Intervention de Bernard Seillier

Réunion du 31 janvier 2007 à 10h20
Droit opposable au logement — Article 3

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier, rapporteur :

Ces amendements prévoient des adaptations du calendrier tel qu'il a été établi dans le projet de loi.

Je voudrais faire part ici de ce que peuvent ressentir à la lecture de ce projet de loi les personnes qui sont en situation de pauvreté ou d'exclusion du logement depuis un temps plus ou moins long, parfois très long pour certaines. Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées cherchait depuis plusieurs années - le premier rapport qui demandait au Président de la République l'inscription de ce droit opposable date en effet de 2002 - la formule pour rendre effective cette opposabilité.

Ce texte résulte d'un équilibre auquel sont parvenus, après des discussions, le Gouvernement et le Haut comité.

Le parcours résidentiel est délicat, car il n'est pas possible de gommer la phase d'accès à l'hébergement, qui, même si elle n'est pas indispensable, constitue pour certains - les plus éloignés du logement - un passage obligé qui, je l'espère, sera le plus court possible.

En tout cas, le projet de loi n'a pas pour objectif de conduire les intéressés devant les tribunaux pour les amener à obtenir par un recours le respect de leur droit au logement. Il faut éviter ces recours.

Dans ces conditions, se focaliser sur les dates - qui seraient imparfaites - d'ouverture du droit à ce recours juridictionnel ou anticiper la phase d'accès à l'hébergement pour montrer sa bonne volonté modifie l'équilibre complexe de ce texte, qui doit mobiliser tous les acteurs intervenants.

La commission des affaires sociales ne veut pas modifier prématurément cet équilibre fragile, recherché depuis des années, pour laisser croire que le travail approfondi effectué par le Haut comité lors de ses discussions avec le Gouvernement n'a pas été sérieux.

Elle préfère attendre que le comité de suivi fasse des propositions d'adaptation dans le premier rapport qu'il rendra en juillet prochain. Si des adaptations sont nécessaires, il faudra moduler par secteurs géographiques les dates, qui ne doivent pas être appliquées uniformément sur le territoire.

Par ailleurs, l'anticipation dès 2007 montre l'importance que nous attachons à cette phase d'accès à l'hébergement. Je dois rendre hommage à toutes les ministres qui, depuis que j'ai l'honneur de présider le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, se sont attachées à tenir les deux bouts de la chaîne, ce qui est - j'en suis témoin -difficile : il faut à la fois assurer la réactivité du Gouvernement dans l'urgence et mener une politique de fond de long terme qui consiste à lutter contre l'exclusion.

Les associations sont très sensibles à cet équilibre délicat. Je tiens à rendre hommage aussi bien à Dominique Versini qu'à Nelly Olin ou, aujourd'hui, à Catherine Vautrin qui ont tenu les deux bouts de cette chaîne.

Madame la ministre, vous avez su montrer lors de ce mois de janvier votre réactivité : vous m'avez informé personnellement ainsi que le Comité national de lutte contre l'exclusion des propositions et des décisions que vous alliez, au nom du Gouvernement, présenter devant l'opinion publique. En même temps, je connais les efforts que vous déployez dans le cadre du plan de cohésion sociale et de la conférence nationale de prévention et de lutte contre l'exclusion pour maintenir une action à long terme. La lutte contre l'exclusion et la pauvreté doit être menée sur le long terme et non pas simplement dans l'urgence.

Quels que soient les amendements et quelles que soient les meilleures intentions qui les animeraient, modifier aujourd'hui ce calendrier dénaturerait l'équilibre de ce texte.

Par un amendement ultérieur, je proposerai que le Conseil économique et social, qui a déjà rendu en 2004 un rapport sur le droit au logement dont Nicole Prud'homme était le rapporteur, en remette un autre à mi-parcours en 2010, avant le passage en 2012 à la nouvelle phase, qui pourrait procéder à une évaluation globale - et non à un suivi - de l'application de la loi. Avec le rapport du comité de suivi qui sera rendu en juillet prochain, le dispositif me semble équilibré.

Nous ne devons pas arriver à une dénaturation - je rejoins les propos du ministre Jack Ralite -, car cette phase d'hébergement est nécessaire dans certains cas en fonction de la situation des demandeurs, mais je souhaite surtout, mes chers collègues, qu'on ne modifie pas cet équilibre fragile, auquel je rends hommage et qui a été - j'en ai été le témoin dans l'ombre - très difficile à obtenir.

J'émets donc un avis défavorable sur tous les amendements qui prévoient, à ce stade, une modification du calendrier.

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