Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 5 décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Enseignement scolaire

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

Messieurs les ministres, l'éducation nationale, à la Réunion comme dans les quatre départements d'outre-mer, a réussi à faire avancer le progrès social et le progrès économique.

En soixante et un an, grâce au dévouement des personnels enseignants, grâce à l'effort de l'État, qui a équipé collèges, écoles primaires, lycées, lycées professionnels, nous avons vu le nombre d'illettrés diminuer progressivement et des jeunes accéder à la dignité par le travail.

Je suis monté à cette tribune pour vous exposer, en tant qu'élu et militant de l'éducation nationale, ma conception de l'avenir. Bien sûr, en six minutes, je ne vous présenterai pas une doctrine complète. Je vous ferai néanmoins trois propositions.

Dans les classes primaires des départements d'outre-mer, nous rencontrons les mêmes difficultés qu'en métropole, accrues par la nécessaire transition entre le créole et le français, accrues par notre passé colonial, qui n'est pas encore très loin, accrues par le fait que, d'un point de vue sociologique, nos départements sont encore pauvres. Mais c'est vrai aussi de vos banlieues de métropole, de vos quartiers déshérités, qui rassemblent parfois plus de 200 nationalités.

Première proposition : nous devons enterrer le moule unique. À traiter de la même façon des enfants qui sont dans des situations sociologiques ou ethnoculturelles différentes, on finit par laisser sur le bord du chemin, à la fin du cycle primaire, 30 % des jeunes dans les DOM et 20 % en métropole. Je plaide donc, du haut de cette tribune, pour un accompagnement scolaire généralisé, adapté au contexte socioculturel, au handicap que vivent les jeunes dans leurs quartiers.

Je veux également vous parler du collège. Le collège « ambition réussite » que vous avez mis en place dans les ZEP, dans les quartiers difficiles, est en train de porter ses fruits.

Je voulais vous demander - et ce sera ma deuxième proposition - si, dans le cadre de la loi de décentralisation, il ne serait pas possible, dans les départements qui le souhaitent et dans les établissements volontaires - l'article 73 de la Constitution nous le permet à la Réunion - d'expérimenter le collège de la vocation, c'est-à-dire le collègue à plusieurs sections, et d'en finir avec le collège à tronc unique ?

Dans le collège de la vocation, dès la quatrième, le professeur principal, les parents d'élève et le jeune peuvent, à l'issue d'un entretien, décider de la vocation de l'enfant en fonction de sa motivation, opter pour un cursus d'enseignement différent.

J'ai été très attentif aux propos de M. Mélenchon. En métropole, et par voie de conséquence dans les DOM, l'apprentissage, l'enseignement technique sont dévalorisés parce que l'orientation vers l'enseignement technique ou vers l'apprentissage est considérée comme la sanction d'un échec.

Or l'orientation vers l'enseignement technique ou l'apprentissage n'est pas synonyme d'échec si elle n'est pas subie, si elle est voulue par le professeur principal, par les parents, par le jeune et si elle commence dès la quatrième ou la troisième.

Monsieur le ministre, la réforme Haby n'est plus adaptée au contexte sociologique et économique de notre pays. Il faut marquer de votre empreinte une réforme d'un collège à plusieurs sections : enseignement général, enseignement technique, apprentissage.

Troisième proposition : il est nécessaire d'enseigner l'orientation dans les collèges et dans les lycées.

Une des raisons fréquentes de l'échec des enfants, en tout cas de leur moindre motivation, est qu'ils ne savent pas à quoi sert l'école. Pourquoi faire un effort, disent-ils, mes parents sont chômeurs, moi, je toucherai le RMI ?

Dans la ville de Saint-André, à titre expérimental, nous avons commencé à enseigner l'orientation avec l'accord des principaux et des proviseurs de lycées. Cela peut se faire sans loi ni décret. Et croyez-moi, cela marche du feu de Dieu ! Les élèves viennent écouter les chefs d'entreprises, ils discutent avec eux, ils sont attentifs lorsqu'on leur explique en quoi consiste le métier de boucher, de boulanger, de médecin, d'avocat, d'ingénieur. Et ils se disent alors que l'école sert à quelque chose.

Quand vous autoriserez les collèges qui le souhaitent à consacrer deux heures par semaine à l'enseignement de l'orientation, vous motiverez les élèves et ferez de cette motivation un vecteur de réussite scolaire. Vous verrez alors des enfants qui allaient à l'école avec souffrance y aller avec joie.

Telles sont donc les trois propositions que j'avais à vous faire, monsieur le ministre, propositions modestes, certes, mais qui pourraient avoir de grandes conséquences.

Il s'agit d'abord de consacrer un effort budgétaire important pour « limiter la casse » dans le primaire - actuellement, 30 % des élèves y sont en échec, ce qui, ultérieurement, représentera une charge pour la société. Il s'agit ensuite d'autoriser, au nom de l'expérimentation, les collèges qui le souhaitent à mettre en place les collèges à trois sections : vocation enseignement général, vocation enseignement général et apprentissage, vocation enseignement général et enseignement technique, de façon que l'enseignement technique et l'apprentissage n'apparaissent plus comme la sanction d'un échec mais comme le point de départ d'une réussite. Il s'agit enfin de permettre aux chefs d'établissement qui le souhaitent d'enseigner l'orientation dès la classe de sixième pour motiver les enfants, pour leur ouvrir les portes de la société, pour qu'ils sachent à quoi sert l'enseignement. Alors, vous verrez ceux qui aujourd'hui vont à l'école un peu blasés y aller avec l'envie de réussir et de trouver leur place dans la société.

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