Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par cette intervention, je souhaite attirer votre attention sur une confusion dangereuse entre logement, hébergement et « toute autre forme de logement », entretenue notamment par l'article 3 du présent projet de loi.
Outre que le droit à l'hébergement est un droit inconditionnel et applicable sans sélection des publics depuis la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, un droit au logement plein, effectif et digne doit se distinguer clairement des procédures mises en place dans les situations d'urgences, qui doivent être, et surtout demeurer, temporaires.
Tout d'abord, aux termes de l'article 21 de la loi du 21 juillet 94, les préfets doivent prévoir une place en hébergement d'urgence par tranche de 2 000 habitants dans les communes de 10 000 à 100 000 habitants et une place par tranche de 1 000 habitants dans les communes de plus de 100 000 habitants. Si, dans les faits, en la matière comme dans d'autres cas, les moyens d'application de cette législation manquent, l'institution d'un droit au logement opposable s'en distingue et doit s'en distinguer.
Or, dans sa rédaction initiale, l'article 3 du projet de loi met sur le même plan ces deux droits, non seulement en créant des ordres de priorité du droit au logement par l'établissement d'une sélection au sein des populations en difficulté, mais également en instituant au sein d'une même instance, en l'occurrence la commission de médiation, un traitement concernant à la fois l'accès à la fois au logement et l'hébergement.
Le risque d'assimilation du droit au logement à « un droit à l'hébergement », dont on s'interroge d'ailleurs sur la nature exacte, apparaît clairement dans le projet de loi. En effet, suite à l'avis rendu par la commission de médiation, les préfets auront la possibilité soit de désigner le « demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande », soit de proposer un accueil en « structure adaptée ou autre forme de logement ».
La notion de « structure adaptée », qui émaille le projet de loi, et celle de « proposition d'accueil » témoignent de cette tendance à contribuer à la construction non pas d'un droit au logement opposable, mais d'un droit au rabais à l'hébergement opposable. Dans cette perspective, la suppression de ces expressions de l'ensemble du texte nous semble nécessaire.
Car il y a non pas un droit à l'hébergement, mais bien un devoir d'hébergement ! Et la réponse à une demande de logement ne peut pas consister en une proposition d'accueil en structure adaptée. C'est pour clarifier ces points que nous avons présenté deux amendements sur l'article 3.
Seule véritable invention de ce projet de loi, le « référé logement », doit demeurer un « référé logement », et non pas devenir un outil de la gestion de l'hébergement d'urgence. Une rédaction plus explicite de l'article 3 et du sixième alinéa de l'article 2 est donc essentielle.
Par ailleurs, j'aimerais émettre une remarque quant au déroulement de ce débat.
Après avoir fait une grande communication sur le droit au logement opposable, on assiste, me semble-t-il, à une émasculation article après article de sa signification profonde !