Vous nous parlez de « qualitatif ». Je vois surtout, pour ma part, du quantitatif. Et encore, en baisse !
Selon vous, les 11 200 suppressions de postes ne seraient qu'une goutte d'eau au regard des 1 2000 000 enseignants ; on pourrait faire mieux en donnant moins, et le problème se limiterait à une « rationalisation de l'offre pédagogique ».
Je rappelle que, depuis 2003, 35 000 postes ont été supprimés dans l'éducation nationale, et tous les éducateurs soulignent le manque d'encadrement par des adultes.
Avec ce projet de budget pour 2008, les collèges et les lycées paient un lourd tribut, puisqu'ils connaissent une diminution de 6 700 emplois. Quant à l'annonce d'une augmentation de 700 postes dans le premier degré, elle ne correspond en fait, si l'on y regarde de plus près, qu'à un solde de 310 emplois, compte tenu de la baisse de 670 postes proposés au concours.
En réalité, nous nous trouvons dans une situation de sous-recrutement, qui a posé des difficultés à la rentrée de 2007, à tel point que le recours aux listes complémentaires a été quatre fois plus important qu'en 2006. L'académie d'Amiens a même dû convoquer à nouveau le jury, la liste complémentaire étant épuisée.
Les personnels administratifs ne sont pas mieux lotis puisqu'ils connaissent une baisse de 1 000 emplois, chiffre qui s'additionne aux 2 000 emplois déjà supprimés au cours des cinq dernières années.
À toutes ces mesures, il faut ajouter les effets négatifs liés à la notion de plafond d'emplois qui, articulée au principe de la fongibilité asymétrique, conduit à ne pas recourir forcément à l'intégralité des effectifs budgétés et joue, au final, le rôle négatif de compresseur d'effectifs.
La même logique du « moins » est en jeu pour tous les crédits pédagogiques. On peut même parler de chute libre en préélémentaire. Après le recul net de la scolarisation dès l'âge de deux ans, c'est maintenant l'école maternelle qui est sur la sellette : l'absence d'indicateur de performance sur le sujet en dit long sur vos priorités.
Il serait grave de considérer la maternelle comme une variable d'ajustement budgétaire. Ces premières années sont en effet importantes pour la socialisation et pour l'acquisition du langage et des codes, gages d'insertion et de réussite en primaire.
La même logique s'applique également aux dépenses de formation, qui diminuent dans le premier et le second degré.
Quelle contradiction avec la nécessité de construire une école qui s'attaque aux sources de l'échec !
Cette école-là a besoin de personnels disposant d'acquis disciplinaires et de compétences professionnelles remises à jour pour tenir compte des acquis de la recherche pédagogique.
Aux enseignants qui demandent à travailler mieux et autrement, vous répondez par la généralisation des heures supplémentaires ! Or l'engagement, particulièrement remarquable, du corps enseignant ne s'arrête pas à la salle de classe. Il se traduit aussi par le déploiement bénévole de conseils et d'actions auprès des élèves. C'est ce qui caractérise la culture du service public de l'éducation, culture que le dispositif des heures supplémentaires, institutionnalisées comme un mode de gestion, risque de briser.
En ne répondant pas au défi fondamental d'acquisition et d'élévation des connaissances et des qualifications pour tous, ce budget ne permet ni de préparer l'avenir ni de s'attaquer aux inégalités.
Les nouvelles mesures que vous présentez - quinze jours de stage de remise à niveau et deux heures de soutien après la classe - se situent dans la même logique que les dispositifs précédents. Il s'agit d'externaliser les causes et le traitement de l'échec pour colmater les brèches plutôt que de s'attaquer vraiment au problème.
La gravité de la situation, le gâchis engendré et les menaces qui pèsent sur l'avenir ne doivent pas nous échapper. Chaque année, près de 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans aucune formation.
L'explosion des savoirs et la révolution de l'information ouvrent des perspectives radicalement nouvelles pour le développement des aptitudes humaines et la progression de l'humanité. Les métiers s'intellectualisent et requièrent toujours plus de qualifications.