Intervention de Louis Nègre

Réunion du 28 octobre 2010 à 15h00
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Louis NègreLouis Nègre :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au préalable, je voudrais féliciter Francis Grignon de son excellent rapport, dont, bien évidemment, je soutiens l’intégralité des propositions, qui sont constructives. Cela m’est d’autant plus aisé que je tiens à souligner la haute qualité des échanges au sein du groupe de travail – auquel j’ai eu l’honneur de participer –, malgré les sensibilités politiques très diverses de ses membres.

Pour autant, la situation actuelle nous interpelle. Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics pour relancer le fret ferroviaire, que ce soit le contrat de performance de novembre 2008, que ce soit l’engagement national pour le fret ferroviaire de septembre 2009, que ce soit le schéma directeur pour un nouveau transport écologique des marchandises de 2009, plus connu sous le terme d’offre « multi-lots multi-clients », malgré toutes ces actions, nous faisons tous le même diagnostic, monsieur le secrétaire d'État : la situation est très dégradée.

En effet, pour reprendre un titre du rapport, nous constatons « un déclin continu du fret ferroviaire en France ». En 1950, le train assurait le transport des deux tiers des marchandises en France, le transport de marchandises étant alors le fer de lance de la SNCF. Aujourd’hui, elle en assure seulement 10 %, et ce en dépit des nombreux plans de réforme successifs du fret qu’elle a menés. §C’est la vérité !

Cette situation est d’autant plus inquiétante que cet effondrement du fret ferroviaire, hors effets de la crise, n’est pas systématique en Europe. Je constate qu’il ne s’est pas produit dans certains pays européens de niveau équivalent à la France.

Force est donc de constater que le fret ferroviaire résiste moins bien en France que chez certains de ses voisins. Cette distorsion pose problème et nous interpelle.

En Allemagne, le trafic total est aujourd’hui quatre fois plus important qu’en France, avec 110 milliards de tonnes-kilomètres en 2008, contre seulement 30 milliards dans l’Hexagone.

En Suisse, le trafic de marchandises transportées par voie ferroviaire a enregistré une croissance d’un tiers entre 1990 et 2007, passant de 53 millions à 71 millions de tonnes de marchandises.

Enfin, en Grande-Bretagne, où les droits de péage sont pourtant trois fois plus cher qu’en France, le fret a crû de 11 % depuis 2002, alors même, mes chers collègues, qu’il baissait de 67 % dans notre pays au cours de la même période !

Bref, vous l’avez compris, le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité ; des pays comparables au nôtre réussissent mieux que nous. Sommes-nous condamnés à échouer ? Nous avons, ici même, voté le Grenelle de l’environnement, avec les objectifs ambitieux que l’on sait. Il serait tout de même consternant que la France vote le Grenelle, mais que ce soient ses voisins qui le mettent en pratique !

Que répondre, monsieur le secrétaire d'État, à notre collègue Jean-Pierre Vial, élu en Savoie, qui s’inquiète, à juste raison, de l’absence de décision officielle du gouvernement français sur le projet d’infrastructure majeur pour le fret que constitue la liaison Lyon-Turin, alors que l’échéance expire à la fin de l’année 2010 ?

Que répondre à notre collègue Antoine Lefèvre, élu dans l’Aisne, où les élus locaux ont engagé un million d’euros pour desservir, par voie ferroviaire, une zone qui risque de ne plus l’être ?

Enfin, que répondre à une très grande entreprise française qui, après vingt ans de partenariat avec la SNCF, se sent brutalement abandonnée par l’entreprise publique ?

Pour ma part, je me refuse à rester dans la sphère des vœux pieux et des incantations. Je souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour que la loi dite « Grenelle 1 », qui prévoit, à son article 11, que la part modale du non-routier et du non-aérien passe de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022, soit respectée.

Je voudrais maintenant m’attarder sur le contenu de la proposition de résolution présentée par le groupe CRC-SPG, en rappelant quelle a été la position du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire.

Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent que le transport ferroviaire de marchandises soit déclaré d’intérêt général. Or, comme l’a excellemment indiqué notre collègue Francis Grignon, cette proposition ne nous paraît pas crédible. Nous préférons, quant à nous, lancer la réflexion sur la possibilité d’attribuer des subventions pour des lignes de fret déficitaires qui répondraient à une logique forte d’aménagement du territoire.

J’ajouterai que nous devons mener deux actions en parallèle : d’une part, il faut rétablir le fret SNCF sur des fondations saines, ce qui passe par la mise en application, au minimum, du plan « multi-lots multi-clients » ; d’autre part, et c’est pour nous essentiel, il nous faut avoir une vision plus volontariste et plus ambitieuse pour repartir à la reconquête des parts de marché, à l’instar des autres opérateurs européens.

Pour cela, nous devons libérer les énergies en transformant la SNCF pour la faire passer du statut d’administration à celui d’entreprise, en stimulant le recours aux opérateurs ferroviaires de proximité ou en subventionnant les voies de raccordement. Déclarer globalement d’intérêt général le fret ferroviaire aboutirait à rendre inutile toute réforme en interne de la SNCF, ce qui, selon nous, serait le meilleur moyen, à terme, d’affaiblir voire de faire mourir l’activité fret de la SNCF.

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