Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 5 décembre 2007 à 15h30
Loi de finances pour 2008 — Sécurité

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Malgré l'important arsenal législatif mis en place depuis 2002, malgré les limites évidentes de toutes les lois modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, malgré l'échec patent de cette politique répressive, demain, nous devrons encore légiférer sur la rétention de sûreté, comme si l'enfermement à vie était la solution !

Admettez-le, madame la ministre : pas plus que vos prédécesseurs, vous n'avez réussi à prévenir la délinquance et la récidive, à lutter efficacement contre l'insécurité, encore moins à rétablir l'égalité républicaine sur l'ensemble de notre territoire.

Pourtant, au sortir de l'automne 2005, tout le monde était d'accord - jusque dans les rangs de l'UMP - pour remettre sur les rails la police de proximité. Souvenons-nous du rapport sénatorial qui a été élaboré à la suite des émeutes de 2005 : lui aussi préconisait la réactivation de cette police. Vous-même, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité d'une police localisée ou territorialisée ; peu importe le nom qu'on lui donne, l'important étant les missions qu'on lui attribue.

Or que constatons-nous deux ans plus tard ? On n'a toujours pas mis en place une police plus proche des habitants, on n'a toujours pas permis de retisser les liens de confiance entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Au contraire, tout est fait pour que ces quartiers deviennent les angles morts de notre société.

On est toujours dans cette confrontation entre le monde policier et les jeunes, voire la population des quartiers populaires. Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen, car, soulignons-le, la police est un service public essentiel, qui garantit la liberté de chaque citoyen.

À cet égard, je voudrais vous faire part de ma profonde indignation face à la prime de quelques milliers d'euros offerte par la police en contrepartie de témoignages recueillis après les événements de Villiers-le-Bel. Le témoignage sous X existe dans notre droit depuis 2002, mais sans rémunération. Chacun sait qu'il peut s'adresser à la police. Ce n'est donc pas la peine d'en rajouter en instituant cette prime à la délation à la mode américaine, au risque de mettre de l'huile sur un feu à peine éteint et d'entraîner des débordements ou encore des témoignages « bidons ».

Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion. En outre, il convient de veiller à l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques, et ce dans l'intérêt des citoyens comme des policiers.

Ce n'est pas dans cette voie que vous vous dirigez avec votre projet de création de compagnies zonales de sécurisation. Polyvalentes, constituées pour partie d'effectifs redéployés venant des CRS, ces compagnies pourraient, nous dit-on, être rapidement disponibles là où leur présence est requise et intervenir en matière de lutte contre les violences urbaines. Je ne vois pas où est la nouveauté en la matière, encore moins quel en est l'intérêt !

J'ajoute, madame la ministre, que vos solutions, telles que la vidéosurveillance ou les drones survolant les sites sensibles, ne sauraient remplacer la présence humaine sur le terrain. Vous envisagez ainsi de tripler le nombre de caméras sur la voie publique. La vidéosurveillance, ou « vidéoprotection », comme vous la nommez pudiquement à présent, sert essentiellement à la résolution des affaires, permettant ainsi de faire évoluer le taux d'élucidation.

Or il me semble qu'il aurait été utile, avant de déployer autant de caméras, de procéder à une évaluation de ces systèmes de vidéosurveillance afin de prouver leur éventuelle efficacité !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion