Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 5 décembre 2007 à 21h30
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission a ceci de particulier que l'État n'est maître de la répartition que pour 25 % de ses crédits. Pourtant, elle porte un nom bien symbolique, puisqu'il s'agit des relations qu'entretient l'État avec les collectivités territoriales, décentralisées, ajouterai-je

C'est bien de cela que je souhaite discuter avec vous, madame la ministre, en évoquant, si vous le permettez, plusieurs autres missions budgétaires à l'appui de mon propos. Car ce n'est pas une, mais bien plusieurs missions LOLF et plusieurs actions, disséminées dans tout le projet de loi de finances, qui concourent aux bonnes ou aux mauvaises relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Or après examen du projet de loi de finances pour 2008, force est de constater que, malheureusement, l'État persévère dans sa logique de défiance qui le caractérise depuis bientôt cinq ans.

Plusieurs décisions récentes, prises sans tenir compte des préoccupations des collectivités locales et sans concertation préalable, plongeront à très courte échéance un grand nombre d'entre elles dans le rouge.

Au cours de la discussion des amendements, je reviendrai sur la baisse annoncée de la progression de la DSU, en contradiction évidente avec le mécanisme de préservation prévu par la loi Borloo, en contradiction avec les annonces gouvernementales et, surtout, en contradiction avec la réalité que vivent ces communes de banlieues dont la récente actualité nous a encore montré le degré de fragilité.

Auparavant, je souhaite revenir sur d'autres éléments budgétaires qui me semblent confirmer, madame la ministre, que le Gouvernement manifeste à l'égard des collectivités locales une défiance bien contraire à l'idée que je me fais du pacte républicain.

Par exemple, l'article 60 du projet de loi de finances, qui vient en discussion vendredi prochain, prévoit d'augmenter les cotisations salariales des collectivités locales pour abonder le Fonds national d'aide au logement. À aucun moment, le Gouvernement, qui s'y était pourtant engagé par la voix de M. Copé il y a un an, n'a lancé les négociations annoncées lors de la discussion sur la loi de finances pour 2007.

J'observe que cette nouvelle taxe est créée après que l'État a transféré l'immense majorité des agents des directions départementales de l'équipement aux départements et les agents TOS aux régions, transfert bien évidemment réalisé sans que cette nouvelle taxe ait fait l'objet d'aucune évaluation préalable. Elle coûterait pourtant, dès l'an prochain, 65 millions d'euros supplémentaires de cotisations aux collectivités locales, à nombre d'agents constants.

Une autre décision m'inquiète : en intégrant la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, la DRES, à l'enveloppe normée des dotations aux collectivités, vous soumettez dorénavant ces sommes à votre norme d'évolution des dépenses « zéro volume » et à la contrainte qu'elle engendre. Vous avez même accepté que la situation s'aggrave en laissant passer l'amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui, sous prétexte de limiter les effets du contrat de stabilité, vise à indexer l'évolution de ces dotations sur la seule inflation.

Cela entraînera en 2008 une perte de 13 millions d'euros pour les collectivités locales ! On aménage donc aujourd'hui une décision prise à la va-vite au mois de juin, sans aucune concertation, et au préjudice, une fois encore, des collectivités.

Pensez-vous, madame la ministre, que ces deux mesures soient de nature à renforcer la confiance mutuelle nécessaire entre l'État et les collectivités ?

Cette confiance s'effrite au fil des décisions gouvernementales, mais aussi à cause des attitudes des services déconcentrés.

Dans les relations qu'entretient l'État avec les collectivités figurent en effet les relations que les services déconcentrés entretiennent notamment avec les plus petites d'entre elles, celles dont la taille est trop modeste pour qu'elles assurent seules les missions qui leur incombent, notamment en matière d'administration du droit des sols ou de maîtrise foncière.

Depuis la mise en oeuvre de la réforme du permis de construire, le 1er octobre 2007, on ne compte plus les communes qui peinent à obtenir l'aide de la DDE, et ce malgré les efforts du ministre de l'écologie destinés à rappeler les services à leurs obligations légales.

Le Gouvernement est régulièrement interpellé, dans cet hémicycle, sur ces dérives, sur ces transferts de charges déguisés, sur cette défausse permanente.

Mais, à y regarder de plus près, les circulaires n'y pourront rien. C'est dans le budget de l'État, et plus particulièrement dans celui de votre collègue Jean-Louis Borloo, que se trouvent quelques-unes des racines du mal : moins de personnels, moins de moyens d'intervention, moins de disponibilité.

Je comprends la tentation du Gouvernement de rogner sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses d'accompagnement en ingénierie des collectivités ou les dépenses d'études, parce qu'elles semblent bien cachées. Le problème, c'est que ces dépenses traduisent précisément l'engagement de l'État sur les territoires et en fondent souvent la crédibilité.

À titre d'exemple, je citerai l'action « soutien aux collectivités locales dans le cadre des contrats de projet 2007-2013 » du programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », inscrite au budget du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. L'État engage 12 290 000 euros dans la recherche de solutions pour faire face à la crise du logement de la région capitale, dans le cadre du contrat de projet. Or il n'inscrit pour cette action aucun crédit de paiement !

Toujours dans le même chapitre budgétaire, le « Soutien aux politiques locales foncières, de planification et d'aménagement » regroupe les crédits consacrés aux actions foncières en Île-de-France et à l'aide de l'État pour les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Ce n'est pas compliqué : depuis cinq ans, l'État faisait peu ; à partir de l'année prochaine, il ne fera plus rien ! Zéro euro d'engagements nouveaux !

Quant aux agences d'urbanisme, outils précieux pour les territoires et financés à 90 % par les collectivités locales, le budget que leur consacrera l'État cette année ne connaît qu'une augmentation apparente : en 2007, leur dotation globale avait baissé de près de 10 % par rapport à l'année antérieure et au moins cinq nouvelles agences sont prévues pour 2008.

Alors, madame la ministre, votre collègue Mme Boutin pourra toujours s'époumoner et annoncer à qui veut l'entendre que l'État fera respecter la loi SRU, que tous les acteurs de la chaîne du logement doivent s'investir, que les maires bâtisseurs seront encouragés. Moi, pendant ce temps, je lis dans le « bleu » budgétaire un passage éclairant sur la stratégie réelle de l'État : « L'une de ces règles [de mobilisation des crédits pour favoriser les communes qui contribueront de manière significative à la production de logements] consiste en la mise en concurrence des territoires [...] La répartition des crédits entre territoires ne peut donc pas être arrêtée . »

Cette absence de vision de la planification et de l'accompagnement des territoires n'est pas sans rappeler ce qu'il convient désormais d'appeler « l'organisation de la concurrence », qui s'exprime par la dizaine d'appels à projets lancés depuis 2002 par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT.

L'un d'entre eux a au moins mobilisé pendant trois mois, au début de cette année, dans l'urgence, les équipes d'une cinquantaine d'agglomérations sur le thème de la mobilité durable. Or cet appel à projets aurait été purement et simplement suspendu ! Quelle raison le ministère de tutelle a-t-il invoquée ? Aucune ! N'est-ce pas là encore, madame la ministre, une marque de défiance, pour ne pas dire de mépris, à l'égard de certaines collectivités locales ?

Pour conclure, je ne sais s'il faut souhaiter, à l'instar de notre rapporteur spécial, Michel Mercier, la fin de cette mission. Néanmoins, je suggère au Gouvernement d'opérer sa révolution en la matière, sans quoi les inégalités continueront de se creuser sur nos territoires.

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