Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler de ce sujet qui a trait aux relations entre les collectivités territoriales et l'État après que notre ami Michel Mercier nous a dit que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était maintenant quasiment virtuelle.
Pourtant, ce sujet est un véritable sujet, qui balaie un grand nombre de problématiques. Aussi, j'évoquerai les relations financières entre l'État et les collectivités locales et je formulerai quelques propositions.
Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les relations financières entre l'État et les collectivités locales soient particulièrement transparentes, voire toujours très saines. Madame la ministre, si vous proposez que le rythme d'évolution des dotations aux collectivités territoriales soit compatible avec celui des dépenses de l'État, cela peut se concevoir. Cependant, il faut aussi le remettre en perspective et il ne faudrait pas que cette annonce, comme d'autres dans le passé, je pense aux transferts de l'État à l'euro près, laisse entendre que les collectivités ne sont pas vertueuses et qu'elles laissent filer leurs dépenses. Celles-ci augmentent effectivement en pourcentage plus rapidement que celles de l'État, mais il y a eu, au fil du temps, un certain nombre de transferts.
Certes, les dépenses locales ont progressé plus rapidement que le PIB, mais si l'on neutralise l'effet des transferts, depuis 1983 la part des dépenses est passée de 8, 7 à 9, 7 points du PIB. En un peu plus de vingt ans, ce n'est donc qu'un point de PIB de plus qui relève véritablement des dépenses des collectivités.
Certes, l'augmentation des dépenses locales concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Mais il faut préciser qu'elle est liée en majeure partie à la progression de la masse salariale qui dépend principalement des décisions gouvernementales. De plus, pour les conseils généraux, la hausse des dépenses de fonctionnement s'explique principalement à hauteur de 65 % par des transferts dont les charges ne cessent de croître et sur lesquelles les départements n'ont pas de marge de manoeuvre.
Certes, l'État se substitue de plus en plus au contribuable local par le jeu des exonérations et des dégrèvements de fiscalité. On a en effet observé, dans les budgets qui ont déjà été étudiés ici et dans des missions qui seront examinées demain, que les dégrèvements de fiscalité pèsent extrêmement lourds.
Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler que les collectivités territoriales n'ont à aucun moment été consultées sur de telles mesures, hormis très récemment depuis la mise en place d'une institution qui va permettre d'avoir une meilleure vision sur ce sujet.
Je ne peux m'empêcher de prendre un exemple afin d'illustrer mon propos : le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, que vous connaissez fort bien, madame la ministre.
Alors que le constat d'un rythme de croissance élevé des budgets des SDIS était dressé, le transfert d'une part de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance, la TSCA, devait limiter l'effet de ciseaux. On attribuait aux collectivités une partie de la TSCA qui était une « recette dynamique » - selon les termes alors employés - contre un prélèvement de la DGF. Cette manipulation date de 2005. Or, aujourd'hui, l'écart entre les deux est de 29 millions d'euros par an au détriment des départements.
Je m'autorise également, madame la ministre, à vous mettre au défi, dans votre département, d'obtenir des bases qui permettent d'établir la taxe sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE. Cela varie du simple au double d'une année à l'autre et les collectivités ont très souvent des difficultés pour obtenir des estimations fondées sur des bases solides.
Nous nous permettons de vous demander d'associer davantage les collectivités territoriales aux décisions de l'État, au niveau central comme au niveau déconcentré.
Je rêve que nous nous mettions tous autour d'une même table au niveau départemental ou régional, non pas pour entendre dire qu'il faut abonder les crédits de telle ou telle collectivité ou de l'État, mais pour que l'on examine l'ensemble des dossiers de l'État et des collectivités. Cela nous permettrait probablement de régler un vrai fléau, celui de notre société administrative, qui est très complexe et opaque, et qui génère des charges insupportables pénalisant et nos entreprises et notre équilibre.
Des propos similaires ont été fort bien exprimés par M. le Premier ministre dans une lettre adressée à M. Alain Lambert le 3 septembre 2007. J'en citerai trois paragraphes.
« Les relations entre l'État et les collectivités territoriales sont l'un des axes transversaux qui doivent faire l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
« En effet, le partage des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités territoriales ainsi que leurs groupements est caractérisé par un enchevêtrement et des redondances qui nuisent à la transparence et à l'efficacité de l'action publique et contribuent à la déresponsabilisation des acteurs.
« Par ailleurs les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se caractérisent par des processus déséquilibrés. »
Tout est dit, me semble-t-il ; le constat a été bien dressé par M. le Premier ministre.
Dès lors que faire ? Le Premier ministre a confié à M. Attali, à M. Lambert et à M Balladur une réflexion sur ce sujet. Ils ont ouvert des pistes et ont formulé des propositions particulièrement intéressantes, mais dont certaines sont discutables, et j'espère d'ailleurs que nous pourrons en débattre.
Je proposerai une piste qui vient d'une observation du terrain et d'une écoute permanente des maires et des élus territoriaux, les sénateurs étant bien placés, me semble-t-il, pour parler des territoires et des élus. Il s'agit des compétences qui sont probablement au coeur du problème. Le « désenchevêtrement », dont parlait M. le Premier ministre, c'est créer les conditions de la transparence et de l'efficacité et réduire les moyens inutiles, et par conséquent les prélèvements sur les citoyens.
Certains pensent régler le problème en supprimant un niveau, sans en analyser les conséquences. D'autres évoquent la suppression de la compétence générale. Il existe, madame la ministre, un certain nombre de compétences : les compétences exclusives ou obligatoires, les compétences générales et les compétences des chefs de file.
Les compétences exclusives résultent en majeure partie des lois de décentralisation. Elles ont un avantage majeur : elles sont claires puisque non partagées entre plusieurs niveaux de collectivités. Mais l'État n'a pas su couper le cordon et aller au bout de l'exercice. Il continue à vouloir être partout, non pas par les financements, bien sûr, mais par les normes, les contrôles, les supervisions. Lorsqu'il est sorti élégamment par la porte grâce à la loi, il aime bien revenir par la fenêtre grâce à la circulaire. Il faut aller plus loin dans chacune des compétences exclusives et en sortir l'État.
Les contrats de plan État-région sont-ils un bon système ? Ils organisent les cofinancements et les favorisent. C'est trop souvent devenu un moyen de pression et ce n'est pas ainsi que l'on développe une bonne politique.
Avoir confié aux régions la compétence des lycées, par exemple, est une erreur, qui est encore plus visible depuis le transfert de la compétence des personnels TOS aux départements et régions. Ce transfert avait pour finalité la proximité. Or la région est une collectivité non pas de proximité mais de mission. Il faudrait réfléchir de nouveau sur le sujet et pouvoir confier la compétence des lycées aux départements.
La compétence générale, dont certains souhaitent la suppression, permet de se saisir de tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive. Il faudrait de nouveau étudier ce concept qui conduit à des débordements très pénalisants financièrement et contribuant à l'opacité.
Je vous propose de retenir deux types de compétences : les compétences actives et les compétences passives. Ce qui est actif, c'est ce qui permet à une collectivité de maîtriser son évolution et sa richesse, je pense principalement à l'économie et à l'aménagement du territoire. Tout à l'heure, notre collègue Bernard Saugey a parlé d'un rapport, certes intéressant, mais qui mérite également analyse sur l'économie.
Je considère que sur un dossier précis dont se saisirait librement une collectivité, elle ne pourrait en assurer le financement qu'avec un seul partenaire. Or, à l'heure actuelle, nous en rencontrons parfois cinq ou six, voire plus.
Ce qui est passif, en revanche, c'est ce qui peut être assuré par un seul niveau de collectivités dans la plus grande transparence, par exemple le sport ou la culture. Est-il besoin sur un même territoire pour traiter une subvention culturelle que cinq directions des sports se saisissent de la question, parfois pour des sommes extrêmement faibles ?
Pour en finir, il me semble que chaque compétence doit être mise au bon niveau avec un minimum de superpositions. Je vous propose également de replacer les régions à leur bon niveau, un niveau supérieur avec de véritables missions comme la santé, l'université ou l'environnement et une capacité d'intervention sur la cohérence des voies de communication.
Les compétences des régions doivent être élargies et les élus issus des collectivités. L'État, quant à lui, doit réduire sérieusement la voilure. Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons établir de véritables relations entre l'État et les collectivités et que notre compétitivité connaîtra un renouveau.
Au fil des ans, j'ai le sentiment que l'État fonctionnarise de plus en plus les collectivités par le biais des dotations financières qu'il maîtrise. L'exemple de la révision du contrat de croissance et de solidarité montre à l'évidence qu'une décision en apparence minime peut mettre en difficulté une collectivité.
Vous l'aurez remarqué, madame la ministre, je me suis un peu éloigné du sujet qui nous occupe. Mais la mission que nous examinons est si particulière que je me suis permis de vous faire part de quelques idées.
En conclusion, je voterai avec grand plaisir votre budget, qui me paraît conforme aux orientations retenues par la commission des finances.