Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 5 décembre 2007 à 21h30
Loi de finances pour 2008 — Articles additionnels après l'article 48 septies

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Nous allons commencer à parler, sans doute pour quelques minutes, de l'évolution de la dotation de solidarité urbaine.

En effet, à l'image des inégalités entre les Français, qui se creusent, de façon tout aussi certaine, des inégalités fortes subsistent entre collectivités, tout particulièrement au sein des communes urbaines, entre territoires aisés et territoires qui concentrent les difficultés : populations défavorisées, importants besoins sociaux et d'équipements publics, mais, parallèlement, peu d'activités, peu de ressources fiscales et, de façon générale, faibles capacités financières.

On observe ainsi un douloureux effet boule de neige : des habitants pauvres, des communes pauvres, les difficultés des habitants accrues et les besoins de financement des communes renforcés.

Pour en limiter la portée, le législateur a inventé - et il a bien fait - la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, qui a, jusqu'à aujourd'hui, bénéficié de l'unanimité du pacte républicain autour de sa sauvegarde et du respect des engagements pris quant à son enveloppe annuelle : une augmentation à concurrence de 120 millions d'euros ou bien à hauteur de 24 % de l'augmentation de la DGF des communes et de leurs groupements si celle-ci est inférieure à 500 millions d'euros.

Or voici que le Gouvernement s'apprête à rompre ce pacte républicain, qu'il remet en cause la solidarité nationale et s'assoit sur les règles de calcul de l'évolution de la DSU que nous avions bâties ensemble.

En effet, dans son discours devant le comité des finances locales, le 25 septembre 2007, Mme la ministre de l'intérieur a prévu, pour 2008, une augmentation de la DGF destinée aux communes et à leurs groupements de 463 millions d'euros. C'est donc la règle des 24 % qui devrait s'appliquer.

Cependant, 24 % de 463 millions d'euros, cela fait 111 millions d'euros, et non 90 millions d'euros, comme nous le propose le Gouvernement.

Pourquoi ce différentiel de 21 millions d'euros ? Sans doute, madame la ministre, nous donnerez-vous des éclaircissements.

Les engagements pris par l'État dans la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 - ce n'est pas si vieux ! - par la voix du ministre Borloo ne seront donc pas tenus, au détriment des capacités d'intervention des communes éligibles à cette dotation.

Une telle décision est loin d'être anodine. Elle atteint les communes les moins riches, habitées par des populations parmi les plus défavorisées du pays et premières concernées par les déficits de solidarité. Ainsi, en 2006, dans les communes classées en politique de la ville, le revenu fiscal des habitants est deux fois inférieur à celui des communes les plus aisées, les charges socio-urbaines sont une fois et demie plus importantes et les ressources disponibles sont un tiers plus faibles.

Je souhaite ici rappeler deux principes constitutionnels : l'autonomie des collectivités locales et la péréquation de leurs ressources. Je suis inquiet de voir le premier s'épanouir et progressivement étouffer le second.

Le premier s'est avéré facile à appliquer ; il a bénéficié de formalisations législatives et demeure une avancée formidable de la décentralisation. Mais il a quelquefois abouti à l'apparition de poches de richesse dans lesquelles les collectivités ne veulent pour rien au monde contribuer à la solidarité nationale : pas ou très peu de logements sociaux, volonté de rester hors intercommunalités, peu de contribution à la péréquation.

Le second principe, la péréquation des ressources, est, quant à lui, resté à l'état de déclaration de principe, dont on voit aujourd'hui la limite : seuls 71 % des transferts de ressources entre collectivités ont un effet péréquateur. C'est beaucoup trop peu, et cela peut avoir des conséquences dramatiques.

Je vous le dis avec regret mais avec conviction, madame la ministre : aujourd'hui, rien ne permet de dire que la situation des banlieues s'est améliorée. Rien ! Le recul du pouvoir d'achat y est plus durement senti, le nombre de RMIstes n'a pas diminué, le chômage demeure, la désespérance est plus que jamais présente.

Il ne suffit pas de multiplier les rapports sur les difficultés de la politique de la ville, comme nous l'avons fait ici, difficultés liées pour une grande part au saupoudrage des crédits ; il convient de donner aux collectivités les moyens de répondre aux besoins de leur territoire en termes d'équipements publics et d'accompagnement social.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, l'amendement que je vous propose d'adopter vise tout simplement à respecter les engagements pris en matière de DSU par un gouvernement dont plusieurs d'entre vous, dans cette assemblée, étaient alors membres, en accroissant de 30 millions d'euros la DGF, de façon à augmenter comme prévu la DSU de 120 millions d'euros au bénéfice des communes éligibles, dont certaines sont chaque jour au bord de l'explosion sociale.

Le spectre de l'embrasement des banlieues, en 2005, devrait nous conduire à ne pas laisser les maires de ces territoires seuls face aux drames quotidiens auxquels ils sont confrontés.

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