Intervention de Alain Marleix

Réunion du 14 décembre 2009 à 14h30
Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés — Discussion d'un projet de loi

Alain Marleix, secrétaire d'État :

Les futurs députés des « Français de l’étranger » seront, comme ceux des départements et des collectivités d’outre-mer, élus au scrutin majoritaire. Il a donc fallu, exercice inédit et difficile, « découper le monde » pour délimiter leurs futures circonscriptions.

Les règles de leur élection, et je sais que cette question intéresse ceux de vos collègues qui représentent déjà, dans votre assemblée, nos compatriotes établis hors de France, font l’objet d’adaptations afin que ces futures élections se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, les deux tours de scrutin seront espacés de quinze jours et non d’une semaine, et il sera possible de voter par correspondance ou par internet.

Il en sera débattu à l’occasion de la ratification de l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, qui énonce ces règles, et qui sera bientôt suivie d’un décret d’application.

Dans ce domaine, la concertation se poursuit, puisque j’ai encore eu tout récemment l’occasion d’en discuter, notamment avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les responsables des Français de l’étranger dans les partis représentatifs.

La seconde innovation liée à la révision constitutionnelle est le plafonnement à 577 du nombre de sièges de l’Assemblée nationale, nombre résultant de la réforme de 1985, initiée par un gouvernement socialiste sous le premier septennat de François Mitterrand.

Il aurait certes été plus facile, comme cela avait été le cas dans le passé, d’opérer l’ajustement de la carte électorale avec une augmentation du nombre de sièges, et ce d’autant plus que la création en 2007 de deux nouveaux sièges pour les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, non pourvus aux dernières élections mais fixés dans le code électoral, et celle de sièges pour les Français de l’étranger, conduisait ipso facto à réduire le nombre de députés devant assurer la représentation des départements.

Les éléments de recensement dont nous disposions sont le recensement général opéré pour la première fois en application de la loi relative à la démocratie de proximité, ou loi « Jospin-Vaillant », du 27 février 2002, et publié à la fin de l’année 2008 pour les départements, le dernier recensement publié pour les collectivités d’outre-mer, ainsi que le nombre des immatriculations dans les consulats pour les Français établis à l’étranger, ce nombre étant pris en compte au 1er janvier 2006, par analogie avec la date retenue pour la population des départements.

Au vu de ces différents éléments démographiques, nous avons réparti les 577 sièges de députés au prorata de la population des départements, qui obtiennent 556 députés, soit quatorze de moins qu’en 1986, des collectivités d’outre-mer, qui seront représentées par dix députés, soit trois de plus qu’actuellement, et du nombre total – c’est le Conseil constitutionnel qui nous l’a imposé – des ressortissants immatriculés à l’étranger, qui seront désormais représentés par onze députés. Le projet initial du Gouvernement en prévoyait beaucoup moins.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier, qui ne permet d’attribuer un siège à une collectivité d’outre-mer de faible population que si elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna conservent le siège de député dont elles ont constamment bénéficié depuis 1958. En revanche, les nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, trop proches pour avoir chacune leur propre député, seront représentées par un député commun.

Pour en finir avec la question de la répartition des sièges, j’indique que la représentation de chacun des cent départements a été fixée en fonction de leur population respective, selon la méthode traditionnelle dite de la « tranche ».

Cette méthode, qui régit la répartition actuelle de vos sièges de sénateurs entre les départements, avait été adoptée en 1958, comme lors de l’introduction de la proportionnelle en 1985 et du retour au scrutin majoritaire en 1986. Elle permet de limiter les exceptions concernant les petits départements, à qui la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier interdit d’attribuer deux sièges de député si le mode de calcul n’y conduit pas au vu de leur population. Avec cette méthode, seules la Creuse et la Lozère se retrouvent au-dessous du seuil donnant droit à deux députés, contre quatorze départements avec la méthode de la répartition proportionnelle.

Le nombre de sièges de député diminue dans vingt-sept départements, qui perdront ensemble trente-trois circonscriptions, et augmente dans quinze départements, qui gagneront ensemble dix-neuf circonscriptions, ainsi qu’en Polynésie française et à Mayotte.

Tous ces chiffres ont fait l’objet d’un avis favorable de la commission indépendante de contrôle du redécoupage électoral, puis du Conseil d’État.

Je rappelle, en outre, que la valeur de la tranche, portée de 108 000 à 125 000 habitants, serait supérieure si l’on prenait en compte de nouveaux éléments de recensement.

Personne, je tiens à le souligner, ne devra donc s’étonner, par exemple, au vu des chiffres de population qui vont être connus d’ici à la fin de l’année et qui seront réputés être ceux qui ont été constatés au 1er janvier 2007, que certains départements franchissent le seuil leur redonnant apparemment droit à un député qu’ils ont perdu, parce que la tranche aura légèrement augmenté dans l’intervalle !

La troisième caractéristique de l’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier est de parvenir à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation présente.

Les écarts démographiques entre nos 577 circonscriptions législatives, délimitées en 1986 sur la base d’un recensement général de population datant de 1982, sont considérables. Sans évoquer le cas particulier des circonscriptions des collectivités d’outre-mer, la seconde circonscription de la Lozère, par exemple, compte 35 794 habitants alors que la sixième circonscription du Var, la plus grande, en a 213 421.

Avec un rapport de représentativité allant ainsi de 1 à 6, c’est le principe même de l’égalité du suffrage, énoncé à l’article 3 de notre Constitution, qui n’est plus respecté et le Conseil constitutionnel s’en était légitimement ému à plusieurs reprises depuis 1999.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis lors n’ayant pas remédié à ces écarts, le Conseil constitutionnel a demandé qu’un ajustement de la carte électorale soit entrepris « au lendemain des élections législatives de 2007 ». Il y a donc urgence à terminer l’exercice extrêmement difficile, et politiquement délicat, que le Président de la République et le Gouvernement m’ont confié !

Nous avons ainsi effectué ce que j’appelle un « redécoupage » dans les quarante-deux départements et les quatre collectivités d’outre-mer dont la population leur fait soit perdre une, deux ou trois circonscriptions, soit en gagner une ou deux.

Vingt-cinq autres départements de métropole et d’outre-mer, dont les inégalités de population apparues entre les circonscriptions doivent être réduites, ont fait pour leur part l’objet d’un simple « remodelage ».

Ils n’étaient que douze initialement, le Gouvernement ayant choisi, conformément aux termes de la loi d’habilitation du 13 janvier et aux engagements pris devant le Parlement, de ne pas modifier dans ces départements à nombre de sièges inchangé la carte des circonscriptions, lorsque la population de celles-ci ne s’était pas écartée de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne départementale, limite déjà retenue en 1986.

Mais la commission, suivie d’ailleurs par le Conseil d’État, a considéré qu’il fallait réduire, dans ces départements également, les inégalités les plus flagrantes, et le Gouvernement a suivi son avis pour treize autres départements.

Au total, et afin de respecter au mieux la portée de l’habilitation de ne pas élaborer une nouvelle carte électorale complète, le nombre de circonscriptions dont les limites sont inchangées a ainsi été ramené à 238, sur un total de 577.

Les écarts démographiques entre les circonscriptions sont considérablement réduits : ils passent, si l’on exclut les petites collectivités d’outre-mer et les circonscriptions des Français de l’étranger, d’un rapport de 1 à 6 à un rapport de 1 à 2, 4 sur l’ensemble du territoire. Le progrès est indéniable par rapport à 1986, où les populations variaient dans un rapport de 1 à 3, 6.

Au sein d’un même département, la marge d’écarts est le plus souvent limitée entre plus et moins 15 % par rapport à la moyenne : aucune circonscription ne s’en écarte de plus de 17 %, alors que sept circonscriptions étaient dans ce cas en 1986.

La commission de contrôle et le Conseil d’État se sont prononcés en faveur d’écarts encore plus réduits, alors même que la loi d’habilitation du 13 janvier autorisait une marge allant jusqu’à 20 %.

Le Gouvernement a suivi leurs avis, en totalité ou en partie, dans vingt-trois départements. Il a estimé qu’il pouvait adopter une délimitation différente de celle que ces deux institutions ont préconisée pour vingt-trois des circonscriptions « montrées du doigt », parce que trop ou insuffisamment peuplées, soit à peine 4 % du total des circonscriptions.

Les raisons détaillées pour lesquelles le Gouvernement n’a pas suivi leur recommandation ont été publiées par le rapporteur du projet de loi de ratification devant l’Assemblée nationale et elles ont été fournies au président de votre commission des lois.

La quatrième caractéristique de l’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier est de respecter parfaitement les critères fixés par la loi d’habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, l’écart démographique maximal de 20 %, jamais atteint dans les départements, est dépassé pour trois des onze circonscriptions destinées à la représentation des Français installés à l’étranger, qui ont été délimitées après consultation des associations et des sénateurs qui les représentent et après celle du ministère des affaires étrangères : les deux circonscriptions du continent américain, parce que nous avons voulu respecter la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et la circonscription d’Asie-Océanie, à laquelle nous avions déjà donné une étendue considérable pour des raisons démographiques. En tout état de cause, ces écarts ont été autorisés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier dernier.

Les autres exigences de la délimitation, reprises en général des critères utilisés en 1986, sont également satisfaites, qu’il s’agisse de la continuité des circonscriptions, de l’unité des communes ou de celle des cantons de moins de 40 000 habitants : quarante-deux des cantons de plus de 40 000 habitants, soit moins d’un quart, ont été partagés, afin de réduire les écarts démographiques entre des circonscriptions voisines.

Ce respect des limites cantonales, que le Gouvernement s’était imposé comme contrainte, comme pour le découpage de 1986, nous a conduits logiquement à prévoir, dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux, dont vous discuterez dans quelques mois, que les futurs cantons devront être délimités à l’intérieur des nouvelles circonscriptions législatives.

En revanche, il n’a pas été possible de respecter systématiquement la carte de l’intercommunalité, ce qui n’était d’ailleurs pas prévu dans la loi d’habilitation. Les limites des établissements publics de coopération intercommunale résultent de simples arrêtés préfectoraux. Elles ont donc un caractère fluctuant…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion