Intervention de Claude Biwer

Réunion du 28 octobre 2010 à 15h00
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de débattre du fret ferroviaire au détour de la proposition de résolution déposée par mes collègues du groupe CRC-SPG. C’est une préoccupation majeure, parce que le fret est frappé par deux crises.

La première, la crise économique, conjoncturelle, a terriblement affecté les volumes de trafic entre 2008 et 2010. Les indicateurs semblent heureusement repartir à la hausse.

La seconde crise que connaît le fret est plus grave, car elle est structurelle.

En effet, le secteur du fret ferroviaire connaît, depuis sa séparation des activités de transport de voyageurs, des déficits structurels. Le maillage territorial autour de grands axes souffre à la fois d’un retard dans les investissements du réseau et d’un manque d’ambition pour le report de l’activité de transport de marchandises longue distance de la route, grande productrice de CO2, vers le rail.

Certes, des réformes ont été engagées, que ce soit en matière de déploiement du personnel, de rationalisation de la carte des dessertes, d’ouverture théorique à la concurrence, mais nous sommes loin, très loin, d’une réforme d’ampleur, ambitieuse, telle que l’Allemagne l’a conduite ces dernières années.

Il est donc urgent de porter une ambition nationale pour le fret, ce que le Grenelle avait amorcé, pour deux raisons principales.

La première raison est que le développement du fret est une réponse à la problématique environnementale. En effet, sur les longues distances, il est nettement moins polluant que le transport par camions. En outre, en reportant sur le rail une partie du transport routier de marchandises, on améliore sensiblement la fluidité du trafic sur les grands axes autoroutiers, et donc la sécurité routière.

La deuxième raison qui fonde le nécessaire développement d’une politique publique forte en faveur du fret relève d’une approche globale.

En effet, le fret ferroviaire constitue un levier pour développer une politique cohérente de développement industriel, en améliorant le transport des produits chimiques ou encore des produits industriels lourds ou volumineux.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux m’empêcher, vous le comprendrez, de penser au transport des déchets nucléaires qui, un jour, seront stockés dans mon département. On s’apercevra peut-être qu’il est plus sûr de profiter d’un transport par le rail...

Le fret ferroviaire est aussi un vecteur important d’aménagement économique du territoire. En effet, le fret doit servir le désenclavement des bassins de production, industrielle, agricole, sylvicole, en les reliant aux métropoles nationales et aux grandes infrastructures, telles que les ports de marchandises, les aéroports, en France comme dans les pays frontaliers.

D’ailleurs, réciproquement, le développement des ports fluviaux et maritimes favorisé par l’internationalisation des échanges ne se fera pas sans l’intermodalité du rail.

Bref, la politique publique en faveur du fret est un levier considérable de développement économique et d’aménagement du territoire, à condition qu’on lui donne les moyens de se développer. En ce sens, les propositions du groupe CRC-SPG ne me semblent pas complètement satisfaisantes.

En effet, d’une part, la restructuration profonde de ce secteur va nécessairement de pair avec une rationalisation des emplois, de la carte des dessertes. Les syndicats allemands ont d’ailleurs participé à la détermination des mesures assez radicales – fermeture d’un tiers des gares de fret, diminution de la moitié des effectifs du principal opérateur, flexibilisation accrue du temps de travail –, afin de réaliser les gains de productivité indispensables à la relance de l’activité.

Certes, c’est un coût social qu’il faut assumer, mais, aujourd’hui, le fret allemand est solide, en croissance ; il embauche de nouveau et se déploie dans l’ensemble de l’Europe.

En outre, je ne partage pas complètement votre point de vue sur le wagon isolé. Oui, il est nécessaire de conserver, à titre de service public, le wagon isolé, ainsi que les embranchements sur site. Mais la revitalisation du fret passe, en premier lieu, par le développement économique de ses acteurs et par une remise aux normes de son réseau.

Or, la première priorité est de redonner confiance aux entreprises et donneurs d’ordres en améliorant la fiabilité et la qualité du réseau. Dans ce domaine, le défi est sans précédent !

En outre, si le maintien du wagon isolé est une préoccupation importante en termes d’aménagement du territoire, il faut accepter que celle-ci ne soit pas forcément la première mesure de sauvetage du fret.

Il faut fiabiliser le réseau dans son ensemble pour redonner confiance au secteur du transport par fret. Pendant les travaux de rénovation, et peut-être même au-delà, les trains de marchandises pourraient d’ailleurs emprunter, la nuit, les axes structurants de transports de voyageurs. Actuellement, même les TGV parcourent des distances importantes sur des réseaux existants, dans l’attente de la construction de réseaux nouveaux.

Ce n’est pas sans raison si, pour le nord de la Lorraine, dont je suis, l’acheminement se fait par Rotterdam et Anvers, qui ont une gestion humaine et rationnelle de l’emploi dans ce secteur désormais concurrentiel.

En revanche, l’idée d’une taxe sur les poids lourds pour financer la rénovation des infrastructures de fret est, selon moi, souhaitable. Dans le cadre d’un rapport que j’avais conduit, en collaboration avec Mme Alquier, notre collègue socialiste, sur le niveau d’équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions françaises, nous avions proposé une « taxe au kilomètre », qui aurait remplacé la taxe à l’essieu payée uniquement par les entreprises françaises. Elle aurait été payée par tout le monde, son application étant contrôlée par satellite, et aurait apporté à l’AFITF, outre des mesures portant notamment sur des plus-values, des compléments de financement non négligeables.

Malheureusement, si la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire du Sénat – je me tourne vers vous, monsieur le président de la commission de l’économie – a unanimement adopté ce rapport, ses propositions n’ont jamais franchi les portes de l’Assemblée nationale, ce que, bien sûr, je regrette.

Nous avons mené une tentative identique, par le biais du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, dont le président, M. Grignon, s’est exprimé tout à l’heure. Or, nous sommes contraints de le constater, la situation est de nouveau difficile, et les voies – politiques, cette fois-ci ! – se resserrent. Nous cherchons encore à trouver le bon créneau pour évoquer ce problème de manière efficace.

Malgré une ambition commune pour développer le fret ferroviaire, notre point de vue diverge de celui du groupe CRC-SPG sur les mesures à prendre et la priorité qu’il convient de donner à chacune d’entre elles.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler au nom du groupe de l’Union centriste, qui estime que cette proposition de résolution devrait être amendée afin de pouvoir être soutenue et adoptée.

Au demeurant, nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la voie du fret ferroviaire ne soit jamais barrée.

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