Intervention de Virginie Klès

Réunion du 14 décembre 2009 à 14h30
Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés — Exception d'irrecevabilité

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Ne pouvant que constater qu’il y avait eu au moins quarante circonscriptions irrégulières aux élections précédentes, si l’on s’en tient aux critères fixés par le Conseil Constitutionnel en 1986, ce qui conduisait à en modifier au moins quatre-vingts, le gouvernement de l’époque a reculé et refermé le dossier.

Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est que contraint par le Conseil Constitutionnel, qui a, par une réserve d’interprétation sur la loi organique relative à l’outre-mer, subordonné la création de deux nouveaux sièges de députés pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy à un redécoupage général, que vous vous êtes décidé.

Mais je ne vous suivrai pas dans vos arguments « rétroviseurs » : regardons devant nous et avançons !

Le redécoupage étant nécessaire et acté, encore fallait-il mettre en place la méthode et les conditions de l’opération. Dans les pays dits « démocratiques », il est acquis que la nécessaire neutralité de l’opération interdit qu’elle soit le fait du Gouvernement, ni même du Parlement où la majorité décide. Dans certains pays, des commissions sont spécialement dédiées à cette opération, et il est de tradition – une tradition qui semble ne vous soucier que très modérément, cette fois ! – que leur rapport soit voté sans modification par le Parlement.

Traditionnellement encore, en matière de démocratie et de pouvoirs publics, nous aimons pourtant nous comparer à d’autres. Les modèles de nos voisins sont souvent avancés lorsqu’ils servent vos objectifs. Pourquoi cacher cette fois que cette comparaison conduit à la conclusion suivante : quel que soit le moyen retenu, les dispositions législatives adoptées au Portugal, en Italie, au Royaume-Uni, au Canada ou en Allemagne afin que la répartition géographique des sièges corresponde à celle de la population sont plus contraignantes qu’en France et les révisions plus fréquentes ?

Mais les apparences sont sauves ! Nous avons notre commission de l’article 25 de la Constitution, dites-vous. Ses avis ont-ils été suivis ? C’est une autre histoire …

Revenons à la commission et à sa composition, garante de son indépendance et de son impartialité comme de la pertinence de ses propositions.

Le Comité Balladur a pratiquement repris à l’identique la proposition n° 64 de la Commission de réforme du mode de scrutin de 1993, présidée par le doyen Vedel, qui est devenue l’article 25 de notre Constitution. Cet article dispose : « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ».

Cependant, une question importante reste en suspens : cette commission est-elle réellement indépendante, comme le prévoit l’article 25, ou n’est-ce qu’une illusion, un mot pour faire joli ?

La composition même de cette commission est critiquable dans sa structure au regard du principe d’impartialité. En effet, trois de ses six membres – presque la majorité – sont nommés par des autorités issues de la même formation politique. En outre, elle ne répond ni au souhait légitime d’y voir figurer une effective représentation des principaux partis politiques ni à la promesse du Gouvernement d’y faire siéger, outre des spécialistes du droit électoral, des démographes, des géographes ou des statisticiens, ce qui tend à renforcer la suspicion sur son caractère partisan.

Son indépendance est donc proclamée, mais elle est loin d’être effective. Elle aurait pourtant pu l’être si le souci de l’intérêt général poussait de temps en temps le Gouvernement à se contraindre à appliquer ce que la loi suggère, et que vous interprétez bien librement.

De plus, lorsque l’on sait que cette commission n’a procédé à aucune audition ni à aucune comparaison des différents projets, qu’elle n’a travaillé qu’en étroite collaboration avec le conseiller du Premier ministre, qu’elle est installée au ministère de l’intérieur, en relation unique avec le Gouvernement, on peut douter du réel souci d’indépendance dans son fonctionnement.

Les avis portaient sur la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions. On ne s’étonnera donc pas que la commission ait accepté la méthode dite des « tranches », ou méthode d’Adams, utilisée lors des précédents redécoupages.

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