S'il est exact qu'aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État le caractère discontinu du séjour régulier d'un étranger ayant passé plus de dix ans en France s'oppose à ce qu'on lui reconnaisse le bénéfice d'une situation régulière depuis plus de dix ans, cette interprétation a toutefois été retenue dans le cas d'étrangers dont le séjour régulier avait été interrompu à la suite de circonstances ne pouvant être imputées en aucune façon à la responsabilité de l'administration préfectorale.
De même, cette interprétation a été admise dans le cas de travailleurs saisonniers, dont le caractère occasionnel du travail et du séjour n'avait pas été remis en question. Rien n'interdit en effet, dans la rédaction de l'article L. 314-11 du CESEDA, de prendre en compte la totalité des périodes de séjour régulier d'un travailleur migrant permanent, en partant du principe que, dans le cas d'un travailleur qui effectue des « saisons » de huit mois, le caractère discontinu du séjour est factice et que l'interruption de celui-ci est purement artificielle.
Cette interprétation serait du reste parfaitement conforme à la volonté du législateur au moment du vote à l'Assemblée nationale des dispositions relatives à la carte de résident de dix ans. En effet, l'origine de cet article remonte à la loi 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, qui définissait des catégories d'étrangers non expulsables, parmi lesquels figuraient les titulaires d'une rente d'accident du travail et les personnes ayant leur résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans.
La loi 84-622 du 17 juillet 1984 attribuait de plein droit une carte de résident à ces mêmes étrangers.
Enfin, la loi 86-1025 du 9 septembre 1986 a ajouté le critère de la résidence régulière depuis plus de dix ans.
Si l'on examine les débats parlementaires relatifs à ces diverses modifications de la législation sur les étrangers, on constate une rare unanimité sur la nécessité de protéger les travailleurs migrants qui, eux aussi, ont contribué à créer les richesses de notre pays.
J'aurais pu citer les propos tenus à l'époque par Charles Ledermann, au Sénat, et Roger Rouquette, à l'Assemblée nationale.
En outre, le droit externe reprend à son compte cette volonté des législateurs de protéger les travailleurs migrants en fonction de la pérennité de leur emploi et impose la délivrance d'un titre de séjour dans des cas similaires à celui d'un travailleur saisonnier habituel.