Ce n’est pas non plus un hasard si le deuxième texte qui nous est présenté est celui qui met en cause, et de manière radicale, le droit d’expression des parlementaires, en particulier le droit d’amendement, par le biais de l’article 13.
Enfin, ce n’est toujours pas un hasard si, sur les trois dispositions qui nous sont présentées aujourd’hui, la première à entrer en vigueur est celle qui concerne la réduction du droit d’amendement en séance publique.
Vous l’aurez noté, mes chers collègues, les quelques modifications qui auraient été susceptibles de revaloriser un tant soit peu le rôle du Parlement – je pense, par exemple, au référendum d’initiative partagée – devront attendre encore un peu…
Il est également singulier que le Gouvernement ait déposé le présent texte, qui concerne l’organisation des travaux du Parlement, sans attendre les conclusions des groupes de travail mis en place à l’Assemblée nationale et au Sénat pour réfléchir précisément à la réécriture du règlement de chacune des deux assemblées.
Dans ces conditions, il est difficile de croire que vous voulez vraiment renforcer le rôle du Parlement. Quel manque de respect et de considération de la part de l’exécutif pour les parlementaires que nous sommes !
Les trois dispositions concernées par le présent texte sont censées restaurer les droits du Parlement et brider l’exécutif. Or c’est précisément l’inverse qui va se produire. Car, sous couvert de deux innovations, à savoir la nouvelle procédure des résolutions parlementaires et des études d’impact – elles restent toutefois de portée très mineure et ressemblent plus à des alibis pour mieux faire passer la troisième mesure –, vous vous attaquez frontalement au droit d’amendement des parlementaires pourtant « imprescriptible », selon l’expression du président du Sénat.
Je m’explique.
En premier lieu, concernant l’article 34-1 de la Constitution, si la possibilité offerte aux parlementaires de débattre de propositions de résolution peut apparaître de prime abord comme une avancée, à y regarder de plus près, on s’aperçoit vite qu’il s’agit d’un droit formel, singulièrement pour l’opposition. En effet, les conditions de mise en œuvre de cette nouveauté sont telles que l’on peut s’interroger sur la portée qu’auront réellement les résolutions adoptées.
Le Gouvernement ne sera entendu qu’à sa propre demande et, s’il estime que ladite résolution met en cause sa responsabilité ou contient une injonction à son égard, il pourra s’y opposer. Le poids du pouvoir exécutif est, convenez-en, quelque peu excessif.
En pratique donc, le Parlement ne débattra que des propositions de résolution acceptées par le Gouvernement, c’est-à-dire les plus inoffensives, celles qui ne contrarieront pas les projets gouvernementaux. Ces résolutions ne seront alors que de simples vœux.
On le voit, avec cette disposition, il n’y a aucune revalorisation du rôle du Parlement.
Quant à l’opposition, elle est a priori complètement écartée de ce dispositif. En l’occurrence, la démocratie n’a rien à gagner.
En second lieu, s’agissant de l’article 39 de la Constitution, là aussi, nous avons quelques craintes, et c’est peu dire.
Nous ne sommes pas opposés à ce que les projets de loi soient précédés d’un exposé des motifs, voire accompagnés d’une étude impact, mais nous avons des doutes sur les intentions réelles du Gouvernement en la matière.
Comment parler de valorisation du travail parlementaire alors que les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les révisions constitutionnelles, les lois de programmation, ne sont pas soumis à cette obligation d’étude d’impact ? Nous estimons en outre que le contenu de ces études doit être précisé et élargi. En tout état de cause, il s’agit là d’une avancée très marginale.
J’en viens à présent à l’élément majeur de ce projet de loi organique – ce pour quoi tout a été fait –, à savoir la possibilité d’instaurer un temps global de discussion des textes, qui met automatiquement en cause le droit d’amendement.
Le prétexte avancé à l’envi par la droite pour justifier une telle disposition est l’obstruction parlementaire.
Pour commencer, je dirai qu’élaborer une loi est un processus long. J’ai la faiblesse de penser que le temps du débat en séance publique est important ; c’est même, me semble-t-il, un gage de qualité pour le travail législatif.
Bien sûr, ce temps du débat parlementaire n’est pas celui du Président de la République, qui confond action et agitation. Il veut aller vite, très vite. Chaque jour est l’occasion d’une annonce, d’une conférence de presse. Il passe d’un sujet à l’autre, si bien que l’opinion publique ne peut même pas se rendre compte si ces annonces sont suivies d’effet, si elles sont efficaces et pertinentes.
À chaque fait divers sa loi : rappelez-vous les animaux dangereux, les mini-motos, les récidivistes, les maladies psychiatriques, et j’en passe.
En réalité, le Parlement croule sous les projets de loi, en session ordinaire comme en session extraordinaire. Nous sommes en pleine inflation législative et vous venez nous parler d’obstruction !
Savez-vous, par exemple, que, en matière de sécurité, nous avons adopté seize lois entre 2002 et 2008 et que pas moins de cinq nouveaux projets de loi sont annoncés ? Savez-vous qu’au cours de l’année parlementaire 2007-2008 cinquante-cinq textes de loi ont été adoptés définitivement, contre quarante-six en 2006-2007 ?
Force est de constater que, compte tenu du rythme auquel nous légiférons, la plupart du temps en procédure d’urgence, nous sommes loin, très loin de l’obstruction.
Citez-moi ne serait-ce qu’un seul texte qui n’aurait pas été définitivement adopté par le Parlement en raison de l’obstruction ? Vous ne le pouvez pas !