Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 5 décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai, pour ma part, la question de l'enseignement professionnel, en mettant l'accent sur sa nécessaire revalorisation.

Les filières professionnelles restent, en effet, prisonnières de l'image surannée qui prévaut encore dans les mentalités collectives. Pourtant, cette image n'a plus rien à voir avec la réalité ; les lycées professionnels ne sont pas ces LEP que certains qualifiaient de « parkings à chômeurs » voilà encore vingt ans. Ce sont des établissements modernes, dotés d'équipements de pointe. Les enseignements qui y sont délivrés sont de grande qualité et permettent aux élèves d'espérer une bonne insertion professionnelle, voire de poursuivre des études supérieures avec de bonnes chances de réussite, s'ils sont bien orientés.

Le taux de réussite à la licence des bacheliers professionnels est à peu près le même que celui des titulaires d'un bac technologique. Ce point mérite d'être souligné ; il démontre, à lui seul, que l'enseignement professionnel n'a pas pour seule vocation l'insertion à court terme, mais permet également la poursuite d'études. C'est essentiel dans un contexte où l'élévation du niveau de qualification de la population reste une exigence majeure pour faire face aux évolutions technologiques.

Le développement de l'enseignement professionnel peut permettre de répondre à cette exigence. Mais il faut, pour cela, transformer les mentalités et en finir avec certaines habitudes. L'orientation vers les filières professionnelles ne doit plus être proposée qu'aux seuls élèves en difficulté, jugés incapables de poursuivre leurs études dans l'enseignement général.

Pour cela, il faut que la scolarité au collège ne soit plus organisée autour de la seule perspective de poursuivre des études en lycée général ou technologique. Les filières professionnelles doivent donc apparaître à tout élève comme un choix digne d'intérêt. La création des parcours de découverte des métiers et des formations à destination de tous les élèves apparaît, de ce point de vue, comme une première étape à saluer.

Il faudra aussi des moyens, notamment en personnels qualifiés et formés, pour assurer ces nouvelles missions d'information et d'orientation.

Pourtant, les réductions de postes de conseillers d'orientation psychologues se poursuivent, alors même que ces derniers sont recrutés pour assurer ces missions. Ce choix me paraît difficilement compréhensible. Si les professeurs connaissent les filières, ils ne sont pas particulièrement qualifiés pour parler des métiers et du monde professionnel. Ce n'est tout simplement pas leur fonction.

Au-delà de la question, essentielle, de l'orientation, il reste bien des choses à faire pour revaloriser l'enseignement professionnel. Je pense, notamment, au manque de perspective de carrière des professeurs de lycée professionnel et des contractuels, naturellement nombreux dans ces établissements.

L'offre de diplômes et de formations doit également être rénovée. Vous prévoyez, monsieur le ministre, de faire progresser très rapidement le baccalauréat professionnel en trois ans. Cela peut avoir un sens dans certaines filières, où le BEP et le CAP ne suffisent plus à garantir une insertion rapide, comme dans le secteur des métiers de la comptabilité. Mais il en est d'autres où le BEP et le CAP jouent encore un rôle majeur. Pourquoi, dès lors, mettre en péril leur existence ?

Par ailleurs, dans une voie qui assure encore très souvent une mission de remédiation particulièrement affirmée, ces diplômes constituent bien souvent la première étape d'un parcours de reprise de confiance pour des élèves qui avaient justement perdu toute confiance en eux-mêmes, comme dans le système scolaire.

Je m'interroge donc sur ce choix. Les syndicats d'enseignants, eux, s'en inquiètent à tel point qu'en début de semaine ils vous ont demandé de les recevoir en urgence.

De plus, je souhaite attirer votre intention sur le fait que les premières expérimentations menées montrent que les élèves qui arrêtent leur scolarité durant la préparation d'un baccalauréat en trois ans restent nombreux et qu'ils sortent alors de l'école sans aucune qualification. Aussi, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans me paraît prématurée, puisque aucune certification intermédiaire n'a encore été prévue.

Tous ces éléments peuvent faire craindre qu'une stratégie globale de revalorisation de l'enseignement professionnel ne fasse encore défaut.

Une telle stratégie passe également par une bonne gestion des moyens. Or, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, vous avez été dans l'incapacité d'évaluer l'impact des suppressions d'emplois sur l'enseignement professionnel. Je regrette également le manque de lisibilité des évolutions constatées dans le programme « Enseignement scolaire public du second degré », notamment pour l'apprentissage, la formation continue et la validation des acquis de l'expérience.

À ce titre, il importe de rappeler que, quelles que soient les marges de manoeuvre laissées en exécution, le budget voté par le Parlement n'a pas valeur de blanc-seing et que l'obligation de justification au premier euro s'impose au stade de l'autorisation parlementaire. Des efforts très significatifs sont donc nécessaires, afin de redonner de la clarté à la présentation d'un programme qui représente, à lui seul, plus de 28 milliards d'euros.

Compte tenu de ces observations, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008, pour lesquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable.

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