Intervention de Jean Puech

Réunion du 5 décembre 2007 à 15h30
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

Photo de Jean PuechJean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation :

Vous me permettrez, madame le ministre, mes chers collègues, de commenter ce graphique, qui est le seul moyen de représenter clairement la situation. On peut constater que, au sein de la dette globale de notre pays telle qu'elle a évolué, par rapport au PIB, entre 1982 et 2006, la courbe de la dette des collectivités locales n'est même pas étale : elle baisse ; dans le même temps, la dette de l'État explosait. Or, les limites de la période étudiée montrent que le phénomène est indépendant des majorités politiques ; qui plus est, durant ces années, l'État a transféré des compétences en très grand nombre ! Quant à la sécurité sociale, dont il est beaucoup question, elle est certes endettée, mais les sommes qu'elle met en jeu sont relativement modestes.

Telle est donc la situation, et je crois que nous devons la constater, même si c'est, bien sûr, pour la déplorer. Les données sont ce qu'elles sont, il nous faut les enregistrer. Il ne s'agit pas de dire que certains sont meilleurs que d'autres. Simplement, si nous voulons redresser la France, nous devons faire converger les moyens !

Aujourd'hui, mes chers collègues, je sens monter un certain nombre de critiques en direction des collectivités locales, notamment dans les rapports des chambres régionales des comptes. L'exemple a été cité tout à l'heure des zones d'activité : il est possible que le point de vue parisien tende à rendre uniforme l'équipement du pays ; de mon point de vue local, j'estime que le pays est caractérisé par sa diversité, et je n'ose pas imaginer que l'on traiterait de façon uniforme un territoire aussi divers ! Je suis convaincu qu'il s'agit là de l'une de ces questions essentielles que l'on doit traiter dans le cadre de ces relations entre l'État et les collectivités.

Dans le domaine des investissements, donc de l'emploi local et de l'action sociale, le niveau territorial est devenu incontournable. De plus en plus, nos compatriotes veulent participer ; il faut donc réussir cette décentralisation.

Avec tous les transferts qui ont été mis en oeuvre, ce sont tout de même près de 90 % des investissements publics qui sont réalisés par les collectivités locales. Ce sont aussi près de 90 % de la politique sociale, hors sécurité sociale bien entendu - le suivi des dossiers sociaux des personnes en difficulté, les mères, l'enfance en difficulté, les personnes âgées, les RMIstes, les handicapés... - qui sont pris en charge par les collectivités locales, au premier rang desquelles, bien évidemment, les départements.

Est-il besoin, après les récents événements dans les banlieues, de souligner le rôle déterminant des élus et de leurs collaborateurs dans toutes les politiques et les interventions publiques qui tendent à éviter l'explosion sociale dans nombre de quartiers et banlieues de nos villes ? Ces élus sont là en permanence. S'ils ne jouaient pas ce rôle de médiateur social, la situation serait beaucoup plus difficile.

C'est à l'échelon des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, que s'effectue aujourd'hui ce travail de « raccommodage du tissu social ».

Aussi, il importe de ne pas déstabiliser les actions des collectivités locales à l'heure où l'État est confronté à d'aussi sévères difficultés.

Cependant, nous avons besoin de réformes, et en particulier d'une grande réforme de l'État. L'expérience de ces dernières années montre que cette réforme est difficile : une véritable réforme de l'État passe, en fait, par la mise en oeuvre effective de la décentralisation. Et celle-ci ne doit pas rester une pétition de principe. Elle implique des changements profonds dans les mentalités. Elle nécessite aussi la création d'un véritable statut de l'élu local, adapté notamment aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux.

Mais les collectivités territoriales doivent être associées à ces évolutions nécessaires. L'État ne peut pas se réformer en ignorant les collectivités. Il faut que ce dialogue soit permanent, mais il faut l'intensifier dans les périodes d'évolution et de transformation. Car sans un vrai dialogue et une concertation permanente, les projets de réforme resteraient lettre morte.

Je me félicite, pour ma part, de la mise en place récente, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs. Cette initiative va évidemment dans le bon sens en rappelant aux représentants des collectivités territoriales que la réforme de l'État - il faut le dire de part et d'autre -, c'est aussi leur affaire.

Si j'insiste particulièrement sur ce point, c'est parce que dans le passé et même un passé récent, nous avons enregistré tellement d'annonces et d'effets d'annonces suivies par tellement de déceptions qu'il n'est plus permis aujourd'hui de dire et de ne pas faire.

Nous vous faisons confiance et nous faisons confiance au Gouvernement. Ils sont nombreux ceux qui vous font confiance et ils sont tout aussi nombreux ceux qu'il ne faut pas décevoir. La tâche est grande. Les défis sont nombreux. Nous sommes près de vous pour les relever et pour faire gagner la France rassemblée, celle d'en bas et celle d'en haut.

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