En privant la population de Saint-Barthélemy de la possibilité d’élire un député, les citoyens qui la composent ont été privés du droit de faire entendre leurs préoccupations particulières à l’Assemblée nationale.
Chacun sait bien que le principe d’indivisibilité ne se vérifie qu’imparfaitement dans la pratique. Et s’il fallait en apporter une preuve, les conditions d’examen des lois organiques et ordinaires qui président au présent redécoupage nous la fournissent.
Chacun le sait, chaque député est dépositaire de la voix de la nation tout entière mais, en pratique, il est aussi, voire surtout, le porte-parole de son territoire d’élection.
Une telle situation peut s’expliquer. Il est en effet bien difficile, pour chaque député, de connaître les subtilités, l’actualité locale de l’ensemble des départements de France, qui seront bientôt au nombre de 101, des 5 collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie. Lorsqu’il s’agit plus spécifiquement de l’outre-mer, certains vont jusqu’à admettre que ces territoires présentent des particularismes qu’ils connaissent mal.
De plus, parallèlement au droit du citoyen à être entendu, c’est également la représentation nationale qui se prive du droit d’être informée de ce qui se passe dans chacun des territoires de la République.
Par ailleurs, en application de la décision du Conseil constitutionnel en date du 8 janvier 2009, le Gouvernement a considéré que la fusion en une seule circonscription des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin était un moindre mal.
Toutefois, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, leur proximité géographique ne légitime en rien cette fusion. Ces deux collectivités se distinguent par bien des aspects et une représentation commune imposera un exercice schizophrénique à leur député, qui devra souvent soutenir dans le même temps une chose et son contraire.
Pour ne citer qu’un seul exemple, Saint-Barthélemy a demandé que le processus de passage au statut de PTOM soit engagé, alors que Saint-Martin prône le maintien du statut de RUP. Je n’évoquerai pas l’amalgame constant qu’une telle situation favorisera, alors même que Saint-Barthélemy est une collectivité autonome.
Aussi, au risque de porter tort à Saint-Martin, qui devrait s’assurer du siège en raison de son poids démographique – ils sont trois fois plus nombreux que nous à être inscrits sur les listes électorales –, cette fusion, sachez-le, se justifierait tout autant avec la Guadeloupe, conformément au critère de proximité géographique, ou, pourquoi pas, avec la Lozère – puisque la République est indivisible – ou encore avec un député représentant les Français établis hors de France, puisque nous sommes établis, si j’ose dire, en plein milieu des Amériques.
D’ailleurs, il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel, s’il est saisi de cette ordonnance, valide cette circonscription commune, car sa décision semblait tendre davantage vers un maintien des deux collectivités au sein de la 4e circonscription de la Guadeloupe.
En outre, notre déception est d’autant plus grande – je me tourne vers mes collègues et amis – que la même majorité parlementaire, à laquelle j’appartiens, avait entériné en 2007 la création d’un siège, pour se dédire en 2008.
À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, et c’est pour moi l’occasion de vous le dire publiquement, je sais que vous vous êtes personnellement impliqué en faveur de la création d’une circonscription à Saint-Barthélemy. Je vous en suis particulièrement reconnaissant, en dépit d’une issue que je déplore.
Je me trouve donc face à un dilemme. Juridiquement, si je puis dire, je devrais ratifier cette ordonnance. Mais politiquement, cela m’est impossible. Je choisis donc de ne pas prendre part au vote.