Cet amendement, qui remet en cause le calendrier de mise en oeuvre prévu par la loi - et donc en filigrane la hiérarchie des urgences qu'elle instaure -, n'est pas le fruit d'une posture irréaliste ou utopiste ; il nous permet de rappeler deux points qui semblent avoir été oubliés par mes collègues.
Premier point, le droit au logement opposable est un droit universel et nous ne saurions instituer de hiérarchie entre ses requérants. L'opposabilité doit s'appliquer à tous dans les mêmes conditions, et cela dans la mesure où cette loi doit être recentrée sur un droit au logement opposable et non se contenter, comme vous semblez le souhaiter, d'être un outil de gestion de l'hébergement d'urgence.
C'est impossible, diront certains. Pas tant que cela, car - et c'est le deuxième point qui justifie le dépôt de cet amendement - il existe aujourd'hui dans l'arsenal législatif français une série de mesures, « une boîte à outils », peu appliquées qui permettent une mise à disposition quasi immédiate de logements : la réquisition de logements vides, au nombre de deux millions aujourd'hui -, la mobilisation pour le droit au logement opposable d'autres contingents que le contingent préfectoral visé par la présente loi, comme le 1 % logement, ou une application plus stricte de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
D'autres mesures, qui ne sont pas encore inscrites dans la loi, mais qui peuvent faire l'objet de décisions rapides, permettraient de décongestionner la crise actuelle du logement, comme la revalorisation de l'aide aux locataires qui permettrait aux ménages à faibles revenus d'accéder plus facilement au parc privé ou l'indexation de l'augmentation des loyers sur l'inflation, voire leur blocage pour les cinq prochaines années. Voilà ce que j'appelle de la volonté politique !
Cet amendement est non seulement destiné à donner à l'inscription dans la loi du droit au logement opposable une dimension universelle, mais également à intégrer plus clairement les politiques publiques dans une dynamique de contrainte de l'application du droit.
Tel était bien l'objectif du droit au logement opposable tel qu'il a été pensé par le Gouvernement en collaboration avec les associations. J'espère que celui-ci ne cédera pas en acceptant les amendements proposés par les trois commissions et qui vont à l'encontre de cet objectif.
En parlementaires responsables, nous ne pouvons pas à la fois proclamer des droits et ne pas mettre le Gouvernement dans la position de devoir instamment les appliquer.
C'est pourquoi je vous demande de voter cet amendement.