Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 28 octobre 2010 à 15h00
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mireille Schurch vient de rappeler notre attachement au développement du fret ferroviaire dans l’intérêt de la population et de l’aménagement du territoire, pour la qualité de notre environnement. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le fret ferroviaire est une question qui concerne éminemment le développement économique de notre pays.

Je me suis adressée à vous le 9 octobre 2007 à propos de la fermeture de deux cent soixante-deux gares de fret, puis le 14 septembre dernier à propos de l’intérêt économique, social et écologique du « wagon isolé ».

En 2007, je tirais la sonnette d’alarme en m’appuyant sur l’inquiétude exprimée par les entreprises de ma région. Je vous rappelais que là où l’économie repose sur le dynamisme des petites et moyennes entreprises, dans le Grand Ouest, vous organisiez le vide. J’insistais en ces termes : « Avant d’avoir à déplorer la désindustrialisation de notre région, il serait bon de préserver les principales dessertes ferroviaires. »

Au nom des chefs d’entreprise concernés je vous invitais à apporter des solutions pérennes. Aussi, c’est avec intérêt que j’ai écouté votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, le 14 septembre dernier. Vous affirmiez : « Concernant l’activité « wagons isolés », ce schéma s’appuiera sur une organisation de transport qui comportera, d’une part, des services sur mesure pour les produits industriels lourds, encombrants et dangereux et, d’autre part, des trains composés de wagons « multi-lots multi-clients ». Dans ce cadre, les clients grands comptes dans un premier temps, puis les PME-PMI dans un second temps, ont été rencontrés afin de préciser leurs besoins. »

Or, monsieur le secrétaire d’État, j’ai voulu vérifier sur le terrain la mise en œuvre des facilités accordées aux PME pour qu’elles puissent continuer à faire transporter leurs produits par le rail. J’ai constaté que les entreprises concernées se comptaient à peine sur les doigts d’une main.

Les « multi-lots multi-clients » me semblent en effet appropriés pour certains chargeurs. Or, j’ai remarqué que pour ceux à qui cela pouvait convenir, malgré les efforts effectués au niveau local par les services de la SNCF, l’aboutissement et la réalisation étaient bien souvent difficiles, et pour une durée bien incertaine.

Les entreprises vont être assujetties à des surtaxes ou des augmentations dont le coût risque d’être dissuasif. Ces chargeurs vont être poussés vers la route, alors que de nombreux routiers eux-mêmes commencent à être acquis à l’idée que ce mode de transport n’est véritablement pertinent et rentable que pour les derniers ou les premiers kilomètres, dans un rayon de cent cinquante kilomètres maximum. Quant au transport des matières dangereuses dont chacun s’accordera, je pense, à estimer que nous avons tous intérêt à ce qu’il se fasse par le rail, j’apprends que, comme pour les wagons isolés, la SNCF lance un véritable ultimatum à ses interlocuteurs. Je vous parle de la situation dans laquelle se trouve la société Primagaz, et il s’agit de 130 000 tonnes transportées sur le territoire national chaque année depuis vingt ans.

Nous sommes loin de la négociation dont vous parliez dans votre réponse à ma question orale.

Je pense donc, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est urgent de retravailler avec la SNCF pour qu’une réponse véritablement adaptée aux besoins des entreprises soit enfin apportée. Aussi, je vous demande que, avant la fin de l’année, une étude précise des flux ferroviaires soit réalisée par la SNCF. C’est la seule solution pour que l’économie locale de nos régions puisse se développer en respectant des critères sociaux, économiques et écologiques.

J’ai voulu vérifier comment une gare de fret SNCF comme celle de Saint-Pierre-des-Corps fonctionnait aujourd’hui après les différents plans et réformes. Ma collègue Evelyne Didier aurait pu vous faire part de l’état de la situation sur le site de Conflans-Jarny.

Lors d’une visite effectuée lundi dernier, j’ai pu me rendre compte des conséquences des mesures prises ces dernières années. La dégradation des voies est impressionnante. Sur les trente-quatre voies de l’ex-gare de triage, vingt sont complètement inutilisables. Avec les quatorze autres voies, « on se débrouille », comme le disent les responsables du site. Compte tenu de l’état dans lequel j’ai pu les voir, je me demande même si elles seront encore en activité l’année prochaine. C’est un véritable gâchis ! Surtout quand on sait que quatorze cents wagons passaient sur ce site chaque jour jusqu’en 2007. Qu’est-ce qui justifie un tel abandon ? Des critères de rentabilité immédiate, un refus de prendre en compte l’importance de cet outil dans un plan relatif aux transports, que vous avez préféré développer par la route – la décision concernant les poids lourds de quarante-quatre tonnes va bien dans ce sens.

Je dois vous le dire, si je ne m’attendais pas à ce que la dégradation matérielle du site soit aussi importante, j’ai en revanche été très impressionnée par une équipe de direction fortement impliquée dans son travail, et convaincue qu’il est encore possible de faire vivre du fret ferroviaire, particulièrement sur le site de Saint-Pierre-des-Corps. Ils savent, et ils sont bien placés pour le savoir, que c’est un carrefour, un nœud, actuellement sous-exploité économiquement.

La remise en état des voies serait la première mesure à prendre pour réactiver cette gare de fret. Si la SNCF veut véritablement jouer son rôle, RFF doit pouvoir engager les investissements nécessaires.

Le 14 septembre dernier, monsieur le secrétaire d'État, vous proposiez de faire de Saint-Pierre-des-Corps la plateforme dont le Grand Ouest a besoin. Comme le dit ma collègue Mireille Schurch, il faut donc entrer dans le concret dès maintenant !

De l’avis de nombreux professionnels, il y a moyen de réactiver et de développer un trafic Nord-Sud, que tout le monde reconnaît comme dynamique. Pourquoi ne pas étudier également les possibilités sur l’axe Ouest-Est, qui, de Nantes à Lyon, pourrait déboucher sur l’Est européen ?

Des études doivent être rapidement mises en place. Mais, monsieur le secrétaire d'État, comment une entreprise telle que la SNCF peut-elle développer son action commerciale en n’ayant plus que quatre commerciaux sur la très grande région Ouest, laquelle est, de surcroît, dirigée par ou depuis Paris ?

Aujourd’hui, c’est à partir des demandes des entreprises, à partir des capacités de développement de nos territoires, que peut être relancée l’activité fret, en particulier celle des wagons isolés. C’est pourquoi je ne comprends toujours pas pourquoi la France s’est retirée du projet européen X-Rail.

Je prends de nouveau l’exemple de Saint-Pierre-des-Corps. Vous savez que nous rachetons les anciens magasins généraux. C’est un site de seize hectares embranchés qui pourrait donner un véritable coup de fouet à notre économie. Mais comment progresser sur un tel projet pour que des entreprises s’intéressent à des liaisons ferrées si, en même temps, le site de triage devient un cimetière de wagons laissés à l’abandon ?

J’ai été intéressée par les propos que vous teniez le 14 septembre dernier concernant les plateformes « multi-lots multi-clients ». Vous déclariez ceci : « Elles seront principalement approvisionnées par le mode ferroviaire. Les décisions concernant leur localisation seront arrêtées à l’issue de la concertation en cours. » Vous ajoutiez pour illustrer votre propos : « La SNCF s’est ainsi engagée à mettre en place, en concertation avec les acteurs économiques et politiques locaux, des dispositifs d’accompagnement de son schéma directeur pour le transport de marchandises au service des territoires, dont Saint-Pierre-des-Corps, qui est une plaque tournante importante. »

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, qu’il est temps que le Gouvernement concrétise les choix qu’il a décidé d’inscrire dans le Grenelle de l’environnement et qu’il s’en donne les moyens ? Vous avez décidé d’abandonner les recettes des autoroutes, préférant que de grands groupes privés en fassent profiter leurs actionnaires. La mise en place de la taxation sur les poids lourds devait alimenter l’AFITF, mais elle est encore retardée. Pourtant, une telle taxation a déjà été mise en place en Suisse, en Allemagne et en République tchèque.

Au travers de notre projet de résolution, nous affirmons notre volonté politique de faire le choix du rail pour le transport de marchandises, le choix de la SNCF comme entreprise intégrée. Ce choix ne se réduit pas aux aspects techniques ; il est celui d’une autre conception d’organisation de notre vie économique, du respect de l’environnement, et il est aussi celui d’un autre type de société. De plus, il est urgent de prendre des décisions.

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