La fiche n°8 du document de présentation du Comité interministériel à l'intégration, réuni le 24 avril dernier, s'intitule : « Encourager la décohabitation des femmes issues de ménages polygames ».
Dans ce document, le Comité interministériel à l'intégration décide de favoriser l'autonomie des épouses concernées par diverses mesures, notamment « le versement des allocations familiales à la femme qui a la charge de l'entretien et de l'éducation des enfants sur un compte bancaire personnel, dès lors qu'elle est en situation de recherche d'un logement à son nom ».
Quelques jours après, le Gouvernement lui-même soutenait un amendement prévoyant une règle différente : la tutelle et non l'autonomie !
Cette mise sous tutelle introduite par l'Assemblée nationale me semble injuste, car elle rendra plus difficile encore la vie des enfants et de leur mère ; elle fragilisera leur quotidien au mépris de l'intérêt des enfants.
Elle me paraît, de plus, inutile : le code de la sécurité sociale prévoit déjà que les prestations familiales peuvent être versées à la personne qui assure l'entretien de l'enfant au quotidien, le plus souvent la mère, plutôt qu'à l'allocataire. Il suffit de la désigner « attributaire » auprès de la caisse d'allocations familiales.
En mettant ainsi sous tutelle des prestations qui ont vocation à contribuer au bien-être matériel des enfants, il me semble qu'on ne lutte pas contre la polygamie. Une nouvelle fois, au prétexte de lutter contre ce qui est un problème, ce sont les victimes qui sont pénalisées, plutôt que les initiateurs, et rien n'est fait pour résoudre les causes. Car, en tout état de cause, le problème reste entier.
La lutte contre la polygamie suppose de favoriser les conditions de la décohabitation, comme l'indique si bien cette fiche n° 8, adoptée par plusieurs ministres.
Tout d'abord, cela supposerait de favoriser l'attribution de logements sociaux pour les personnes concernées, des femmes en général.
Cela supposerait également que les associations de terrain qui sont aux côtés de ces femmes, qui tentent de les aider, ne voient pas leurs subventions diminuées. Le regroupement des subventions au sein de l'agence de cohésion nationale, sous la tutelle du ministère de l'intérieur, ne peut que susciter des inquiétudes.
Que la polygamie soit condamnable, c'est certain ! Mais, franchement, ne pose-t-elle pas moins de problèmes à la France qu'aux femmes qui en sont les victimes et qu'à leurs enfants ?
Si l'on condamne la polygamie, c'est au nom de l'égalité des sexes et de la dignité des femmes. Attention à ce que les mesures répressives ou, à l'inverse, l'absence de mesures de soutien ne lèsent d'abord ces femmes et leurs enfants.