signe dubitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cerise sur le gâteau, on nie le droit pour chaque parlementaire d’exprimer sa position personnelle à travers la défense d’amendements. Je n’aurais jamais imaginé, après presque trente ans de vie parlementaire, que l’on serait revenu sur ce droit essentiel ! Jean-Louis Debré en avait eu la tentation en 2006, mais il avait dû renoncer sous la pression des présidents de groupes, notamment de celui de l’UMP, l’actuel président de l’Assemblée nationale, qui se renie aujourd'hui, mais une fois n’est pas coutume…

Pour avoir été à deux reprises vice-président de l’Assemblée nationale, je sais ce qu’est l’obstruction parlementaire, je sais ce que sont les amendements en cascade, mais je sais aussi ce qu’est la richesse d’un débat et d’une confrontation.

Oui, cet article 13 est inconstitutionnel, mes chers collègues. En effet, il est contraire à l’article 44 de la Constitution selon lequel le droit d’amendement des membres du Parlement est individuel, comme est personnel leur droit de vote aux termes de l’article 27 de la Constitution, principe qui est d’ailleurs confirmé par l’article 1er du présent projet de loi.

Ce « crédit temps » que l’on veut nous imposer, outre qu’il est contraire à la règle constitutionnelle, poserait des problèmes pratiques, quasi insolubles pour son application.

Il suffit, pour le comprendre, de se poser quelques questions.

Comment comptabiliser les suspensions de séance ? Comment comptabiliser les rappels au règlement ? Comment les services de la séance et les groupes pourront-ils mesurer le temps qui reste au fur et à mesure de l’avancement des travaux ? Faudra-t-il que notre hémicycle soit pourvu de cadrans électroniques géants qui permettront à chaque parlementaire de décompter le temps passé ?

Comment, par ailleurs, anticiper sur le déroulement de la séance, par définition soumis à l’imprévisibilité du débat ? Nous savons tous très bien d’expérience qu’un amendement, un article, peut prendre soudainement plus d’importance qu’un autre et nécessiter que l’on y consacre un certain temps. D’ailleurs, je remarque que les présidents de séance, ici, au Sénat, respectent ce temps du débat parlementaire, qui est fait d’accélérations mais aussi de ralentissements, et qui permet le cas échéant d’approfondir telle ou telle disposition jugée importante.

Comment également traitera-t-on le problème des non-inscrits ou celui des parlementaires qui désirent déposer des amendements en dehors de leur groupe, comme ils en ont le droit ? En effet, le droit d’amendement est personnel et il n’est pas l’expression d’un groupe politique aux termes de la Constitution, même si, dans la pratique, il tend à le devenir et qu’il le deviendrait totalement si ce projet de loi organique était malheureusement adopté.

Le système qui nous serait alors imposé aboutirait à ce que le droit d’amendement ne puisse finalement s’exprimer qu’à travers les amendements des groupes politiques constitués, ce qui est totalement contraire à l’esprit de la Constitution.

Au surplus, on peut noter que le droit d’amendement du Gouvernement n’est, lui, pas encadré et qu’il existe donc, une nouvelle fois, une dissymétrie dans les droits respectifs dont jouissent au sein du Parlement le Gouvernement et les parlementaires eux-mêmes.

On en voit bien d’ailleurs la raison ; en fait, la liberté de discussion parlementaire est incompatible avec le concept de « forfait temps ». Cette procédure va assécher le débat, transformer les assemblées en théâtre d’ombres, en simples greffes, car tout enjeu aura disparu, le débat étant verrouillé à l’avance.

Lorsqu’un groupe aura épuisé son temps de parole, il ne pourra plus défendre un amendement ; or, on le sait bien, un amendement appelé mais non défendu n’a aucune chance d’être adopté, surtout s’il émane de l’opposition.

L’exercice du droit d’amendement est essentiel au débat démocratique, car il permet notamment à l’opposition de présenter des contre-propositions.

Mais, j’entends déjà vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur : tout cela est optionnel

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

J’entends aussi ce qu’il se dit de la réunion du groupe de travail qui, au Sénat, réfléchit, comme il convient, à la modification de notre règlement.

Pourquoi s’alarmer, en effet, dans la mesure où le règlement du Sénat ne comportera aucune mesure en ce sens ? Pour ma part, je pense que, bien au contraire, le fait que le règlement de l’Assemblée nationale le prévoie …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… est une raison suffisante pour s’inquiéter. Car enfin, mes chers collègues, nous ne légiférons pas uniquement pour nous, de façon totalement égoïste ! De surcroît, j’émets les plus expresses réserves sur cette interprétation. En effet, au titre IV de la Constitution, il est précisé, au deuxième alinéa de l’article 24, s’agissant du Parlement : « Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat ». Ces deux chambres forment donc ensemble une entité qui est le Parlement, et c’est le Parlement qui est reconnu dans la Constitution. Cette dernière édicte d’ailleurs pour les deux assemblées des règles semblables, notamment en ce qui concerne le statut des parlementaires ou l’organisation des débats.

L’article 28 de la Constitution prévoit uniquement la possibilité pour chaque chambre de fixer différemment ses semaines de séance et, par son règlement, de déterminer les jours et les horaires pendant lesquels les assemblées siégeront. On voit bien qu’il s’agit là de dispositions mineures au regard de celles qui nous occupent, qui sont relatives à la liberté d’expression des parlementaires.

Dès lors, peut-on concevoir que les règlements de nos deux assemblées soient différents sur un sujet aussi fondamental que celui de l’organisation de nos débats, qui constitue le cœur même du travail parlementaire, l’expression de l’opposition, de l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs ? Est-il envisageable que la liberté d’expression des parlementaires soit bridée là-bas et plus « libérée » ici et que les deux chambres délibèrent selon des procédures différentes ?

Le Conseil constitutionnel accepterait-il une telle différence, lui qui tend à unifier les règlements de nos deux assemblées sur des questions importantes, notamment sur l’application de l’article 40 pour laquelle le Sénat a été sommé de suivre la procédure en vigueur à l’Assemblée nationale ?

Sur un tel sujet, j’espère que le Conseil constitutionnel saura se faire entendre et n’acceptera pas que les deux chambres soient traitées différemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Par ailleurs, il existe dans ce projet de loi organique une autre disposition qui n’est pas conforme à la Constitution : il s’agit de l’article 3, qui introduit une confusion entre les compétences du Gouvernement et celles du Premier ministre.

Cet article confie en effet les décisions prises en conseil des ministres au Premier ministre, alors que la Constitution reconnaît ce pouvoir au Gouvernement aux termes de l’article 34-1.

Cette disposition est inconstitutionnelle et devra être censurée. Nous verrons cela dans la suite du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais revenir à mon point de départ : ce projet de loi organique, notamment l’article 13, est en fait destiné à satisfaire le Président de la République, dont le temps ne concorde pas avec celui du Parlement. Il n’y a pas de concordance des temps, comme aurait dit mon instituteur à l’école primaire.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En effet, l’horizon du Président de la République ne dépasse pas la journée : c’est la carte postale, c’est l’écran de télévision, c’est le déplacement en province – voire subrepticement à l’étranger, sans qu’on le sache, pour des raisons de sécurité –, c’est une réforme annoncée qui ne sera peut-être pas réalisée ou qui sera contredite par les dures réalités de la vie. Nous le voyons aujourd'hui avec la crise économique que nous traversons.

Le temps du Parlement, c’est l’analyse des textes ; c’est leur évaluation ; ce sont les auditions, qui permettent la contre-expertise ; c’est la confrontation entre une majorité et une opposition qui, par leurs échanges, font vivre la démocratie ; c’est la délibération collective, qui permet de corriger, d’amender et d’améliorer la copie forcément imparfaite, monsieur le secrétaire d’État, du Gouvernement ; ce sont bien sûr les commissions qui débattent, hors la présence du Gouvernement, pour améliorer le texte, ce qu’elles font souvent, notamment sur des questions techniques très précises ; ce sont les débats publics dans l’hémicycle en présence du Gouvernement, les motions de procédure, la discussion générale.

Mais le temps du Parlement, c’est surtout le débat sur les articles et sur les amendements, qui constitue le cœur du travail législatif ; c’est le moment de l’interpellation et de la confrontation directe, sans filtre, entre le Gouvernement, la commission, la majorité, les oppositions, chacun étant placé devant ses responsabilités, voire devant ses contradictions et, en tout cas, devant ses contradicteurs.

C’est tout cela que vous voulez supprimer !

Sans Parlement, que serait la vie politique, sinon une suite de monologues ? Où aurait lieu la confrontation, dans la rue, comme ces jours derniers ? Monsieur le secrétaire d’État, est-ce réellement votre souhait, celui du Gouvernement, celui du Président de la République ?

Protestations sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La seule question qui vaille, mes chers collègues, c’est bien celle de la revalorisation de nos travaux, à laquelle ce projet de loi organique ne contribuera pas, bien au contraire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai écouté avec la plus grande attention notre collègue Jean-Pierre Michel défendre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Michel, vous pouvez être rassuré : en tout état de cause, ce projet de loi organique fera l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel.

Si j’excepte la critique du Président de la République, à laquelle nous avons eu le temps de nous habituer depuis cet après-midi, les quelques arguments que vous avez avancés me paraissent extrêmement faibles, voire inexistants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je m’en tiens à ce qui a été dit à l’appui de cette motion, et pas aux considérations annexes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, on peut dire ce que l’on veut sur n’importe quel sujet, mais les arguments avancés sont ce qu’ils sont.

L’encadrement de la durée des débats ne soulève pas de difficultés constitutionnelles. L’article 49 du règlement de l'Assemblée nationale avait d’ailleurs prévu un tel dispositif jusqu’en 1969. Le Conseil constitutionnel, qui avait été appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de ce règlement au début de la Ve République, n’avait pas soulevé l’inconstitutionnalité de ce dispositif. Cet argument ne tient donc pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Le Président de la République n’était alors pas élu au suffrage universel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Peu importe, cela n’a pas de rapport !

Quant à l’exercice du droit d’amendement, il découle de l’article 44 de la Constitution.

Monsieur Michel, en ce qui concerne l’inconstitutionnalité des autres dispositions du projet de loi organique, je vous donne raison seulement sur un point : les compétences accordées au Premier ministre ou au Gouvernement. Nous allons corriger le texte pour indiquer que les compétences sont bien celles du Gouvernement, comme le prévoit d’ailleurs la Constitution.

La commission émet donc un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je serai bref, car je me suis déjà en fait exprimé sur ces arguments tout à l’heure, en répondant aux orateurs.

Monsieur Michel, au début de votre intervention, vous avez reproché au Gouvernement d’avoir présenté un projet de loi organique sur le fonctionnement du Parlement qui n’évoquait pas certaines questions, comme l’ordre du jour partagé.

Je vous rappelle que cette disposition, tout comme celle qui est relative à l’examen en séance publique du texte élaboré en commission, est d’application automatique à compter du 1er mars prochain, sans qu’il y ait besoin d’une loi organique. Le Parlement disposera donc de ce pouvoir dans une quinzaine de jours.

Quant au reste de vos arguments, très franchement, il me semble que vous n’apportez en rien la démonstration de l’inconstitutionnalité de certaines dispositions. De plus, comme l’a rappelé le président Hyest, le Conseil constitutionnel sera automatiquement saisi du projet de loi organique. Par conséquent, nous disposerons de l’analyse qu’il fera de ce texte.

Je profite de cette discussion pour signaler au président Hyest – mais nous aurons l’occasion d’en débattre plus tard – qu’il me semble qu’une disposition pourrait être regardée de près par le Conseil constitutionnel, celle qui concerne la présence des membres du Gouvernement en commission lors du débat et du vote sur le projet de texte. Sur ce point, le Conseil constitutionnel précisera certainement sa position ; au besoin, nous nous adapterons.

Dans ces conditions, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Profitons du temps qui nous reste pour intervenir !

Le groupe CRC-SPG votera l’exception d’irrecevabilité que vient de présenter notre collègue Jean-Pierre Michel. Je souhaite rapidement appuyer sa démonstration par deux réflexions.

Premièrement, l’article 13 du projet de loi organique constitue une utilisation de la Constitution, et non pas son application. En effet, la Constitution n’oblige en rien à inscrire dans la loi organique des dispositions relatives au temps global de discussion, ce « 49-3 » parlementaire, cette autocensure du Parlement.

J’en veux pour preuve éclatante le fait que les groupes de travail chargés de réfléchir sur la réforme du règlement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, n’ont, durant des semaines, nullement envisagé une telle disposition. C’est seulement avec la publication de l’avant-projet de loi organique que le débat s’est envenimé sur cette question.

La Constitution a été modifiée sur un point important : désormais, les amendements peuvent être adoptés en commission ou en séance publique. Rien n’empêche donc, selon la Constitution, des amendements en séance publique. On peut estimer que cette modification a pour but de favoriser la discussion en commission – nous ne le regrettons pas –, tout en respectant le droit constitutionnel de présentation de l’amendement, clairement affirmé par la décision du Conseil constitutionnel du 7 novembre 1990.

La question était alors de savoir si un amendement présenté en commission ne pouvait plus être défendu en séance, comme il était alors proposé au titre d’une modification du règlement du Sénat. Le Conseil constitutionnel avait alors estimé qu’une telle disposition ne respectait pas « l’exercice effectif du droit d’amendement ».

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’autorise qu’une seule chose : un amendement déposé et défendu en commission pourrait ne pas l’être en séance publique. Cette piste, qui avait été envisagée par certains, n’a pas été retenue : un amendement qui n’a pas été défendu en commission pourra tout de même l’être en séance publique.

L’article 13 du projet de loi organique est donc manifestement anticonstitutionnel puisqu’il ne respecte pas l’exercice effectif du droit d’amendement, principe qui conserve aujourd’hui toute sa valeur constitutionnelle, en ce qu’il empêcherait un amendement déposé en séance publique, et seulement en séance publique, d’être présenté.

Nous l’avons souvent entendu, le droit d’amendement de chaque parlementaire est imprescriptible et inaliénable, mais il doit également être effectif : l’amendement doit être présenté, débattu et soumis au vote, si des irrecevabilités n’ont pas été soulevées.

Deuxièmement, est-il envisageable que le règlement de l’Assemblée nationale, assemblée élue au suffrage universel direct, remette en cause le droit d’amendement en séance publique, alors que tel ne serait pas le cas au Sénat ?

Lors de son audition par la commission des lois pour préparer ce débat, le professeur Jean Gicquel a souligné, à deux reprises, l’impossibilité constitutionnelle qu’il y avait à envisager une différence entre les règlements des deux assemblées sur un point aussi crucial que celui du droit d’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Mme Josiane Mathon-Poinat. Qu’il y ait des différents sur les demandes de suspension de séance, le débat de procédure ou la demande de quorum, soit ! Mais le droit d’amendement est au fondement même de l’exercice parlementaire.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le rapporteur, c’est gentil de nous rappeler que le projet de loi organique sera transmis au Conseil constitutionnel, mais cela n’avait pas échappé à notre vigilance. Nous savons aussi que le compte rendu intégral de nos débats sera lu par les membres du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Au reste, tout ce que nous dirons pendant ces quelques jours contribuera à mettre en évidence ce qui, dans ce texte, nous paraît soulever des problèmes de constitutionnalité.

J’ai rappelé dans la discussion générale que nous avions déjà eu une discussion similaire lors de l’examen du premier projet de loi organique présenté en toute fin d’année 2008. Or bien des dispositions sur lesquelles la commission et le Gouvernement nous avaient alors répondu « Circulez, il n’y a rien à voir ! » ont été censurées.

Le Conseil constitutionnel a également émis d’importantes réserves, ce qui rendra sans doute le découpage électoral un peu plus acceptable. Vous le voyez, monsieur Gélard, nous avons tout intérêt à débattre.

Pour l’instant, nous avons encore le droit de nous exprimer, et nous allons en user. J’interviens donc en vertu de notre actuel règlement, qui dispose qu’un représentant de chaque groupe peut expliquer son vote sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Un autre de mes collègues s’exprimera sur la motion tendant à opposer la question préalable. Las, le règlement nous rendra muets sur la motion tendant au renvoi à la commission.

J’en viens aux problèmes d’ordre constitutionnel.

Je ne reprendrai pas la démonstration de Josiane Mathon-Poinat, qui a pourtant ouvert un certain nombre de pistes. Pour ma part, je veux souligner que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le droit d’amendement est individuel. Telles sont en tout cas les dispositions de l’article 44 de la Constitution, qui est supérieur à la loi organique, selon la hiérarchie des normes.

Dans une assemblée parlementaire, appartenir à un groupe n’est pas obligatoire. Le fait qu’un parlementaire siège parmi les non-inscrits ne diminue donc en rien son droit de déposer des amendements. Mais de quel temps de parole disposera-t-il ?

Ce n’est pas le souffreteux article 13 ter, …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

« Souffreteux » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… selon lequel il pourra exprimer son point de vue à l’issue du vote du dernier article du texte, qui réglera la question. Non, vraiment, c’est une plaisanterie !

Un parlementaire a le droit de présenter ses amendements. Comment peut-on l’enfermer dans un délai imparti ? À moins que cela ne signifie bien plutôt que le nombre d’amendements sera de facto limité ? Car, mes chers collègues, la simple mathématique vous oblige à conclure avec moi que, si l’on accorde « très généreusement » un quart d’heure à un sénateur non-inscrit, certes on ne limite pas formellement le nombre d’amendements qu’il peut déposer, mais on limite d’autant le temps dont il disposera pour défendre chacun de ceux qu’il aura déposés. Où est alors le respect de ce volet fondamental de la Constitution ?

Ce sénateur non-inscrit pourra donc déposer autant d’amendements qu’il le souhaitera. C’est son droit, dites-vous. Certes, et quel droit… Concrètement, en effet, il pourra en défendre quelques-uns, puis s’ensuivra un silence sépulcral, ou au contraire une forte agitation - pour ma part, je penche plutôt pour la deuxième hypothèse - et les autres amendements, certes tous déposés, monsieur le rapporteur, seront bons à mettre dans le formol !

Nous ne sommes pas une assemblée de clones ou de robots, nous avons des neurones et nous n’avons pas renoncé à penser, à comprendre, à convaincre et à être convaincus.

Nous avons tout de même le droit de penser que les positions que les uns et les autres adoptent ne leur sont pas dictées et que la force de conviction tient un rôle dans une assemblée.

Je pourrais citer de nombreux exemples de discussions dans lesquelles, bien que nous divergions au départ, nous sommes arrivés à convaincre ou à être convaincus à force de débattre. Eh bien, cela va être facile, quand nous n’aurons plus la possibilité de nous exprimer !

Voilà pourquoi l’article 13 du projet de loi organique est, pour nous, la négation de l’article 44 de la Constitution.

Ce n’est pas grave, car nous n’allons pas nous en servir, dites-vous. C’est un peu comme si quelqu’un vous braquait un fusil sur le ventre en vous disant : « N’ayez pas peur, il est chargé à blanc » !

Je n’insisterai pas davantage aujourd’hui, nous aurons ce débat mardi prochain. Mais est-ce respecter le droit d’amendement individuel que d’empêcher un parlementaire de défendre autant d’amendements qu’il le veut et donc d’en déposer autant qu’il le veut ? Pour nous, la réponse est non !

Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel tranchera et nous lirons sa décision avec grand intérêt.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 45, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je consulte le Sénat par scrutin public.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 110 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 25.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (183, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme constitutionnelle adoptée d’une très courte tête …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… par le Congrès du Parlement au mois de juillet 2008 …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… exige pour son application l’adoption de nombreuses lois organiques.

L’ordre dans lequel sont présentés au Parlement les projets de loi organique en question est loin d’être anodin.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si le premier d’entre eux a été celui portant application de l’article 25 de la Constitution, car il concernait le retour des ministres au Parlement en cas de remaniement ministériel…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas non plus un hasard si le deuxième texte qui nous est présenté est celui qui met en cause, et de manière radicale, le droit d’expression des parlementaires, en particulier le droit d’amendement, par le biais de l’article 13.

Enfin, ce n’est toujours pas un hasard si, sur les trois dispositions qui nous sont présentées aujourd’hui, la première à entrer en vigueur est celle qui concerne la réduction du droit d’amendement en séance publique.

Vous l’aurez noté, mes chers collègues, les quelques modifications qui auraient été susceptibles de revaloriser un tant soit peu le rôle du Parlement – je pense, par exemple, au référendum d’initiative partagée – devront attendre encore un peu…

Il est également singulier que le Gouvernement ait déposé le présent texte, qui concerne l’organisation des travaux du Parlement, sans attendre les conclusions des groupes de travail mis en place à l’Assemblée nationale et au Sénat pour réfléchir précisément à la réécriture du règlement de chacune des deux assemblées.

Dans ces conditions, il est difficile de croire que vous voulez vraiment renforcer le rôle du Parlement. Quel manque de respect et de considération de la part de l’exécutif pour les parlementaires que nous sommes !

Les trois dispositions concernées par le présent texte sont censées restaurer les droits du Parlement et brider l’exécutif. Or c’est précisément l’inverse qui va se produire. Car, sous couvert de deux innovations, à savoir la nouvelle procédure des résolutions parlementaires et des études d’impact – elles restent toutefois de portée très mineure et ressemblent plus à des alibis pour mieux faire passer la troisième mesure –, vous vous attaquez frontalement au droit d’amendement des parlementaires pourtant « imprescriptible », selon l’expression du président du Sénat.

Je m’explique.

En premier lieu, concernant l’article 34-1 de la Constitution, si la possibilité offerte aux parlementaires de débattre de propositions de résolution peut apparaître de prime abord comme une avancée, à y regarder de plus près, on s’aperçoit vite qu’il s’agit d’un droit formel, singulièrement pour l’opposition. En effet, les conditions de mise en œuvre de cette nouveauté sont telles que l’on peut s’interroger sur la portée qu’auront réellement les résolutions adoptées.

Le Gouvernement ne sera entendu qu’à sa propre demande et, s’il estime que ladite résolution met en cause sa responsabilité ou contient une injonction à son égard, il pourra s’y opposer. Le poids du pouvoir exécutif est, convenez-en, quelque peu excessif.

En pratique donc, le Parlement ne débattra que des propositions de résolution acceptées par le Gouvernement, c’est-à-dire les plus inoffensives, celles qui ne contrarieront pas les projets gouvernementaux. Ces résolutions ne seront alors que de simples vœux.

On le voit, avec cette disposition, il n’y a aucune revalorisation du rôle du Parlement.

Quant à l’opposition, elle est a priori complètement écartée de ce dispositif. En l’occurrence, la démocratie n’a rien à gagner.

En second lieu, s’agissant de l’article 39 de la Constitution, là aussi, nous avons quelques craintes, et c’est peu dire.

Nous ne sommes pas opposés à ce que les projets de loi soient précédés d’un exposé des motifs, voire accompagnés d’une étude impact, mais nous avons des doutes sur les intentions réelles du Gouvernement en la matière.

Comment parler de valorisation du travail parlementaire alors que les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les révisions constitutionnelles, les lois de programmation, ne sont pas soumis à cette obligation d’étude d’impact ? Nous estimons en outre que le contenu de ces études doit être précisé et élargi. En tout état de cause, il s’agit là d’une avancée très marginale.

J’en viens à présent à l’élément majeur de ce projet de loi organique – ce pour quoi tout a été fait –, à savoir la possibilité d’instaurer un temps global de discussion des textes, qui met automatiquement en cause le droit d’amendement.

Le prétexte avancé à l’envi par la droite pour justifier une telle disposition est l’obstruction parlementaire.

Pour commencer, je dirai qu’élaborer une loi est un processus long. J’ai la faiblesse de penser que le temps du débat en séance publique est important ; c’est même, me semble-t-il, un gage de qualité pour le travail législatif.

Bien sûr, ce temps du débat parlementaire n’est pas celui du Président de la République, qui confond action et agitation. Il veut aller vite, très vite. Chaque jour est l’occasion d’une annonce, d’une conférence de presse. Il passe d’un sujet à l’autre, si bien que l’opinion publique ne peut même pas se rendre compte si ces annonces sont suivies d’effet, si elles sont efficaces et pertinentes.

À chaque fait divers sa loi : rappelez-vous les animaux dangereux, les mini-motos, les récidivistes, les maladies psychiatriques, et j’en passe.

En réalité, le Parlement croule sous les projets de loi, en session ordinaire comme en session extraordinaire. Nous sommes en pleine inflation législative et vous venez nous parler d’obstruction !

Savez-vous, par exemple, que, en matière de sécurité, nous avons adopté seize lois entre 2002 et 2008 et que pas moins de cinq nouveaux projets de loi sont annoncés ? Savez-vous qu’au cours de l’année parlementaire 2007-2008 cinquante-cinq textes de loi ont été adoptés définitivement, contre quarante-six en 2006-2007 ?

Force est de constater que, compte tenu du rythme auquel nous légiférons, la plupart du temps en procédure d’urgence, nous sommes loin, très loin de l’obstruction.

Citez-moi ne serait-ce qu’un seul texte qui n’aurait pas été définitivement adopté par le Parlement en raison de l’obstruction ? Vous ne le pouvez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les seuls textes qui n’aboutissent pas sont les textes d’origine parlementaire dont le Gouvernement et sa majorité ne veulent pas.

Le véritable problème auquel nous sommes confrontés en tant que législateurs est le suivant : nous légiférons trop, toujours dans la précipitation, sans aucune étude d’impact, souvent à la suite de faits divers, sous le coup de l’émotion et dans l’urgence.

Il en résulte un empilement de textes souvent bâclés, inapplicables, voire inappliqués faute de décrets d’application. En 2007-2008, un quart seulement des dispositions réglementaires d’application des lois a été pris. Le taux d’application des lois adoptées selon la procédure d’urgence n’est que de 10 %. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Gouvernement ne publie pas les décrets.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Prouvez-le, monsieur Karoutchi !

Quelle peut être, dans ces conditions, la sécurité juridique ? Quelle lisibilité de la loi peut-on avoir ? Comment le citoyen lambda, qui est censé ne pas ignorer la loi, peut-il s’y retrouver ?

La dégradation du travail législatif va s’accentuer, demain, avec ce texte qui réduit le temps du débat, le temps d’examen des textes et le droit de les amender pour les améliorer.

La lutte contre l’obstruction n’est donc pas le vrai motif de cette réforme. Ce que vous voulez, c’est museler l’opposition parlementaire.

Ce qui vous gêne, lorsque l’opposition dépose beaucoup d’amendements sur un texte, c’est que les débats en séance publique se prolongent sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Ce qui vous gêne, c’est que ce temps soit mis à profit pour faire connaître à l’opinion publique les aspects pernicieux de tel ou tel projet de loi et que celle-ci puisse alors se mobiliser contre des réformes qu’elle juge néfastes.

C’est ce qui s’est passé avec le CPE, le contrat première embauche. L’obstruction parlementaire n’a pas empêché la mise en place du CPE, puisque le texte a finalement été adopté. C’est bien l’opinion publique qui, alertée par les débats parlementaires, s’est saisie de la question et a fait reculer le Gouvernement.

Lorsqu’ils agissent ainsi, les parlementaires de l’opposition jouent pleinement leur rôle. Reconnaissez, chers collègues, que la mobilisation de l’opposition contre un texte peut parfois vous rendre service. C’est le cas, par exemple, lorsqu’au sein même de l’UMP se manifestent des divergences sur un texte gouvernemental. Je pense ici au projet de loi sur le travail le dimanche, qui a été reporté à l’Assemblée nationale grâce à la contestation de la minorité parlementaire.

De plus, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous avez, vous aussi, usé du droit d’amendement, et c’est bien légitime : je pense notamment aux nationalisations, à l’école laïque, au PACS.

Pourquoi voulez-vous imposer un temps global, alors que la Constitution prévoit déjà des dispositions pour abréger nos débats : le recours aux ordonnances, les irrecevabilités des articles 40 et 41, le vote bloqué, la clôture de la discussion générale, l’article 49-3, sans oublier la spécificité du Sénat, mes chers collègues, à savoir la question préalable positive !

L’usage abusif de la procédure d’urgence – elle a concerné en 2007-2008 près de la moitié des projets de loi discutés par le Sénat – permet en outre à l’exécutif de gagner du temps en privant les assemblées d’une deuxième lecture.

Et, quand l’exécutif veut accélérer le processus législatif d’un texte qui n’est pas déclaré d’urgence, il demande au président de la commission saisie, lequel, en général, s’y plie, un vote conforme. N’est-ce pas précisément ce qui s’est passé l’an dernier pour la réforme constitutionnelle ?

J’ajoute que la discussion de la loi de finances pour 2008 a été la plus brève depuis plus de trente ans, sans doute à cause de la mise en place de la LOLF – la loi organique relative aux lois de finances –, dont les règles ont restreint les possibilités de déposer des amendements ; leur nombre a chuté de 25 % par rapport au précédent exercice.

On le voit, le vrai but de votre texte est non pas de lutter contre l’obstruction, mais de continuer à abréger davantage encore les débats publics, en bafouant le rôle des parlementaires, en réduisant leur droit d’amendement, en privilégiant le travail « discret » en commission au détriment de la séance publique, c’est-à-dire loin des citoyens et des journalistes, en dehors de toute transparence et de publicité des débats, bref en s’asseyant sur la démocratie…

Or la séance publique doit rester le lieu naturel du débat politique, de la confrontation des idées, de l’expression démocratique, et ce dans la plus grande transparence. C’est ce qu’attendent les citoyens de leurs parlementaires.

En réalité, cette réforme institutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy a été faite avant tout pour permettre au Président de la République de s’exprimer devant les deux assemblées réunies en Congrès et pour museler les parlementaires.

Car M. Sarkozy veut décider de tout, et tout contrôler. Ne se prend-il pas régulièrement pour le Premier ministre ? Ne fait-il pas les annonces importantes à la place des ministres ou des secrétaires d’État ? Surtout, il ne supporte pas les contre-pouvoirs.

D’où la réforme de l’audiovisuel public, qui marque le renforcement de l’emprise du Président de la République sur la télévision publique, menaçant ainsi l’autonomie de cette dernière, sans oublier les menaces sur la liberté de la presse.

D’où l’annonce de la suppression du juge d’instruction, faite par Nicolas Sarkozy en personne, pour éviter des enquêtes gênantes, ainsi que les atteintes récurrentes à l’indépendance de l’autorité judiciaire.

D’où la réforme du travail législatif, qui va accentuer le poids déjà excessif de l’exécutif par rapport au législatif et porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Deux exemples sont à cet égard très évocateurs : la présence du Gouvernement en commission et la possibilité accordée au Président de la République de s’exprimer devant les parlementaires réunis en Congrès.

Depuis l’élection du Président de la République au suffrage universel, nous assistons à une évolution de nos institutions vers une hyper-présidentialisation de notre régime, déjà renforcée par le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral.

Pour compléter le tableau du projet de société que veut Nicolas Sarkozy, il convient d’ajouter la réforme des territoires, dont le but est de supprimer certains échelons démocratiques gênants pour le pouvoir en place. Les communes, les départements, les régions sont des lieux de contre-pouvoir qu’il faut contrôler, d’autant plus qu’ils se situent majoritairement à gauche.

En résumé, le projet de loi organique tend à mettre en place un super-président, appuyé par une majorité parlementaire dévouée, dans un pays où il n’y aurait plus de contre-pouvoirs ni de contestation sociale – atteinte au droit de grève, criminalisation de l’action syndicale et militante, etc.

Pour conclure, tout ce que nous craignions à l’époque de la révision constitutionnelle est en train de se produire, toutes les critiques que nous avions formulées se vérifient aujourd’hui : bref, le scénario catastrophe est en marche !

Avec cette motion tendant à opposer la question préalable qu’au nom de mon groupe je vous demande d’adopter, mes chers collègues, vous pouvez mettre un coup d’arrêt à cette évolution dangereuse de nos institutions et à ses conséquences : un bipartisme renforcé, une hyper-présidentialisation du régime, une démocratie bafouée.

Comment espérer rétablir le lien entre les institutions et les citoyens ? Qu’en sera-t-il demain de notre pacte républicain ? Une démocratie où la parole des parlementaires est contrainte, voire interdite, mérite-t-elle encore son nom ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’un des enjeux de la révision constitutionnelle, dont la loi organique est la conséquence, est la revalorisation de la séance publique.

Je vous rappelle le constat que faisaient, le 30 janvier 1990, MM. Henri de Raincourt, Guy Allouche et Gérard Larcher dans un rapport : les parlementaires « se sentent trop souvent exclus d’une mission législative devenue trop foisonnante, de débats hermétiques de techniciens et de spécialistes, alors que la séance devrait être le lieu du choix des orientations politiques fondamentales ».

Force est de constater que, près de vingt ans plus tard, la situation n’a pas changé…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Il n’y a pas de raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

…et s’est même aggravée. La commission des lois, sous la conduite de nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, a pu observer à l’occasion de très nombreux déplacements dans les parlements des autres pays européens que le temps consacré à la procédure législative était souvent mieux maîtrisé chez nos voisins.

L’un des moyens choisis par la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier pour redynamiser la séance publique est de permettre que la discussion en séance s’engage sur le texte élaboré par la commission saisie au fond. En effet, le débat pourra porter en séance publique sur les questions de fond, puisque, a priori, les questions techniques soulevées par le texte auront été traitées dans le texte proposé par la commission.

Bien sûr, il reste une question récurrente : faut-il encadrer le temps de la discussion en séance ? La loi organique n’ouvre à cet égard qu’une simple faculté. Le Sénat ne s’orientera pas dans cette voie, comme l’a encore confirmé le président Gérard Larcher à l’ouverture de notre discussion.

La commission des lois est convaincue que nous devons organiser nos travaux législatifs dans la recherche du plus grand accord entre les groupes et dans le respect de l’autonomie de chaque assemblée, contrairement à ce que pense notre collègue Jean-Pierre Michel, d’ailleurs.

Le projet de loi organique ne fait qu’ouvrir des options que, s’agissant de l’article 13, le Sénat ne compte pas utiliser.

La commission vous propose donc de poursuivre la discussion du projet de loi organique et émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Le Gouvernement est naturellement défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Je voudrais en finir une bonne fois pour toutes avec la rumeur, qui circule à l’Assemblée nationale comme au Sénat, concernant le taux d’application des lois.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je renvoie l’ensemble des parlementaires au site internet Légifrance. Ils pourront constater qu’au 31 décembre 2008, dans un délai de six mois après la promulgation des lois, 75 % des décrets d’application ont été publiés. Pour les textes déclarés d’urgence, ce taux est même de 95 % !

Je souhaiterais que cette vaine querelle de chiffres cesse. Consultez le site officiel Légifrance et vous constaterez que nous sommes très loin des pourcentages que vous avancez.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas ce qui est écrit dans le rapport du Sénat sur l’application des lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à mettre l’accent sur deux arguments forts qui ont été développés par Mme Éliane Assassi.

Le premier m’a véritablement frappé et je pense qu’il peut nous frapper tous.

Nous sommes ici pour débattre du temps de parole global des parlementaires. Or, si nous nous tournions vers le pouvoir exécutif, nous constaterions que le Gouvernement et, plus encore, le Président de la République font un usage de la parole…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… sans précédent. Tous les jours, absolument tous les jours, …

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… de manière interminable, nous entendons la parole du Président de la République. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je le dis avec objectivité, monsieur le secrétaire d’État, monsieur Gélard, nous ne cessons d’entendre la parole du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Je vous rappelle qu’il a été élu et qu’il est dans son rôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

En plus, vous n’êtes pas obligé de l’écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous ne contestons pas au Président de la République le droit de s’exprimer ; nous demandons simplement à bénéficier de la possibilité de lui répondre dans des proportions harmonieuses et appropriées, ce dont nous sommes très loin aujourd'hui.

Tous les jours, nous entendons cette parole proliférante.

Récemment, écoutant l’entretien télévisé accordé par le Président de la République à des journalistes, j’ai véritablement sursauté en entendant sa réponse sur l’audiovisuel.

D’abord, il a affirmé qu’il n’y aurait aucun problème, puisque le président de l’audiovisuel serait nommé non pas par le Président de la République, mais par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Sauf que le conseil des ministres est présidé par le Président de la République et que c’est ce dernier qui signe le décret de nomination !

Ensuite, le Président de la République a expliqué que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, s’exprimerait, puis que les parlementaires membres des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat devraient donner leur accord à la majorité des trois cinquièmes.

Or, mes chers collègues, vous savez toutes et tous que c’est faux ! En vertu du dispositif qui a été adopté, la majorité des trois cinquièmes est requise pour s’opposer à la nomination souhaitée par le Président de la République, ce qui est totalement différent.

Devant mon poste de télévision, j’espérais que M. David Pujadas, journaliste sur une chaîne publique, ferait au moins une remarque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il n’a rien dit !

Lorsque le Président de la République s’exprime et dit que la loi est comme cela, personne ne répond, même si c’est faux ! Et la parole présidentielle se propage ainsi…

Pour ma part, je pense que c’est une caricature de démocratie. Il y a beaucoup de pays démocratiques où l’on ne verrait pas de telles pratiques.

Il en est de même quand le Président de la République parle de la TVA : cela crée un problème, mais cela ne fait rien, car le lendemain, il parlera du secteur automobile, en espérant que l’on arrêtera d’évoquer la TVA. Sauf que justement, on continuera à en débattre… Qu’à cela ne tienne, le surlendemain, il se rendra en Irak.

J’ignore ce qu’il dira ou fera demain, mais peu importe : la méthode est celle du déséquilibre systématique, la polémique de la veille étant éteinte par la nouvelle polémique du jour, et c’est cela qui pose problème.

Monsieur le secrétaire d’État, au lieu de passer nos jours et nos nuits à nous interroger sur le temps de parole des parlementaires, nous serions, me semble-t-il, mieux inspirés de réfléchir un peu à la disproportion qui existe aujourd'hui entre la parole de l’exécutif et la parole du législatif. (

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Tout cela n’a aucun rapport avec le sujet d’aujourd'hui ! C’est du verbiage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. J’en viens à mon autre argument.

M. le secrétaire d’État s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début du débat, nous vous avons toujours posé la même question, et toujours en vain. Il serait bon, à ce stade, que vous nous apportiez une réponse, faute de quoi il y aurait là, à mon sens, un argument supplémentaire très fort en faveur de l’adoption de la question préalable.

En plus, cela raccourcirait les débats, conformément sans doute au souhait de tous ceux de nos collègues qui ne sont ici présents ce soir que pour que la majorité ait la majorité !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous voulons savoir comment vous pouvez justifier le fait de limiter la possibilité pour les parlementaires de présenter des amendements, de les défendre, d’expliquer leur vote et d’entendre l’avis de la commission et du Gouvernement, possibilité qui, de notre point de vue, est consubstantielle, pour reprendre les termes du président Gérard Larcher, à l’activité parlementaire.

Il ne faut pas installer de limitations de temps artificielles, dont chacun voit qu’elles sont en contradiction avec le droit de déposer des amendements, de les défendre, d’en débattre et de les voter.

Tout le monde ici, je crois, comprend qu’il y a une contradiction. D’un côté, chaque parlementaire a le droit de déposer des amendements, d’en discuter et d’expliquer son vote. De l’autre, les articles 13, 13 bis et 13 ter fixent un contingent et chaque parlementaire devra entrer dans ce contingent. Cela ne marche pas, vous le savez tous, d’ailleurs ! Et, comme tout le monde voit cette contradiction, il y a évidemment un malaise.

Si nous voulons un débat au fond, il faut réécrire cet article 13. Or M. le rapporteur a déclaré d’emblée qu’il n’était pas question d’y toucher. Pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas qu’il y ait un deuxième débat, après celui de l’Assemblée nationale, sur les articles 13, 13 bis, 13 ter, qui doivent rester en l’état. C’est véritablement inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En quoi est-ce inacceptable ? Nous sommes libres de faire ce que nous voulons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est une question de démocratie, monsieur le rapporteur ! Nous ne pouvons accepter que certains prétendent défendre le droit d’amendement tout en l’enfermant dans des contingents n’ayant aucune raison d’être.

Pour nous, la situation est claire : nous porterons le débat au fond sur ces différents articles. Et, tant que vous n’aurez pas apporté de réponse à notre question, nous le dirons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais peut-être vous surprendre un peu.

Bien entendu, je ne voterai pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je souhaite en effet que nous puissions discuter des différents articles. Or, si cette motion était adoptée, nous n’aurions pas ce bonheur. Un tel débat m’intéresse et je ne souhaite pas en être privé. C’est pourquoi je ne voterai pas cette motion.

Pour autant, je ne dis pas que ce texte ne pose pas de problème !

Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

Je ne vous le cache pas, monsieur le secrétaire d’État, je suis embarrassé. J’aimerais vous interroger sur la disposition selon laquelle les règlements des assemblées peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance.

Dans un premier temps, je pensais que, une fois le délai global arrivé à expiration, les amendements déposés par les membres du Parlement pourraient être mis aux voix sans discussion. En d’autres termes, je pensais qu’ils pourraient être présentés, à défaut d’être discutés. Mais, à la lecture du rapport déposé par notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, je me suis aperçu que ces amendements ne seraient même pas présentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

C'est comme s’ils n’existaient pas !

Dès lors, je ne pense pas que le problème principal soit celui du temps et je ne comprends pas pourquoi, chers amis, vous vous fixez sur cette question et y revenez en permanence.

Certes, il peut être raisonnable de réduire la durée des débats. Dans nos réunions de groupe, lorsqu’un orateur s’exprime trop longuement le président de groupe l’incite à abréger. Il vaut mieux éviter de passer des jours et des nuits sur le même texte.

Non, le temps n’est pas le problème principal. Le problème principal tient au fait que des amendements vont « passer à la trappe » parce qu’un délai fixé a priori sera arrivé à expiration. Tant mieux pour les amendements qui auront déjà été présentés, tant pis pour les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous risquez d’en être victime vous-même, monsieur Fauchon !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

À mon sens, il y a là un véritable problème.

Certes, il existe le vote bloqué. Dans ce cas, on procède à un vote d’ensemble. Mais attention ! Conformément à une décision du Conseil constitutionnel, lorsque le Gouvernement décide de recourir à cette procédure, l’ensemble des amendements sont tout de même présentés, examinés et discutés, même s’il n’y a qu’un seul vote sur l’ensemble.

Par conséquent, je pense que nous sommes confrontés à une véritable difficulté et je souhaite que nous y réfléchissions.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 25, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je consulte le Sénat par scrutin public.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°46, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (183, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en application de l’article 44 du règlement du Sénat, j’ai l’honneur de défendre, au nom du groupe socialiste, une motion tendant au renvoi à la commission de ce projet de loi organique.

Mes chers collègues, malgré les explications apportées par M. le secrétaire d'État, je vais m’efforcer de vous convaincre que ce texte, mal ficelé, est dangereux et va dans le sens d’un Parlement et d’une opposition muselés.

Nous souhaitons tous un rééquilibrage de nos institutions et le renforcement des pouvoirs du Parlement pour que ce dernier redevienne influent, en remplissant le mieux possible ses missions naturelles que sont le contrôle du Gouvernement, l’amélioration de la loi et l’organisation du débat public.

La Constitution, révisée en juillet dernier, n’est pas une loi comme les autres. Elle n’appartient ni à la droite ni à la gauche. Elle appartient à chacun d’entre nous. Elle est notre loi fondamentale et régit, au-delà des partis et des alternances, le fonctionnement de notre République.

En conséquence, toute révision devrait se faire en réelle concertation avec l’opposition pour obtenir un texte consensuel. Tel n’a pas été le cas, chacun s’en souvient.

On ne peut pas dire non plus, au travers de la première lecture de ce projet de loi organique à l’Assemblée nationale, que cette concertation ait eu lieu. Il suffit de voir avec quel mépris et quelle arrogance ont été traités nos collègues députés socialistes.

Au début de l’été dernier, dans tous les médias, le Gouvernement présentait le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République comme la réforme qui allait rééquilibrer nos institutions, en renforçant les pouvoirs du Parlement, notamment ceux de l’opposition.

Or, au travers du texte que nous examinons aujourd’hui, les Français vont pouvoir se rendre compte de la supercherie et ouvrir les yeux sur les intentions initiales du Gouvernement et de sa majorité.

Ils constateront que nous étions fondés, dès l’origine, à dénoncer votre réforme constitutionnelle et son objectif annoncé, mais trompeur, de donner plus de pouvoirs au Parlement.

En effet, quelles ont été, en définitive, les avancées en faveur du Parlement, hormis quelques mesures favorables pour l’essentiel au parti majoritaire et dont la portée reste mineure au regard de ce que devrait être une grande avancée démocratique en matière de droits du Parlement ?

Nous continuons donc d’affirmer – et ce projet de loi organique confirme notre avis – que, loin de revaloriser les droits du Parlement, cette réforme a encore accentué les déséquilibres institutionnels au profit du Président de la République, en lui offrant, dans notre loi fondamentale, la possibilité nouvelle de dicter ses projets directement au Parlement et en plaçant ce dernier dans une situation de soumission institutionnelle.

Dans le prolongement des dispositions constitutionnelles adoptées en juillet dernier, et pour vous prouver les dangereuses dérives que le présent projet de loi organique tend à valider, j’aborderai succinctement les grandes mesures contenues dans les trois principaux chapitres.

Le chapitre Ier, qui regroupe les dispositions de caractère organique, précise les modalités d’application du nouvel article 34-1 de la Constitution aux termes duquel « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique ».

Que va apporter aux parlementaires ce prétendu nouveau pouvoir ?

La possibilité offerte aux parlementaires de débattre de propositions de résolution honore la fonction tribunitienne qu’ont toujours exercée les assemblées représentatives dans les régimes démocratiques.

Néanmoins, les conditions de recevabilité de l’exercice de cette fonction figurant à l’article 1er sont telles que les chances de mise en débat des propositions de résolution présentées par les groupes d’opposition sont quasi inexistantes.

Ainsi, le Premier ministre dispose d’un droit de veto sur le sort des résolutions. De plus, il peut exercer cette prérogative de façon arbitraire, car aucune obligation de motivation de la décision du Gouvernement ne s’impose.

Autre exemple, si la proposition de résolution déposée par un parlementaire doit être transmise sans délai par les présidents de l’Assemblée nationale ou du Sénat au Premier ministre, ce dernier n’est tenu à aucun délai strict pour y répondre.

L’article 2 prévoyait initialement que le président de l’assemblée concernée renvoyait les propositions de résolution à l’une des commissions permanentes et qu’il les transmettait sans délai au Premier ministre.

L’Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement visant à supprimer cette disposition. Une telle suppression, en contradiction totale avec la volonté de revaloriser le travail des commissions, est inadmissible ! Comme chacun de nous peut en attester, les débats en commission sont destinés non pas à reproduire les discussions de la séance publique, mais à améliorer le texte de la proposition de résolution et à chercher des points d’accords avec tous les groupes.

Quant à l’article 3 de ce texte, nous nous interrogeons sur la portée réelle des résolutions qui seront adoptées, sachant que le Gouvernement ne sera entendu, en l’espèce, qu’à sa propre demande et, surtout, qu’il pourra s’opposer à tout moment à l’examen d’une proposition de résolution qui, à son avis, serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou contiendrait une injonction à son égard.

Autant dire que, concrètement, nous n’aurons à connaître et à débattre que des seules propositions de résolutions agréées par le Gouvernement, ou de celles que ce dernier juge assez inoffensives pour ne pas contrarier ses propres plans ou troubler l’opinion publique.

Est-ce là œuvrer dans le sens du renforcement des pouvoirs du Parlement et, singulièrement, des pouvoirs de l’opposition ? Il est permis d’en douter. Disons même qu’il faudrait être bien naïf pour le croire !

Toujours sur cet article 3, plusieurs points mériteraient d’être approfondis en commission : pourquoi existe-t-il une inégalité de traitement entre le Gouvernement et le Parlement, l’avis du Premier ministre n’étant enfermé dans aucun délai, contrairement à l’assemblée saisie ? Pourquoi le Premier ministre n’est-il pas obligé de motiver sa décision ? Pourquoi aucun recours n’est-il possible ?

Abordons maintenant le chapitre II de ce projet de loi organique, qui rassemble les mesures visant les nouvelles dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 39 de la Constitution, c’est-à-dire les nouvelles règles régissant la présentation des projets de loi.

Accompagner le dépôt du projet de loi d’études d’impact dans le but de maîtriser l’inflation législative et d’améliorer le processus législatif est une intention tout à fait louable.

Toutefois, nous restons sceptiques quant à la réalisation des objectifs. Nombre de questions fondamentales restant en suspens mériteraient d’être étudiées plus attentivement en commission : ainsi, qui procèdera à ces évaluations ? Quelle sera leur indépendance ? Toutes les évaluations seront-elles possibles ?

L’inventaire des catégories de projets de loi pour lesquels le dépôt de documents d’évaluation n’est pas obligatoire a été amélioré par l’Assemblée nationale, mais nous ne voyons aucune raison d’exclure les projets de loi constitutionnelle.

Enfin, venons-en au chapitre III, le plus controversé de ce projet de loi, chapitre qui concerne les dispositions organiques relatives à l’application du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, à savoir les modalités d’exercice du droit d’amendement.

Que dire de ce chapitre hormis le fait qu’il apporte la preuve incontestable de la volonté du Gouvernement de museler l’opposition ?

Le droit d’amendement, droit intrinsèque à la fonction parlementaire en France, est aujourd’hui la forme principale du droit d’initiative.

L’exercice du droit d’amendement est essentiel au débat démocratique, car il permet à l’opposition de présenter ses contre-propositions, sans que cela retarde le programme de travail de la majorité. C’est un droit individuel, qui reste, dans le principe, libre et illimité. Chaque sénateur peut l’exercer en son nom propre, en sa qualité de représentant de la nation. Il représente pour l’opposition le moyen d’informer et d’alerter l’opinion.

Ce droit est néanmoins encadré par des dispositions constitutionnelles et réglementaires inspirées du « parlementarisme rationalisé ». Les plus importantes d’entre elles portent sur la recevabilité financière et sur la recevabilité législative.

Le chapitre III du projet de loi organique regroupe les dispositions prises en vertu de l’article 44 de la Constitution. Ainsi, l’article 11 dispose : « Les amendements des membres du Parlement cessent d’être recevables après le début de l’examen du texte en séance ».

On retrouve dans les règlements des assemblées des dispositions fixant un délai limite et les conditions d’irrecevabilité ou les dérogations possibles des amendements.

Une dérogation à cette règle est prévue : les règlements des assemblées peuvent fixer une date antérieure à compter de laquelle les amendements ne sont plus recevables.

Le Gouvernement peut, quant à lui, déposer des amendements à tout moment, demander un nouveau vote sur un article si un amendement est adopté contre sa volonté.

Dans le même esprit, le Gouvernement peut s’opposer à la discussion des amendements qui n’ont pas été soumis à la commission saisie au fond.

Cette arme de procédure n’est généralement pas utilisée, mais, au total, elle témoigne du déséquilibre entre, d’une part, les droits consentis aux sénateurs, notamment à ceux de l’opposition, et, d’autre part, les droits dévolus au pouvoir exécutif.

Le problème, c’est que, au lieu de proposer de rééquilibrer les droits consentis aux parlementaires au travers de ce projet de loi organique, vous accentuez le déséquilibre avec les dispositions de l’article 11 et, de manière encore plus inadmissible, avec celles de l’article 13.

En effet, dorénavant, un amendement pourra être mis aux voix sans discussion, au nom du respect des délais préalablement fixés pour l’examen d’un texte.

Si la procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance publique est votée, les amendements déposés par les membres du Parlement pourront être mis aux voix sans discussion.

Avec le présent texte, la procédure du crédit temps va tarir le débat et transformera les assemblées en chambre d’enregistrement, puisque le débat sera verrouillé à l’avance. Lorsqu’un groupe aura épuisé son temps de parole, il ne pourra plus défendre son amendement et, lorsqu’un amendement appelé ne sera pas défendu, il n’aura aucune chance d’être adopté.

La liberté de discussion parlementaire est incompatible avec le concept de forfait temps.

Le temps du Président de la République, celui des annonces quotidiennes, ne peut être celui du Parlement, qui examine, contrôle, évalue, auditionne, amende.

Pour contrer les objections de l’opposition et pour justifier vos dispositions, vous agitez l’épouvantail de l’obstruction ! Selon les responsables de la majorité, les amendements déposés par la gauche seraient responsables de « la pagaille » qui sévirait au Parlement et « risquerait de bloquer le rythme des réformes » !

Si le Président de la République regrette que les parlementaires socialistes « déposent des amendements à la brouette », il devrait, pour sa part, renoncer à faire déposer à la vitesse supersonique des projets de loi mal rédigés et incomplets !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis la prise de fonction du gouvernement de François Fillon, plus de 70 textes de loi ont été votés, hors projets relatifs à des conventions internationales.

La comparaison de ces chiffres avec ceux qui ont été enregistrés au cours des deux précédentes législatures donne une idée du rythme effréné des textes soumis au Parlement : 52 textes par an de 1997 à 2002 et une moyenne de 47 entre 2002 et 2007. Où est donc l’obstruction qui nous est reprochée ?

En revanche, on est en droit de s’interroger sur cette frénésie législative, sur son efficacité, quand on sait qu’à peine 25 % des lois votées sont mises en œuvre !

Je crois personnellement, mes chers collègues, que, pour faire une loi bonne, juste et équilibrée, il faut du temps.

De plus, contrairement aux affirmations de la majorité, les parlementaires n’abusent pas de leur droit d’amendement. Depuis 1981, seuls 30 textes sur 1 518 adoptés ont enregistré plus de 1 000 amendements.

Enfin, en proposant le vote conforme des articles 13, 13 bis et 13 ter au motif « que si la détermination de délais pour l’examen des textes en séance ne devrait pas trouver d’application au Sénat, il n’appartenait cependant pas à celui-ci de priver l’Assemblée nationale, si elle le souhaite, de la possibilité de recourir éventuellement à ces dispositions dans le cadre des garanties fixées par la loi organique », la commission des lois pose un postulat, préjuge de l’avenir sans apporter aucune garantie et clôt définitivement la discussion.

La commission des lois a pris le parti de fermer le débat au fond sur les dispositions essentielles du présent projet de loi organique, qui portent gravement atteinte au droit constitutionnel d’amendement.

En faisant ce choix, la commission des lois n’a pas permis d’éclairer suffisamment le débat sur les conséquences de la création du « temps global » sur l’exercice du droit d’amendement.

Vous le voyez, les désaccords entre l’opposition et la majorité sont profonds et justifient un débat.

La commission des lois n’a pas été au bout de sa réflexion concernant plusieurs dispositions que je viens de détailler, comme vient d’ailleurs de le souligner notre collègue Pierre Fauchon.

Aussi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter la présente demande de renvoi à la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’intervention de Mme Nicole Bonnefoy contenait un certain nombre d’éléments critiques sur le projet de loi, et, à la fin, des arguments en vue du renvoi à la commission.

Je rappelle que j’ai procédé à l’audition de tous les présidents de groupe et de commission, auditions ouvertes à tous les membres de la commission des lois.

La commission, dans son ensemble, a auditionné, ce qui est rare, cinq éminents constitutionnalistes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, quatre constitutionnalistes, c’est déjà pas mal ! D’habitude, on sollicite toujours les deux mêmes. Là, en plus, nous avons renouvelé le cheptel

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… ou plutôt l’offre !

Enfin, dans le cadre d’une audition élargie à tous les sénateurs, nous avons entendu le 4 février dernier le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, M. Roger Karoutchi, qui nous a consacré plus de deux heures …

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et qui a répondu à l’ensemble des questions, sur tous les sujets.

La commission est donc complètement éclairée sur la question du « crédit-temps », d’autant que ce dispositif a longtemps été pratiqué par les députés, non seulement sous la Ve République, mais aussi sous la IIIe République et sous la IVe République.

Ma chère collègue, un nouvel examen en commission ne me semble pas de nature à modifier l’appréciation que l’on peut faire de ce dispositif.

À mon grand regret, j’émets donc un avis défavorable sur cette motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 46, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la séance du jeudi 12 février 2009, à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 207, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Avant-projet de budget rectificatif n° 2 au budget général 2009 État des dépenses par section Section III Commission.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4243 Annexe 2 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter au nom de la Communauté européenne, en ce qui concerne les propositions de modification des annexes A, B et C de la convention de Stockholm, lors de la quatrième conférence des parties (4-8 mai 2009).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4263 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4264 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’ai reçu de MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur les conditions financières et industrielles de mise en œuvre du programme A400 M.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 205 et distribué.

J’ai reçu de Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux un rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur l’amélioration des dispositifs de contrôle et d’audit internes du réseau des caisses d’allocations familiales et la mise en place du répertoire national des bénéficiaires.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 206 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 11 février 2009 :

À dix heures trente :

1. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Suite de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille (31, 2008-2009).

Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (161, 2008 2009).

3. Proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées, présentée par Mme Bariza Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (176, 2008 2009).

Rapport de M. Charles Gautier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (197, 2008-2009).

4. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (146, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Claude Etienne, fait au nom de la commission des affaires culturelles (198, 2008-2009).

Avis de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (199, 2008 2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 11 février 2009, à zéro heure cinq.