Intervention de David Assouline

Réunion du 5 décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons-nous que l'une des propositions du candidat Sarkozy, en matière d'école, consistait à « créer des études dirigées dans tous les établissements pour que les enfants dont les parents le souhaitent puissent faire leurs devoirs à l'école avec l'aide d'une personne compétente ». Lors du débat de l'entre-deux tours avec sa concurrente, M. Sarkozy est même allé jusqu'à reprendre la proposition encore plus précise de Ségolène Royal, qui prônait un soutien scolaire individualisé.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, vous avez présenté le lancement du dispositif d'accompagnement éducatif hors temps scolaire dans les collèges de l'éducation prioritaire comme un « objectif gouvernemental fort » et l'un des faits marquants de la première rentrée scolaire du quinquennat.

Or la réalité est bien éloignée des promesses du chef de l'État, comme le montre l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Précisons, tout d'abord, que l'accompagnement éducatif consiste à offrir aux collégiens volontaires, après la classe et pendant quatre jours par semaine, deux heures d'encadrement pédagogique consacrées soit à l'aide aux devoirs et aux leçons, soit à la pratique culturelle et artistique, soit aux activités sportives. Le dispositif n'est pas individualisé.

Finalement, cette mesure vise à satisfaire non pas une promesse du candidat Sarkozy, mais trois à la fois ! II me semble que les professeurs d'arts plastiques et les enseignants d'éducation physique et sportive, ou EPS, seront ravis de découvrir ces louables intentions, eux qui, depuis 2002, voient leurs disciplines, qui ne sont pas extérieures au temps scolaire, de plus en plus marginalisées dans les programmes, tandis que les décharges horaires dont ils bénéficiaient pour s'investir dans les associations sportives de leurs établissements disparaissent.

La modification récente du décret du 25 mai 1950 portant fixation des maximums de service des professeurs et des maîtres d'EPS a ainsi entraîné la suppression de plusieurs centaines d'emplois à temps plein mis à la disposition des associations sportives.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, que signifie pour ces enseignants la décision de déléguer à des associations l'animation des temps d'accompagnement éducatif consacrés aux pratiques culturelles et sportives ? À leur place, ne sentiriez-vous pas votre travail bafoué, votre engagement pédagogique dévalorisé, vos compétences niées ?

En tout état de cause, nous devons nous interroger sur les intentions gouvernementales qui sont éventuellement cachées derrière les modalités de mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif quant au devenir de l'EPS et de l'éducation artistique à l'école.

S'agit-il de sortir l'apprentissage de ces disciplines des cursus et des programmes de l'enseignement des collèges, au profit de temps d'animation confiés à des organismes extérieurs ? Nous avons déjà posé cette question quand nous avons débattu du tronc commun d'enseignement.

Cette tendance à marginaliser dans le temps proprement scolaire des disciplines qui sont pourtant essentielles à l'apprentissage de la vie en société, en les transformant en quasi-garderies, au nom de la priorité donnée à l'acquisition des savoirs fondamentaux, est d'autant plus inquiétante que le budget du ministère de la culture est marqué par des coupes sévères dans les crédits finançant les actions en faveur de l'accès à la culture, crédits qui baisseront de près de 20 %, à périmètre constant, entre 2007 et 2008.

S'ils ne concernent que quelques dizaines de millions d'euros, ces arbitrages sont révélateurs des priorités politiques de la majorité présidentielle : d'un côté, on creuse le déficit budgétaire en accordant des baisses d'impôts économiquement inefficaces aux catégories les plus aisées de la population ; de l'autre, on fait peser l'effort de maîtrise des dépenses publiques sur les actions d'éducation et de sensibilisation de tous à la culture.

En outre, en termes de conception, de réalisation et d'évaluation d'une politique publique, la mise en oeuvre du dispositif d'accompagnement éducatif présente de nombreuses lacunes.

Observons, tout d'abord, que le dispositif dont vous proposez l'extension dans votre budget a été conçu sans évaluation préalable de la réalité des besoins, qui ne sauraient être les mêmes dans tous les collèges du pays. Vous me répondrez, monsieur le ministre, que vous avez choisi de commencer à mettre en place ce dispositif en novembre dernier, là où sa nécessité se faisait a priori la plus pressante, c'est-à-dire dans les établissements de l'éducation prioritaire.

Pouvez-vous alors dresser un premier bilan de l'application de cette mesure ? Je ne réclame pas une évaluation exhaustive, car c'est encore trop tôt, mais les premières remontées d'informations répondent-elles à vos objectifs ?

Au fait, de quels objectifs parle-t-on ? Demander à un seul dispositif de politique publique de « courir trois lièvres à la fois » - l'aide aux devoirs, l'éducation artistique, la pratique du sport -, c'est généralement le meilleur moyen de les laisser filer tous les trois. Le risque est d'autant plus grand que le système actuel a été construit par assemblage de pièces anciennes.

En l'occurrence, l'un de vos prédécesseurs, aujourd'hui Premier ministre, lorsqu'il essayait, au printemps 2005, de répondre - déjà ! - à l'inquiétude des jeunes, avait annoncé la création de 1 500 emplois d'assistants pédagogiques, recrutés sous le régime précaire des assistants d'éducation, afin d'apporter un soutien aux élèves en difficulté. Or que découvre-t-on aujourd'hui ? Le recrutement projeté de 6 000 de ces mêmes assistants pédagogiques, dont 5 000 seraient engagés à la rentrée 2008-2009, pour assurer le volet « aide aux devoirs et aux leçons » de l'accompagnement éducatif !

Ainsi, monsieur le ministre, et sans mettre en cause le moins du monde votre bonne volonté, je suis bien obligé de dire qu'en matière d'accompagnement éducatif on se contente, une nouvelle fois, de substituer une mesure à une autre.

L'éparpillement des dispositifs dont votre ministère est coutumier se poursuit donc, au mépris de toute cohérence de politique publique et au détriment de la continuité de l'action pédagogique des enseignants.

À votre décharge, il faut noter que le lancement de ce dispositif, pendant l'année scolaire 2007-2008, puis son extension, dans la perspective de la rentrée 2008-2009, s'inscrivent dans un cadre budgétaire extrêmement contraint pour l'éducation nationale.

Le budget global alloué à l'enseignement scolaire est ainsi en baisse de 1, 2 %, en euros constants, par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2007, alors même que le nombre d'élèves du second degré public stagne, voire augmente légèrement en premier cycle, et que tout le monde s'accorde sur la nécessité d'accorder une priorité marquée à l'éducation.

Les crédits alloués à l'action « Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives et de recherche », qui financent, notamment, les associations apportant un soutien à la politique éducative, atteignent à peine leur niveau de 2006, puisqu'ils s'élèveront à 411, 69 millions d'euros en 2008, contre 413, 55 millions d'euros en 2006, après un étiage à 366, 67 millions d'euros en 2007.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment seront financées les interventions des associations dans le cadre de l'accompagnement éducatif ?

En fait, les enseignants des collèges, qui voient nombre de leurs collègues partir en retraite sans être remplacés, seront mobilisés pour ce dispositif par le biais d'heures supplémentaires, l'éducation nationale apportant par là sa contribution à la théologie présidentielle du « travailler plus pour gagner plus » !

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