Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 14 juin 2006 à 21h30
Immigration et intégration — Article 28

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

La loi du 6 février 2001 dispose : « L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».

Par conséquent, les enfants nés dans les pays de droit coranique ne peuvent être adoptés par des candidats de nationalité française. Or ces enfants sont d'ores et déjà accueillis par des couples français dans le cadre d'une kafalajudiciaire, qui est « le recueil légal des enfants abandonnés ou dont les parents s'avèrent incapables d'assurer l'éducation ».

Avant l'introduction de cette disposition dans l'article 370-3 du code civil, le juge appréciait au cas par cas la situation des enfants et prononçait le plus souvent une adoption, qu'elle soit simple ou plénière.

Depuis 2001, la France s'interdit d'accepter ces enfants sur son territoire dans le cadre de la procédure d'adoption.

Dans son rapport annuel pour 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dénonce cet état de fait : « Il s'agit d'un véritable recul dans la prise en compte de l'intérêt de ces enfants, pour lesquels la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ouvrait cette possibilité. » Elle ajoute, sur ce sujet, d'autres éléments qui vont dans le même sens.

Par ailleurs, les pratiques en matière de délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour sont très diverses pour les enfants recueillis régulièrement en kafalajudiciaire par nos concitoyens.

Saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France demandée pour des enfants recueillis en kafala dans le cadre de la procédure du regroupement familial, le Conseil d'État a annulé ces refus en rappelant, conformément aux principes de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention européenne des droits de l'homme, ceci : « Si les dispositions combinées de l'article 15 et de l'article 29 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 prévoient que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour une enfant n'appartenant pas à l'une des catégories mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, selon lesquelles dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale . »

De plus, la loi du 26 novembre 2003 a mis en place une « période de stage » de cinq ans avant que puisse être déposée une demande de nationalité française, pour l'enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française, et de trois ans pour un enfant qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance.

Avant l'adoption de ces dispositions, la possibilité de réclamer la nationalité française était donnée à ces enfants, dès lors qu'ils résidaient sur le sol français, et elle n'était assortie d'aucune condition de durée.

En raison de l'ensemble de ces dispositions, les familles françaises ayant accueilli des enfants en kafala judiciaire et, au premier chef, les enfants subissent une discrimination intolérable.

Or la kafala judiciaire, reconnue par les conventions internationales, est considérée par les autorités des pays d'origine et des pays d'accueil, y compris par des représentants de la France au Maroc et en Algérie, comme une procédure « structurée, encadrée et sécurisée ».

Enfin, nous tenons à souligner qu'en Europe la France fait figure d'exception dans ce domaine.

Les principaux pays européens ont en effet voulu et su régler les différents aspects du recueil d'enfants en kafala par leurs citoyens.

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