Intervention de Marc Massion

Réunion du 29 mars 2005 à 10h00
Société pourl'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires sopexa — Débat sur un rapport d'information

Photo de Marc MassionMarc Massion, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de l'avenir de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA.

Avant d'en venir au coeur du sujet, permettez-moi, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, de placer ce débat dans une perspective plus large, qui est celle des pouvoirs de contrôle du Parlement.

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la LOLF, vise à renforcer les moyens mis à notre disposition afin de contrôler les dépenses de l'Etat et d'éclairer les pouvoirs publics dans le choix de leurs politiques.

Nous sommes tous d'accord pour trouver qu'il s'agit là d'un progrès considérable et d'une opportunité à saisir pour l'ensemble des parlementaires. Je veux, à ce propos, citer notre président, M. Christian Poncelet : « Il nous faudra dégager du temps dans l'hémicycle pour affirmer, renforcer et valoriser notre fonction de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. »

Le débat de ce jour constitue la traduction la plus concrète de cet engagement, et je remercie également le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, qui attache une très grande importance, non seulement au contrôle, mais également à sa diffusion et aux suites à lui donner.

Bien entendu, nous souscrivons pleinement à ces diverses incitations.

Il est effectivement primordial que les travaux de nos commissions, pour intéressants qu'ils soient, ne restent pas à l'état de mots et soient pour nous l'occasion d'échanger, d'argumenter, bref, de remplir notre mission aussi bien vis-à-vis des deniers de l'Etat que de nos concitoyens. Il est également important que, pour chacun de ces sujets, le Gouvernement ait la possibilité de nous exposer son point de vue et de répondre aux préoccupations exprimées par les commissions.

C'est tout l'intérêt du débat qui nous réunit aujourd'hui et qui, j'en suis persuadé, sera suivi de beaucoup d'autres, car il est grand temps que l'espace de discussion et d'échange qu'est le Parlement remplisse son rôle.

J'en viens maintenant au coeur du sujet.

Mon collègue M. Joël Bourdin, à qui je céderai la parole dans quelques instants, et moi-même avons mené, en 2004, en qualité de rapporteur spécial, respectivement, des crédits de l'agriculture et du commerce extérieur, une mission de contrôle budgétaire sur la SOPEXA, en application de l'article 57 de la LOLF. Durant cette mission, nous avons auditionné onze personnes, et deux déplacements ont été effectués, l'un aux Pays-Bas, l'autre aux Etats-Unis, à Chicago.

Le rapport d'information que nous avons présenté devant la commission des finances en octobre 2004 comportait un certain nombre de propositions concrètes sur lesquelles mon collègue et moi-même étions tombés d'accord.

Je tiens à insister également sur ce point : le travail de réflexion et les conclusions qui vous ont été présentées ont été le fruit d'une collaboration excellente entre deux rapporteurs spéciaux appartenant, comme cela n'avait échappé à personne, à deux formations politiques différentes et, pour l'anecdote, élus chacun de l'un des deux départements de la même région.

Afin de bien structurer notre propos, nous allons, mon collègue et moi-même, présenter brièvement, dans un premier temps, les activités de la SOPEXA, puis examiner les principales difficultés que rencontre cette société aujourd'hui, ce qui nous permettra de déboucher sur les préconisations auxquelles nous sommes parvenus et qui sont exposées en détail dans notre rapport d'information.

Pourquoi les rapporteurs spéciaux du commerce extérieur et de l'agriculture ont-ils réalisé une mission conjointe sur la SOPEXA ?

La réponse est simple : la SOPEXA, créée en 1962, a précisément pour objet de promouvoir, principalement à l'étranger, les produits agricoles et alimentaires français.

Au début des années soixante, la France connaît, en effet, un déficit considérable en termes d'exportations de produits agricoles et alimentaires, ce qui peut paraître étrange compte tenu de la longue tradition agricole de notre pays. Les raisons sont connues : des structures inadaptées, un déficit technologique, des propriétés agricoles morcelées qui empêchent toute économie d'échelle.

La loi d'orientation agricole du 5 août 1960 révèle la volonté conjointe du Gouvernement et des professionnels de mener une politique agricole coordonnée et tournée vers la conquête des marchés extérieurs comme intérieurs.

C'est dans ce contexte, marqué par la nécessité de développer notre agriculture et l'émergence des techniques modernes de marketing, qu'est créée la SOPEXA, qui a, de fait, pour rôle d'être le « bras armé » de l'Etat s'agissant de la promotion des produits agricoles français, notamment à l'étranger.

Les statuts de la société portent, encore aujourd'hui, la marque de cette époque, avec une présence très forte de l'Etat, qui, pourtant minoritaire au capital, possède d'importants moyens de contrôle et participe au financement de la SOPEXA par le biais d'une dotation budgétaire annuelle, recouvrant une subvention de fonctionnement et une subvention destinée au financement d'actions dites d'entraînement général, conduites par le réseau international de la SOPEXA.

La dotation de l'Etat n'a cessé de croître, passant de 39 millions de francs en 1965 à 200 millions de francs en 1985.

La SOPEXA s'est vite imposée comme un acteur incontournable pour les professionnels et a développé son réseau international. Elle participe donc activement à la promotion de la culture alimentaire française à l'étranger.

Depuis sa création, la SOPEXA a rempli une double mission : d'une part, elle a accompagné le développement de l'agriculture française et a contribué à faire connaître à l'étranger les produits français, en leur permettant d'acquérir un positionnement haut de gamme ; d'autre part, elle a joué un rôle que l'on pourrait qualifier de pédagogique, en sensibilisant les agriculteurs français aux techniques du marketing.

Cependant, à partir de 1990, la subvention de l'Etat a commencé de baisser de manière sensible, voire brutale : de 30 millions d'euros en 1990, elle est passée à 18, 2 millions d'euros en 2004, ce qui pose la question de l'avenir du partenariat historique entre la SOPEXA et les pouvoirs publics et impose une clarification des relations financières entre l'Etat et cette société.

La SOPEXA a également vu le contexte juridique international évoluer depuis sa création, ce qui pose la question de l'évolution de son statut de société anonyme. Son capital est en effet détenu à plus de 30 % par des organismes publics et elle reçoit une dotation annuelle du ministère de l'agriculture.

La subvention de l'Etat peut être considérée comme une aide publique. A ce titre, elle doit être conforme aux normes du commerce international édictées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ainsi qu'à celles du droit communautaire.

Sur cet aspect, il est intéressant de relever que, alors que les règles communautaires sont relativement strictes en ce qui concerne tant les distorsions de concurrence que les passations de marchés publics, les aides à la promotion agroalimentaire sont considérées par l'OMC comme appartenant à la « boîte verte ».

En d'autres termes, la promotion agroalimentaire est l'un des rares secteurs qui ne subit aucune contrainte de l'OMC. Les Etats sont donc libres de la subventionner comme ils l'entendent.

La plupart des personnes auditionnées au cours de notre mission de contrôle budgétaire ont évoqué ce point et ont indiqué qu'il serait dommage que la France et l'Europe renoncent à une forme d'aide acceptée à l'échelon mondial.

Certains de nos partenaires européens ont d'ailleurs pris exemple sur le modèle de la SOPEXA.

En Grande-Bretagne, une institution publique, appelée Food from Britain, dont l'organisation est proche de celle de la SOPEXA, reçoit des crédits publics afin de promouvoir à l'étranger les produits agroalimentaires britanniques. Il est intéressant de constater que la Commission européenne, se rangeant aux arguments du gouvernement britannique selon lequel il était « inenvisageable » qu'une structure étrangère puisse remplir cette mission, a accepté que la procédure se fasse sans appel d'offres.

Aux Etats-Unis, le financement public en faveur de la promotion agroalimentaire est très important - il est supérieur à 200 millions d'euros par an -, et en forte croissance ces dernières années. Les Américains se sont d'ailleurs toujours montrés attachés à l'inclusion dans la « boîte verte » des aides à la promotion et, de fait, ils jouent habilement de cette particularité.

En Allemagne, la dotation de l'équivalent public de la SOPEXA est de 100 millions d'euros, soit un niveau supérieur à celui de la France, alors même que les excédents agricoles de notre pays sont bien supérieurs et que l'agriculture y occupe une place bien plus importante.

Ces exemples montrent que les autres pays n'hésitent pas à financer largement ce type d'activité.

Par ailleurs, il est à noter que l'intuition des fondateurs de la SOPEXA s'est révélée juste puisque les dernières organisations créées, par exemple en Italie ou en Grande-Bretagne, s'inspirent largement de ce modèle.

Aujourd'hui, la qualité du travail accompli par la SOPEXA est unanimement reconnue. Il faut dire que la forte diminution de la dotation de l'Etat au cours des dernières années, ainsi que la montée en puissance de la part des professionnels agricoles dans le financement de ses actions ont entraîné une clarification de l'articulation de ses missions entre, d'une part, ses activités de prestation de service, contre rémunérations d'honoraires, à destination de ses clients, et, d'autre part, les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par l'Etat et qui consistent principalement dans la promotion de la culture alimentaire française à l'étranger et la conquête de nouveaux marchés internationaux.

Le travail réalisé par la SOPEXA au bénéfice des filières s'appuie sur la combinaison de différents métiers qui dépassent les services d'une agence de communication classique. Ce que d'autres proposent de manière segmentée - marketing, publicité, relations publiques, promotion -, la SOPEXA le réalise de manière synergique et complémentaire.

En outre, il convient de noter les progrès récemment réalisés par la SOPEXA sur trois plans.

Tout d'abord, sur le plan financier, le taux d'autofinancement de la société est passé de 35 % en 2000 à 47 % en 2003 et à 56, 16 % en 2004. Cette situation a permis, malgré la diminution du soutien financier de l'Etat, une augmentation des actions réalisées pour son compte.

Ensuite, sur le plan de la compétitivité, alors qu'elle est désormais systématiquement mise en concurrence, y compris pour les actions relevant des offices agricoles, la SOPEXA a remporté près de 75 % des appels d'offres auxquels elle a répondu en 2003.

Enfin, sur le plan du développement, la part des activités de la SOPEXA en direction des entreprises privées dans le chiffre d'affaires de la société est passée de 16, 5 % en 1997 à 23, 2 % en 2002.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances, pour la suite de cet exposé.

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