Pour ne prendre que l'exemple de Paris, 70 % des personnes prostituées d'origine étrangère, venant des pays de l'Est ou d'Afrique, seraient victimes de réseaux mafieux.
Soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, elles sont privées de tout droit et de toute dignité, car nous savons bien que la prostitution est synonyme de violences et d'humiliation et qu'elle s'inscrit toujours dans un rapport de domination.
Il s'agit donc d'aider ces personnes à recouvrer leur dignité et, pour cela, de les considérer comme des victimes, avec toutes les conséquences que ce statut induit.
Or, en s'en prenant aux personnes prostituées pour atteindre leur proxénète, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a favorisé les reconduites à la frontière des personnes prostituées étrangères.
Ces reconduites à la frontière, opérées sans que rien ne garantisse que les personnes concernées ne courent aucun danger, sont inacceptables. C'est pourquoi nous proposons qu'une personne prostituée étrangère ait droit à la délivrance d'un titre de séjour temporaire dès lors qu'elle entame une démarche de réinsertion, et cela qu'elle ait ou non dénoncé ses exploiteurs.
Il nous semble en effet exclu et contraire aux libertés fondamentales de conditionner cette protection à une collaboration avec la justice dans la lutte contre les proxénètes. Ce serait la première fois dans notre droit qu'une liberté essentielle de l'individu - en l'occurrence sa sécurité - serait conditionnée.
De plus, ces victimes, qui ont subi des menaces et des violences terribles, sont généralement dans un état psychologique très fragile. Elles ont peur de dénoncer, d'autant qu'elles n'ont souvent pas confiance dans les services de police. Le titre de séjour temporaire, renouvelable, doit être assorti d'une autorisation de travail, afin qu'elles soient en mesure de « s'en sortir ». À l'issue de la période de validité de ce titre, on retomberait dans le « droit commun » des titres de séjours provisoires, avec la nécessité de prouver des ressources suffisantes.
Ainsi, les services de l'État ou des associations agréées prendraient ces personnes en charge et leur proposeraient un accompagnement jusqu'à ce que les conditions soient réunies pour qu'elles puissent éventuellement retourner dans leur pays d'origine, si elles le souhaitent et si elles sont en mesure de le faire.