Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 5 décembre 2007 à 21h30
Loi de finances pour 2008 — Sécurité civile

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre présence à une heure aussi tardive, révélatrice de l'attention que vous portez à la situation des sapeurs-pompiers, et plus généralement à la protection civile de nos concitoyens.

S'agissant de cette mission, le projet de budget qui vous est soumis répond à deux objectifs principaux. Le premier est de renforcer les moyens nécessaires à l'exercice des missions de l'État. Le second, qui a été évoqué par un certain nombre d'entre vous, est d'assurer une meilleure et nécessaire coordination des différents acteurs de la sécurité.

En premier lieu, à travers ce budget, l'État renforce ses moyens. Cela correspond à son obligation de protection à l'égard de nos concitoyens, en particulier dans les situations où ils sont le plus fragilisés et où ils ont le plus besoin de soutien. C'est également la marque de la reconnaissance qui est justement due aux femmes et aux hommes qui servent dans les différents corps de pompiers, et qui exercent un métier difficile et dangereux.

Pour avoir assisté aux événements malheureux qui ont eu lieu dans le XIXe arrondissement voilà maintenant quinze jours, au cours desquels des pompiers ont tenté de dégager des décombres d'un garage automobile deux de leurs collègues, à la suite d'un violent incendie qui a provoqué l'effondrement d'une partie du bâtiment, je sais ce que l'exercice de ce métier représente en termes de compétence professionnelle, mais également de dévouement et de courage. Nous serons unanimes, j'en suis certaine, à leur rendre hommage !

En matière de sécurité civile, l'État n'est pas le seul acteur. Pour autant, son rôle, qu'il soit direct ou indirect, est majeur.

Monsieur Girod, vous avez eu raison de souligner le lien qui existe entre la sécurité, ou certains de ses aspects, la sécurité civile et la défense. Aujourd'hui, nous le savons, les problèmes de la sécurité ne connaissent plus guère de frontière, et les notions de sécurité extérieure et de sécurité intérieure, de même que celles de sécurité et de sécurité civile, se rejoignent dans un certain nombre de cas. Outre les catastrophes naturelles ou les attentats, je pense aux risques NRBC. Entre tous ces domaines, il existe une grande convergence.

Un certain nombre de ces préoccupations sont inscrites dans le livre blanc qui est en cours de préparation. Pour autant, celui-ci ne couvre pas tout et il est nécessaire, s'agissant de la sécurité civile, de se projeter dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle - j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l'examen d'une autre mission - j'ai prévu de créer une direction de la prospective et des affaires stratégiques au sein du ministère, qui couvrira l'ensemble de ses besoins de visibilité à plusieurs années. C'est aussi à cette direction que j'ai l'intention de confier la rédaction d'un livre blanc spécifique sur la sécurité civile, qui intégrera la nécessité d'anticiper sur les nouveaux besoins ainsi que sur les nouvelles technologies qui peuvent être utilisées.

Sans me projeter aussi loin, puisque nous examinons le projet de budget de l'année à venir, je tiens à dire que celui-ci comporte plusieurs avancées importantes.

La première avancée est le déploiement du projet ANTARES, dispositif d'interopérabilité des réseaux de communication qui concourent aux missions de sécurité civile. C'est un élément important, et nous avions un certain retard dans ce domaine. Ce déploiement se fera en trois ans, avec un financement qui sera lissé, lui, sur une période plus longue, puisqu'elle sera de neuf ans.

La deuxième avancée sensible est la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels, technologiques et terroristes. Je pense en particulier à la mise en place, à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la BSPP, d'une troisième chaine de décontamination armée en permanence de personnels.

La troisième avancée concerne les investissements immobiliers centrés sur des sites opérationnels. C'est le cas en particulier des services de déminage, avec la réhabilitation du site de stockage de Lyon et la construction des centres de déminage de Metz et de Châlons-en-Champagne. C'est également le cas des unités d'intervention de la sécurité civile, avec, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, trois opérations immobilières importantes au profit de l'unité de Brignoles.

Cependant, l'État, dans son effort, n'oublie pas le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. J'ai entendu beaucoup de choses ce soir, mais, comme certains l'ont dit, il ne faut pas se contenter des mots ; il faut regarder les réalités en face !

Il est vrai que le montant des crédits inscrits au fonds d'aide à l'investissement des SDIS a fluctué, entre 2003 et 2006, de 45 millions d'euros à 64, 85 millions d'euros, et que, en 2007, il a été doté de 37, 5 millions d'euros. Cependant, nous nous sommes aperçus de grosses difficultés de consommation ; ainsi, même les sommes qui ont été inscrites en 2007 n'ont pas été entièrement dépensées. Dès lors, à quoi sert-il d'inscrire des crédits s'ils ne sont pas consommés ? Est-ce cela la transparence budgétaire ? Est-ce cela l'honnêteté ?

Pour 2008, un montant de 28 millions d'euros a été retenu, auquel s'ajouteront les 10 millions d'euros du programme ANTARES - vous ne me direz pas que cela ne fait pas partie de l'équipement ! - et environ 10 millions d'euros de report des crédits non consommés en 2007. C'est donc une capacité de financement total de près de 50 millions d'euros qui sera disponible en 2008 pour financer les projets d'équipement des SDIS.

Voilà la réalité, monsieur Collin, madame Assassi ! J'ajouterai que, à ce jour, seulement 76 % des crédits délégués ont été consommés, et que l'écart pluriannuel cumulé de consommation entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement est encore de 35 millions d'euros. Dès lors, serait-il sérieux de présenter des crédits tout en sachant qu'ils ne seront pas consommés ?

Madame le rapporteur pour avis, comme vous le soulignez, le FAI est en cours de réforme. Il en a besoin. Les grandes lignes de cette réforme ont déjà donné lieu à une présentation devant les élus, lors de la réunion de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, qui s'est tenue le 26 novembre dernier.

Le projet de décret, qui comprend notamment la nécessité d'intégrer une fonction d'orientation pluriannuelle et un recentrage des projets éligibles sur les priorités nationales, est en cours d'élaboration. Il sera publié à l'issu de la concertation interministérielle et après avis formel de la conférence nationale, durant le premier semestre de 2008.

M. Girod a évoqué la modernisation de l'alerte. C'est aussi l'une de nos préoccupations. Un rapport a été établi par l'Inspection générale de l'administration à l'été 2005. À la suite de ce rapport, des expérimentations ont été décidées et mises en oeuvre entre septembre 2006 et novembre 2007, notamment dans le Haut-Rhin. J'attends un dossier complet sur la rénovation de l'alerte, qui doit m'être remis à la mi-décembre. Monsieur le sénateur, votre intervention vient donc à point nommé !

Le second élément, en dehors des efforts que nous consentons pour adapter le mieux possible les moyens aux besoins, tient à la nécessité de renforcer la coordination des acteurs de la sécurité civile.

Comme cela a été souligné à juste titre, l'État doit mettre au service des élus locaux les outils de pilotage qui permettent de réduire les disparités entre les départements. Je m'y emploie avec la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, en mettant en particulier à la disposition de tous une information comparative, notamment financière.

Monsieur Othily, la spécificité de l'outre-mer, et de la Guyane en particulier, a été prise en compte de trois manières.

Premièrement, le Président de la République nous a donné jusqu'à la fin de l'année 2008 pour aboutir à une position pleinement concertée avec les élus sur l'application de la mesure visant la contribution au SDIS, pour remédier au problème des contingents communaux et des prélèvements opérés sur la DGF. Car nous voulons aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chacun d'entre vous, conserver un lien entre les communes et les pompiers.

La concertation est donc engagée et elle s'appuie sur une étude des inspections, qui intégrera des propositions spécifiques concernant la situation guyanaise.

Deuxièmement, s'agissant de l'aide apportée par l'État, la Conférence nationale des services d'incendie et de secours a acté les grandes lignes de la réforme du FAI qui sera mise en oeuvre par décret, en 2008. Les élus ont réaffirmé leur souhait d'une action spécifique de solidarité nationale au profit de l'outre-mer ; le décret finalisé intégrera donc totalement cette préoccupation.

Troisièmement, afin de favoriser le redressement des finances des collectivités territoriales de Guyane les plus fragiles, je m'apprête à les autoriser, par dérogation, à financer la section de fonctionnement par des recettes d'investissement. Cette autorisation, qui m'a été demandée, constitue une avancée considérable.

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