Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 29 mars 2005 à 10h00
Société pourl'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires sopexa — Débat sur un rapport d'information

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exposé de Marc Massion, avec qui j'ai eu grand plaisir à effectuer cette mission de contrôle budgétaire, a permis de situer la SOPEXA dans son contexte économique et juridique.

Pour ma part, je vous présenterai les principales remarques qui nous ont été inspirées par notre mission de contrôle. Elles s'articulent autour de trois points : la structure de gouvernance et la composition du capital de la SOPEXA ; les modalités du soutien financier de l'Etat ; le dimensionnement du réseau international de cette société.

En ce qui concerne, tout d'abord, le capital de la SOPEXA, quelques éléments chiffrés méritent d'être évoqués. Son capital actuel est de 152 500 euros, ce qui est extrêmement faible pour une société qui réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de 80 millions d'euros.

La plupart de nos interlocuteurs sont tombés d'accord sur ce point : cette capitalisation presque symbolique nuit, à l'évidence, aux possibilités de développement de la société. Cette remarque n'est, du reste, pas nouvelle : elle figurait déjà dans le rapport d'audit conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'agriculture datant de 1998. Vous noterez au passage que cette remarque conserve -hélas, pourrait-on dire ! - toute sa pertinence sept ans plus tard, puisque la seule évolution depuis cette date concerne la conversion en euros du capital de la société !

Cette question est étroitement liée à la composition même du capital de la société et, de manière plus large, à sa structure de gouvernance. Nous sommes, en effet, en face d'une société anonyme, c'est-à-dire de statut privé, dont la puissance publique détient 30 % de l'actionnariat, mais qui est, de fait, étroitement contrôlée par l'administration, par le biais de sa présence au conseil d'administration et de la jouissance par le commissaire du gouvernement d'un droit de veto sur toutes les décisions du conseil, par le biais également de son contrôle économique et financier de la société et, enfin, par l'occupation, pendant très longtemps, des principaux postes de direction de la société par de hauts fonctionnaires de l'Etat.

En effet, si l'Etat n'apparaît pas directement au capital, il est représenté par le biais d'UBIFRANCE et des offices agricoles au sein du conseil d'administration.

Vous le constatez, mes chers collègues, si la SOPEXA est juridiquement une société de droit privé, les liens qu'elle entretient avec l'Etat sont certains et aboutissent, de facto, à une situation aujourd'hui confuse.

Cette situation confuse tient également aux modalités du soutien financier de l'Etat à la SOPEXA, qui font l'objet, depuis de nombreuses années, d'interrogations opposant deux logiques ministérielles.

Selon la logique de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la subvention versée à la SOPEXA ne devrait plus constituer une aide au fonctionnement de la société, mais devrait être conçue comme la rémunération d'une prestation de service nécessitant le lancement d'appels d'offres, auxquelles la SOPEXA est aujourd'hui jugée parfaitement en mesure de répondre, comme l'a indiqué Marc Massion.

Selon la logique du ministère de l'agriculture, le maintien d'une forme de subvention publique à la SOPEXA est indispensable et constitue le principal souci des professionnels.

Compte tenu de l'existence de ces deux thèses ministérielles divergentes et des atermoiements qu'elles suscitent s'agissant de l'avenir de la SOPEXA, nous estimons qu'il est aujourd'hui nécessaire qu'une vision claire de la manière dont l'Etat envisage sa relation avec la SOPEXA à l'avenir intervienne rapidement. A cet égard, nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître vos intentions.

Enfin, des interrogations ont également été soulevées, au cours de notre mission de contrôle budgétaire, s'agissant de l'adaptation actuelle du réseau international de la SOPEXA aux besoins exprimés par les marchés étrangers, ainsi qu'aux perspectives de conquête de marchés émergents.

Si ce réseau international apparaît aujourd'hui particulièrement développé, avec trente-neuf implantations dans trente-quatre pays, son évolution devrait à l'avenir avoir pour priorité la conquête de marchés à fort potentiel commercial et économique, tels que la Chine, l'Inde, les pays d'Europe centrale et orientale, les pays baltes ou certains pays d'Amérique latine, qui ne demandent qu'à connaître la culture agroalimentaire de notre pays.

Dès lors, notre mission de contrôle budgétaire nous a conduits à vous livrer quelques préconisations concernant l'avenir de la SOPEXA. Nous souhaiterions savoir ce que le Gouvernement va en retenir.

Nous avons avant tout cherché à trouver des solutions concrètes et réalistes. Ces propositions visent naturellement à susciter le débat entre nous. Il nous semble cependant, et M. le secrétaire d'Etat pourra nous éclairer sur ce point, qu'elles sont suffisamment réalistes et consensuelles pour entraîner une large adhésion.

En tout état de cause, il sera intéressant de connaître l'avis du Gouvernement, l'état d'avancement de sa réflexion et les éventuels points de blocage.

Comme mon collègue Marc Massion, j'insiste sur ce point devant vous : ces réformes sont urgentes et auraient dû être réalisées il y a longtemps. Au cours de notre travail, nous nous sommes rendu compte à quel point l'avenir de la SOPEXA était « suspendu » à des décisions qui ne sont pas prises, au plus grand préjudice des salariés, des clients et de la société dans son ensemble.

Nos propositions s'articulent donc autour de trois axes : une modification de l'actionnariat et une recomposition du capital de la société, qui devraient permettre une gouvernance plus efficace ; de nouvelles modalités du soutien de l'Etat à la SOPEXA, lequel devrait s'inscrire dans un cadre pluriannuel ; une réflexion quant à l'évolution des missions de la SOPEXA, par le biais, notamment, d'une meilleure organisation de son réseau international.

S'agissant du premier axe, comme nous l'avons vu, le capital de la SOPEXA est aujourd'hui d'un montant trop faible pour lui permettre de se développer. De plus, sa structure ne correspond pas à celle d'une société privée.

Nos recommandations sur ce point sont doubles.

Nous recommandons, tout d'abord, une sortie des offices agricoles et d'UBIFRANCE du capital de la SOPEXA, laquelle limiterait les risques juridiques inhérents à une structure où les principaux clients sont également actionnaires. La recomposition du capital pourrait se faire autour de grands actionnaires de référence, dont certains noms ont pu être évoqués devant nous.

Cependant, et nous tenons à le souligner, cette sortie du capital ne doit en aucun cas signifier le désengagement de l'Etat de l'avenir de la SOPEXA. Un désengagement serait, d'une part, mal perçu par les clients et les actionnaires de la société, et, d'autre part, en contradiction avec l'intérêt que portent les autres pays aux aides à la promotion des produits agricoles.

Dès lors, en dehors de tout engagement financier, nous suggérons que l'Etat conserve une action dans la société, une golden share, ou une action symbolique, selon les possibilités juridiques offertes.

Nous recommandons, ensuite, une recapitalisation de la société, qui, on l'a vu, est unanimement appelée. La sortie de l'Etat du capital pourrait ainsi être l'occasion tant attendue d'augmenter le capital de la société, suivant des modalités qui restent à définir.

On pourrait imaginer, par exemple, une augmentation du capital par le biais d'une intégration d'une partie des fonds propres ; une lecture attentive des comptes de la société montre des capitaux propres de l'ordre de 3, 6 millions d'euros pour la seule société SOPEXA et de 10, 6 millions d'euros pour l'ensemble du groupe, filiales comprises. Ce montant important de réserves permet d'ailleurs de relativiser la sous-capitalisation de la société.

J'ajoute que cette recomposition du capital de la société sera l'occasion de clarifier la structure de gouvernance, dont on a pu voir les limites, avec un Etat très présent et des actionnaires qui sont les principaux clients.

La deuxième partie de nos recommandations porte sur les modalités du soutien financier de l'Etat à la SOPEXA

La question du type de soutien que l'Etat doit accorder à cette société est, en effet, un sujet de débat ancien et récurrent. De ce point de vue, la situation n'a pas évolué depuis le rapport conjoint précité des inspections générales des finances et de l'agriculture, datant de 1998, et on peut le déplorer.

Le débat annuel relatif au montant de la subvention publique à la SOPEXA nuit au fonctionnement de la société. En effet, il a tendance à démotiver les salariés qui manquent de visibilité à moyen terme sur les soutiens dont ils disposent ; de la même manière, les clients de la SOPEXA qui, dans ce secteur, nouent des partenariats de confiance et de long terme, risquent de ne plus recourir aux services d'une entreprise dont l'avenir financier dépend étroitement de décisions dictées par les impératifs budgétaires nationaux annuels.

En conséquence, nous préconisons une évolution qui revêtirait un double aspect.

En premier lieu, il convient de définir un vrai contrat de prestation de services entre l'Etat et la SOPEXA.

En effet, il est clair que les modalités du soutien financier de l'Etat doivent évoluer afin de distinguer, au sein de la société, ce qui relève, d'une part, des missions d'intérêt général et, d'autre part, des activités concurrentielles, soumises à appel d'offres. De plus, il est fort possible que le montant de cette subvention puisse être revu à la baisse.

Dans notre esprit, il s'agit de bénéficier des possibilités juridiques offertes par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, dans le domaine de la promotion, à l'instar des autres pays, et d'utiliser pour ce faire un outil qui a fait ses preuves et a largement inspiré les pays étrangers. Un soutien financier rénové devrait permettre à la société de développer ses capacités à exporter son savoir-faire.

Ainsi, nous préconisons que la subvention versée par l'Etat ne serve plus au fonctionnement de la SOPEXA et soit clairement utilisée pour mener des actions d'intérêt général, précisément définies dans un cadre pluriannuel, avec une convention financière.

Il s'agirait d'un contrat de prestation de services ou d'une délégation de service public afin de promouvoir, par exemple, la « marque France » à l'étranger, ou de poursuivre des actions ciblées en faveur notamment des vins français, qui en ont bien besoin. La SOPEXA pourrait également développer son offre en direction des PME qui n'ont pas la surface financière suffisante pour recourir aux services des grandes agences de communication.

En second lieu, et c'est un point fondamental, ce contrat doit impérativement s'inscrire dans une logique pluriannuelle. En effet, s'agissant d'une société qui accomplit un certain nombre de missions d'intérêt général, missions qui sont en général de long terme - sensibiliser les pays asiatiques au vin français, par exemple -, une bonne visibilité à moyen terme sur son avenir apparaît comme un préalable à toute action construite et comme un gage donné vis-à-vis aussi bien du monde agricole que des interlocuteurs étrangers.

Nous sommes conscients que le montant actuel de la subvention - 18, 2 millions d'euros en 2004 - est non négligeable et pourrait éventuellement être revu à la baisse dans le cadre de négociations. Dans cette affaire, nous estimons qu'il est plus important pour l'Etat d'assurer sur plusieurs années un cadre financier stabilisé à SOPEXA que de faire chaque année un « gros chèque ».

Ce contrat, pluriannuel pour ce qui concerne ses aspects financiers, devra cependant donner lieu chaque année à une définition par l'Etat des objectifs qu'il estime devoir être fixés, ainsi qu'à une évaluation précise des actions menées les années précédentes.

La dernière partie de nos recommandations porte sur une évolution des missions de la SOPEXA.

La cession des parts détenues dans le capital de la SOPEXA par les établissements publics et la révision des modalités du soutien de l'Etat à cette société posent la question du maintien de certaines contraintes liées à l'exercice de ses activités, ainsi que celle de l'évolution souhaitable et possible de ses missions.

Trois points méritent ici une attention particulière : d'une part, la question du maintien des activités de la SOPEXA sur le territoire national, d'autre part, la diversification des activités de ladite société dans le sens éventuel mais controversé de la promotion de produits non français et, enfin, la redéfinition des priorités internationales de la SOPEXA.

Alors qu'au moment de sa création et dans un contexte agroalimentaire français moins structuré qu'aujourd'hui la SOPEXA a pu juger nécessaire de mener de grandes campagnes de promotion sur le territoire national, la pertinence de cette activité, financée en partie par des crédits publics, sur un marché désormais mûr et structuré, est discutable.

Dans leur rapport d'audit conjoint précité, datant de 1998, l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'agriculture recommandaient déjà de « donner clairement la priorité au réseau étranger de SOPEXA par rapport à ses activités en France ». Par conséquent, la mission d'audit proposait que « les activités de promotion du bureau France soient autofinancées et que le soutien de l'Etat à la promotion soit exclusivement accordé au réseau étranger ». Ce point devra sans doute être éclairci très rapidement.

La question se pose également de savoir si, dans le cadre de la clarification des relations financières entre l'Etat et la SOPEXA, on autorise statutairement cette société à pratiquer une activité de promotion de produits étrangers à l'étranger, voire en France. On pourrait en effet considérer que, grâce à sa parfaite connaissance du marché national, la SOPEXA serait en mesure de faire bénéficier certains concurrents étrangers de son expertise commerciale. Il semble toutefois évident qu'une telle diversification des activités de la SOPEXA serait de nature à contrarier sa mission d'intérêt général relative à l'exploitation de son réseau international.

Enfin, dans le cadre de l'évolution des missions de la SOPEXA, nous préconisons une meilleure définition de ses priorités internationales, par le biais de l'implantation dans des pays cibles, identifiés comme marchés émergents et à fort potentiel. A ce titre, on peut noter avec satisfaction que, depuis la publication du rapport de la commission des finances, la SOPEXA a ouvert un bureau en Inde et a densifié son réseau en Chine. Nous estimons également qu'il s'agirait, pour la puissance publique, de financer le lancement d'actions générales dans ces pays cibles plutôt que de subventionner indifféremment l'ensemble du réseau international de la SOPEXA.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les réflexions que notre mission de contrôle a pu nous inspirer. Nous formulons le souhait, aujourd'hui, qu'elles représentent une base de débat et une base de travail utile pour la SOPEXA. Surtout, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaiterions savoir quelles suites vous comptez donner aux préconisations que nous avons faites il y a déjà plus de six mois.

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