Séance en hémicycle du 5 décembre 2007 à 15h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • délinquance
  • gendarmerie
  • gendarmes
  • policier

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la mission d'information commune sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

La liste des membres de cette mission, désignés à partir des propositions des groupes politiques pour les commissions des affaires sociales et des finances, a été affichée.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, sont déclarés membres de la mission d'information commune : MM. Jean-Paul Amoudry, François Autain, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Auguste Cazalet, Bernard Cazeau, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Eric Doligé, Mme Bernadette Dupont, MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Charles Guené, Claude Haut, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc, Philippe Marini, Michel Mercier, Alain Milon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Georges Mouly, Henri de Raincourt, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, MM. François Trucy et Alain Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité » et l'article 48 octies.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaite tout d'abord souligner que la mission « Sécurité » constitue, depuis la mise en oeuvre de la LOLF, l'un des exemples les plus aboutis de travail interministériel.

La création des groupes d'intervention régionaux, les GIR, composés à parité de policiers et de gendarmes, constitue probablement l'une des réussites les plus probantes sur le terrain.

Du point de vue logistique, la mise en commun de moyens se concrétise, elle aussi, de plus en plus fréquemment, par des soutiens croisés entre la police et la gendarmerie, ainsi que par la passation de marchés publics communs pour la réalisation de divers équipements.

Les progrès sur la voie de l'interministériel sont réalisés non pas au détriment des identités respectives des deux forces, mais dans le respect de leurs spécificités.

La mission « Sécurité » est dotée de 15, 9 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1, 8 % par rapport à l'exercice précédent. Les dépenses en personnel en constituent l'essentiel, avec 13, 4 milliards d'euros, soit 84, 6 % de l'ensemble des crédits de paiement.

Je tiens cependant à rappeler que les moyens supplémentaires ne constituent pas une fin en soi. Ils ne se conçoivent que dans un souci de performance et d'efficacité.

La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, constitue certainement le premier objectif de la mission. De ce point de vue, on observe, en 2007, un recul de la délinquance, compris entre 1 % et 2 %, en zone police comme en zone gendarmerie. Au total, le nombre de crimes et délits constatés est passé de 3 775 838 en 2005 à 3 725 588 en 2006, soit une baisse de 50 250 faits constatés.

Parallèlement, le taux d'élucidation global a enregistré une progression sensible en 2006, pour atteindre 31, 6 % en zone police et 41, 4 % en zone gendarmerie.

Les tout récents épisodes de violences urbaines, à Villiers-le-Bel, viennent toutefois rappeler l'importance d'une réflexion pragmatique sur la police de proximité.

Longtemps moins efficace, car s'en tenant à une vision trop dogmatique, la police a dû s'adapter et répondre au plus près aux attentes des populations et des élus, au premier rang desquels les maires.

Appuyons-nous sur les faits pour évaluer la police de proximité. L'expérience a démontré que la police ne peut ni se confondre avec l'animation sociale ni se réduire à un îlotage statique trop passif, comme ce fut le cas jusqu'en 2002.

Je souligne, cette année encore, le coût en personnel des escortes et des gardes de détenus par la police et la gendarmerie : ces opérations doivent être soit assurées par l'administration pénitentiaire, soit facturées à cette dernière.

Je veux insister sur la dimension internationale - par le biais du service de coopération technique internationale de police, le SCTIP -, car elle est essentielle à cette mission.

Le savoir-faire, l'expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser dans le contexte international. En effet, la coopération en matière de sécurité permet souvent de traiter certains problèmes en amont et elle constitue un moyen d'inciter des pays dont les méthodes de maintien de l'ordre sont d'une autre époque à traiter ces problèmes de façon adaptée et à mettre ainsi en place des pratiques mises en oeuvre par les démocraties. De surcroît, cette coopération, lancée par le SCTIP, améliore l'image de ces pays et leurs relations internationales.

Le programme « Police nationale » comporte 8, 4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2, 3 %.

La création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement s'est accompagnée du transfert des crédits relatifs à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et à la rétention administrative - fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative, fonctionnement des zones d'attente, dépenses de laissez-passer consulaires, frais d'interprétariat, ou autres - vers le programme « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » nouvellement créée. Le montant de ces crédits s'élève à 65, 4 millions d'euros.

Le plafond d'emplois de ce programme est fixé à 148 565 emplois équivalents temps plein travaillé en 2008, soit une réduction de 1 253 ETPT par rapport à 2007.

Au regard des effectifs, le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, est satisfaisant. Il atteint 95, 4 % avec 6 200 emplois créés, dont 4 200 emplois de fonctionnaires actifs.

Globalement, on constate une sur-réalisation de la LOPSI au regard des crédits de fonctionnement et d'équipement, avec un taux de réalisation de 163 %, et une sous-réalisation de la LOPSI au regard des dépenses d'investissement, avec un taux de réalisation est de 80 %.

Une enveloppe de 18, 8 millions d'euros vise à couvrir les aspects indemnitaires de la réforme des corps et des carrières de la police nationale, notamment à accompagner le passage des officiers de police à un régime de cadre.

L'apurement du stock des heures supplémentaires, évalué à 5, 2 millions d'heures, s'intègre dans la politique qui vient d'être définie par le Président de la République. Pour parvenir à cet objectif, le choix a été laissé aux officiers entre un paiement de ces heures, dans une limite de cent heures en 2007 et 2008, ou une récupération du temps de travail : 47 %, ont opté pour le paiement des heures.

En outre, l'année 2008 sera marquée par la fusion de la direction de la surveillance du territoire, la DST, et de la direction centrale des renseignements généraux, la DCRG, dans une direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI. Cette rationalisation est souhaitée depuis longtemps.

Alors que le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales envisage de recourir de manière accrue à la vidéosurveillance, on ne peut qu'approuver le développement de cette technologie, dès lors que son déploiement est respectueux des droits et des libertés individuelles. Mais il faut insister sur le rôle majeur qu'elle a joué, par exemple, dans l'élucidation des attentats commis à Londres en 2005 et dans la réactivité des forces de police anglaises face aux tentatives d'attentats.

Le programme « Gendarmerie nationale » comporte 7, 4 milliards d'euros de crédits de paiement, soit un léger recul, de 0, 58 %.

Le plafond d'emplois s'élève, quant à lui, à 101 136 ETPT, en diminution de 965 ETPT par rapport à 2007.

Le présent projet de loi de finances est donc placé, pour la gendarmerie, sous le signe du maintien de l'effort budgétaire et il s'inscrit dans la politique générale de maîtrise des dépenses de l'État.

Si certaines interrogations ont récemment pu se faire jour au sujet du maintien du statut militaire de la gendarmerie, ce dernier n'est cependant pas remis en cause et semble préserver son attractivité. Un équilibre relativement satisfaisant a été atteint entre le statut de la police et celui de la gendarmerie, comme semble en témoigner le retour dans la gendarmerie de six gendarmes sur les sept qui étaient partis l'année dernière dans la police nationale.

Pour autant, il conviendra de se montrer vigilant dans les mois à venir sur la situation morale des gendarmes. Une dégradation sensible de leur moral est perceptible, en dépit des efforts budgétaires réalisés au cours des dernières années ; elle a certainement pour origine la disponibilité permanente des gendarmes. La qualité des logements mis à leur disposition, en compensation notamment de cette disponibilité, constitue un moyen pour atténuer, voire gommer les tensions observées.

L'exécution de la LOPSI a, par ailleurs, permis une remise à niveau de la gendarmerie nationale et son taux de réalisation finale en matière d'emploi s'élève à 86, 4 %.

Au cours de l'exécution de la LOPSI, le fonctionnement courant, tel que les dépenses d'informatique, les uniformes, les armes, en bref tout ce qui était indispensable, a été privilégié au détriment de l'investissement.

Un tel arbitrage préjudiciable peut aussi s'expliquer par la nécessité d'apurer, sur la période de programmation, un stock de dettes relatives au paiement des loyers pour les casernes, le poids de ce poste de dépense s'étant par ailleurs trouvé mécaniquement alourdi par la tendance à la hausse des prix de l'immobilier au cours des dernières années.

Un aspect important de ce programme doit, en outre, être souligné : plus de 70 % du parc domanial de la gendarmerie a dépassé les vingt-cinq années d'existence. Ce parc souffre aujourd'hui d'un niveau de vétusté en décalage avec le parc des collectivités locales ou le parc locatif hors casernes et nécessite une remise à niveau.

À cet égard, le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie s'appuie de manière croissante sur les partenariats public-privé, via le recours à des opérations sur bail emphytéotique administratif. S'il présente de nombreux avantages, ce mode de financement induit néanmoins un surcoût lié à la prime de l'opérateur privé, d'autant plus élevée que la concurrence est réduite dans ce secteur.

Enfin, l'exercice des missions militaires hors du territoire continental de la métropole pèse significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile. Au 1er juillet 2007, la gendarmerie nationale déployait ainsi 502 militaires en opérations extérieures, les OPEX, dont un escadron de gendarmerie mobile au Kosovo, pour un coût total en 2007 de 7, 8 millions d'euros, et deux escadrons en République de Côte d'Ivoire, pour un coût de 6, 6 millions d'euros.

Considérant ce bilan comme plutôt satisfaisant, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2008 est un budget de transition. Il survient au terme de l'exécution satisfaisante de la LOPSI et avant l'examen de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2.

C'est aussi sans doute le dernier budget de la gendarmerie nationale à être placé sous la responsabilité du ministre de la défense. Déjà, le décret du 31 mai 2007 avait confié conjointement au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense la définition et le suivi des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie.

Budget de transition, le budget pour 2008 est aussi un budget de consolidation de la LOPSI. Il prolonge la plupart des grandes orientations de la politique de sécurité comme la réforme des corps et des carrières ou le projet ACROPOL.

Dans un contexte budgétaire désormais contraint, y compris pour les forces de sécurité intérieure, ce budget donne à la police et à la gendarmerie les moyens d'exercer leurs missions. Il les invite également, plus encore que par le passé, à faire mieux à moyens quasi constants.

En 2008, l'effort budgétaire consacré à la mission « Sécurité » connaîtra une augmentation modérée de 1, 8 %, l'essentiel de la hausse portant sur le programme « Police nationale ». Toutefois, le plafond d'autorisation d'emplois s'établit à 148 565 emplois EPTP en 2008, soit une baisse de 1 253 ETPT par rapport à 2007.

La réduction de ce plafond porte essentiellement sur les adjoints de sécurité ; elle entérine les difficultés chroniques pour recruter cette catégorie de personnels.

À cet égard, madame le ministre, pouvez-vous nous dire si le dispositif des adjoints de sécurité va être modifié pour le rendre plus attractif, notamment en renforçant sa composante « cadets de la police nationale » ? À défaut, quel est, selon vous, le point bas en deçà duquel le fonctionnement des services serait gêné par la suppression d'adjoints de sécurité ?

La révision générale des politiques publiques, lancée lors du conseil des ministres du 20 juillet 2007, devrait permettre de dégager de nouvelles pistes de réformes visant à renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Toutefois, j'attire votre attention, madame le ministre, sur la nécessité de fixer rapidement un cap et de clarifier les principales réformes envisagées.

Les syndicats de police que j'ai entendus ont indiqué que les personnels étaient déstabilisés par les rumeurs circulant en permanence. Les policiers, les gendarmes ainsi que les personnels de soutien administratif et technique sont prêts à accepter de nombreuses réformes à la condition de ne pas rester dans une incertitude prolongée.

Ce budget, tout comme les réformes annoncées dans le cadre de la future LOPPSI 2, devrait permettre de voir se poursuivre la baisse de la délinquance pour la sixième année consécutive.

Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont globalement bons. Avec 3 725 588 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, l'année 2006 a vu un recul de la criminalité et de la délinquance de 1, 33 %. Au premier semestre 2007, la baisse de la criminalité et de la délinquance s'accélère et s'établit à 2, 53 %. En outre, une inflexion de tendance est peut-être en train de se dessiner pour les crimes et délits contre les personnes.

Madame le ministre, au seuil de la future LOPPSI 2, quels sont les nouveaux défis ?

Les effectifs de la police et de la gendarmerie ont atteint un niveau suffisant. Il s'agit désormais d'optimiser leur emploi.

Outre le développement de la police scientifique et technique, sur lequel je ne reviendrai pas - j'avais déjà fait un point particulier sur ce sujet l'année dernière -, deux leviers de réforme importants devraient être actionnés très rapidement.

À dire vrai, ils avaient déjà été explorés par la LOPSI. Mais force est de constater que nous ne sommes pas allés assez loin. Il convient désormais de recentrer les policiers et les gendarmes sur le coeur des missions de sécurité, d'une part, en recrutant plus de personnels administratifs, d'autre part, en réduisant le volume des tâches dites « indues », notamment les transfèrements et les extractions.

La commission en avait déjà débattu l'année dernière. Personnellement, je reste convaincu que la solution consiste à appliquer le principe du prescripteur-payeur.

La police et la gendarmerie nationales disposent de trop peu de personnels administratifs chargés d'effectuer les tâches administratives et de gestion - respectivement 11 % et 5 % de l'ensemble des effectifs - par rapport aux polices des autres pays européens. Or la rémunération d'un fonctionnaire de police actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, 30 % supérieure à celle d'un administratif.

Il nous faut donc aller plus loin. Le projet de budget pour 2008 poursuit l'effort avec le recrutement annoncé de 700 personnels administratifs, techniques et scientifiques. Toutefois, le taux de substitution entre des personnels actifs et des personnels administratifs est difficile à appréhender. Par ailleurs, les syndicats remarquent chaque année que l'expression « personnel administratif » recouvre le recrutement de personnels non administratifs au sens strict comme des psychologues ou des infirmières.

Madame le ministre, pouvez-vous nous indiquer les prévisions à court et moyen terme de recrutement de personnels exerçant des fonctions purement administratives ou de gestion ? Pouvez-vous nous indiquer également le nombre de policiers actifs qui pourront ainsi être redéployés sur le terrain ?

Enfin, je souhaiterais dire quelques mots sur les forces mobiles et sur leur devenir.

Depuis 2002, le métier des CRS et des gendarmes mobiles a beaucoup évolué pour faire face aux nouvelles formes de la délinquance, à tel point que le maintien de l'ordre public a représenté moins de la moitié de l'activité des CRS en 2006.

Plusieurs questions se posent : le format des forces mobiles est-il le bon ou faut-il le réduire ? Le rapprochement entre CRS et gendarmes mobiles doit-il être renforcé, et jusqu'où ?

J'estime que, dans le cadre d'un débat budgétaire, la réflexion devrait porter d'abord sur la juste utilisation des forces mobiles plutôt que sur le juste format des forces mobiles. Pour de petites manifestations sur la voie publique, le nombre d'hommes déployés est souvent excessif.

Lors de votre audition par la commission des lois, madame le ministre, vous avez indiqué que la création d'une vingtaine de compagnies d'intervention à compétence zonale était à l'étude. L'évaluation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif pourrait aboutir à prélever des personnels des CRS. Nous aimerions que vous précisiez les modalités selon lesquelles cette réforme pourrait être mise en oeuvre. Par ailleurs, quelles pistes de rapprochement des CRS et des gendarmes mobiles sont envisagées, notamment pour mutualiser des moyens matériels ? Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour mieux maîtriser les coûts d'hébergement des forces mobiles ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable quant à l'adoption de ces crédits.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. le rapporteur spécial applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vous prie par avance de m'excuser de rappeler un certain nombre de chiffres que vous connaissez par ailleurs, mais qui illustreront mon propos.

Le budget de la gendarmerie pour 2008 est marqué par une légère diminution de ses crédits. Les autorisations d'engagement pour 2008 sont de 7, 7 milliards d'euros, contre 7, 9 milliards d'euros en 2007, soit une baisse de 2, 5 %. Les dépenses de personnel et de fonctionnement progressent légèrement, alors que les crédits d'investissement connaissent une diminution sensible, avec une baisse de l'ordre de 30 %.

Ainsi, les objectifs de la LOPSI ne seront que partiellement atteints pour la gendarmerie, avec un taux de réalisation inférieur à celui de la police nationale.

Sur les 7 000 emplois supplémentaires prévus dans la gendarmerie pour la période 2003-2007, seuls 6 050 auront été réalisés : il restera donc un déficit de 950 postes.

En matière d'investissement, la gendarmerie aura bénéficié à la fin de l'année 2008 de 728 millions d'euros en crédits de paiement sur une cible de 1 020 millions d'euros, soit un taux de réalisation de 70 %. Cette enveloppe lui aura permis de réaliser plusieurs programmes d'investissement, comme l'achat de nouvelles tenues et de pistolets automatiques, ou encore d'assurer le remplacement des hélicoptères. En revanche, on peut regretter que l'acquisition des nouveaux véhicules blindés soit une nouvelle fois reportée, de même que l'achat de fusils-mitrailleurs et de caméras thermiques.

La question des rémunérations reste aussi un sujet sensible pour les gendarmes, qui constatent un décalage croissant avec les policiers, alors qu'on leur demande souvent de faire le même métier.

Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire a ainsi relevé, dans son rapport de février 2007, un décalage récurrent et une différence de traitement entre gendarmes et policiers.

Enfin, l'état général des casernes de la gendarmerie demeure préoccupant, l'immobilier ayant trop souvent servi, au cours des différentes législatures, de variable d'ajustement.

Cette question pèse lourdement sur les conditions de travail et la qualité de vie des militaires, ce qui n'est pas sans effet sur leur moral.

Dans ce contexte, on peut comprendre que la proposition de supprimer entre 8 000 et 10 000 emplois de policiers et de gendarmes et de dissoudre la moitié des brigades de gendarmerie, proposition formulée par M. Pierre Mongin dans le cadre de la revue générale des politiques publiques et relayée par plusieurs journaux, ait provoqué un certain émoi.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Il n'est plus là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Peut-être pouvez-vous nous dire, madame le ministre, ce que vous pensez de ces suggestions ?

J'en viens maintenant à la question du rapprochement entre la police et la gendarmerie.

La police et la gendarmerie ont développé de nombreuses synergies, notamment avec la mise en place des groupes d'intervention régionaux.

Depuis 2002, la gendarmerie a été placée pour emploi auprès du ministre de l'intérieur pour l'exercice des missions de sécurité intérieure et, depuis mai dernier, il existe une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur s'agissant de la définition de l'utilisation des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de son suivi.

Il reste toutefois des progrès à accomplir en matière de mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.

À titre d'illustration, bien que la gendarmerie dispose d'un réseau de radiocommunication appelé RUBIS, la police nationale a choisi de développer son propre réseau, ACROPOL. Or ces deux réseaux, dont la mise en place a coûté environ 600 millions d'euros, ne sont pas directement interopérables. Il a ainsi été nécessaire de créer des passerelles pour que les policiers et les gendarmes puissent communiquer entre eux, notamment lorsqu'ils participent à la même opération.

Ce rapprochement ne signifie pas cependant qu'il faille aller jusqu'à fusionner les deux forces. Comme la plupart de nos collègues, je suis très attaché à l'existence de deux forces de police, l'une à statut militaire, l'autre à statut civil.

En sa qualité de force de police à statut militaire, la gendarmerie apporte ainsi une contribution significative aux OPEX, où ses compétences en matière de maintien de l'ordre, mais aussi ses habitudes de contact avec les populations sont particulièrement appréciées.

Dans son intervention, le 29 novembre dernier, devant des policiers et des gendarmes réunis à la Grande Arche de la Défense, où vous étiez bien sûr présente, madame le ministre, le Président de la République a fixé de nouvelles orientations en matière de sécurité intérieure. Le chef de l'État a notamment annoncé le rattachement prochain de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, sans que soit pour autant remis en cause le statut militaire de cette dernière, et cette précision a été très appréciée par mes collègues.

Une loi relative à la gendarmerie devrait être présentée au Parlement avant la fin du premier semestre 2008.

Compte tenu de l'importance de la gendarmerie, qui assure la sécurité de 50 % de la population résidente sur 95 % du territoire national, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie.

Ce groupe de travail, que j'ai l'honneur de présider et qui a commencé à procéder à des auditions, devrait effectuer prochainement plusieurs déplacements sur le terrain auprès des brigades de gendarmerie.

Notre objectif est de présenter un rapport d'information avant la fin du premier semestre 2008.

Nous espérons, madame le ministre, que les propositions que nous serons amenés à formuler dans ce rapport pourront vous être utiles dans le cadre de la préparation du futur projet de loi sur la gendarmerie.

En conclusion, j'indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

La parole est à M. André Rouvière.

Debut de section - PermalienPhoto de André Rouvière

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un temps, hélas, trop court, je voudrais évoquer les problèmes de sécurité, ainsi que la situation de la gendarmerie.

En ce qui concerne la sécurité, vous affirmez, madame le ministre, que l'insécurité régresse. Tel n'est pas le sentiment des populations. En effet, il semble bien que le décalage entre vos statistiques officielles, vos satisfecit répétés et le vécu dans les banlieues - et ailleurs - aille croissant.

Malgré les affirmations du Président de la République, le tout-répressif est en situation d'échec. Pire, il forge un sentiment de haine vis-à-vis des forces de l'ordre, qui subissent maintenant des tirs d'armes à feu ! Il s'agit là d'une escalade que je condamne, que je déplore, mais que je suis bien obligé de constater.

Aujourd'hui, la répression ne suffit pas à assurer la sécurité. Il convient de rétablir des liens de confiance entre les forces de l'ordre et les jeunes.

Depuis la suppression du service militaire, il n'existe plus aucun lieu de formation du citoyen. Il est donc indispensable d'envisager la mise en place d'un « service civique » - ou quelque autre nom qu'on lui donne - obligatoire, ce qui n'exclut pas la présence permanente des forces de l'ordre sur le terrain tant il est vrai que la recherche d'une relation de confiance doit compléter l'action répressive.

En ce qui concerne la gendarmerie, les promesses du Président Sarkozy et le budget pour 2008 ne suffiront pas à faire disparaître le réel malaise ressenti par cette arme. Je me réjouis que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ait accepté - M. Jean Faure, rapporteur pour avis, vient de le préciser - de mettre en place un groupe de travail sur la gendarmerie.

Le budget pour 2008 est en baisse alors que le prix des carburants augmente, que le montant des loyers progresse et que le matériel vétuste sera difficilement remplaçable. À cet égard, la LOPSI, adoptée en 2002, ne sera pas respectée.

À ce budget insuffisant s'ajoutent les interrogations portant sur le rapprochement entre gendarmerie et police. Cette nouvelle organisation manque, pour l'instant, de précision et de clarté. Certes, nous savons qu'il n'est pas question de fusion. Mais où s'arrêtera ce rapprochement ?

S'il s'agit d'un rapprochement partiel, nous savons que loin de n'apporter que du positif, madame le ministre, il sera même source de difficultés nouvelles. Vous allez ainsi multiplier les occasions de comparaison entre la situation des uns et celle des autres, alors que vous auriez pu harmoniser le matériel, les équipements tout en conservant la situation actuelle. La place de la gendarmerie ne sera pas facile à clarifier tant vis-à-vis des armées que vis-à-vis de la police.

Le groupe socialiste souhaiterait obtenir plus de précisions sur ce rapprochement programmé.

Madame le ministre, j'espère que vous n'aurez pas les mêmes réticences qu'en ce qui concerne le bilan d'étape des communautés de brigade que je vous réclame, oralement et par écrit, depuis plus de deux ans. Je dois à la vérité de dire que j'ai reçu hier, 4 décembre 2007, le rapport d'audit des communautés de brigades daté d'octobre 2007 ; il ne s'agit donc pas de ce celui que j'attendais, mais c'est déjà quelque chose ! C'est votre successeur au ministère de la défense qui l'a fait parvenir à la commission, ce dont je tiens bien sûr à le remercier, même si ma satisfaction n'est pas totale.

Madame le ministre, je ne comprends pas ce refus d'informer le Parlement. En effet, si le Gouvernement cache la vérité aux parlementaires, il me paraît difficile de demander à ces mêmes parlementaires d'accorder leur confiance au Gouvernement !

Pour cette raison, entre autres, le groupe socialiste ne votera pas votre budget.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Il fallait commencer par là ! Le reste n'est que prétexte !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la sécurité est en hausse de 1, 8 % par rapport à l'exercice précédent, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

La mission « Sécurité » comprend deux programmes : le programme « Police nationale », dont les crédits augmentent de 2, 3 %, et celui de la « Gendarmerie nationale », dont les crédits sont en léger recul, de 0, 58 %.

La hausse du budget de la justice est, comparativement, plus importante, mais elle permet de rattraper un retard historique et de donner à la justice une efficacité sans laquelle celle de la police serait vaine. Il est, en effet, primordial que tous les maillons de la chaîne pénale fonctionnent correctement, ce qui passe par plus de moyens pour les tribunaux, les magistrats et les greffes.

Ce budget doit permettre également de concrétiser les quatre grandes priorités que vous avez mises en oeuvre au sein de votre ministère, madame le ministre : consolidation de la baisse de la délinquance générale avec un objectif de diminution de 2 % ; intensification de la lutte contre le terrorisme ; lutte contre le travail illégal et l'immigration clandestine ; enfin, accroissement de la sécurité routière avec un objectif de baisse de 2 % des victimes de la route.

L'effort constant dans la lutte contre la délinquance doit être salué, madame le ministre, puisqu'en 2007 celle-ci a encore reculé en zones police et gendarmerie : une baisse de 50 250 faits a pu être constatée.

Quant au taux d'élucidation global, il a progressé de 31, 61 % en zone police et de 41, 47 % en zone gendarmerie en 2006.

Toutefois, ces progrès ne doivent pas masquer les difficultés persistantes ; je pense notamment à l'accroissement des violences contre les personnes ou à l'accroissement des dégradations contre les biens, publics ou privés, en zone urbaine, c'est-à-dire les formes de délinquance qui perturbent le plus la tranquillité publique et nourrissent le sentiment d'insécurité des habitants des périphéries des villes, qu'ils soient résidents ou usagers des transports publics.

Vous allez également mettre en oeuvre, au cours de l'année 2008, le regroupement sous votre autorité des forces de police et de gendarmerie

Cette mutualisation des services ne peut être que bénéfique pour le travail à mener par les forces de l'ordre et permettra de parachever l'unification des forces de sécurité.

Par ailleurs, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, il convient de souligner la forte implication de la gendarmerie française dans la coopération policière européenne et internationale, notamment à travers la coopération transfrontalière et l'espace Schengen, ainsi que dans le cadre de l'Office européen de police EUROPOL.

À l'aube d'une éventuelle communautarisation de la politique de sécurité, la gendarmerie nationale française pourrait constituer une référence, et nous tenons à lui en rendre l'hommage.

S'agissant du cadre de la révision générale des politiques publiques annoncée par le chef de l'État, ce projet de budget parvient à équilibrer, d'une part, l'effort entrepris dans le cadre de la LOPSI, dont la mise en oeuvre s'achève avec le présent projet de loi de finances, et, d'autre part, l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

Les dépenses de personnel représentent la majeure partie des moyens de la mission, soit 84 % des crédits, ce qui traduit l'attention particulière que le Gouvernement porte à ces services.

En effet, en ce qui concerne la qualification des personnels et la récompense de la performance individuelle et collective, le Gouvernement s'est engagé - ce dont nous le félicitons - en faveur du respect de la quatrième tranche du protocole du 17 juin 2004 relatif aux corps et carrières de la police, comme de la quatrième annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées.

Afin de permettre aux policiers et aux gendarmes de se recentrer sur leurs missions liées à la sécurité et au maintien de l'ordre, le présent projet de budget tend à augmenter le nombre des personnels administratifs chargés des tâches de soutien technique et de gestion quotidienne.

Madame le ministre, la sécurité est un enjeu fondamental ; elle n'est pas un sentiment fugace ou une idéologie, contrairement à ce qu'ont pu dire des irresponsables politiques.

Comme l'a rappelé le Président de la République le 29 novembre dernier devant les représentants des forces de police et de gendarmerie, « la sécurité a été de tout temps un enjeu fondamental pour l'équilibre de nos sociétés », et il faut la placer « au premier rang des préoccupations de rétablissement de l'autorité de l'État », afin que soit garanti le respect des principes républicains et rétablie la paix sociale dans tous les quartiers.

L'insécurité, vous le savez, est un drame qui touche en premier lieu les Français les plus défavorisés, ceux qui vivent dans les quartiers populaires et qui sont souvent condamnés à y rester.

Dans plusieurs départements, dont le mien, le Val-d'Oise, la situation est parfois explosive dans certaines agglomérations.

Pourtant, rien n'est irréversible. Si la fermeté la plus totale doit prévaloir en matière d'ordre public - car tirer sur des policiers, agresser des personnes vulnérables, incendier des véhicules ou des bâtiments publics ne saurait être toléré et encore moins excusé -, une réponse plus adaptée aux réalités du terrain doit cependant être apportée.

Ainsi, pour fidéliser le personnel policier sur notre territoire, ne serait-il pas envisageable de revoir les conditions d'attribution de la prime de fidélisation, qui est souvent saupoudrée entre les différents services des secrétariats généraux pour l'administration de la police, les SGAP, d'Île-de-France ?

S'agissant du logement de nos policiers, si le fait d'habiter dans la ville où ils exercent leur métier est difficile en raison des pressions auxquelles ils sont souvent confrontés, ne pourrait-on pas les inciter, par le biais de constructions de bâtiments plus importantes - auxquelles il faudra bien entendu associer les collectivités locales - et de l'attribution de places de crèches supplémentaires, à résider dans la circonscription ou l'intercommunalité dans le ressort desquelles ils travaillent ?

De même, l'effort demandé à tous les fonctionnaires en matière de retraite ou de durée du travail effectif doit concerner tous les corps de métier, y compris la police et la gendarmerie. Il serait hautement souhaitable que la durée hebdomadaire du travail y soit appliquée strictement. Les sous-effectifs structurels dans de nombreux commissariats sont souvent renforcés par un absentéisme légal, dont les motifs sont les plus divers, à commencer par les décharges syndicales. Il est d'ailleurs regrettable que les polices municipales aient souvent hérité de ce travers qui pèse lourdement sur la qualité du service public de sécurité, notamment en fin de semaine.

Madame le ministre, le budget de la mission « Sécurité » est conforme aux engagements pris par le chef de l'État, par son gouvernement et sa majorité.

Le groupe UMP votera donc avec détermination ce budget et vous fait personnellement confiance pour rendre encore plus efficace le travail de la police et de la gendarmerie et faire respecter l'ordre républicain sur l'ensemble du territoire national.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » pour 2008 traduit bien, une fois n'est pas coutume, la politique sécuritaire menée dans notre pays depuis 2002.

Dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes, au traitement social et à la nécessaire prévention de la délinquance, cette politique, axée essentiellement sur la répression et guidée par l'obsession sécuritaire, se révèle telle qu'elle est : contre-productive et inefficace.

Les récents événements de Villiers-le-Bel viennent malheureusement confirmer ce constat. Deux ans après les émeutes de l'automne 2005, un an après celles - d'une moindre ampleur - de l'automne 2006, nous venons de vivre encore des violences urbaines. Combien faudra-t-il d'émeutes, combien faudra-t-il de blessés et de morts pour faire évoluer la situation dans les banlieues et améliorer le quotidien des populations, souvent modestes, qui y vivent ?

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Malgré les annonces faites depuis 2005, rien n'a changé dans les quartiers dits « sensibles ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En matière de sécurité, d'éducation et de transports publics, la situation des populations écartées des centres urbains n'a guère évolué.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le taux de chômage est, dans ces villes, deux fois plus élevé que la moyenne nationale, selon le rapport 2007 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS. Tous les habitants des cités et les élus sont inquiets et dressent le même constat : la situation a empiré depuis deux ans. Tous les voyants sont au rouge : précarité, chômage, misère, violence, développement de l'économie parallèle, qui gangrène des quartiers entiers...

La question fondamentale est bien sûr celle des moyens qu'il faut déployer pour financer les associations, développer l'accompagnement social, favoriser l'éducation, l'emploi, la formation, permettre le désenclavement des cités, etc.

Après le plan Borloo, dont on ne voit toujours pas les effets pratiques, on nous a annoncé un plan « banlieues » rebaptisé plan « anti-glandouille » par une secrétaire d'État étrangement silencieuse sur les événements survenus à Villiers-le-Bel, mais qui veut distinguer les quartiers populaires avec des petites pastilles de couleur.

M. Charles Gautier s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais je doute fort de la portée d'un tel plan. Les caisses de l'État étant vides, je vois mal comment le Gouvernement aura les moyens financiers de faire quoi que ce soit en la matière, à moins, bien sûr, qu'il ne décide d'aller prendre l'argent là où il est.

À cet égard, il est utile de souligner que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui a été créée spécialement pour venir en aide aux villes pauvres de la banlieue, est d'ores et déjà amputée de 30 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, et ce alors même que le plan Borloo prévoyait de l'augmenter de 120 millions par an jusqu'en 2009 !

La situation nécessite pourtant de mobiliser tous les secteurs de l'État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. Ce n'est pas de moins d'État que nous avons besoin, c'est de plus d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Or le Gouvernement suit la démarche exactement inverse. Le projet de loi de finances pour 2008 en est malheureusement une parfaite illustration.

Votre prédécesseur, madame la ministre, n'a eu de cesse, pendant cinq ans, de ressasser les mêmes slogans sécuritaires, prétendument pour faire baisser la délinquance. Avec quels résultats ? Pour quel bilan ? À part faire voter des lois plus répressives les unes que les autres, à part provoquer les jeunes des cités, à part faire des cadeaux fiscaux à ses amis du grand patronat, asséchant ainsi de manière drastique les caisses de l'État, qu'a-t-il réellement fait ?

En réalité, la droite récolte aujourd'hui ce qu'elle sème depuis des années : accentuation de la fracture sociale, multiplication des lois répressives, accentuation des injustices, stigmatisation des jeunes, en particulier de ceux qui sont issus de l'immigration et qui vivent dans les cités, discriminations à leur égard, provocations en tout genre.

Alors que Nicolas Sarkozy s'est toujours vanté d'avoir fait baisser la délinquance, la première enquête de victimation réalisée par l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, portant sur les années 2005 et 2006, montre que les statistiques du ministère de l'intérieur ne reflètent pas du tout le niveau réel de la criminalité en France et que le nombre des violences intrafamiliales est très élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Malgré l'important arsenal législatif mis en place depuis 2002, malgré les limites évidentes de toutes les lois modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, malgré l'échec patent de cette politique répressive, demain, nous devrons encore légiférer sur la rétention de sûreté, comme si l'enfermement à vie était la solution !

Admettez-le, madame la ministre : pas plus que vos prédécesseurs, vous n'avez réussi à prévenir la délinquance et la récidive, à lutter efficacement contre l'insécurité, encore moins à rétablir l'égalité républicaine sur l'ensemble de notre territoire.

Pourtant, au sortir de l'automne 2005, tout le monde était d'accord - jusque dans les rangs de l'UMP - pour remettre sur les rails la police de proximité. Souvenons-nous du rapport sénatorial qui a été élaboré à la suite des émeutes de 2005 : lui aussi préconisait la réactivation de cette police. Vous-même, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité d'une police localisée ou territorialisée ; peu importe le nom qu'on lui donne, l'important étant les missions qu'on lui attribue.

Or que constatons-nous deux ans plus tard ? On n'a toujours pas mis en place une police plus proche des habitants, on n'a toujours pas permis de retisser les liens de confiance entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Au contraire, tout est fait pour que ces quartiers deviennent les angles morts de notre société.

On est toujours dans cette confrontation entre le monde policier et les jeunes, voire la population des quartiers populaires. Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen, car, soulignons-le, la police est un service public essentiel, qui garantit la liberté de chaque citoyen.

À cet égard, je voudrais vous faire part de ma profonde indignation face à la prime de quelques milliers d'euros offerte par la police en contrepartie de témoignages recueillis après les événements de Villiers-le-Bel. Le témoignage sous X existe dans notre droit depuis 2002, mais sans rémunération. Chacun sait qu'il peut s'adresser à la police. Ce n'est donc pas la peine d'en rajouter en instituant cette prime à la délation à la mode américaine, au risque de mettre de l'huile sur un feu à peine éteint et d'entraîner des débordements ou encore des témoignages « bidons ».

Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion. En outre, il convient de veiller à l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques, et ce dans l'intérêt des citoyens comme des policiers.

Ce n'est pas dans cette voie que vous vous dirigez avec votre projet de création de compagnies zonales de sécurisation. Polyvalentes, constituées pour partie d'effectifs redéployés venant des CRS, ces compagnies pourraient, nous dit-on, être rapidement disponibles là où leur présence est requise et intervenir en matière de lutte contre les violences urbaines. Je ne vois pas où est la nouveauté en la matière, encore moins quel en est l'intérêt !

J'ajoute, madame la ministre, que vos solutions, telles que la vidéosurveillance ou les drones survolant les sites sensibles, ne sauraient remplacer la présence humaine sur le terrain. Vous envisagez ainsi de tripler le nombre de caméras sur la voie publique. La vidéosurveillance, ou « vidéoprotection », comme vous la nommez pudiquement à présent, sert essentiellement à la résolution des affaires, permettant ainsi de faire évoluer le taux d'élucidation.

Or il me semble qu'il aurait été utile, avant de déployer autant de caméras, de procéder à une évaluation de ces systèmes de vidéosurveillance afin de prouver leur éventuelle efficacité !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Et l'on nous dit de surcroît que le programme national d'installation coûterait entre 5 milliards et 6 milliards d'euros. C'est faramineux ! L'État en prendrait une partie à sa charge à hauteur de 800 000 euros, dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Le principal obstacle au développement de ces dispositifs de surveillance reste financier. Où allez-vous trouver les financements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la ministre, vous ne pouvez plus vous contenter de répondre par des discours sécuritaires, comme vient encore de le faire le Président de la République. En l'espèce, la répression ne sert strictement à rien, car la plupart de ces jeunes n'ont rien à perdre : ils n'ont rien !

L'État doit donner des signes d'espoir à cette jeunesse dont l'avenir est bouché et proposer des mesures concrètes en termes d'éducation, d'action sociale, de travail...

« Travailler plus pour gagner plus » ? Mais ces jeunes n'ont pas de travail ! Il faut restaurer un climat de confiance et de justice, ce qui est certainement plus difficile que de se lancer dans des discours populistes ultra-répressifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Plus que jamais, la mise en oeuvre du triptyque « prévention, dissuasion, répression » est nécessaire. Ce n'est pourtant pas ce que privilégient vos orientations budgétaires.

Le malaise est par ailleurs palpable au sein même de la police et de la gendarmerie : pour les policiers, heures supplémentaires non payées, problème du passage au statut de cadre des officiers de police ; pour les gendarmes, hausse de la charge de travail, baisse du niveau de vie, conditions de casernement difficiles.

En outre, les membres des forces de l'ordre sont de plus en plus nombreux à exprimer leur malaise quant au rôle que le Gouvernement leur fait jouer en matière de traque aux personnes sans papiers.

Pour conclure, j'évoquerai les pistolets à impulsion électrique, de type Taser. Plus de 3 000 policiers et gendarmes en sont déjà équipés et vous vous apprêtez à en autoriser l'usage pour les 17 000 policiers municipaux.

Aux États-Unis et au Canada, ces armes auraient été à l'origine de plusieurs dizaines de morts. Récemment, le Comité contre la torture de l'ONU a dénoncé clairement l'usage de ces pistolets, estimant que la douleur aiguë provoquée par ces armes constituait une forme de torture...

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Cela ne fait pas mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

...et que, dans certains cas, il pouvait même provoquer la mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

À la délinquance, faut-il répondre par des actes délinquants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le comité a d'ailleurs demandé à la capitale portugaise de renoncer à en équiper sa police et les unités d'élite. Et vous, madame la ministre, quelle suite entendez-vous donner à ce rapport ?

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC votent contre les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Et les tirs à balles réelles contre les forces de l'ordre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est le même raisonnement que pour la peine de mort !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Quand on est réactionnaire, on est réactionnaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Mieux vaut être un réactionnaire qu'un assassin !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Restons calmes, mes chers collègues ! M. Charles Gautier a seul la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au mois de juin 2002, lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur, il nous a expliqué, dans cet hémicycle, combien la gauche avait été laxiste, faible et naïve en matière de sécurité, et comment il résoudrait tout en un temps record, avec des méthodes fortes.

Aujourd'hui Président de la République, il continue d'expliquer aux Français comment il faut agir. Pourtant, tout le monde en a la démonstration chaque soir, la situation est loin d'avoir changé !

Pour l'année 2007, les chiffres montrent une très légère baisse de la délinquance de voie publique - autour de 1, 3 % - et une évolution plutôt inquiétante des crimes et délits contre les personnes.

La Cour des comptes observe, quant à elle, que la signification des indicateurs retenus - nombre total de faits élucidés et taux d'élucidation - doit être relativisée : « La fiabilité de l'enregistrement statistique des faits constatés est imparfaite. D'une part, l'état 4001 ne fournit qu'une mesure partielle et hétérogène de la délinquance ; d'autre part, les services territoriaux ne respectent pas de façon homogène et rigoureuse les règles d'enregistrement des informations. »

Les chiffres qui nous ont été communiqués tout à l'heure sont donc certainement en dessous de la réalité ! Mais, alors que l'on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, les faits sont là, et je ne pense pas que vous puissiez remettre en cause les remarques de la Cour des comptes !

Chaque année, j'interviens dans ce débat sur les crédits consacrés à la sécurité et, chaque année, je dénonce les choix politiques faits depuis 2002. Chaque année, la violence dans nos banlieues croît.

La semaine dernière, à Villiers-le-Bel, des jeunes gens allaient même jusqu'à tirer à balles réelles sur les forces de l'ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Madame le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, vous avez indiqué que les priorités de votre ministère allaient aux investissements plutôt qu'aux personnels. Vous insistez depuis plusieurs mois sur les moyens techniques dont il faut doter les services de maintien de l'ordre.

Certes, les caméras de vidéosurveillance, les technologies modernes sont indispensables dans un État moderne et réactif à toute menace intérieure ou extérieure. Pourtant, que constate-t-on aujourd'hui ? Un fossé s'est creusé depuis 2002 entre les habitants de certains quartiers, notamment les jeunes, et les forces de l'ordre. Le lien entre eux, que le gouvernement de Lionel Jospin avait réussi à renouer lentement, grâce à la mise en place de la police de proximité, vous l'avez brisé net !

Bien sûr, madame le ministre, vous me répondrez encore que la police n'est pas faite pour jouer au football avec les jeunes de banlieue... Mais cette réponse vous sert surtout à nier la réalité. Et cette réalité, c'est que l'instauration d'une police de proximité avait permis de renouer des liens sociaux, d'humaniser ces quartiers, d'y replacer l'État et ses représentants à visage humain.

Les nouvelles répartitions des effectifs de police ne privilégient plus ces quartiers, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Au contraire, lorsque s'y déroule un nouvel événement, vous y envoyez les CRS, qui ne connaissent ni le terrain ni les habitants. De cette manière, vous creusez encore le fossé entre les plus faibles et l'État.

L'escalade des violences depuis 2002 démontre bien l'échec de votre politique en matière de sécurité. Pis, cela démontre le danger que cette politique représente.

Aux quartiers riches, les rondes policières nocturnes, aux quartiers pauvres, les CRS !

Loin de moi l'idée de jeter le discrédit sur les compagnies républicaines de sécurité ou sur les gendarmes mobiles. Ils remplissent toujours de façon efficace et courageuse leur mission de maintien de l'ordre public. Néanmoins, la réorientation de leurs missions vers des actions de lutte contre la délinquance et contre l'insécurité semble douteuse. Elle constitue, en fait, une mesure de gestion des effectifs pour réaliser des économies d'échelle.

Progressivement, ces forces mobiles sont devenues des forces d'appoint pérennes et non plus ponctuelles aux unités de base de la police et de la gendarmerie. Elles les aident en matière de sécurité publique, notamment dans la lutte contre les violences urbaines, et pour les interventions nocturnes. La dernière expérience est un échec : leur intervention à Villiers-le-Bel a fini par prendre la forme d'un véritable traquenard à leur encontre, allant même jusqu'à les contraindre à se replier pour protéger leur matériel contre le vol !

Dans ce contexte, au vu des résultats et de la tension permanente qui règne dans les quartiers difficiles, le débat sur le format et la formation adéquats des forces mobiles est plus que d'actualité. L'intervention des forces mobiles dans ces conditions ne poserait-elle pas plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

M. Charles Gautier. Madame la ministre, ces violences sont le résultat des inégalités qui s'accroissent chaque année, et vous refusez d'y répondre.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

De façon concomitante, la frénésie législative continue. Cette année, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile et la loi relative à la prévention de la délinquance constituent encore des durcissements de la loi pénale. Et le Gouvernement annonce un nouveau projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Pourtant, toutes ces mesures sont bien, comme nous le prédisions chaque fois, des mesures d'affichage. Certaines ne sont même pas effectives, faute de décrets d'application. Ainsi, vous annoncez également une loi « post-LOPSI », alors même que les objectifs de la LOPSI ne sont pas atteints.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Vous nous promettez la mise en place de nouvelles technologies permettant de « démultiplier l'efficacité de la présence sur la voie publique, de réduire les délais moyens d'intervention ». Permettez-moi d'être sceptique.

Je ne conteste pas l'efficacité de la vidéosurveillance en termes de prévention de la délinquance ou d'élucidation des actes commis, mais il faut des personnels derrière les écrans de contrôle pour que tel soit le cas !

De même, les objectifs de la LOPSI en termes de tâches indues ne sont pas atteints. Les fonctionnaires de la police nationale et les gendarmes continuent d'effectuer des tâches d'assistance pénitentiaire, d'éloignement des personnes en situation irrégulière, ou même des tâches administratives, comme plusieurs orateurs précédents l'ont souligné. Cela perturbe fortement les services.

Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous sommes très fermement opposés aux choix politiques et budgétaires de votre gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

M. Charles Gautier. Les faits sont d'ailleurs là pour nous conforter dans notre analyse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Comme vous le souligniez avec force, madame la ministre, « la sécurité est la première préoccupation des Français, elle est un droit de l'homme, qui conditionne tous les autres ».

Le projet de budget pour 2008 montre que la sécurité reste une priorité de l'action gouvernementale puisque près de 16 milliards d'euros sont prévus pour financer la mission « Sécurité », qui regroupe l'ensemble des crédits de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est équilibrée et démontre la volonté de ne pas faire de différence entre ces deux corps qui ont tous deux pour tâche de lutter contre la délinquance et la criminalité et de les réduire. À ce titre, la création, en 2002, des groupes d'intervention régionaux, les GIR, prouve que policiers et gendarmes travaillent en partenariat étroit. Le bilan qui peut en être fait aujourd'hui est tout à fait positif. Les GIR ont connu une activité très soutenue, tout en s'appuyant sur une démarche interministérielle réussie et particulièrement innovante.

Ce budget alloué à la sécurité est le premier budget intervenant après l'exécution de la LOPSI du 29 août 2002. On ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La LOPSI a, tout d'abord, permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national. Les objectifs fixés ont été quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95, 4 % pour la police nationale - 6 200 emplois créés - et de 86, 4% dans la gendarmerie - plus de 6 000 emplois créés.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI, se sont concrétisés sur le terrain par une réussite incontestable sur le plan de la lutte contre la délinquance. Les indicateurs de performance retracés dans les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » font, en effet, état d'une baisse sensible de toutes les formes de délinquance, d'une amélioration des taux d'élucidation et d'une diminution du nombre de blessés et de tués sur la route.

Les résultats sont révélateurs. Entre 2002 et 2006, la délinquance a diminué de 9, 6 %, permettant aux auteurs du rapport sur l'exécution de la LOPSI d'écrire que le premier objectif de la loi a été atteint. Ces chiffres sont, non pas le fruit du hasard, mais bel et bien le résultat de la politique efficace et courageuse engagée par le précédent gouvernement et qui est perpétuée aujourd'hui, grâce à votre ferme détermination, madame la ministre.

Depuis votre prise de fonctions, ce mouvement s'est, en effet, poursuivi et même amplifié. Au mois de septembre 2007, les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont baissé de 7, 65 % par rapport à ceux de septembre 2006. Outre la baisse globale de la délinquance, le taux d'élucidation était de 36, 2 % au mois de septembre dernier, soit une hausse de près de 10 points en cinq ans.

Le budget de la sécurité pour 2008 est un budget intermédiaire, qui poursuit le financement de nombreux programmes prévus dans le cadre de la LOPSI 1, tout en annonçant la prochaine loi de programmation centrée sur la recherche de la performance.

Les objectifs quantitatifs figurant dans la LOPSI 1 ayant été remplis, il est particulièrement légitime qu'ils cèdent désormais la place à des objectifs davantage qualitatifs, dans le cadre de la LOPPSI 2.

Les membres de mon groupe et moi-même nous réjouissons de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d'orientation et de programmation, qui mettra l'accent sur la modernisation, la mutualisation et le management.

Votre budget pour 2008 est bon, madame la ministre, car il vous donne les moyens de mettre en oeuvre l'ensemble des objectifs prévus dès votre prise de fonctions, à savoir doter la France d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Un milliard d'euros seront, en effet, consacrés à la modernisation de nos systèmes de sécurité, soit un doublement des moyens actuels.

Les membres du groupe UMP se félicitent du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d'information et de communication doivent, en effet, être améliorés en permanence pour résister aux performances croissantes des criminels. Comme vous l'avez à juste titre signalé, la délinquance change de nature et les forces de police et de gendarmerie doivent s'adapter à ses formes nouvelles, voire anticiper les défis de demain.

À cet égard, nous nous félicitons du programme de développement accéléré de la vidéosurveillance qui apporte une pierre supplémentaire à un édifice majeur pour la sécurité de nos concitoyens. Son efficacité en ce qui concerne l'amélioration significative de la sécurité quotidienne n'est plus à démontrer. Des expériences étrangères l'ont largement prouvé, notamment au Royaume-Uni, avec l'élucidation de meurtres d'enfants et de crimes terroristes. Des expériences locales en France le montrent quotidiennement.

L'opinion publique est aujourd'hui prête à la mise en place de la vidéosurveillance, d'autant que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée. C'est pourquoi, madame la ministre, nous soutenons votre objectif de tripler en deux ans le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique, afin de le faire passer de 20 000 à 60 000.

Nous nous félicitons également des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique, qui constitue l'une de vos priorités. Les fichiers automatisés des empreintes digitales et des empreintes génétiques ont largement prouvé leur grande utilité en favorisant très largement l'élucidation. Ils doivent être adaptés à l'accroissement considérable du volume de données traitées, point pris en compte dans ce projet de budget.

Une autre ambition de ce budget vise le regroupement des moyens humains qui agissent pour la protection des Français et le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie. Le travail en commun de ces deux corps, engagé depuis 2002, doit effectivement s'amplifier afin qu'il puisse mieux s'adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance. Pour des raisons d'efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l'argent public, des synergies doivent, en effet, être recherchées. Ce rapprochement doit toutefois se faire dans le respect des spécificités et de l'identité de ces deux corps, qui doivent demeurer.

De multiples rumeurs courent actuellement sur la fermeture d'un certain nombre de brigades de gendarmerie, pourtant souvent regroupées dans des communautés de brigades. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si ces rumeurs, qui sèment actuellement le trouble non seulement parmi les agents de ces forces, mais aussi parmi les élus, sont fondées. Je souhaiterais également connaître vos propositions, afin de procéder à une répartition plus claire des tâches entre les forces de police et de gendarmerie sur le plan territorial.

D'une manière générale, ce projet de budget montre qu'un effort sensible sera fait en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d'un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme.

Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées d'hommes et de femmes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.

Vous l'avez vous-même souligné : « La sécurité, ce sont d'abord des hommes et des femmes. Aucun matériel, aucune technologie ne saurait remplacer la compétence, le dévouement, le courage, de celles et ceux qui servent la police, la gendarmerie, les services d'incendie et de secours. »

Une attention particulière est ainsi accordée, dans ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations et à l'accompagnement dans l'exercice des missions. Nous nous en réjouissons.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd'hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.

Les événements récents de violences urbaines qui se sont déroulés dans le Val-d'Oise démontrent qu'il convient de renforcer la présence vigilante des forces de l'ordre sur le terrain. En effet, si la mission prioritaire des forces de police est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels, leur mission de prévention est n'a rien de secondaire.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, avec l'ensemble de mon groupe, je voterai naturellement les crédits de la mission « Sécurité ».

Bravo ! Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Madrelle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la gendarmerie n'échappe pas à la règle gouvernementale de la « forte contrainte ». En effet, il se trouverait « à la recherche d'un équilibre entre deux priorités » : maintenir l'effort entrepris pour améliorer la sécurité des Français tout en participant à la réduction du déficit budgétaire.

Hélas ! la lecture des chiffres révèle une tout autre réalité. Avec ce projet de loi de finances pour 2008, nous sommes en pleine fiction budgétaire : ce budget de transition, placé entre la fin d'exécution de la LOPSI du 29 août 2002 et la future loi d'orientation et de performance pour la sécurité intérieure, est en régression aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, qui baissent respectivement de 2, 52 % et de 0, 58 %.

Il n'y a donc pas de quoi pavoiser, d'autant qu'à cette diminution des crédits s'ajoute une réduction des effectifs. S'il est prévu de financer la création de 475 emplois au titre de la LOPSI, cette mesure est contrebalancée par le non-remplacement d'une partie des départs à la retraite, qui concerne 475 postes.

Toujours inspiré par la forte contrainte budgétaire, ce projet de budget vise à une nette réduction des effectifs, ce qui me fait penser à cette remarque récente du philosophe éditorialiste Jean-Claude Guillebaud : « Une société qui croit pouvoir régler ses problèmes en évacuant les humains est une société qui devient folle. »

L'assassinat d'une jeune femme sur la ligne D du RER, le dimanche 25 novembre dernier, en plein midi, en est une tragique illustration.

Par ailleurs, je n'oublie pas la diminution de l'enveloppe des subventions d'investissement destinées aux collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Ce n'est pas le même budget !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Madrelle

La création d'une mission d'information sur la gendarmerie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées était attendue, mais j'aurais souhaité, à l'instar de mon ami André Rouvière, la constitution d'une mission d'information ouverte à tous les sénateurs, pour qu'ils puissent s'exprimer sur les problèmes de la gendarmerie, car le malaise qui existe au sein de cette arme intéresse tous les élus, sans distinction.

Si la question des rémunérations constitue un sujet sensible pour les gendarmes, qui ne peuvent accepter le décalage croissant avec les policiers alors qu'on leur demande d'effectuer les mêmes missions, l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie ne peut se limiter à une simple affaire de grille indiciaire.

Ce qui les soucie, ce sont, bien sûr, leurs conditions de travail et leur statut militaire, mais c'est aussi l'exercice de leur métier, la façon dont ils pourront remplir leurs missions à l'avenir.

Après les récentes déclarations du Président de la République concernant le projet de rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, nous nous interrogeons, madame la ministre, sur la possibilité de coexistence des policiers et des gendarmes, qui sont appelés à exercer les mêmes missions dans une même force de sécurité sous deux statuts différents.

Vous le savez, les gendarmes sont profondément attachés à leur statut militaire. Pouvez-vous nous assurer qu'au-delà de la réorganisation du dispositif de sécurité ce statut militaire sera préservé ? En effet, la mutualisation des moyens entre gendarmerie et police ne risquera-t-elle pas de faire disparaître leur singularité et leur caractère, civil pour l'une, militaire pour l'autre ?

Si vous êtes à la recherche d'une force de sécurité « de proximité », vous l'avez déjà : c'est la gendarmerie. Il ne faudrait pas, de restructurations en mutualisations et de fusions en modernisations, déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Le redéploiement annoncé entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie n'annonce-t-il pas la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie ? Êtes-vous simplement à la recherche d'économies ou avez-vous réellement le souci de répondre au besoin de sécurité des Français ?

En conclusion, je tiens à rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui, chaque jour, sur le terrain, accomplissent des missions de plus en plus dangereuses, de plus en plus exposées, pour assurer notre sécurité et notre défense. Je sais que vous comprenez parfaitement bien, madame la ministre, le souci des élus de veiller aux conditions d'exercice et de carrière des gendarmes.

Ce projet de budget pour 2008 ne peut, hélas ! que renforcer le malaise existant au sein de la gendarmerie. Le groupe socialiste ne le votera donc pas.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a placé au premier rang de ses préoccupations la restauration de l'autorité de l'État : il veut un État fort, qui assure la sécurité de tous et, au premier chef, celle des plus faibles. Ce sont eux qui, nous le savons, souffrent le plus durement des conséquences de l'insécurité.

La sécurité, c'est l'une des valeurs de la République. Policiers et gendarmes sont garants du respect des principes républicains, garants de la liberté de chacun d'aller et venir, garants de la paix sociale, mais aussi de l'ordre républicain.

J'en veux pour preuve le comportement admirable de courage des fonctionnaires exposés très récemment aux événements de Villiers-le-Bel : ils ont fait face en veillant à ne pas enflammer une situation extrêmement préoccupante. Malgré la violence des agressions auxquelles ils ont été confrontés, allant jusqu'à des tirs à balles réelles, ils ont su garder leur sang-froid. Ils ont fait honneur à la République. Le groupe UMP tient à leur rendre une nouvelle fois hommage.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Ce projet de budget pour 2008 se caractérise par la recherche d'un équilibre entre, d'une part, le maintien de l'effort entrepris dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et, d'autre part, la maîtrise des dépenses budgétaires et la réduction des déficits.

Vous nous avez expliqué en commission, madame la ministre, que ce projet de budget était au service de trois priorités : accroître la sécurité, condition essentiellede l'exercice des autres libertés, réaffirmer l'autorité et l'impartialité de l'État, enfin, construire une relation de confiance entre les citoyens, l'État et les collectivités locales.

Au titre du renforcement de la sécurité, vous vous êtes assigné deux objectifs, que, bien évidemment, nous approuvons : diminuer de 5 % la délinquance générale et de 10 % la délinquance de voie publique, et porter à 40 % le taux d'élucidation des crimes et délits.

En effet, comme vous l'avez vous-même souligné, madame la ministre, l'élucidation d'une infraction est, d'une part, la première façon de rendre justice aux victimes et, d'autre part, un élément fort de prévention et de dissuasion.

Il s'agit là d'objectifs ambitieux, qu'il faut tenir. Comme l'a souligné le Président de la République le 29 novembre dernier, lors de la rencontre entre police et gendarmerie, il faut renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité et, pour cela, adapter nos moyens aux nouveaux comportements des délinquants.

C'est bien dans ce sens que vous avez indiqué devant notre commission les trois grands axes d'une réforme de la police et de la gendarmerie : modernisation, mutualisation, reconnaissance du travail accompli.

À cet égard, il est prévu, dans le projet de budget pour 2008, une augmentation substantielle de la part des investissements par rapport à la part prééminente des dépenses de personnel : un milliard d'euros seront consacrés à la modernisation des outils. Ces crédits bénéficieront en particulier au développement de la vidéoprotection.

Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues qui se sont exprimés avant moi, me féliciter de cette décision. En tant que maire d'une commune qui a très tôt fait le choix de la vidéosurveillance, je puis rassurer Mme Assassi : la vidéosurveillance a permis d'obtenir des résultats spectaculaires en termes non seulement d'élucidation des infractions, mais aussi de dissuasion.

En termes de mutualisation des moyens, les GIR ont été créés pour généraliser la coopération entre les services de l'État - police, gendarmerie, fisc et douanes - et frapper ainsi plus efficacement l'économie souterraine et les trafiquants.

Les résultats sont incontestables, mais il faut désormais passer à une autre étape pour obtenir de meilleurs résultats encore.

Pour cela, les modes d'organisation doivent être repensés de façon à prendre en compte de façon plus étroite les notions d'agglomération et de plaque urbaine.

En effet, la situation particulièrement difficile en Île-de-France nous permet d'envisager ce renforcement. Force est de constater que la seule coopération policière apparaît désormais insuffisante. Il n'y a pas de frontière entre Paris et la banlieue pour les bandes délinquantes, sans cesse en mouvement, qui utilisent les réseaux routiers et ceux, particulièrement denses, des transports collectifs.

C'est pourquoi il faut aboutir à une organisation plus intégrée de Paris et de la petite couronne.

Nous soutenons donc cette mutualisation des forces, en matière d'ordre public et de circulation, plutôt qu'une forte autonomie des capacités de chaque département. Nous ne pouvons que partager votre projet, madame la ministre, car c'est bien ce qui permettra d'obtenir à terme une meilleure performance.

Je souhaiterais, à ce stade de mon propos, relayer ici les inquiétudes de nombre de mes collègues élus locaux sur l'avenir de la gendarmerie.

En effet, de multiples rumeurs circulent sur les évolutions statutaires de la police et de la gendarmerie ou sur la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie.

À titre d'exemple, je citerai mon département du Val-de-Marne, où, autrefois, un maillage de gendarmeries très efficaces et extrêmement bien intégrées à la population se montrait particulièrement efficace pour la répression de la délinquance. Nous avons dû nous résoudre, bon gré, mal gré, comme nombre de régions de France, à voir partir les gendarmeries vers d'autres territoires, qui - nous l'avons bien compris - en avaient besoin.

Aujourd'hui, nous sommes inquiets de constater que les gendarmes qui nous restent sont affectés à des tâches purement administratives ou de pure police judiciaire.

Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre ? Prendrez-vous des initiatives concrètes pour réaffecter ces gendarmes expérimentés au travail de terrain, dans lequel ils excellaient ?

J'ai évoqué, voilà un instant, la mutualisation de nos forces de sécurité. Certes, police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès, mais aussi malheureusement leurs drames, à savoir tout ce qui forge et soude une communauté.

Le Président de la République s'y est engagé : il n'y aura pas de fusion entre ces deux corps.

Il faut tirer un meilleur profit des forces de chacune d'entre elles, police et gendarmerie. Il faut impérativement renforcer les coopérations, développer les mutualisations, les faire mieux travailler ensemble pour améliorer encore leur efficacité.

Vous avez souhaité, madame la ministre, poursuivre, d'une part, l'actualisation de la carte territoriale entre zones « police » et zones « gendarmerie » et, d'autre part, développer la polyvalence des forces.

Pouvez-vous nous dire, même si cela semble encore quelque peu prématuré, quelles seront les grandes lignes qui présideront à la future loi relative à la gendarmerie nationale redéfinissant le fonctionnement de cette dernière, loi qui devrait assurer l'unicité de commandement organique et opérationnel des deux forces au sein de la mission de la sécurité intérieure ?

Comme ont eu l'occasion de le souligner MM. les rapporteurs et mes collègues de l'UMP, ce projet de budget courageux et ambitieux répond concrètement à l'une des priorités que les Français ont choisies de manière claire et sans appel lors de la dernière élection présidentielle. Toute notre confiance vous acquise pour sa mise pour sa mise en oeuvre et nous vous accompagnerons dans les réformes à venir pour que nos concitoyens puissent partager enfin ce droit essentiel de vivre en toute sécurité.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier sincèrement chacun des orateurs du travail effectué sur ce budget, ô combien important, comme l'ont encore montré les événements survenus ces derniers jours.

La sécurité, monsieur Laménie, c'est effectivement le premier des droits et la première des libertés, celle de laquelle découlent toutes les autres.

La sécurité, en réalité, c'est une chaîne dont chaque maillon a un rôle à jouer, qu'il s'agisse de la famille, de l'éducation nationale, des collectivités, de la police, de la justice ou des associations de réinsertion.

L'important, madame Assassi, est de ne pas tout mélanger.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Certes, les acteurs concernés doivent travailler en étroite liaison les uns avec les autres. Toutefois, si nous voulons être efficaces, il appartient à chacun de rester dans son rôle et de ne traiter que les sujets relevant de son domaine de compétences. Ce n'est pas en ouvrant tous les dossiers à la fois que l'on peut régler les problèmes.

Si je suis parmi vous aujourd'hui pour vous parler de la lutte contre la délinquance, c'est tout simplement parce que cela relève de ma responsabilité.

N'en déplaise à certains, les progrès accomplis pour faire reculer la délinquance sont, depuis 2002, très importants.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Tout le monde pourra le vérifier : à instruments de mesure et à critères d'appréciation inchangés, les actes de délinquance ont augmenté entre 1997 et 2002, ...

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... alors que, depuis 2002, toujours avec ces mêmes instruments et critères, la délinquance a baissé !

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Bien entendu, le ressenti de celui ou de celle qui vient de se faire agresser ou de se faire voler son sac à main a changé a le sentiment qu'il y a encore de la délinquance et de l'insécurité, et ce sera toujours le cas. Mais les chiffres sont là ! Et l'amélioration constatée se poursuit cette année, s'amplifiant même au dernier semestre.

De mai à octobre, la délinquance générale a baissé de 3, 57 %, et celle de voie publique de 7, 49 %, toujours, je le répète, avec les mêmes critères que ceux qui ont été utilisés les années précédentes.

Quant au taux d'élucidation, indicateur essentiel, notamment pour les victimes, il a parallèlement progressé dans des proportions également considérables : inférieur à 25 % en 2001, toujours avec les mêmes critères, il a été porté à 34, 3 % en 2006, il atteint 35, 3 % sur le cumul des dix premiers mois de 2007 ; je peux même vous annoncer qu'il a passé la barre des 39 % en octobre !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il s'agissait pour moi d'obtenir en deux ans un recul de la délinquance générale de 5 % et celle de voie publique de 10 %, tout en portant le taux d'élucidation à 40 % : cet objectif est donc d'ores et déjà en voie d'être atteint.

Un tel constat, effectué avec des outils de mesure inchangés, ne peut que nous réjouir, mais ne doit pas cacher la nécessité de mener une action toujours plus soutenue pour combattre la délinquance, surtout dans ses formes violentes. N'oublions jamais que, dans notre société, ce sont toujours les plus fragiles qui sont les premières victimes de la délinquance et de la violence.

Cette violence, hélas ! se rappelle trop souvent à nous.

Non, madame Assassi, monsieur Rouvière, monsieur Charles Gautier, les violences urbaines qui se sont produites récemment à Villiers-le-Bel - je note d'ailleurs que le problème a été réglé en quarante-huit heures - ne tiennent pas à notre politique.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Pour qu'il n'y ait pas de contestation, j'ai fait procéder à une petite recherche sur les violences urbaines commises entre 2000 et 2002.

En avril 2000, la Courneuve a connu une journée d'émeutes à la suite d'un décès accidentel. Des affrontements ont eu lieu à Pau, le 30 octobre 2000, ainsi qu'à La Défense, en janvier 2001.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

À Nice, en avril 2001, à la suite d'un contrôle d'identité, six véhicules de police ont été brûlés et trois gardiens de la paix ont été blessés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

En novembre de la même année, à Strasbourg et à Trappes, il y a eu une « chasse aux policiers », avec, chaque fois, une quarantaine de jeunes impliqués et trois gardiens de la paix blessés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Dans laquelle ne figurent même pas les émeutes de 2005 !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous pouvez être fière, madame Assassi, d'un tel bilan !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

En septembre 2001, Toulouse a vécu plusieurs nuits d'émeutes dans le quartier du Mirail.

Je n'oublie pas non plus les violences urbaines commises à Vitry-sur-Seine en décembre 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Qu'est-ce qu'ils sont mauvais ! Voilà la vérité !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Alors, quand vous insinuez que c'est nous qui créons les difficultés entre la police et les jeunes, permettez-moi de vous rappeler, simplement et en toute sérénité, ces chiffres, que vous pourrez retrouver dans tous les journaux !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il faut aussi dénoncer les violences dirigées contre des pompiers. J'en ai rencontré un certain nombre en Seine-Saint-Denis. J'ai été scandalisée, comme vous tous, je l'espère, que des pompiers en train de porter secours à des personnes blessées soient agressés par certains. Et, dans ce cas-là, cela n'a rien à voir avec un quelconque problème relationnel entre la police et les jeunes !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Qu'il me soit ici permis, en mon nom et au nom, je l'espère, de la représentation nationale tout entière, de rendre une nouvelle fois hommage au sang-froid et à la maîtrise des policiers, des gendarmes et des pompiers, qui, chaque jour, font tout simplement leur métier, et dans des conditions extrêmement difficiles.

Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je recevrai d'ailleurs prochainement les policiers et les pompiers blessés à Villiers-le-Bel, comme j'ai reçu les deux adjoints de sécurité qui avaient été agressés au seul motif qu'ils avaient fait leur devoir de citoyen en témoignant auprès des magistrats à la suite de ces événements. Je veux leur dire, en notre nom à tous, notre reconnaissance.

Je me suis rendue cinq fois, de jour comme de nuit, à Villiers-le-Bel. Je peux en témoigner, toute la population s'est sentie soulagée par la présence de la police. Ne l'oublions pas, 99 % des habitants de ces banlieues et de ces cités difficiles n'aspirent qu'à vivre comme tout le monde dans la tranquillité et la sécurité, pour pouvoir élever leurs enfants et progresser dans la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous faites pourtant le contraire de ce qu'il faudrait !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il y a aussi les violences sexuelles. Mes pensées, comme les vôtres, vont naturellement à cette jeune fille tuée sauvagement dans le RER par un pervers récidiviste.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Si les rames avaient été équipées d'un système de vidéoprotection, on aurait peut-être pu lui porter secours.

Les violences accompagnent aussi parfois des vols. Qui a oublié ce convoyeur de fonds abattu Porte de Bagnolet voilà une semaine ?

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je citerai encore les violences intrafamiliales, moins bien connues, mais ô combien nombreuses, avec le drame quotidien vécu par des femmes et des enfants battus, violences contre lesquelles nous devons redoubler d'efforts.

Je ne saurais oublier les violences routières, qui, chaque semaine, notamment le week-end, font de nombreuses victimes et déciment tant de familles.

Les violences terroristes représentent, elles aussi, une grande menace. Nous en avons encore eu la preuve la semaine dernière, avec l'assassinat de deux gardes civils espagnols - le deuxième vient en effet de succomber à ses blessures - à Capbreton.

Ces violences nous le rappellent malheureusement chaque jour : la sécurité, préoccupation première des concitoyens, est une responsabilité majeure pour les gouvernants. Dans ce domaine, il nous faut agir sans démagogie, sans approximation, mais avec une extrême fermeté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre aux risques d'aujourd'hui et aux défis de demain, la France a besoin d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Telle est bien mon ambition. Y répondre exige de mettre en place une stratégie, que je vous expose dans ce projet de budget et qui tient en deux axes : mettre des moyens modernes au service des hommes pour accroître leur efficacité.

La modernité des outils est un élément important tout simplement parce que le crime, la terreur et même l'insécurité routière changent de nature avec les nouvelles technologies et la mondialisation.

Face aux bandes, aux violences urbaines et à la cybercriminalité, phénomènes que nous ne connaissions pas il y a quelques années, il convient que la riposte soit à la fois adaptée et souple. Policiers et gendarmes doivent donc adopter des méthodes et disposer des équipements à la hauteur de ces enjeux.

Il nous faut, par conséquent, nous adapter aux technologies du futur et anticiper les évolutions stratégiques, comme vous l'avez souligné, monsieur Laménie.

Aujourd'hui, nous sommes en train d'assister à une véritable course à la modernité entre gendarmes et policiers, d'une part, et criminels, d'autre part. Je veux donc donner aux gendarmes et aux policiers les moyens d'agir aujourd'hui et demain, tout en anticipant ceux dont ils auront besoin après-demain. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas « garder le nez dans le guidon » !

Depuis mon arrivée Place Beauvau, j'ai fait de l'adaptation aux technologies du futur ma priorité. J'y consacre d'ailleurs un milliard d'euros de crédits dans ce projet de budget.

En outre, j'ai lancé le regroupement, trop longtemps retardé, des laboratoires de police technique et scientifique sur un site unique en Île-de-France : 12 millions d'euros sont affectés à cette opération.

Par ailleurs, la technologie du fichier automatisé des empreintes digitales et celle du fichier national automatisé des empreintes génétiques seront adaptées à l'accroissement considérable du volume des données recueillies.

J'ai également lancé un plan d'envergure sur la vidéoprotection, car son efficacité, madame Assassi, est avérée, y compris par vos propres amis dans les communes où ils l'ont installée !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Dans les parkings souterrains, la diminution de la délinquance atteint quasiment 100 %. Dans les lieux où sont installés des moyens de vidéoprotection, la baisse constatée est de 40 %.

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, pouvons-nous refuser cette protection à nos concitoyens ?

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les études menées à ce sujet ont fait la démonstration de l'efficacité du dispositif. C'est bien la raison pour laquelle j'ai l'intention de développer la vidéoprotection : elle est tout simplement de nature à renforcer la sécurité de nos concitoyens.

Applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

En la matière, notre retard est considérable. J'ai donc décidé de tripler le nombre de caméras installées sur la voie publique.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

De plus, j'entends notamment offrir aux communes et aux institutions dotées de dispositifs de vidéosurveillance la possibilité de raccorder leurs caméras aux commissariats ou aux gendarmeries, afin que les forces de l'ordre puissent intervenir. J'ai dégagé des crédits à cette fin dès le budget de 2007 ; d'autres sont prévus pour 2008, ainsi que dans la prochaine loi d'orientation.

Je souhaite développer cet outil, qui présente un triple avantage : une intervention très rapide ; une amélioration du taux d'élucidation, parce que notre devoir à l'égard des victimes est d'abord d'identifier leurs agresseurs ; une plus grande dissuasion, dans la mesure où, les chiffres que je viens de citer le prouvent, la vidéoprotection joue véritablement un rôle important en matière de prévention de la délinquance.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, il convient d'équiper la police et la gendarmerie de matériels de protection performants, puisque celles-ci risquent de plus en plus d'être prises pour cible, y compris par des tirs d'armes de chasse, comme cela a été le cas à Villiers-le-Bel.

De même, il importe de développer l'usage des armes non létales chez les forces de l'ordre. Selon moi, il vaut toujours mieux pouvoir neutraliser quelqu'un avec une arme de cette nature plutôt qu'avec une arme de tir.

Les dotations de lanceurs de 40 millimètres, lesquels offrent un rayon de riposte et, partant, un rayon de protection plus larges, ainsi que celles de pistolets à impulsion électrique, qui évitent l'emploi d'armes à feu, vont donc être augmentées très sensiblement.

Madame Assassi, vous qui m'avez interrogée sur ce sujet, je tiens à vous répondre que, dans la gendarmerie, l'utilisation des pistolets à impulsion électrique a permis de réduire d'un tiers l'usage des armes à feu. C'est à mon sens un gros avantage et j'entends développer ce type de matériels, que cela plaise ou non !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Par ailleurs, les centres d'information et de commandement seront modernisés, en commençant par ceux de six départements l'année prochaine.

La première version du système ARIANE sera déployée sur tout le territoire et le réseau ACROPOL sera installé outre-mer.

Monsieur Faure, vous m'avez interrogée sur la différence entre RUBIS et ACROPOL. La création du premier est antérieure ; ACROPOL date des années quatre-vingt, mais ce sont à peu près les mêmes technologies. Quant au système ARIANE, il a été mis en place dans les années quatre-vingt-dix et fonctionne aussi en milieu rural.

Ce projet de budget permettra aussi d'accroître les moyens aériens de la sécurité intérieure. Les drones ELSA -« engin léger de surveillance aérienne » -, nettement moins onéreux que des hélicoptères, sont particulièrement utiles à la surveillance à l'occasion de grands rassemblements.

La deuxième action à privilégier, dans le cadre de la modernisation, est l'anticipation stratégique.

La délinquance change en même temps que la société. Il est donc indispensable que les personnes chargées d'assurer la sécurité disposent d'une bonne visibilité, afin de ne pas réagir avec un temps de retard, qu'il s'agisse d'équipement ou de stratégie.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de doter le ministère de l'intérieur d'une direction chargée de la prospective et de la réflexion stratégique, la direction des affaires stratégiques, qui s'appuiera sur les instituts de recherche et les universités, et observera ce qui se passe à l'étranger, afin de prendre les devants par rapport à des risques éventuels pouvant survenir sur notre territoire.

Cette direction permettra de prendre une avance sur les délinquants, en termes tant de méthodes employées par les policiers et les gendarmes que de moyens mis à leur disposition pour les protéger ou pour agir, et ce quelle que soit la forme de la délinquance.

De plus en plus, à l'heure de la mondialisation, la délinquance est transfrontalière : elle vient sur notre territoire et en repart. L'efficacité de la sécurité exige donc une prise en compte forte de la dimension internationale de la menace.

La lutte contre les délinquants doit s'élargir sur tout le territoire européen. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de faire avancer l'Europe de la sécurité, dont j'ai souhaité la mise en place - comme j'ai voulu celle de l'Europe de la défense lorsque j'occupais d'autres fonctions -, sur des sujets très concrets : formations partagées des cadres de la police, amélioration des modalités d'échange de renseignement, échange de personnels, exercices communs, mutualisation de matériels, harmonisation des réglementations. Faire avancer ces dossiers nous permettrait de marquer la présidence française de manière très positive.

Nous devons également promouvoir et exporter nos pratiques d'excellence. Nous avons en effet, dans un certain nombre de pays, une réputation à la fois d'efficacité et de respect des personnes.

Il est bien évident que les technologies de pointe et la modernisation des moyens doivent être mises au service de l'efficacité des hommes et des femmes qui, dans la police comme dans la gendarmerie, veillent chaque jour sur notre sécurité.

Vous avez beaucoup parlé des rapports de la police et de la gendarmerie.

Chacun, dans cet hémicycle, connaît mes convictions : il est nécessaire de disposer de deux forces de police à statut différent. J'ai toujours défendu la « militarité » de la gendarmerie ; je continue de la défendre et je ne cesserai jamais de la défendre.

Chaque service doit évidemment conserver son identité et ses missions, mais la logique de l'action policière doit privilégier l'efficacité des missions plutôt que la spécificité des structures. C'est tout l'enjeu de la mutualisation. Nul ne gagne à ce que la même tâche soit accomplie deux fois par deux personnes ou deux services différents : mieux vaut agir ensemble.

Cela signifie, tout d'abord, qu'il convient d'améliorer la répartition des missions.

La première voie dans la recherche de cohérence et d'efficacité est la création d'une direction centrale du renseignement intérieur, qui permettra, monsieur de Montesquiou, de rationaliser le renseignement intérieur et la lutte antiterroriste.

Cette direction centrale prendra en charge le contre-espionnage, la contre-ingérence, le contre-terrorisme, la protection du patrimoine et la contestation à potentialité violente. Elle s'appuiera sur des structures centrales fortes et, en même temps, sur un maillage territorial fin : ce sont deux conditions de l'efficacité.

L'organisation territoriale de la police est une deuxième voie dans la recherche de la cohérence et de l'efficacité.

La police territoriale est en cours de réorganisation.

On parle beaucoup de police de proximité. Je préfère, pour ma part, parler de territorialité, car les termes « police de proximité » ont été employés à d'autres fins, dans un autre contexte et avec un autre contenu.

Que ce la soit bien clair : il est évident que la police comme la gendarmerie doivent être présentes sur le terrain. Elles le seront d'autant plus qu'entre la police et la gendarmerie nous avons créé 13 000 postes, qui n'existaient pas auparavant.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Si l'on veut des forces sur le terrain, il faut qu'il y en ait suffisamment !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Or c'est depuis 2002 que ces 13 000 postes ont été créés. Avant, leur nombre avait plutôt diminué !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

La vraie proximité et la vraie territorialité consistent à avoir des hommes et des femmes sur le terrain, dans nos commissariats, dans nos postes de police, dans nos gendarmeries : c'est la première des choses !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Cela ne doit pas nous empêcher d'en rechercher la meilleure utilisation.

Je vous parlais tout à l'heure de la vidéoprotection. Je préfère avoir, plutôt qu'une personne immobile dans un secteur, qui ne peut voir qu'à 100 mètres - et encore si elle a de bons yeux ! -, des caméras permettant d'intervenir immédiatement, dès que l'on décèle un incident dans le secteur.

Nous voulons avoir trois niveaux : des forces présentes en permanence, d'autres qui sont rattachées en permanence sur un secteur mais qui peuvent se déplacer dans le département ou dans les départements voisins si le besoin s'en fait sentir, et des forces très mobiles, les CRS, qui se rendent sur place en cas de besoin spécifique.

Chacun doit être utilisé en fonction de ses savoir-faire, de son implantation, de sa mobilité et de sa rapidité.

Les unités de sécurisation seront composées d'effectifs en tenue ou en civil. Les estimations réalisées par la direction générale de la police nationale situent effectivement à une vingtaine, monsieur Courtois, le volume d'unités souhaitables dans les endroits sensibles.

Fortes de 60 à 100 policiers selon les besoins, ces unités seront installées dans des départements à fort potentiel d'emploi, mais bénéficieront d'une compétence territoriale élargie permettant leur envoi immédiat dans le département ou dans les départements voisins.

Je souhaite que, dès 2008, au moins trois de ces unités soient créées, ce qui nous permettra d'observer leur fonctionnement et d'affiner la mise en oeuvre du dispositif.

Je n'ai pas pour autant l'intention de dissoudre les unités de CRS. Il faut simplement poser les bases d'une meilleure utilisation des CRS, qui corresponde davantage à leur savoir-faire et à leurs missions. Cette évolution des CRS s'accompagnera d'une réflexion sur l'implantation des unités.

Franchement, quand je vois des unités de CRS garder des centres de rétention administrative, je me dis que les CRS ne sont pas bien employés !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Chacun doit donc, d'une part, revenir à ce qu'il sait faire le mieux, mais il faut aussi, d'autre part, une meilleure coordination.

En région parisienne, monsieur Cambon, j'ai redéfini la coordination afin qu'elle devienne plus étroite et permette un renforcement opérationnel rapide lorsque c'est nécessaire. Lors des violences urbaines de Villiers-le-Bel, des policiers de la compagnie de sécurisation de la préfecture de police ont ainsi été envoyés dans le Val-d'Oise, avec l'efficacité que chacun a pu mesurer.

Il est un autre élément d'une lutte efficace contre la délinquance et le démantèlement des trafics locaux : les GIR, dont vous avez souligné l'importance, monsieur de Montesquiou, monsieur Laménie. Je m'attache aux capacités de la police et de la gendarmerie, mais je veux également accroître la coopération, y compris au sein des GIR, des autres acteurs de l'État tels que le fisc ou les douanes, dont nous avons aussi besoin.

La troisième voie de l'efficacité est la mutualisation entre police et gendarmerie, qui sera facilitée par mes nouvelles attributions.

Je le répète, au risque de vous lasser : police et gendarmerie ont chacune leur culture et leur vocation. Nul ne les remet ni ne les remettra en cause.

Si la parole d'un ministre de l'intérieur n'est pas suffisante, les engagements pris par le Président de la République, la semaine dernière, ont dû rassurer chacun pour aujourd'hui, demain et après-demain.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie mené entre 2003 et 2006 a permis d'harmoniser les zones de compétence. Même si certains ont vu avec regret les gendarmes quitter leur ville, je crois vraiment que nous sommes parvenus à établir un dispositif plus cohérent. Cette adaptation se poursuivra parallèlement à l'amélioration de la complémentarité entre les deux forces.

Puisque la question m'a été posée, je tiens à vous rassurer : il n'est pas question de procéder à un « génocide » des brigades de gendarmerie.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l'Ump

Bonne nouvelle !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Des informations qui ne correspondent pas à la réalité du terrain sortent parfois on ne sait d'où. La réalité est toujours plus forte que la technocratie ou que des élucubrations non contrôlées.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

La future loi sur la gendarmerie réaffirmera son statut militaire, tout en confiant son commandement organique et opérationnel au ministre de l'intérieur. Celui-ci définira son organisation, ses objectifs, ainsi que ses moyens d'investissement et de fonctionnement.

J'ai eu l'occasion de rassurer les gendarmes sur plusieurs points, et notamment sur la parité de traitement avec les policiers. Il ne devrait plus y avoir d'inquiétude à cet égard. Le groupe de travail qui a été constitué - et je m'en félicite - permettra, en liaison avec l'Observatoire de la condition militaire, que j'ai créé il y a deux ans, de vérifier que cette parité est bien réalisée puisque les conditions de travail elles-mêmes sont très différentes.

Notre priorité est le renforcement opérationnel. De ce point de vue, je me réjouis que les responsables tant de la police que de la gendarmerie, dès lors que chacun a été rassuré sur la reconnaissance de sa spécificité, m'aient eux-mêmes proposé des voies de mutualisation très intéressantes.

Sur le plan de la logistique, elles concerneront les passations de marchés publics, l'entretien et la réparation d'armements ou de véhicules - il est ridicule d'avoir deux structures différentes pour assurer ces missions -, et l'utilisation commune de matériels très coûteux, dont l'usage est rare. Cela relève du simple bon sens !

Dans cet esprit, monsieur Courtois, certains engins destinés au maintien de l'ordre, tels que les barre-pont, les fourgons-pompes et les véhicules blindés, seront utilisés à la fois par les CRS et les gendarmes mobiles. De la même façon, le parc automobile des forces mobiles sera entretenu à l'atelier de la police, à Limoges.

Concernant les ressources humaines, le recrutement et la formation s'enrichiront d'un échange sur les pratiques actuelles, notamment pour les personnels de soutien.

J'ai ainsi décidé que le futur centre de formation des agents techniques et administratifs, à Lognes, serait ouvert aux collaborateurs des deux directions générales.

De même, certaines formations spécialisées communes pourront être mutualisées : les plongeurs de la police pourraient accueillir des gendarmes, des équipes cynophiles de la gendarmerie pourraient accueillir des policiers. La formation au maintien de l'ordre pourrait être commune. Des stages communs aux CRS et aux gendarmes mobiles sont à l'étude. Tout cela vous sera présenté prochainement.

Enfin, cet effort de mutualisation concerne également le soutien opérationnel. J'en veux pour preuve le très important chantier du regroupement des fichiers de police criminelle dans l'application ARIANE.

Je vous le disais, mesdames, messieurs les sénateurs, ces moyens nouveaux sont au service de l'efficacité des personnels.

Le premier atout de la police comme de la gendarmerie est en effet la qualité des femmes et des hommes qui les servent. Sur eux repose l'efficacité, et nous avons besoin d'eux, raison pour laquelle je vous conseille de ne pas retenir les chiffres, dont je ne vois ni le fondement rationnel ni la justification sur le terrain, qui sont parfois prononcés, à droite ou à gauche, en tout cas hors des cadres autorisés.

Je suis en revanche convaincue, comme je l'avais déjà dit l'année dernière s'agissant de la défense, que l'optimisation des effectifs passe par le recentrage de chacun sur son coeur de métier : les policiers comme les gendarmes ne se sont pas engagés dans la police ou dans la gendarmerie pour effectuer des tâches administratives.

C'est pourquoi, monsieur Courtois, je vais relancer un plan de recrutement dès 2008 : sur les 700 postes de personnel administratif, technique et scientifique dont la création est inscrite dans le projet de budget, 475 sont des postes administratifs, chiffre qui est tout de même significatif.

Ces évolutions à la hausse du personnel de soutien seront amplifiées pendant les années d'application de l'actuelle LOPSI et une augmentation de plus de 5 000 personnels administratifs, techniques et scientifiques devrait figurer dans la prochaine LOPSI.

Il s'agit là, à mon sens, d'une orientation qui a pour effet de renforcer à la fois l'intérêt des métiers et l'efficacité.

Je ne saurais donc laisser dire que nous ne faisons rien pour que, d'une façon générale, les policiers soient mieux utilisés dans leur mission. Concernant en particulier l'utilisation des escortes de transfèrement, le Président de la République a, conformément au souhait exprimé par plusieurs d'entre vous, annoncé une refacturation à la justice du coût des transfèrements, ce qui nous redonnera des marges de manoeuvre et devrait s'accompagner, dans les années à venir, d'une révision complète des modalités desdits transfèrements.

Les renforts de personnels administratifs sont d'autant plus importants que, dans la police, le nombre des adjoints de sécurité a beaucoup baissé au cours des dernières années, d'ailleurs pas simplement pour éviter de supprimer des postes de policiers actifs, mais parce que nous avions d'énormes difficultés de recrutement.

Je pense néanmoins qu'il faut continuer, comme le souhaitait M. Courtois, à assurer ce recrutement, d'abord parce que c'est utile, ensuite parce que cela donne à des jeunes issus de milieux assez défavorisés la perspective de passer dans de meilleures conditions les concours spécifiques de recrutement de gardien de la paix.

Je veux enfin dire que, si j'ai respecté la règle des non-remplacements d'agents partant à la retraite, monsieur Madrelle, j'ai veillé à ce que dans la police aucune des suppressions d'emploi ne touche les gardiens de la paix. Il est d'ailleurs faux de dire qu'il y aurait une diminution de leur nombre. D'une part, ce nombre est resté exactement le même que les autres années. D'autre part, j'ai obtenu que le retour qui est classiquement fait des économies réalisées soit beaucoup plus important qu'il ne l'est généralement, ce qui profitera directement aux personnels, car je tiens à ce qu'une amélioration de la vie tant professionnelle que personnelle des agents vienne reconnaître la qualité du travail accompli.

Je porte donc une attention particulière à la formation et au déroulement des carrières des personnels. J'estime que, dans un cas comme dans l'autre, il faut renforcer tous les éléments et la qualité de la formation de base comme de la formation permanente, qui doit augmenter la capacité des agents à obtenir une véritable promotion professionnelle et sociale.

Il faut en outre tenir compte des difficultés sur le terrain, et c'est la raison pour laquelle nous inscrivons dès ce budget les crédits nécessaires pour financer à la fois des logements supplémentaires, notamment en région parisienne, et des places de crèche.

Il me semble que c'est une bonne façon de résoudre certaines difficultés. Je pense notamment à la fidélisation, qui, je le sais comme vous, constitue une des problématiques majeures dans la région d'Île-de-France. À cet égard, un groupe de travail dont une des dernières réunions s'est tenue ce matin m'a fait diverses propositions que je vais étudier avant de les soumettre très prochainement au Parlement, ce qui devrait nous permettre de répondre aux attentes des personnels.

Ces chantiers sont importants ; je suis persuadée pour ma part qu'ils sont le gage d'une police à la fois moderne, efficace, proche des citoyens et ouverte aux problématiques du future.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur vous pour donner aux policiers comme aux gendarmes les moyens nécessaires à leur action au profit des Français et au bénéfice de la France.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité » figurant à l'état B.

§(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Sécurité

Police nationale

Dont titre 2

7 347 738 848

7 347 738 848

Gendarmerie nationale

Dont titre 2

6 094 834 078

6 094 834 078

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je n'ai été saisi d'aucune explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'appelle en discussion l'article 48 octies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

Sécurité

Les opérations de construction liées aux besoins de la gendarmerie nationale, dont le principe a été approuvé avant le 31 décembre 2007 par décision du ministre de la défense, peuvent faire l'objet d'un bail emphytéotique administratif, dans les conditions prévues à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, jusqu'au 31 décembre 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-161, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi cet article :

I - Après les mots :

de la gendarmerie nationale

insérer les mots :

et de la police nationale

II - Remplacer les mots :

du ministre de la défense

par les mots :

des ministres compétents

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il s'agit d'étendre à la police nationale le dispositif des baux emphytéotiques administratifs prévu dans la première LOPSI pour la gendarmerie, dispositif qui a donné des résultats très positifs et qui devrait permettre d'accélérer la reconstruction ou la rénovation de locaux professionnels, en particulier de commissariats.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le système des baux emphytéotiques ayant en effet permis d'obtenir des résultats positifs pour ce qui est des logements de la gendarmerie, la commission considère qu'il peut tout à fait être étendu à la police nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Je suis bien entendu favorable à cet amendement présenté par le Gouvernement, mais je me permets, madame la ministre, de saisir cette occasion pour rappeler que se pose encore un problème, lorsque l'on se situe dans le cadre d'un bail emphytéotique, au regard de la récupération de la TVA, problème qui mériterait d'être examiné, non pas aujourd'hui mais rapidement, car c'est un frein de nature à ralentir la réalisation des projets à l'avenir.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Monsieur de Raincourt, je puis vous assurer de mon soutien en la matière et vous indiquer que nous avons saisi le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de ce problème auquel les élus sont en effet confrontés sur le terrain.

L'amendement est adopté.

L'article 48 octies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » bénéficie de 2, 656 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 3 % par rapport aux crédits ouverts pour 2007.

Deux innovations majeures la caractérisent pour 2008.

D'une part, elle s'enrichit d'un nouveau programme dédié à l'expérimentation du progiciel de gestion intégrée Chorus au sein de l'administration territoriale.

D'autre part, le programme « Administration territoriale » s'étend désormais à l'outre-mer, en intégrant les hauts-commissariats et les représentations de l'État outre-mer.

Les crédits de paiement du programme « Administration territoriale » proprement dits enregistrent une hausse substantielle de 5, 7 % et s'élèvent à 1, 657 milliards d'euros.

Dans le cadre de ce programme, il convient de relever le rôle grandissant de l'Agence nationale des titres sécurisés, en charge du passeport électronique, du passeport biométrique, de la carte nationale d'identité, du système d'immatriculation à vie des véhicules et du permis de conduire.

En outre, dans un contexte de modernisation de l'administration territoriale, de réorganisation du contrôle de légalité et de dématérialisation des titres, on ne peut faire l'économie d'une interrogation sur l'exercice des missions des sous-préfectures, dont les frais de fonctionnement pèsent, naturellement, sur les crédits de ce programme.

Un certain nombre de redécoupages d'arrondissements ont, d'ores et déjà, eu lieu, afin de mieux étaler la charge de travail entre les différents services préfectoraux au sein d'un même département.

Par ailleurs, il ressort de l'audition du responsable de programme à laquelle j'ai procédée qu'une réflexion est en cours sur cette question au sein de votre ministère, madame le ministre. Mais, bien évidemment, toute « reconfiguration » éventuelle de la carte des sous-préfectures ne devra être envisagée que dans le respect de la dimension humaine et des besoins des territoires.

Le programme « Administration territoriale : expérimentations Chorus » concerne deux régions, la Haute-Normandie et les Pays de la Loire, et comprend 105, 3 millions d'euros en crédits de paiement.

Je précise toutefois que le comité d'orientation stratégique, réuni le 30 octobre 2007, a pris la décision de reporter au début de l'année 2009 le démarrage de l'expérimentation.

Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistre un recul de ses autorisations d'engagement, qui passent à 361, 7 millions d'euros pour 2008, et de ses crédits de paiement, qui s'établissent à 361, 7 millions d'euros pour 2008, soit une réduction de 4, 6 %.

Cette évolution à la baisse tient essentiellement au calendrier électoral particulièrement chargé de 2007, sans qu'il faille pour autant négliger celui de 2008. Le chiffrage du coût des élections en 2008 s'établit en effet à 177 millions d'euros.

Au total, le coût moyen par électeur inscrit ressort à 4, 54 euros pour les élections présidentielles, à 3, 72 euros pour les législatives, à 3, 48 euros pour les cantonales, à 2, 92 euros pour le référendum de 2005, à 2, 84 euros pour les municipales et, mes chers collègues, parce que nous sommes des gens modestes, à 0, 14 euros pour les sénatoriales.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

À l'occasion de l'examen de ce programme, je veux redire que le mode de financement public de l'activité politique contribue aujourd'hui fortement, et cela en dépit même de la règle du 1 %, à un gonflement artificiel - et parfois bucolique - du nombre de partis et de groupements politiques.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Le troisième programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'appuie sur une enveloppe budgétaire quasi stable de 2007 à 2008, de 532, 5 millions d'euros en crédits de paiement.

Dans ce contexte, je veux souligner les inquiétudes suscitées par le contentieux indemnitaire opposant l'État à certaines communes et concernant les charges de gestion, pesant sur ces dernières, en matière de recueil des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que de délivrance de ces titres.

D'ores et déjà, le montant des condamnations prononcées à l'encontre de l'État par les juridictions administratives s'élève à 6, 8 millions d'euros. À la fin du mois de novembre, 151 requêtes étaient en cours, pour un montant de 51, 1 millions d'euros de demandes indemnitaires.

On peut s'interroger, madame le ministre, sur la réponse qui sera apportée à cet épineux problème dont l'impact financier est estimé, selon les informations qui proviennent de votre administration, dans une fourchette comprise entre 185 millions d'euros et 451 millions d'euros, ce qui est tout à fait considérable. Il convient donc de trouver une solution.

En conclusion de ce bref propos, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous vous avons écouté avec beaucoup d'attention et le modeste président de séance que je suis a été intrigué par une de vos affirmations.

Pourquoi, d'après vous, le coût des élections cantonales est-il supérieur à celui des élections municipales, alors qu'à ma connaissance on ne renouvelle que la moitié des cantons ?

Debut de section - PermalienPhoto de José Balarello

La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui est dotée de 2, 656 milliards d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008, soit une hausse de 3 % par rapport à 2007.

Les actions de cette mission sont réparties au sein de quatre programmes : le programme « Administration territoriale », le programme « Administration territoriale : expérimentation Chorus », qui est nouveau et qui doit permettre d'expérimenter le nouvel outil de gestion budgétaire Chorus dans deux régions - Haute-Normandie et Pays de la Loire -, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » et le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Vous trouverez dans le rapport de la commission des lois le détail de l'examen des crédits, chapitre après chapitre.

Le programme « Administration territoriale », dont le périmètre est modifié par rapport à l'an dernier, comporte la mise en oeuvre de nombreuses réformes ayant pour but de moderniser les administrations préfectorales. Il comprend six objectifs auxquels sont associés quatorze indicateurs.

Un nouvel objectif souligne désormais le rôle de coordination interministérielle du préfet, conformément à l'une des demandes formulées par la commission dans ses précédents avis.

Le projet de budget pour 2008 fait apparaître que les préfectures pourront jouer leur rôle pivot dans l'exercice des politiques nationales puisque plus de 60 % des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » leur sont affectés, permettant aux préfets de lancer des expérimentations de réorganisation des services de l'État, comme dans le département du Lot.

L'objectif est de rendre l'État plus efficace et plus économe en fusionnant l'ensemble de ses services sous l'autorité du préfet, lequel dispose désormais d'une enveloppe globale qui lui est attribuée chaque année.

Le rapport qui vous est soumis examine notamment l'activité essentielle des préfectures, à savoir la délivrance des titres et la garantie de l'identité. C'est ainsi qu'en 2006 plus de 24 millions de titres ont été délivrés, dont 5 millions de cartes nationales d'identité et 12, 7 millions de cartes grises. Par ailleurs, les délais de traitement de ces titres ont été nettement améliorés et mesurés. Ils atteignent 18 minutes pour 75 % des préfectures et ne devront pas dépasser 15 minutes dans toutes les préfectures en 2009. C'est un progrès considérable.

L'Agence nationale des titres sécurisés, l'ANTS, qui est un établissement public interministériel créé par le décret du 22 février 2007, a son siège à Charleville-Mézières. Sa mission est de définir les normes techniques et les dispositifs permettant la gestion des titres sécurisés tels que le passeport électronique, le passeport biométrique et la carte d'identité électronique. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser le calendrier de mise en place opérationnelle de cette agence ?

À la fin de l'année, l'Agence sera compétente pour les visas et en 2008 pour le système d'immatriculation à vie des véhicules ainsi que pour les permis de conduire.

Reste à finaliser le projet INES, identité nationale électronique sécurisée, qui insérera les données biométriques sur les cartes nationales d'identité avec empreintes digitales mais il est certain que seules les grandes communes pourront délivrer ces titres. En effet, les petites communes ne disposent pas de services permettant de le faire.

La mise en place du système d'immatriculation à vie des véhicules, le SIV, dont le coût s'élève à 8, 7 millions d'euros avec la création d'une agence nationale, est annoncée depuis longtemps. D'après nos renseignements, le dispositif devrait être opérationnel le 1er janvier 2009, après accord avec les professionnels de l'automobile. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si cela est exact et nous apporter des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre de ce système qui devrait favoriser la lutte contre la fraude et les vols ?

Le rapport qui vous est soumis traite également, dans le cadre des préfectures, du contrôle de la légalité : entre 2005 et 2006, le nombre d'actes transmis aux préfectures a diminué - ce qui est l'objectif visé - de 27 %.

En outre, la transmission par voie électronique des actes est permise et pour le seul mois de juillet 2007, 14 000 actes ont été transmis par cette voie.

Dans mon rapport, j'insiste sur la nécessaire formation juridique qui doit être exigée des fonctionnaires chargés du contrôle de la légalité, ce qui n'est pas toujours le cas. Je souhaite donc savoir comment vous envisagez d'améliorer la formation juridique des agents chargés de ce contrôle. En effet, j'en ai personnellement fait l'expérience, certain d'entre eux n'ont jamais fait de droit, ce qui paraît ubuesque.

Le deuxième volet du rapport est consacré aux crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

S'agissant de la vie politique, il traite des crédits affectés, d'une part, aux partis politiques au titre de l'aide publique et, d'autre part, aux élections qui se dérouleront en 2008 - 259 formations politiques ont déposé des comptes certifiés.

Par ailleurs, concernant l'action « Vie des cultes », il est à noter que les crédits sont en léger repli de 4 %, à la suite de la baisse des effectifs du personnel des cultes.

Sur ce sujet, je souhaiterais apporter une précision. La France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de Musulmans, de Juifs et de Bouddhistes, outre les Hindouistes à la Réunion. Une réflexion a donc été menée sur la relation des cultes avec les pouvoirs publics par une commission présidée par le professeur Jean-Pierre Machelon afin d'adapter le droit des cultes et de faciliter la construction de nouveaux lieux de culte en interdisant le recours à des financements étrangers. Vos services, madame la ministre, ont indiqué à la commission des lois que le résultat des travaux dirigés par le professeur Machelon était à l'étude. Pourriez-vous nous donner un calendrier plus précis et nous indiquer le sens des mesures qui pourraient être retenues ?

Enfin, des crédits sont consacrés à la vie associative et permettent, en particulier, la simplification du fonctionnement des associations et le financement du projet WALDEC, c'est- à-dire la création d'un répertoire national de ces structures, près de 800 000 associations existant en France. Pouvez-vous nous indiquer les objectifs de votre ministère pour la mise en oeuvre de ces chantiers, leur coût et le calendrier s'y rapportant ?

Le dernier chapitre de ce rapport concerne le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Il comporte quatre objectifs, dont vous trouverez le développement dans le rapport, et sept indicateurs.

J'insisterai simplement sur la politique de gestion immobilière où, incontestablement, des erreurs ont été commises : loyers trop chers, ventes à bas prix et rachat du même bien à un prix beaucoup plus élevé, outre des délais anormalement longs pour formaliser les ventes.

L'État et les trésoreries générales, chargées des ventes de son domaine, auraient intérêt à s'adresser à quelques notaires et professionnels de l'immobilier ; cela serait incontestablement rentable. Je l'ai déjà suggéré à Mme Christine Lagarde, à l'occasion d'une question orale posée dans cet hémicycle le 10 novembre 2005.

Quant à l'augmentation des activités contentieuses du ministère de l'intérieur, elle est essentiellement due aux recours relatifs aux retraits de permis de conduire à la suite de contrôles effectués par les radars automatiques.

Sous le bénéfice de ces explications, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption de ce budget.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je me contenterai de vous poser quatre questions, madame la ministre.

La première concerne les effectifs des préfectures et des sous-préfectures.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce projet de budget pour 2008 s'inscrit dans la continuité des derniers budgets qui se traduisent par la réduction des effectifs. Cette fois, ce sont 493 équivalents temps plein qui sont supprimés.

Vous n'ignorez pas, madame la ministre, que le fonctionnement des services préfectoraux est en butte à l'accumulation des documents d'orientation, les fameux DNO, qui sont soumis par les autorités de l'État, des plans d'action stratégique de l'État...

Par ailleurs, les missions confiées aux préfets augmentent considérablement, notamment avec l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de la loi de programmation pour la cohésion sociale, de la loi instituant un droit opposable au logement... Il faut ajouter à cette liste non exhaustive la création récente de nombreux organismes et agences qui ont des missions spécifiques, comme l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, les agences régionales de la santé, etc.

On a le sentiment que, d'un côté les charges s'alourdissent alors que, de l'autre, les personnels sont toujours en nombre plus réduit. Pensez-vous que ce soit une situation logique et tenable ?

Ma deuxième question porte sur le programme expérimental Chorus. Un article, paru dans le journal Les Échos le 22 novembre dernier était intitulé « Bercy annule l'appel d'offres sur le déploiement du progiciel Chorus ». C'est la seconde fois que l'appel d'offres est déclaré sans suite. Selon l'Agence pour l'information financière de l'État, cette décision serait due à l'impact des grandes réformes de l'État qui sont actuellement étudiées par le Gouvernement. Celui-ci travaillerait sur une mutualisation des services de gestion budgétaire et comptable, qui affecterait sensiblement le déploiement de Chorus. On peut lire dans l'article que cette explication laisse sceptiques certains observateurs, qui évoquent plutôt un retard du pilote fonctionnel de Chorus.

Puisque vous demandez, madame la ministre, l'inscription de crédits au titre de l'année 2008 pour la mise en oeuvre de ce programme dans les préfectures de Haute-Normandie et des Pays de la Loire, pensez-vous vraiment qu'ils seront consommés au cours de ladite année ? Autrement dit, le programme Chorus est-il toujours d'actualité, ou s'agit-il d'une logique de retardement ?

Ma troisième question a trait à l'Agence nationale des titres sécurisés.

Dans vos récentes déclarations, madame la ministre, ainsi que dans l'établissement de ce projet de budget, il apparaît que l'importance de cette agence va croissant pour des raisons évidentes de besoins de titres sécurisés, d'application des normes européennes, etc.

Or, vous le savez, certaines entreprises spécialisées dans ce domaine vont mal, bien que notre pays possède un important potentiel industriel, notamment grâce à Gemalto, Sagem et Oberthur. Le premier de ces groupes connaît de grandes difficultés, au point que la fermeture de l'usine de pointe qu'il possède à Orléans a malheureusement été annoncée.

L'Agence nationale des titres sécurisés ne pourrait-elle pas user de ses prérogatives pour relancer ce secteur d'activité en général et l'entreprise Gemalto en particulier ? Notre pays compte de nombreux atouts dans le domaine des cartes numériques sécurisées, et il serait tout à fait dommage de laisser ce potentiel se dilapider, au détriment de nos emplois.

C'est pourquoi je me permets d'évoquer cette question, madame la ministre, en attirant tout particulièrement votre attention sur la situation de Gemalto. Mon collègue Éric Doligé qui, lui aussi, connaît bien cette entreprise partage d'ailleurs ma préoccupation.

Enfin, je souhaite vous interroger sur le dossier des sinistrés de la sécheresse de 2003, dont la situation, vous le savez, est extrêmement préoccupante.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Cela n'entre pas dans le périmètre de cette mission !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce problème concerne le budget des préfectures, madame la ministre, c'est pourquoi je l'évoque maintenant : en 2006, une dotation a été attribuée aux préfectures, qui est notoirement insuffisante pour faire face, tout simplement, aux situations très difficiles que connaissent un certain nombre de nos concitoyens victimes de cette sécheresse de 2003.

En outre, nous nous rendons compte que cette dotation a été attribuée de manière très inégale entre les départements, et à l'intérieur même de ces derniers, et que certains problèmes n'ont pas été résolus.

Nous sommes interpellés continuellement par les associations de sinistrés, qui mettent en évidence ces inégalités et les questions préoccupantes laissées sans réponse pour un certain nombre de nos concitoyens.

Madame la ministre, pouvez-vous rendre public le rapport prévu par la loi ? En effet, lorsqu'elle était rapporteur du texte relatif au droit opposable au logement, à l'Assemblée nationale, Mme Christine Boutin avait introduit, par voie d'amendement, une disposition obligeant le Gouvernement à déposer, avant le 1er décembre 2007, un rapport sur la manière dont cette indemnisation a été gérée, afin de mettre en lumière les dysfonctionnements qui, à l'évidence, se sont produits.

Le 6 novembre dernier, lors des questions orales au Sénat, vous avez bien voulu répondre à ma collègue Nicole Bricq : « le rapport [prévu par la loi] sera bien déposé avant le 1er décembre [2007 et] communiqué au Parlement. » Or il ne vous aura pas échappé que nous sommes le 5 décembre 2007 ! Je me permets donc de vous poser deux questions, pour finir.

Premièrement, pouvez-vous nous communiquer ce rapport, qui nous sera très précieux ?

Deuxièmement, vous le savez, les associations concernées ont rencontré M. Christian Poncelet, président du Sénat, et celui-ci a beaucoup insisté auprès de M. le rapporteur général pour que la dotation destinée à cette indemnisation, qui avait été inscrite au budget 2006, soit abondée par voie d'amendement.

Malheureusement, cette disposition n'a pu être présentée lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances. Madame la ministre, seriez-vous favorable à un tel amendement s'il était déposé lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je voudrais solliciter l'indulgence du Sénat et m'interroger quelques instants sur ce qu'est cet État dont nous parlons tant.

Sur l'État, Jacques Donnedieu de Vabres, le père de notre précédent ministre de la culture, a écrit un jour dans un ancien et excellent Que sais-je : « L'État moderne ressemble au cercle de Pascal dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Il n'y a pas de problème politique en soi, il n'y a que des problèmes d'organisation sociale dont l'opinion s'empare et auxquels elle subordonne l'exercice du Gouvernement ». Selon les époques et les mouvements d'opinion, en effet, on voit tour à tour la justice, l'Église, l'enseignement, l'industrie lourde, les transports, resserrer ou détendre leurs rapports avec l'État. Jacques Donnedieu de Vabres ajoutait : « L'entretien des cathédrales, la culture des fleurs, la production des parfums ou les dessins de mode sont ou peuvent être des services publics, aidés au nom de l'intérêt général. »

Cette conception opérationnelle et utilitariste de l'État, exposée avec un scepticisme élégant en 1954, n'a rien à voir avec le cri d'alarme passionné poussé par Michel Debré, sept ans auparavant, dans son célèbre ouvrage La mort de l'État républicain : « Notre État est incohérent. Notre État est ruineux. Notre État est inefficace. Notre État est inhumain. Avons-nous même un État ? »

Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Les pouvoirs publics, que ce soit l'exécutif ou le législatif, oeuvrent dans le cadre de la LOLF et de la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

Nous ne sommes pas au lendemain de la guerre de 1870, quand le vieil Ernest Renan appelait à une « réforme intellectuelle et morale ». Nous n'avons pas à construire une Ve République, parce que celle-ci existe et que c'est elle que nous servons.

Plus modestement, et plus difficilement peut-être, il s'agit, après des années sans doute trop aisées, de réparer, comme dans un chantier archéologique, les trous et les dégâts qui enlaidissent le domaine de cette « pauvre petite fille riche » qu'est devenue la France.

Dans ce chantier multiforme, nos rapporteurs, MM. Henri de Raincourt, José Balarello et - à propos d'une mission voisine de celle-ci, la semaine dernière - Paul Girod s'interrogent et dégagent un certain nombre de points nodaux.

À la question angoissée et sans doute excessive, même à cette époque, posée par Michel Debré, ils répondent : « Oui, nous avons un État, mais il mérite d'être mieux géré ». Cet État, comme l'avait entrevu Jacques Donnedieu de Vabres, ne saurait se désintéresser d'aucune activité, d'aucun sujet, quand brusquement l'opinion s'en entiche.

Seule différence avec les années cinquante, ce n'est pas l'extension des services publics qui constitue aujourd'hui la réponse à cette inquiétude, mais plutôt l'inverse : non pas forcément la privatisation, au plein sens du terme, mais en tout cas l'emprunt d'un modèle entrepreneurial, inspiré des expériences étrangères.

Oui, l'État à l'ancienne recule. Dans son rapport écrit, notre collègue Henri de Raincourt relève avec intérêt l'expérimentation tendant à fusionner l'ensemble des services de l'État sous l'autorité du préfet, mais il s'interroge aussitôt sur le rôle et la pérennité de nos sous-préfectures, présageant peut-être une réforme qui, si elle était mise en oeuvre, ne serait pas moins lourde de conséquences dans nos départements que celle de la justice.

Tout aussi frappant - peut-être même plus, dans l'ordre du symbole - est le constat que faisait notre collège Paul Girod dans son rapport sur le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». La distinction entre l'État propriétaire et les administrations occupantes ouvre une brèche déroutante dans nos habitudes. La transformation des services des domaines en une entité appelée « France Domaine » et la création du Conseil de l'immobilier de l'État modifieront en profondeur le visage de notre administration. De telles innovations ne sont pas sans risques, comme le montre le cas de l'Imprimerie nationale.

Mes chers collègues, je ne vous cacherai pas le sentiment de mélancolie qui m'envahit quand j'apprends que tel hôtel au nom prestigieux ou poétique a été vendu à une société étrangère ou à une ambassade.

Sans doute s'agit-il d'une déformation due à de trop longues années passées au service de ce que l'on appelait alors, et que l'on n'appelle plus, la haute fonction publique.

Je souhaite donc que la réforme de l'État et de ses services publics continue, qu'elle s'approfondisse, mais qu'elle ne ternisse pas ce reflet lumineux qui accompagnait jadis le service de l'État. Après tout, nous sommes également au service de l'État, nous, les parlementaires.

Toutefois, je me veux rassuré quand je lis le discours prononcé par le chef de l'État à l'IRA, l'Institut régional d'administration, de Nantes, là où se forment justement les meilleurs éléments de notre administration générale et territoriale - je laisse volontairement l'ÉNA de côté.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

M. Yann Gaillard. Je relève, en effet : « En France le service public ce n'est pas seulement une profession, ce n'est pas seulement un métier, c'est une vocation [...] Dans le développement, le non-marchand est aussi important que le marchand, la qualité aussi décisive que la quantité, l'immatériel aussi crucial que le matériel ». Mes chers collègues, c'est signé Nicolas Sarkozy.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale, présenté le mardi 30 octobre dernier, établit un classement national en matière de délais de traitement des documents administratifs. On peut y constater que les écarts de performances établis en 2006 sont, dans certains cas, particulièrement importants.

À titre d'exemple, pour obtenir une carte nationale d'identité, il faut compter un jour et des poussières dans le territoire de Belfort et un peu plus de trente-sept jours en Seine-Saint-Denis. Pour le passeport électronique, si le délai moyen de traitement des demandes n'excède pas une journée dans une douzaine de départements, les habitants des Pyrénées-Orientales doivent, eux, patienter vingt-trois jours en moyenne.

Les dotations attribuées à chaque département connaissent également des variations importantes. À une extrémité du classement, on trouve la préfecture du Nord, un département comptant 2 576 000 habitants, qui est dotée de 16, 63 euros par habitant, et celle du Pas-de-Calais, laquelle bénéficie, pour chacun des 1 456 000 habitants de ce département, de 17, 14 euros. À l'inverse, la Lozère, avec 77 000 habitants et 77, 43 euros par habitant et la Corse du Sud, avec 128 000 habitants et 79, 47 euros par habitant sont les départements les mieux lotis, semble-t-il.

De plus, il règne une certaine opacité dans l'affectation des budgets. En effet, l'exécution du budget du ministère de l'intérieur en 2006 fait apparaître d'importantes anomalies.

Les crédits votés par le Parlement dans le cadre de la mission « Administration territoriale de l'État », qui recouvre l'ensemble des missions des préfectures et des sous-préfectures, soit 1, 6 milliard d'euros - une somme à peu équivalente à celle qui est prévue pour cette année également - ont certes été utilisés dans leur quasi-totalité. Cependant, en fonction des différentes actions, les montants consommés sont tous très éloignés des dotations initiales.

Malgré les constantes dénégations de M. Claude Guéant, ancien directeur du cabinet de M. Sarkozy au ministère de l'intérieur, à présent secrétaire général de l'Élysée, les parlementaires sont en droit de connaître la manière dont sont affectés les budgets qu'ils ont votés.

Il existe donc d'importantes inégalités territoriales entre les préfectures, ainsi qu'une certaine opacité, en ce qui concerne leurs activités comme leurs ressources.

Or, au moment même où la réorganisation de la carte judiciaire suscite une polémique sans précédent, on voit se dessiner un projet de réorganisation du réseau des sous-préfectures dont tout indique qu'il réduira encore plus les moyens alloués à l'administration territoriale. Le « grand chantier de la réorganisation des services publics » lancé par le président de la République risque bien, à terme, de faire disparaître un nombre indéterminé - pour l'instant du moins - de sous-préfectures.

En somme, après la carte judiciaire, nous allons assister au « resserrement » des postes de gendarmerie, des commissariats et sans doute, demain, des sous-préfectures.

La note s'alourdit sérieusement pour des collectivités locales déjà désertées par les agences de la Banque de France et par les tribunaux, sans compter la « modernisation » des services publics de La Poste, de la sécurité sociale et du Trésor public. En bref, la fermeture de sous-préfectures est dommageable pour les élus locaux, qui se trouvent privés des services de l'État, mais aussi pour les usagers.

Pourtant, nombreux sont les domaines, comme l'emploi et la cohésion sociale, les territoires ruraux fragiles, l'environnement et les risques de toute nature, dans lesquels l'intervention de la sous-préfecture est utile.

Dès lors, pourquoi vouloir exiler ces services autour de la préfecture du département ? Ce n'est pas la moindre contradiction de cette modernisation de l'État, qui devrait concerner mille emplois dans les préfectures et les sous-préfectures - mais peut-être, madame la ministre, me donnerez-vous les informations que je vous demande.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de la mission « Administration générale et territoriale de l'État, ce projet de budget soumis à votre approbation répond à deux idées fortes : le respect des objectifs de la mission et la modernisation de l'action de l'État en vue de sa plus grande efficacité.

Je commencerai par le respect des objectifs qui sont fixés dans cette mission.

Ces objectifs découlent naturellement des nouveaux périmètres ministériels tels qu'ils ont été définis au printemps dernier. Je n'y reviendrai que brièvement.

Je rappelle simplement quelques adaptations qui s'imposent à la mission.

La première est la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Une partie des attributions, et donc des personnels, du ministère de l'intérieur seront mis à disposition du nouveau ministère. Ce rattachement n'entraîne pas de modification statutaire pour ces agents. Une convention de gestion réglera les relations entre les deux ministères.

La seconde adaptation est le rattachement de l'outre-mer à l'intérieur, qui devient ainsi le responsable gouvernemental unique en charge de tous les territoires français, qu'ils soient métropolitains ou non. Ce rattachement va conduire à une réorganisation des services pour lesquels, avec Christian Estrosi, j'ai demandé à la secrétaire générale de l'administration d'affiner le nouvel organigramme administratif.

En ce qui concerne les actions à mener au sein du périmètre, deux objectifs principaux méritent d'être soulignés : d'une part, la délivrance des titres sécurisés et, d'autre part, certaines modalités d'exercice de la vie démocratique. Vous y avez, les uns et les autres, fait référence. Je reviendrai sur les autres objectifs par la suite.

S'agissant de la délivrance des titres sécurisés, M. Balarello m'a interrogée sur le calendrier. Le 17 décembre, j'installerai le conseil d'administration de l'Agence nationale des titres sécurisés à Charleville-Mézières. L'agence porte une responsabilité majeure, puisqu'il s'agit de délivrer, conformément à nos engagements internationaux, les passeports biométriques d'ici à l'été 2009.

D'autres titres sécurisés s'ajouteront aux passeports. Je pense notamment à la carte d'identité et au nouveau système d'immatriculation à vie des véhicules, dont l'entrée en application est prévue le 1er janvier 2009.

Monsieur Sueur, j'ai bien noté vos remarques et vos suggestions. Je suis prête à prendre un certain nombre d'initiatives en direction des entreprises qui travailleront dans ce domaine. Ce pourrait être une belle illustration de la véritable politique que nous pourrions mener en matière d'intelligence économique afin de défendre des entreprises et des secteurs sensibles. Nous avons là une vraie possibilité de travailler.

Pour le contentieux indemnitaire, que M. le rapporteur spécial a évoqué, je tiens à indiquer à la Haute Assemblée que je suis actuellement en train de rechercher le bon texte et le bon support pour proposer au Parlement un article qui donnera une base légale aux prestations des communes et qui permettra de régler, d'une façon équitable et définitive, la question financière.

Le second objectif majeur de cette mission concerne les modalités d'exercice de la vie démocratique.

Je n'évoquerai pas aujourd'hui le redécoupage des circonscriptions législatives, qui débutera au printemps prochain, après les élections municipales pour ne pas créer de perturbations. Naturellement, le Sénat sera soigneusement associé à ce travail.

Pour l'heure, je soulignerai deux aspects.

Le premier concerne l'évolution des dépenses liées aux élections. Dans le cadre actuel de la réglementation, le problème est d'abord financier. Il faut bien noter que les besoins de financement en 2007, cela a été dit, ont dépassé d'environ 65 millions d'euros l'enveloppe budgétaire. L'augmentation du nombre des votants, du vote par procuration, et le coût de l'acheminement de la propagande peuvent expliquer ce phénomène, mais ce ne sont pas les seules raisons.

En effet, une réalité s'impose : les prestations qui ont été fournies par certains opérateurs obligés dans le processus de distribution des documents coûtent cher, beaucoup plus cher, peut-être beaucoup trop cher. Ce constat m'a d'ailleurs conduit à saisir Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi pour qu'elle interroge le Conseil de la concurrence sur les suites éventuelles qu'il convient d'envisager dans ce domaine.

Le second aspect que je souhaitais évoquer, ce sont les machines à voter. Lors des dernières élections, au printemps, un certain nombre de questions ont été posées. J'en ai d'ailleurs parlé directement avec quelques-uns d'entre vous. Je n'ai pas de réponse immédiate à vous apporter, mais j'ai constitué un groupe de travail afin qu'il examine, point par point, la nature exacte des questions et qu'il imagine, le cas échéant, les solutions, en liaison étroite avec l'Association des maires de France et le Conseil d'État.

Les conclusions doivent m'être rendues le 15 décembre, ce qui nous permettra de mettre en oeuvre les recommandations pour les prochains scrutins du mois de mars.

La deuxième idée forte de ce budget, c'est la modernisation et l'efficacité de l'État dans sa présence territoriale.

Yann Gaillard nous a parlé, dans un très beau développement, de l'évolution de la conception et de l'action de l'État. Face à des collectivités territoriales puissantes et bien ancrées dans les territoires, l'État doit parler d'une voix forte et unique. Nos concitoyens, comme les collectivités, ont besoin de l'autorité de l'État, une autorité légitime, forte et objective.

Cette voix forte doit aussi aider et conseiller les communes les plus faibles. Le préfet a un rôle important, notamment pour les petites communes ou les communes fragiles. Il est donc important qu'il apparaisse, notamment pour les communes souvent confrontées à des positions ou à des réglementations différentes des administrations, comme le patron - sauf exception - des services territoriaux de l'État, un patron qui sait être à l'écoute de ses interlocuteurs.

Monsieur le rapporteur spécial, mon point de vue sur la carte des arrondissements est très clair - je rejoins là une préoccupation de Mme Josiane Mathon-Poinat. Appliquer le seul critère démographique, si l'on veut modifier la situation, c'est ignorer totalement la réalité de terrain. Personnellement, je connais cette réalité. Ce que nos concitoyens attendent de l'État, c'est qu'il apporte une réponse, et une réponse utile, aux besoins. Cette réponse est plus utile dans des vallées de montagne que dans les banlieues des grandes villes, où existent les services nécessaires et où s'exerce toute la force d'une grande préfecture.

Certes, des ajustements sont nécessaires, parce que la situation n'est pas la même qu'il y a un siècle et demi. Mais ils peuvent heurter l'opinion de certains. Selon moi, la présence de l'État est encore plus utile dans les territoires ruraux, peu habités, ou en zone de montagne que dans les secteurs urbains où la population est très dense et où un certain nombre de structures, notamment préfectorales, existent déjà.

Il est évident que cette réponse et cette présence de l'État doivent être adaptées aux attentes et aux méthodes d'aujourd'hui. Sans attendre les décisions que prendra dans quelques semaines le chef de l'État en présidant le Comité de modernisation, le projet de budget que je vous présente s'inscrit dans cette perspective de modernisation et d'efficacité que j'appelle de mes voeux.

Cela se traduit de différentes façons.

D'une part, le regroupement au niveau départemental des crédits de fonctionnement de l'ensemble des services déconcentrés sera expérimenté dans plusieurs départements. J'attends de cette expérience une meilleure mutualisation des moyens et une gestion évitant les doublons.

D'autre part, je généraliserai la régionalisation des budgets opérationnels des préfectures dans toute la métropole, à l'exception de l'Île-de-France. Il s'agit d'une réforme ambitieuse, et lorsqu'on s'y engage, il est important de s'assurer qu'elle soit intégrée par tous, notamment par les personnels concernés, du directeur au collaborateur représentant l'échelon administratif de base.

C'est pourquoi, afin d'établir ce lien, j'ai tout particulièrement tenu à respecter les engagements pris par mes prédécesseurs en matière de situation des personnels : requalification des emplois, fusion des corps techniques, revalorisation du régime indemnitaire. En tant que juriste - j'étais même au départ professeur de droit -, j'estime que celui qui ne possède pas de formation juridique peut parfaitement assimiler ces connaissances, d'autant que dans la qualification juridique requise dans les préfectures et sous-préfectures il y a tous les niveaux. La formation, y compris la formation permanente, est un élément important, je le disais tout à l'heure, de la promotion professionnelle et sociale.

Tout en respectant la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, j'ai revendiqué le respect de la règle concernant le taux de retour des économies de masse salariale en mesure indemnitaires et catégorielles.

Monsieur Sueur, je ne peux pas être totalement en désaccord avec vous lorsque vous dites que l'on impose toujours plus de charges à certains tandis que l'on réduit le nombre de personnels, ce qui est exact puisque, je viens de vous le dire, la règle est le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il y a là un beau sujet pour la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Comme je l'ai constaté sur place dans un certain nombre de préfectures, l'utilisation de technologies nouvelles, notamment la nette dématérialisation de certaines procédures et de certains TIP, est aussi une source d'économie de travaux sans grand intérêt, purement matériels, effectués par des personnels. Là réside une partie de la réponse.

J'ai voulu associer les personnels des préfectures et des sous-préfectures en recueillant, par voie de questionnaires individuels, leurs propres suggestions sur l'amélioration concrète du service au public. En discutant avec eux, un certain nombre de mesures de bon sens extrêmement intéressantes me sont apparues. J'ai souhaité que ce soit aussi leur réforme.

Par ailleurs, s'agissant des cultes et de l'application des recommandations de la commission Machelon, je dirai tout d'abord que je ne souhaite pas rouvrir la discussion sur la loi de 1905.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Néanmoins, un certain nombre de propositions très intéressantes figurant dans le rapport Machelon pourront être prises. Nous sommes en train de les étudier. J'en ai discuté, y compris avec les intéressés, et nous devrions mettre en oeuvre un certain nombre de ces mesures dans le courant de l'année 2008, c'est-à-dire pendant l'application de ce budget.

Concernant la sécheresse de 2003, je plaide coupable : j'avais dit « le 1er décembre ». Le retard n'a pas été totalement rattrapé. Je serai en état de vous fournir les informations souhaitées seulement la semaine prochaine, mais comme le mois de décembre vient juste de commencer, j'espère que je suis à moitié pardonnée.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je vous en remercie par avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Avoir la bénédiction de M. Sueur, c'est parfait !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Par ailleurs, je viens d'obtenir l'accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l'examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, nous avons des rendez-vous, à terme relativement proche, dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale ». L'année 2008 sera donc une année pleine.

Les crédits de cette mission correspondant aux besoins que j'ai évoqués, je vous demande de bien vouloir les adopter. Ce sera une façon de répondre au professionnalisme, au sens des responsabilités, à l'engagement des personnels, qui est un atout que je veux saluer une nouvelle fois, car c'est lui qui permet à l'État d'exercer ses responsabilités sur tout notre territoire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » figurant à l'état B.

En euros

Administration générale et territoriale de l'État

Administration territoriale

Dont titre 2

1 298 563 088

1 298 563 088

Administration territoriale : expérimentations Chorus

Dont titre 2

89 551 275

89 551 275

Vie politique, cultuelle et associative

Dont titre 2

80 665 000

80 665 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

Dont titre 2

240 759 311

240 759 311

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 48 à 48 septies) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons déjà abordé l'essentiel des relations financières entre l'État et les collectivités locales lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, au cours de discussions longues et fouillées. Aussi, la discussion sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » apparaît quelque peu superfétatoire.

Cette mission ne représente que 3 % des dotations de l'État aux collectivités territoriales, soit 2, 2 milliards d'euros sur un total de 70 milliards d'euros.

Faut-il maintenir cette mission en l'état ? Son faible montant nous invite en effet à nous interroger.

Les prélèvements sur recettes, technique qui permet de prélever les sommes destinées aux collectivités territoriales avant de discuter de la répartition des crédits budgétaires, apportent une meilleure garantie aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, le fonctionnement non « lolfien », si vous me permettez ce barbarisme à la mode, des crédits de la mission nous conduit également à nous interroger.

En effet, sur les 2, 2 milliards d'euros de crédits de cette mission, seuls 576 millions d'euros font l'objet d'une vraie décision. C'est sur ce montant que le Gouvernement et le Parlement ont un petit pouvoir de décision.

Pour le reste des crédits, soit plus 1, 5 milliard d'euros, l'État n'a aucun pouvoir de décision, la répartition des dotations entre collectivités territoriales découlant mécaniquement de l'application de la loi, à l'exclusion de tout pouvoir particulier du Parlement.

Aussi, je propose de supprimer cette mission et de faire en sorte que les crédits sur lesquels l'État a un vrai pouvoir de décision soient intégrés dans un programme qui pourrait faire partie de la mission que notre collègue M. Henri de Raincourt a excellemment présentée voilà quelques instants.

En d'autre termes, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprendrait un programme supplémentaire de 576 millions d'euros et les quelque 1, 6 milliard d'euros restants pourraient faire l'objet d'un prélèvement sur recettes.

En supprimant la mission, on ne supprimerait pour autant le rôle du rapporteur.

Mme la ministre sourit.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ...et grâce à votre soutien, je ferai tout ce que je peux pour continuer.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Parler des relations entre l'État et les collectivités territoriales, c'est bien entendu parler des recettes que l'État accorde à ces collectivités, mais ce serait une grave erreur de s'en tenir à cela. Il est bien d'autres sujets à aborder.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Ainsi, le Gouvernement a décidé - et nous en sommes d'accord - de soumettre les crédits destinés aux collectivités territoriales à la règle générale de limitation des dépenses au taux de l'inflation. Eu égard à l'état de nos finances publiques, il est en effet nécessaire que cette discipline s'impose à tous.

Je considère donc que l'on pourrait utilement remplacer la présente mission par une mission de contrôle des dépenses des collectivités territoriales décidées par l'État.

M. Henri de Raincourt sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il s'agit d'un domaine où le Parlement pourrait pleinement jouer son rôle. Ce n'est peut-être pas dans le cadre strict de la loi de finances que cela devrait être fait.

Madame la ministre, je vous ai entendu avec beaucoup d'intérêt dire que votre ministère devait être celui de toutes les collectivités locales. Nous souscrivons sans réserve à une telle vision.

Cependant, il faudrait en tirer toutes les conséquences. Or, les dépenses que l'État assigne aux collectivités territoriales sont décidées par tout le monde. Ainsi, au sein de votre ministère, il y a des spécialistes en la matière, je pense notamment à la Direction de la sécurité civile, qui décide allégrement du régime applicable aux sapeurs-pompiers, de l'implantation d'un poteau, de l'acquisition d'un équipement. Bref, on fonctionne au rythme d'au moins une décision par mois.

Mme la ministre est dubitative.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Et s'il n'y avait que cela ! Il en va de même au ministère de l'éducation nationale. Quant au ministère des affaires sociales, il décide tous les jours de dépenses pour les collectivités locales. Dans quelques semaines, les minima sociaux seront probablement revalorisés, et on peut le comprendre, mais nous connaîtrons le montant de nos dépenses en lisant le Journal officiel le 1er janvier prochain ! Il y a là un vrai problème.

Madame la ministre, vous pouvez demander aux collectivités territoriales de faire preuve de discipline, de se mettre au même taquet que les services de l'État, mais à la seule condition que les collectivités territoriales décident elles-mêmes de leurs dépenses, et donc que l'État ne décide plus chaque jour pour elles.

Nous avons l'impression que les ministres ayant vu réduite leur possibilité de dépenser pour l'État, ils dépensent pour les autres. Ce n'est pas une bonne méthode.

Madame la ministre, vous voulez limiter l'augmentation des dotations des collectivités locales au taux de l'inflation. Cette démarche n'appelle pas d'opposition de notre part. Nous la comprenons et nous sommes prêts à vous soutenir, mais encore faut-il que l'État cesse de décider des dépenses des collectivités territoriales. C'est essentiel !

Les dotations que l'État accorde aux collectivités territoriales ont, pour la plupart, des effets multiples et ne peuvent correctement fonctionner que si le taux de leur augmentation est, chaque année, bien supérieur à l'inflation.

Cette année, vous avez voulu préserver la DGF.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Vous devez être content !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je le serais davantage, madame la ministre, si vous me disiez comment vous allez faire l'année prochaine.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Ce sera une autre année. Nous verrons ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Certes, nous l'avons tous compris : 2009 n'est pas 2008.

On est au bout d'un système...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

... et il va falloir repenser l'ensemble des relations financières entre l'État et les collectivités locales.

Cette année, le Sénat va s'efforcer de mettre un peu d'équité dans les sacrifices demandés. C'est, pour une assemblée parlementaire, une lourde tâche qui demande un grand courage. En effet, améliorer l'équité, c'est donner un peu moins à certains que ce que vous leur aviez accordé afin d'octroyer un peu plus à d'autres. Certains des amendements qui seront présentés tout à l'heure vont dans ce sens. Il s'agit d'éviter que certains ne soient préservés alors que d'autres voient les augmentations auxquelles ils pouvaient prétendre réduites en raison de la limitation de l'augmentation des crédits au taux de l'inflation. J'espère, madame la ministre, que vous entendrez les propositions du Sénat sur ce point.

J'en viens aux articles rattachés pour leur examen aux crédits de la mission.

L'article 48 vise à instituer un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole et de leurs groupements ainsi que des départements de métropole afin de contribuer à la réparation des dégâts causés à leurs biens par des catastrophes naturelles.

Cette disposition n'appelle aucune opposition de principe de la part de la commission à la condition que l'on inclue les régions. Certes, celles-ci ne bénéficieront pas de ce fonds puisqu'elles n'ont pas de biens concernés, mais cela évitera des oppositions stériles entre les collectivités. Cet ajout, qui n'entraînera donc aucune dépense supplémentaire, est souhaitable pour l'image de cette disposition. Je présenterai donc un amendement à cette fin.

Il est prévu que ce fonds sera financé par un prélèvement sur la DCTP. Or, celle-ci étant appelée à disparaître, il faudra trouver une autre source de financement pour les années à venir. Mais, comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous verrons l'année prochaine.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cette année, nous ferons avec ce que nous avons.

Les autres articles rattachés, qui résultent d'amendements adoptés à l'Assemblée nationale, visent à revenir sur des situations injustes ou à remédier à un certain nombre d'oublis. Le Sénat est favorable à leur adoption.

Enfin, je dirai quelques mots sur le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». Avec 80 milliards d'euros, il représente la plus grosse mission de ce budget. Il s'agit des avances que l'État est amené à faire aux collectivités territoriales dans l'attente de la perception des impôts.

La commission des finances m'avait chargé d'effectuer un contrôle sur ce compte d'avances. Le rapport a été publié aujourd'hui même.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Madame la ministre, et cela vous donnera des armes pour résister à votre collègue chargé des comptes, il s'agit d'une bonne affaire pour l'État.

Mme la ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que les articles rattachés.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, le 27 novembre dernier, j'ai eu l'occasion d'aborder l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, la compensation financière des transferts de compétences et la question de la maîtrise des finances locales.

J'évoquerai donc aujourd'hui trois points : la place des concours financiers aux collectivités dans l'architecture budgétaire globale, les conséquences des normes communautaires et les aides économiques des collectivités aux entreprises.

Sur le premier point, on observera que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, qui excèdent le champ d'une seule mission, n'ont pas encore trouvé de place vraiment adéquate au sein de l'architecture budgétaire définie en application de la LOLF : près des trois quarts des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances, tandis que la mission dont nous examinons ce soir les crédits ne retrace que les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur, dont le montant atteint 2, 2 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros en 2007.

Je vous rassure tout de suite, mes chers collègues : cette baisse résulte avant tout d'une modification du périmètre de la mission. En effet, la dotation départementale d'équipement des collèges, ou DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, ou DRES, qui figuraient en 2007 au sein de cette mission, deviennent des prélèvements sur recettes. En outre, les crédits de rémunération de la direction générale des collectivités territoriales sont transférés à compter de 2008 vers la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Finalement, les crédits de la mission ne représentent plus que 3 % des dotations de l'État.

Aussi notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, en propose-t-il la suppression. De fait, l'État n'a aucun pouvoir de décision pour 75 % des crédits de la mission, qui sont constitués de dotations dont l'évolution et la répartition au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales sont définies par la loi. Les modifications réduisant le périmètre de la mission devraient donc logiquement, à terme, aboutir à sa suppression.

Sur le deuxième point, on soulignera à quel point les conséquences des normes communautaires sur le fonctionnement des collectivités territoriales montrent, à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, la nécessité d'associer les collectivités à l'élaboration de ces mêmes normes.

Ainsi, première illustration, les relations entre les collectivités territoriales et leurs sociétés d'économie mixte, les SEM, ont été affectées par des évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative au droit de la concurrence. Certes, la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement a modifié notre droit interne pour l'adapter au droit européen. Toutefois, la Cour de justice de Luxembourg a remis en cause une nouvelle fois la compatibilité du droit français avec le droit communautaire par un arrêt du 18 janvier 2007 dans lequel elle estimait qu'une convention d'aménagement était un marché de travaux.

La seconde illustration est offerte par la mutualisation des moyens des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et des communes qui en sont membres. La Commission européenne a adressé à la France, le 27 juin 2007, un avis motivé considérant que les conventions de mise à disposition de services entre communes et EPCI doivent respecter des procédures de marchés publics conformes aux directives du 31 mars 2004. Répondant à la Commission, la France a réaffirmé que les mises à disposition de services des communes membres vers les EPCI ne méconnaissaient pas les directives relatives aux procédures de passation des marchés publics.

Ces deux exemples montrent que, à l'évidence, les conséquences de la législation européenne sur les collectivités territoriales ne sont pas encore suffisamment prises en compte dans le processus de préparation des normes européennes.

Qu'envisagez-vous de faire, madame la ministre, pour parvenir à une meilleure prise en considération des intérêts et des positions des collectivités territoriales dans les négociations européennes ?

Je souligne que le Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, est appelé à jouer un rôle dans la prise en compte des intérêts des collectivités dans l'élaboration des textes communautaires. C'est l'un des aspects de la montée en puissance du suivi des affaires européennes que met en oeuvre la commission des lois, suivant les recommandations formulées par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet à l'issue de leur mission d'information dans les Parlements européens, à laquelle, avec plusieurs autres sénateurs, j'ai également participé.

Enfin, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le troisième point : les interventions économiques des collectivités territoriales, qui se développent fortement depuis 2004.

Dans un récent rapport thématique, la Cour des comptes évoque les difficultés liées à l'éclatement et au manque de coordination des dispositifs d'intervention, et nous en sommes tous conscients : l'évaluation et le suivi des aides accordées par les collectivités aux entreprises paraissent donc indispensables pour assurer leur efficacité. La Cour souligne en outre le rôle spécifique des communes et des régions dans la création d'un environnement propice à l'accueil des entreprises.

Envisagez-vous, madame la ministre, de revoir les dispositifs d'intervention économique des collectivités pour en renforcer la cohérence ?

Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de l'Observatoire de la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Puech

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent débat porte donc sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ces crédits, qui s'élèvent à 2, 2 milliards d'euros environ, ne représentent qu'une petite part des concours financiers de l'État, cela vient d'être rappelé : selon le projet de loi de finances initiale, l'ensemble des dotations transférées à divers titres par l'État à nos collectivités locales devrait atteindre près de 73 milliards d'euros en 2008.

La dotation globale d'équipement, ou DGE, attribuée aux départements ; la dotation générale de décentralisation, ou DGD, dévolue aux départements et aux régions ; la dotation de développement rural, ou DDR, destinée aux communes et aux groupements de communes, ainsi que des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales sont regroupées dans cette mission.

Certaines de ces dotations, en particulier la DGE et la DGD, sont intégrées dans l'enveloppe dite « normée », qui, d'après le projet de budget présenté par le Gouvernement, ne devrait progresser qu'au rythme de l'inflation. D'autres dotations, telles la DDR et les aides exceptionnelles, sont exclues de cette enveloppe.

Jusqu'à ce jour, la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, était également intégrée dans la mission. Cependant, à compter de 2008, elle ne devrait plus constituer une dépense de la mission puisqu'elle devrait être financée par un « prélèvement direct sur les recettes de l'État ».

Si je me suis permis ces brefs rappels, c'est pour illustrer, sans esprit polémique, que la logique, la clarté, la lisibilité, ne sont pas toujours au rendez-vous de ces choix de présentation budgétaire ! C'est pour cette raison que, à titre personnel, je partage le point de vue de la commission des finances, qui, dans un souci de simplification, propose de transférer les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans la catégorie des dépenses financées par prélèvements sur les recettes de l'État : le but visé est, tout simplement, une meilleure méthode et une plus grande lisibilité.

Il me semble cependant que les enjeux sont ailleurs. Je ne les énumérerai pas tous : la liste serait bien trop longue, et chacun représente un vrai sujet.

La mission qui fait l'objet de la présente discussion porte donc sur les « relations entre les collectivités territoriales et l'État ».

En 2006, lors de la discussion des crédits de cette même mission, un de nos collègues rappelait à juste titre que, l'année précédente, l'augmentation de la dette de l'État s'était élevée à 49 milliards d'euros et que l'État n'avait réalisé que 8 milliards d'euros d'investissements ; la même année, l'augmentation de la dette des collectivités territoriales avait atteint 5 milliards d'euros, soit dix fois moins que celle de l'État, tandis que l'investissement public réalisé par les collectivités locales se montait à environ 39 milliards d'euros, soit cinq fois plus que celui de l'État. Il en concluait que l'État continue de s'endetter pour payer les dépenses courantes, tandis que les collectivités locales autofinancent la plus grande partie de leurs investissements.

On le sait, ces données n'ont pas changé, et les tendances évoquées, malheureusement, n'ont fait que s'accentuer.

Les collectivités locales ne sont donc pas responsables de l'augmentation de la dette publique ni, a fortiori, de son aggravation. Je me permets de le préciser, parce que certains commentaires, de plus en plus fréquents - et le rapporteur pour avis, Bernard Saugey, évoquait tout à l'heure un rapport de la Cour des comptes allant dans le même sens -, se complaisent à laisser entendre que les collectivités locales seraient à l'origine de la détérioration de la situation.

Mon intervention portera donc essentiellement sur ce point, car je souhaite remettre un peu d'ordre dans les idées reçues afin d'améliorer la qualité des relations entre l'État et les collectivités locales.

C'est devenu un lieu commun : depuis environ trois décennies, la situation financière de notre pays se dégrade progressivement. Pour ce qui est de l'État, on a même pu parler de « faillite ».

Mme la ministre fait une moue dubitative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Puech

Je vois, madame le ministre, que vous réagissez à mes propos. Mais quand c'est le Premier ministre qui les tient, comment réagissez-vous ? Vous ne vous permettez pas de faire la grimace que vous venez de faire, vous me pardonnerez de le dire ! Pourtant, le Premier ministre lui-même, évoquant la situation catastrophique des finances de l'État aujourd'hui, indiquait qu'il fallait une « thérapie de choc ». C'est là l'illustration même de l'état des relations entre l'État et les collectivités locales : quand ce sont elles qui adressent une mise en garde, on ne les entend pas ; quand c'est le Premier ministre qui parle, on l'approuve.

M. Philippe Nogrix applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Puech

Dans ce contexte très difficile, que faut-il attendre des collectivités locales ? Peut-on raisonnablement les comparer à l'État ?

Les collectivités locales sont tenues, chaque année, de voter leur budget en équilibre : la « vertu budgétaire » est pour elles une obligation. Qu'en est-il de leurs dépenses ?

En vérité, les collectivités locales font ce qu'elles peuvent, et, je tiens à le dire, elles le font plutôt bien.

M. le président de l'Observatoire de la décentralisation montre un graphique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Puech

Vous me permettrez, madame le ministre, mes chers collègues, de commenter ce graphique, qui est le seul moyen de représenter clairement la situation. On peut constater que, au sein de la dette globale de notre pays telle qu'elle a évolué, par rapport au PIB, entre 1982 et 2006, la courbe de la dette des collectivités locales n'est même pas étale : elle baisse ; dans le même temps, la dette de l'État explosait. Or, les limites de la période étudiée montrent que le phénomène est indépendant des majorités politiques ; qui plus est, durant ces années, l'État a transféré des compétences en très grand nombre ! Quant à la sécurité sociale, dont il est beaucoup question, elle est certes endettée, mais les sommes qu'elle met en jeu sont relativement modestes.

Telle est donc la situation, et je crois que nous devons la constater, même si c'est, bien sûr, pour la déplorer. Les données sont ce qu'elles sont, il nous faut les enregistrer. Il ne s'agit pas de dire que certains sont meilleurs que d'autres. Simplement, si nous voulons redresser la France, nous devons faire converger les moyens !

Aujourd'hui, mes chers collègues, je sens monter un certain nombre de critiques en direction des collectivités locales, notamment dans les rapports des chambres régionales des comptes. L'exemple a été cité tout à l'heure des zones d'activité : il est possible que le point de vue parisien tende à rendre uniforme l'équipement du pays ; de mon point de vue local, j'estime que le pays est caractérisé par sa diversité, et je n'ose pas imaginer que l'on traiterait de façon uniforme un territoire aussi divers ! Je suis convaincu qu'il s'agit là de l'une de ces questions essentielles que l'on doit traiter dans le cadre de ces relations entre l'État et les collectivités.

Dans le domaine des investissements, donc de l'emploi local et de l'action sociale, le niveau territorial est devenu incontournable. De plus en plus, nos compatriotes veulent participer ; il faut donc réussir cette décentralisation.

Avec tous les transferts qui ont été mis en oeuvre, ce sont tout de même près de 90 % des investissements publics qui sont réalisés par les collectivités locales. Ce sont aussi près de 90 % de la politique sociale, hors sécurité sociale bien entendu - le suivi des dossiers sociaux des personnes en difficulté, les mères, l'enfance en difficulté, les personnes âgées, les RMIstes, les handicapés... - qui sont pris en charge par les collectivités locales, au premier rang desquelles, bien évidemment, les départements.

Est-il besoin, après les récents événements dans les banlieues, de souligner le rôle déterminant des élus et de leurs collaborateurs dans toutes les politiques et les interventions publiques qui tendent à éviter l'explosion sociale dans nombre de quartiers et banlieues de nos villes ? Ces élus sont là en permanence. S'ils ne jouaient pas ce rôle de médiateur social, la situation serait beaucoup plus difficile.

C'est à l'échelon des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, que s'effectue aujourd'hui ce travail de « raccommodage du tissu social ».

Aussi, il importe de ne pas déstabiliser les actions des collectivités locales à l'heure où l'État est confronté à d'aussi sévères difficultés.

Cependant, nous avons besoin de réformes, et en particulier d'une grande réforme de l'État. L'expérience de ces dernières années montre que cette réforme est difficile : une véritable réforme de l'État passe, en fait, par la mise en oeuvre effective de la décentralisation. Et celle-ci ne doit pas rester une pétition de principe. Elle implique des changements profonds dans les mentalités. Elle nécessite aussi la création d'un véritable statut de l'élu local, adapté notamment aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux.

Mais les collectivités territoriales doivent être associées à ces évolutions nécessaires. L'État ne peut pas se réformer en ignorant les collectivités. Il faut que ce dialogue soit permanent, mais il faut l'intensifier dans les périodes d'évolution et de transformation. Car sans un vrai dialogue et une concertation permanente, les projets de réforme resteraient lettre morte.

Je me félicite, pour ma part, de la mise en place récente, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs. Cette initiative va évidemment dans le bon sens en rappelant aux représentants des collectivités territoriales que la réforme de l'État - il faut le dire de part et d'autre -, c'est aussi leur affaire.

Si j'insiste particulièrement sur ce point, c'est parce que dans le passé et même un passé récent, nous avons enregistré tellement d'annonces et d'effets d'annonces suivies par tellement de déceptions qu'il n'est plus permis aujourd'hui de dire et de ne pas faire.

Nous vous faisons confiance et nous faisons confiance au Gouvernement. Ils sont nombreux ceux qui vous font confiance et ils sont tout aussi nombreux ceux qu'il ne faut pas décevoir. La tâche est grande. Les défis sont nombreux. Nous sommes près de vous pour les relever et pour faire gagner la France rassemblée, celle d'en bas et celle d'en haut.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Éric Doligé.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler de ce sujet qui a trait aux relations entre les collectivités territoriales et l'État après que notre ami Michel Mercier nous a dit que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était maintenant quasiment virtuelle.

Pourtant, ce sujet est un véritable sujet, qui balaie un grand nombre de problématiques. Aussi, j'évoquerai les relations financières entre l'État et les collectivités locales et je formulerai quelques propositions.

Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les relations financières entre l'État et les collectivités locales soient particulièrement transparentes, voire toujours très saines. Madame la ministre, si vous proposez que le rythme d'évolution des dotations aux collectivités territoriales soit compatible avec celui des dépenses de l'État, cela peut se concevoir. Cependant, il faut aussi le remettre en perspective et il ne faudrait pas que cette annonce, comme d'autres dans le passé, je pense aux transferts de l'État à l'euro près, laisse entendre que les collectivités ne sont pas vertueuses et qu'elles laissent filer leurs dépenses. Celles-ci augmentent effectivement en pourcentage plus rapidement que celles de l'État, mais il y a eu, au fil du temps, un certain nombre de transferts.

Certes, les dépenses locales ont progressé plus rapidement que le PIB, mais si l'on neutralise l'effet des transferts, depuis 1983 la part des dépenses est passée de 8, 7 à 9, 7 points du PIB. En un peu plus de vingt ans, ce n'est donc qu'un point de PIB de plus qui relève véritablement des dépenses des collectivités.

Certes, l'augmentation des dépenses locales concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Mais il faut préciser qu'elle est liée en majeure partie à la progression de la masse salariale qui dépend principalement des décisions gouvernementales. De plus, pour les conseils généraux, la hausse des dépenses de fonctionnement s'explique principalement à hauteur de 65 % par des transferts dont les charges ne cessent de croître et sur lesquelles les départements n'ont pas de marge de manoeuvre.

Certes, l'État se substitue de plus en plus au contribuable local par le jeu des exonérations et des dégrèvements de fiscalité. On a en effet observé, dans les budgets qui ont déjà été étudiés ici et dans des missions qui seront examinées demain, que les dégrèvements de fiscalité pèsent extrêmement lourds.

Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler que les collectivités territoriales n'ont à aucun moment été consultées sur de telles mesures, hormis très récemment depuis la mise en place d'une institution qui va permettre d'avoir une meilleure vision sur ce sujet.

Je ne peux m'empêcher de prendre un exemple afin d'illustrer mon propos : le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, que vous connaissez fort bien, madame la ministre.

Alors que le constat d'un rythme de croissance élevé des budgets des SDIS était dressé, le transfert d'une part de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance, la TSCA, devait limiter l'effet de ciseaux. On attribuait aux collectivités une partie de la TSCA qui était une « recette dynamique » - selon les termes alors employés - contre un prélèvement de la DGF. Cette manipulation date de 2005. Or, aujourd'hui, l'écart entre les deux est de 29 millions d'euros par an au détriment des départements.

Je m'autorise également, madame la ministre, à vous mettre au défi, dans votre département, d'obtenir des bases qui permettent d'établir la taxe sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE. Cela varie du simple au double d'une année à l'autre et les collectivités ont très souvent des difficultés pour obtenir des estimations fondées sur des bases solides.

Nous nous permettons de vous demander d'associer davantage les collectivités territoriales aux décisions de l'État, au niveau central comme au niveau déconcentré.

Je rêve que nous nous mettions tous autour d'une même table au niveau départemental ou régional, non pas pour entendre dire qu'il faut abonder les crédits de telle ou telle collectivité ou de l'État, mais pour que l'on examine l'ensemble des dossiers de l'État et des collectivités. Cela nous permettrait probablement de régler un vrai fléau, celui de notre société administrative, qui est très complexe et opaque, et qui génère des charges insupportables pénalisant et nos entreprises et notre équilibre.

Des propos similaires ont été fort bien exprimés par M. le Premier ministre dans une lettre adressée à M. Alain Lambert le 3 septembre 2007. J'en citerai trois paragraphes.

« Les relations entre l'État et les collectivités territoriales sont l'un des axes transversaux qui doivent faire l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

« En effet, le partage des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités territoriales ainsi que leurs groupements est caractérisé par un enchevêtrement et des redondances qui nuisent à la transparence et à l'efficacité de l'action publique et contribuent à la déresponsabilisation des acteurs.

« Par ailleurs les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se caractérisent par des processus déséquilibrés. »

Tout est dit, me semble-t-il ; le constat a été bien dressé par M. le Premier ministre.

Dès lors que faire ? Le Premier ministre a confié à M. Attali, à M. Lambert et à M Balladur une réflexion sur ce sujet. Ils ont ouvert des pistes et ont formulé des propositions particulièrement intéressantes, mais dont certaines sont discutables, et j'espère d'ailleurs que nous pourrons en débattre.

Je proposerai une piste qui vient d'une observation du terrain et d'une écoute permanente des maires et des élus territoriaux, les sénateurs étant bien placés, me semble-t-il, pour parler des territoires et des élus. Il s'agit des compétences qui sont probablement au coeur du problème. Le « désenchevêtrement », dont parlait M. le Premier ministre, c'est créer les conditions de la transparence et de l'efficacité et réduire les moyens inutiles, et par conséquent les prélèvements sur les citoyens.

Certains pensent régler le problème en supprimant un niveau, sans en analyser les conséquences. D'autres évoquent la suppression de la compétence générale. Il existe, madame la ministre, un certain nombre de compétences : les compétences exclusives ou obligatoires, les compétences générales et les compétences des chefs de file.

Les compétences exclusives résultent en majeure partie des lois de décentralisation. Elles ont un avantage majeur : elles sont claires puisque non partagées entre plusieurs niveaux de collectivités. Mais l'État n'a pas su couper le cordon et aller au bout de l'exercice. Il continue à vouloir être partout, non pas par les financements, bien sûr, mais par les normes, les contrôles, les supervisions. Lorsqu'il est sorti élégamment par la porte grâce à la loi, il aime bien revenir par la fenêtre grâce à la circulaire. Il faut aller plus loin dans chacune des compétences exclusives et en sortir l'État.

Les contrats de plan État-région sont-ils un bon système ? Ils organisent les cofinancements et les favorisent. C'est trop souvent devenu un moyen de pression et ce n'est pas ainsi que l'on développe une bonne politique.

Avoir confié aux régions la compétence des lycées, par exemple, est une erreur, qui est encore plus visible depuis le transfert de la compétence des personnels TOS aux départements et régions. Ce transfert avait pour finalité la proximité. Or la région est une collectivité non pas de proximité mais de mission. Il faudrait réfléchir de nouveau sur le sujet et pouvoir confier la compétence des lycées aux départements.

La compétence générale, dont certains souhaitent la suppression, permet de se saisir de tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive. Il faudrait de nouveau étudier ce concept qui conduit à des débordements très pénalisants financièrement et contribuant à l'opacité.

Je vous propose de retenir deux types de compétences : les compétences actives et les compétences passives. Ce qui est actif, c'est ce qui permet à une collectivité de maîtriser son évolution et sa richesse, je pense principalement à l'économie et à l'aménagement du territoire. Tout à l'heure, notre collègue Bernard Saugey a parlé d'un rapport, certes intéressant, mais qui mérite également analyse sur l'économie.

Je considère que sur un dossier précis dont se saisirait librement une collectivité, elle ne pourrait en assurer le financement qu'avec un seul partenaire. Or, à l'heure actuelle, nous en rencontrons parfois cinq ou six, voire plus.

Ce qui est passif, en revanche, c'est ce qui peut être assuré par un seul niveau de collectivités dans la plus grande transparence, par exemple le sport ou la culture. Est-il besoin sur un même territoire pour traiter une subvention culturelle que cinq directions des sports se saisissent de la question, parfois pour des sommes extrêmement faibles ?

Pour en finir, il me semble que chaque compétence doit être mise au bon niveau avec un minimum de superpositions. Je vous propose également de replacer les régions à leur bon niveau, un niveau supérieur avec de véritables missions comme la santé, l'université ou l'environnement et une capacité d'intervention sur la cohérence des voies de communication.

Les compétences des régions doivent être élargies et les élus issus des collectivités. L'État, quant à lui, doit réduire sérieusement la voilure. Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons établir de véritables relations entre l'État et les collectivités et que notre compétitivité connaîtra un renouveau.

Au fil des ans, j'ai le sentiment que l'État fonctionnarise de plus en plus les collectivités par le biais des dotations financières qu'il maîtrise. L'exemple de la révision du contrat de croissance et de solidarité montre à l'évidence qu'une décision en apparence minime peut mettre en difficulté une collectivité.

Vous l'aurez remarqué, madame la ministre, je me suis un peu éloigné du sujet qui nous occupe. Mais la mission que nous examinons est si particulière que je me suis permis de vous faire part de quelques idées.

En conclusion, je voterai avec grand plaisir votre budget, qui me paraît conforme aux orientations retenues par la commission des finances.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je redirai, à ma manière, ce que plusieurs de mes collègues ont déjà dit.

J'adhère tout à fait à la proposition du rapporteur spécial de supprimer à terme la présente mission, notamment parce que son montant est peu élevé par rapport à l'ensemble des dotations destinées aux collectivités territoriales et en raison de son évolution à proprement parler.

Comme M. Jean Puech l'a rappelé tout à l'heure, la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire, à partir de 2008, ne constitueront plus des dépenses de la mission et seront financées par des prélèvements sur les recettes de l'État. Au vu de toutes les dotations qui ont été évoquées, il est nécessaire de clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Nous éviterons ainsi les commentaires selon lesquels le passage des dépenses aux prélèvements sur les recettes de l'État aurait pour objet de faire diminuer les dépenses de l'État.

Certains de mes collègues ont rappelé tout à l'heure que le Sénat avait adopté l'article 12 de ce projet de loi de finances, qui remplace le contrat de croissance et de solidarité par le contrat de stabilité.

Certes, nous comprenons tout à fait que les collectivités doivent participer à l'effort national, mais, encore une fois, nous avons besoin que cela se fasse en toute clarté.

Comme l'a également précisé tout à l'heure M. Puech, la part des collectivités territoriales dans l'endettement général du pays ne représente que 10 %, alors que celles-ci contribuent à hauteur de 72 % - c'est énorme ! - aux dépenses d'équipements publics. Et, il est important de le rappeler, lorsque les collectivités empruntent, elles le font pour investir.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, avec plusieurs de mes collègues, je m'étais personnellement élevée contre l'abaissement de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti. Certains de nos collègues nous avaient alors reproché, de manière quelque peu désagréable, de ne pas vouloir soutenir les agriculteurs. D'ailleurs, il faut s'en souvenir, ces derniers n'avaient rien demandé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le président de la commission des finances du Sénat a dû se battre afin d'étendre aux départements la compensation qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale. Quand on instaure de telles exonérations, il faut en mesurer les conséquences et être prudent. Si on tient de tels propos on est souvent accusé d'être opposé à la mesure proposée. Or, nous ne sommes pas forcément hostiles, sur le principe, à de telles mesures, mais nous gérons les collectivités locales, et savons ce qu'il en sera.

Par ailleurs, s'agissant des dépenses imposées par l'État, qui est un point très important, je souscris aux propos de M. Mercier.

Je terminerai en évoquant un autre point important, les conséquences de la décentralisation.

Nous connaissons les incidences de la décentralisation sur les départements et sur les régions. Mais je voudrais attirer votre attention, madame le ministre, sur les effets qu'elle produit aussi sur les communes, et donc sur les intercommunalités. L'idée s'est répandue selon laquelle la décentralisation ne touche que les départements et les régions. Or, par ricochet, elle concerne aussi les communes et les intercommunalités.

Je prendrai quelques exemples.

Pour ce qui concerne le transfert de compétences de la DDE, la direction départementale de l'équipement, autrefois appelée les Ponts et Chaussées, vers les départements, nos communes ont dû progressivement se substituer à ses missions historiques, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

...qu'il s'agisse de l'entretien des voiries communales, qu'elle assurait directement, ou de la réforme des permis de construire, dont nous avons eu l'occasion de débattre récemment.

Sur ces deux sujets, cette réorganisation a des conséquences financières non négligeables pour les communes, doublées d'une véritable difficulté pour les petites communes à assumer techniquement ces nouvelles missions. Bien évidemment, l'intercommunalité constitue souvent une solution pour les communes, mais il n'empêche qu'elle subit, elle aussi, les conséquences de la décentralisation.

Je citerai un exemple concret. Cette semaine, dans mon département, le préfet a expliqué quel était autrefois le rôle de l'État pour ce que l'on appelle, dans les régions ligériennes, les « levées de la Loire ».

L'État entretenait, - l'ancien président de l'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, peut l'attester - toutes les levées de la Loire, en surveillant les périodes des hautes eaux, afin d'éviter les crues. Le personnel ayant été transféré au département, c'est maintenant à lui qu'il revient d'assurer ces missions. Mais le département répond qu'il ne peut pas tout faire et il demande aux communes ligériennes - je parle en l'occurrence de celles de mon département -, notamment celles qui se trouvent dans l'agglomération blésoise, d'assumer cette charge, au motif qu'elles ont du personnel et sont riches. Le département n'accepte de prendre en charge que les petites communes rurales.

Tout cela correspond en fait à des transferts insidieux de dépenses en personnel qui deviennent de plus en plus importants et qui font que nous nous retrouvons dans un système à deux niveaux.

Je ne reviendrai pas sur la réforme fiscale, car tout le monde s'accorde à dire qu'elle est nécessaire. Mais l'idée est de savoir qui fait quoi et de connaître les missions de l'État.

Certes, nous avons besoin d'un État fort, recentré sur ses missions régaliennes, sur ses missions en matière de péréquation et de sécurité, sur ses missions républicaines traditionnelles, mais nous avons aussi besoin de savoir quelles missions incombent aux collectivités locales. À cet égard, Je viens d'entendre une proposition audacieuse de M. Doligé.

J'ai lu tout à l'heure une note sur la mission économique des collectivités locales. C'est à y perdre son latin. Je crois aussi que l'on y perd beaucoup d'argent public !

Il est nécessaire de définir des missions claires pour chaque intervenant, ce qui permettra aussi de rétablir la confiance entre les collectivités territoriales et l'État, laquelle est, il faut le dire, aujourd'hui quelque peu émoussée.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.